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BULLETIN

G 0 AI M l S S 1 0 N S ROYALES

D^ART ET D'ARCHÉOLOGIE.

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BULLETIN

COMMISSIONS ROYALES

D'ART ET D^ARCHÉOLOGIE.

SEIZIÈME ANINÉE.

BRUXELLES,

C. MUQUAKDT, ÉDITEUR, RUE DE LA RÉGENCE, 45, Môme iiuiisûn à Gand et à Leipzig.

1877

THt GEHY CEMltR UBRARY

COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS.

nÉSUMK DES PROGÈS-VERBAUX

oial,

SÉANCES (tps 0, 12, 1"), 20, 20 et 27 janvier; des 3, 10, 1G, 17, 22, 2i et 20 février 1877.

PEINTURE ET SCULPTURE.

La Commission a approuvé :

1" Le dessin des modifications à apporler à l'encadrement 'r;'bi.nn

' ' (lo, \ an l)y( k,

(lu tableau de Van Dyck, appartenant à l'église de Saven- ^ '^■'^'^"'""'" them (Brabant) ;

2" La proposition d'exécuter en pierre bleue les statues ""K^i rrovm qui doivent orner la façade de l'Hùlel provincial, à Liège. Les bas-reliefs et les blasons seront sculptés dans les pierres blanches déjà placées ;

o' Le plan dressé par M. rarcbitecle Naert pour le ..M'^»""''^"'

1 ' ' VVit'ilz.a Oman

piédestal du monument à ériger à Dinant à la mémoire de Wicrlz, sous réserve de supprimer certains détails sculptés, ainsi (luo le grillage, et de diminuer antani que possible l'échelle de toute l'ornementation.

Des délégués ont examiné récemment, dans l'éïlise de Momiment

<J '-II. (lariiiiT,

Notre-Dame du Snblon, à Bruxelles, le monument funéraire ^ i^"""'"'^- de FInminiiis Gnrnier. don! la restauration est complètetnenl

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terminée. Ils ont constaté que ce travail a été exécuté avec

soin el conscience, et la Commission a émis l'avis que les

subsides afférents à celte entreprise peuvent être liquidés.

Hospices civils de Dcs délégués ont examiné, le 13 février, à la demande

Vilvordi». Pierres

i.im.iiaires. (je l'Administration coui inu iKilc dc Yllvordc, les pierres tnaïu- laires qui ornaient la chapelle des hospices civils, chapelle actuellement en voie de restauration. Ces pierres ne sont pas susceptibles d'être conservées. Deux seulement ont pu pré- senter quelque intérêt artistique; on y trouvait gravées en creux et d'un bon style les images en pied de deux des bienlaitrices de l'établissement. Mais les inscriptions seules subsistent elles images sont plus qu'à moitié effacées; dans celle occurrence, il ne reste à l'Administration des hospices civils de Vilvorde que la ressource de prendre des copies des inscriptions qui intéressent l'histoire de rétablissement, et il semble qu'elle peut disposer des pierres pour l'aména- gement intérieur de l'édifice. Egii>e.ie Conformément aux instructions de M. le Ministre de

Saint-Jaiqiics,

à «riiges. Monu-i'iiilérieiiP (|es délégués ont inspecté, le 4 janvier, à Bruges,

ment de Gros. ^ l ' j ' o '

la chapelle el le monument de Ferry de Gros, restaurés par les soins de M. Dobbelaere. Il résulte de leur rapport que celte restauration ne laisse rien à désirer el pourra désor- mais èlre citée parmi les spécimens les plus réussis de ce genre de travaux. L'aulel qui supporte le bas-relief en faïence peinte de Lucca délia Robbia a reçu un revéj,ement en faïence bien approprié et en même temps bien subor- donné à sa destiii.ilioii pi'incipale. La grille en bois de la chapelle, la voùle el le pavenieiil en carreaux décorés des armes de FeiTv sont d'un goût excellent. Les verrières de la chapelle, (pii, bien (jue n'êliinl |»as peintes, empruntent un

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aspecl coloré et pilloresque à la seule différence des deux verres employés et au dessin des plombs, constituent une combinaison d'autant plus ingénieuse (pi'elles laissent entrer dans la cbapelle tout le jour possible, tout en ajoutant aux richesses de la décoration. Enfin le tombeau lui-même, ar- chitecture et sculpture, est traité avec un soin et un iioùl parfaits, en ce sens que la polychromie laisse bien dominer les masses architecturales et n'altère en rien le modelé de la statuaire, grâce à la discrétion qui a présidé à l'exécution de ce travail si délicat el si difficile. La Commission a donc émis un avis favorable quant à la liquidation des subsides afférents à cet ouvrage d'art, le premier de cette complica- tion qu'on ait exécuté dans notre jiays et qui fait d'autant plus d'honneur à son auteur.

CONSTRUCTIONS CIVILES.

Ont été approuvés :

1" Les plans de maisons ouvrières et bourgeoises à con- m struire à Anvers; architecte, M. Durlet; ■> x'^yèrl'.

2" Les plans relatifs à la reconstruction partielle de l'hô- "«ritai 'I'aio^i. pital d'Alost, sous réserve de donner plus de largeur aux escaliers et de simplifier l'ornementation du mur dans lequel est percée la porte principale; architecte, M. Nève;

Le projet dressé par M l'architecte Carpentier pour nosni.o

de Maldeglipm.

la construction d'un hospice à Maldeghem (Flandre Orien- tale);

Les plans, modifiés à la demande de la Commission, iiù,.it;,i

il'Kugliii'ii.

de l'hôpital à ériger à Engbien (Ilainaiil); arcliitecle, M. De Lulle;

laisons ouvrières.

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Hospice de Polies. 50 Lp projet cl'approprialion de l'Iiospice de Polies (même

province); archileclc, M. Dcicroix. l'orie romane Le Coiiseil d'admiiiislralioii des liospices civils de

i riiùpilal

«icLouvain. j^ouvaiii 3 soumis un nouveau projet de restauration de la j)0i"le romane qui existe à la chapelle de l'Iiôpilal.

Ce projet comjirend l'introdurlion d'éléments décoratifs qui ne peuvent être admis.

Dès le début de l'instruction de celte affaire, la Commis- sion a déclaré qu'on ne devait exécuter à cet intéressant monument que le moins de travaux possible, qu'on devait le conserver dans son état primitif el surtout qu'on ne pou- vait lien y innovei', ni rien y modifier. C'est encore son avis, el elle ne peut assez insislei- pour qu'on renonce à toute combinaison qui tendrait à altérer dans ses moindres détails ce spécimen de noire vieille architeclure romane el à lui enlever son cachet d'ancienneté- On ne peut approuver conséquemment le dernier projet soumis, qui prévoil un tympan trilobé, un linteau orné, des renouvellements inutiles el une porle garnie de ferrures.

Les seuls travaux à effectuer cl qu'il convient de ne pas ajourner consisteraient : dans l'établissement au-dessus (lu jjorche d'une toiture destinée à le garantir des eaux pluviales; 2"dans la construction, aux deux côtés de la porte, de solides contre-forts, poar empêcher la chule du mur qui surplombe de 26 centimètres. L'arcade resterait d'ailleurs murée, comme elle l'est aujourd'hui, el l'on se bornerait à ouvi'ii- dans le niihÏMi de ce mui" la petite porte nécessaire au service de la clinpclle, porte rejelée aciuellemeiit sur le côté.

(}n,';n! .'i ce qui rr£!ai(|e la vieille ronslfuclinn romane, elle

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serait consolidée sans qu'on y introiluisil une seule pierre nouvelle; les lacunes et les interstices des pierres seraient purement et simplement comblés au ciment, et ce travail même de réparation au ciment ne doit être conlié qu'à un spécialiste agréé par le Collège.

Lorsqu'on mettra la main à l'œuvre, des délégués se ren- dront sur place, afin de donner les instructions nécessaires pour assurer la bonne exécution des travaux.

ÉDIFICES RELIGIEUX.

PRESBYTÈRES.

Des avis favorables ont été donnés sur l(>s travaux de Approprioiimi

lie divers

réparation et d'appropriation à exécuter aux presbytères f'"''''>"'"'*- d'Esschenbcek, sous Hal (BrabanI); Ere, Fleurus (Hainaut); Paliseul (Luxembourg) et Waret-la-Cbaussée (Namur), ainsi que sur les plans du presbytère à construire à Sorée (Namur).

ÉGLISES. CONSTRUCTIONS NOUVELLES.

La Commission a émis des avis favorables sur les plans concernant :

1" La construction d'églises :

A Bell, sous Gbeel (Anvers), la tour ancienne sera cou- consimciion servée; arcbilecte, M. Taeymans; KecLVHoifbôi.

» -n 1 T-i I I r\ 1 \ I ' ' 1/' ' I sons Jmiicl,

A Eecloo (Flandre Orientale), le proiet a cte modilie a la Fomére. smis demande du Collège. L'arcbitecte M. De Noyetle s'est ^■':;";;.)|;^If' (mgagè à soumettre un nouveau plan pour la tour, dont il sinqilifiera la décoration tout en lui donnant plus de masse. Il est convenu aussi que l'ornementation des pignons du transept et de l'iiilérieur <lu ebœur sera simplifiée.

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Au hameau de Houbois, commune de Jumet (Hainaut). On n'exéculera actuellement que le chœur et une partie des nefs. La construction de deux travées, de la tour et de la façade principale est ajournée. L'auteur, M. Cador, devra faire une nouvelle étude de cette partie do son plan, dans le but de donner plus d'importance à la tour.

Au hameau de la Forrière, sous Courcelles (même pro- vince), sous réserve que l'architecte, iM. Simon, donnera à la partie supérieure de la tour la forme d'un octogone irrégulier,

A Yieux-Waleffe (Liège); architecte, M. Blandot. Ces plans sont la copie de ceux déjà approuvés pour une autre localité. L'attention de l'Administration supérieure a été appelée sur les inconvénients sérieux qui résulteraient de la reproduction indéfinie d'un môme type d'édifice. Mais comme il y a ici une grave question d'urgence, l'église actuelle de Vieux- Waleffe étant complètement en ruines, la Commis- sion n'a pas insisté sur cette objection de principe, à laquelle M. le Ministre de l'intérieur s'est rallié, (v. p. 11.)

Au hameau de Laloux, commune de Montgauthier (Luxembourg); architecte, M. Michaux. Eglise L'agrandissement de l'église de Boignée (Hainaut).

de Boignee. . -in

. Ces plans sont traites avec talent. L attention de 1 auteur,

M. Tirou, a été appelée seulement sur l'observation ci-après : au lieu de mettre une fausse porte en menuiserie à la face j)rincipale de la tour, il serait préférable de convertir celle baie simulée en une sorte de chapelle servant d'abri, suivant une li;i(lilinii IV(''qii('iiiiii('nl suivie, ;i un calvaire sculpté. On compléterait celle combinaison en plaçant au pied du (•;ilv;iiiv el ;i la base de l'édifice un pri(^-Dieu en pierre.

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3" La reconstruction des tours des é2:lises de Waerdamme , J^f^^'T

o de "aernaiiiiiif

(Flandre occidentale); architecte, M. Buyck, et de Vecmont ''"''" ^'"'"""" (Luxembourg); architecte M. Monrique.

Les travaux d'achèvement de l'éiïlise de la Résurrec-'îgi'^«a»fïiieane

(l'Ixellos.

lion, à Lxelles (Brabant); architecte, M. Coenraets. 5" Les objets d'ameublement destinés aux églises de : Ameublement de

rrU- 1 'A \ U > ' l diverses églises.

ihielen (Anvers) : chaire a prêcher;

L'Écluse (^Brabant) : autel ;

Lovenjoul (môme province) : boiseries du chœur;

Saintes (même province) .• deux confessionnaux ;

Blanmont (même province) : jubé;

Orchimont (Namur) : mobilier complet.

M. le Ministre de l'intérieur a adressé à M. le Ministre de la justice la dépèche suivanle, qui tranche une question de principe importante :

« Monsieur le Ministre,

» J'ai pris connaissance du rapport de la Commission royale des monuments, que vous m'avez communiqué en copie par votre lettre du 19 janvier dernier.

» Dans ce rapport, la Commission émet, à propos des plans adoptés pour l'église de Vieux-Waleffe, lesquels ne sont que la copie de plans d'une église déjà exécutés dans une autre locahté, l'avis que « des inconvénients sérieux résulteraient » pour le progrès de l'art, comme pour l'originalité des con- » structions, de la reproduction indéfinie d'un même type » d'édifice. »

» Vous me demandez. Monsieur le Ministre, quelle serait ma manière de voir si j'étais n[)pelé ;i me i^rononcer sur

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celte question tic principo pour ro qui concerne les conslriic- lions civiles.

» Je n'iiésilc p;is ;i déclai-ei' que je me rallierais complèle- menl à ropiiiiou de la Commission royale des monuments.

» il importe (pie les monuments se distinguent jiar In varit'té de leur type, alin d'éviter la monotonie; chaque monument d'ailleurs doit avoir un cachet particulier en rapport avec la localité et sa situation.

« En dehors de ces conditions, l'art se perdrait avec l'originalité des talents.

» Le Minisire de l'intérieur, » Delcotir. >'

TRAVAUX DE RESTAURATION.

La Commission a ajjprouvé : f-cii^c Le plan dressé par M. l'architecle De la Censcrie pour

,tc Nolr.'-I)3Uio, ' ' '

u «rngpv Ijj restauration des arcalures du ]»ourlour duclueur de l'église de Notre-Dame, à Bruges ; Egii.o.ieDiinni. 2" Lc dcvls appro.ximatif dressé par M. Van Assche des travaux de reslauralion à elTectuer en 1S77 à r('glise ])ri- maire de DinanI ; Rpsiauraiioi. ,1.^ ")" Lcs plaus ct (Icvis cstimalirs des travaux de restaura- lion à exécuter aux églises de Villers-Perwin, Steenkerque, Silly. FIcurus et Ei'e (llainaut).

/.(' Secrétaire (Icucrnl, . J. RorSSF.AU.

\'n (Il (•(iiifdrinili'' di' l'arliclc 2.'i du réglcmciil.

I.c l'ri'sidcnt,

Wef,li:ns.

LE BAPiON F. DE HOISIN.

La Comniissioii royali! des moniiiiieiils a perdu rcceui- nicnl l'un de ses membres, M. le baron Ferdinand de Roi- sin, décédé en décembre dernier au château de Morbec([ue (France). Nous pensons qu'il ne sera i)as sans intérél de consigner au Bulletin un résumé succinct des travaux de ce savant archéologue.

Le baron Ferdinand lit ses premières éludes au collège de Sainl-Acheul (Picardie). Son père, qui était général de gendarmerie sous le gouvei-nemenl hollandais, refusa de reconnaître le nouveau régime issu de la révolution de 1H50 et alla se fixer à Bonn ; c'est à la célèbre Université de cette ville que le baron Ferdinand continua ses études.

On raconte au sujet du général de Roisin le fait suivant, qui se rattache à l'histoire de l'un de nos illustres artistes contemporains. En tournée d'inspection dans une localité de la province de Namur en 1818, le général remarque chez un brigadier de gendarmerie divers dessins et sculptures qui, tout en étant exécutés d'une façon naïve, révélaient cependant d'heureuses dispositions artistiques. Il ai)prend que ces objets sont l'œuvre du fils du brigadier, écolier âgé de 15 ans. Le général de Roisin promet de s'occuper du jeune homme; il n'épargne ni peines ni démarches et réussit enfin à obtenir du Gouvernement, en laveur de l'écolici', un subside (|ui lui j^ermet de suivre les cours de

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racadémie d'Anvers. Le jeune protégé du général, qui recul les leçons d'ilerreyns et de Van Brée, se nommait Antoine Wiertz.

Le baron Ferdinand de Roisin fut l'un des premiers colla- borateurs de Didron aux Annales archéologiques. Dès le début de celte intéressante publication, il y fit paraître un compte rendu analytique très-détaillé de l'ouvrage de Garl Heidel- lioff : L'ornementation du moyen âge en Allemagne (i).

Secrétaire général du Congrès historique et archéologique tenu à Lille en juin 1845, il donna lecture, à la première séance, d'un remarquable travail sur l'architecture germano- romane et de transition au moyen-Rhin. Le compte rendu de ce Congrès comprend la relation d'une excursion à Tour- nai, où le Congrès a visité les principaux éditices religieux, Notre-Dame, Saint-Quentin, Saint-Nicolas et Saint- Jacques (2).

Nous trouvons dans le même volume un résumé des dé- bals du Congrès scientifique tenu à Reims en septembre 1845 {ô), et l'année suivante les Annales publient le compte rendu du Congrès archéologique tenu à Metz, avec récit d'une excursion à Trêves (4).

Le tome XI Qi) contient un article de notre auteur inti- tulé : Un mystère de la passion représenté au xix" siècle ; c'est une étude remarquable sur l'origine et l'histoire des mys- tères et moralités si fort en honneur au moven àae. Nous v

(0 Ann. archéol.,\. I, 1844, p. 167.

(i) Ann. archéoL, t. 111, p. -iO.

(s) T. III, p. 337.

(i) T. V, p. 38.

(s) 18ol, p. 80.

KJ

trouvons i-olalivemciil à une rcprésenUdiuii du iiiyslèi'o des Vierges folks l'anecdole ci -après :

« Ce mystère lut représenté en 15!2:2 dans la parc d'Eise- uach, devant Frédéric, margral" de Meissen et landgraf de Thuringe, par les mendjres du clergé et leurs élèves. Bannies de la présence du fiancé, ayant vainen^ent sollicité les vierges sages de leur octroyer un peu d'huile, les vierges folles, avisant leurs lampes vides, se prennent à pleurer amèrement, à invoquer tous les saints du Paradis. Mais ni les prières des bienheureux, ni même l'intercession de la mère de miséricorde, ne peuvent faire révoquer l'arrêt porté contre les imprudentes. Alors le landgraf courroucé inter- rompit le « jeu » et s'écria, en bondissant de son siège : « Quel est donc ce christianisme, dont le Dieu, sans pitié » pour nous, n'écoute ni les prières des saints ni celles de sa » mère, » Le prince s'en émut cinq jours durant, dit la chro- nique, et à grande peine les docteurs parvinrent à lui faire saisir le vrai sens de la parabole. «

L'auteur décrit ensuite avec la plus grande précision les diverses scènes du mystère de la passion représenté en I80O à Oberammergau, village de la Haute-Bavière, la tradition s'est perpétuée à travers les siècles; ces spectacles y sont donnés, en effet, tous les dix ans, et attirent dans la localité une aftluence énorme de curieux.

En 1852, M. le baron de Roisin a commencé la publica- tion de son grand travail sur la cathédrale de Trêves. C'est la monographie détaillée de cet édifice intéressant dont les origines remontent à l'introduction du christianisme dans la Gaule. L'église de Saint-Pierre, en effet, a été fondée par sainte Hélène à l'intérieur même de son palais et consacrée

IG

cil 3:28 par révr(|U(i saiiil Auri(ius. L'aiilcur nous (Iuiiiil' un liisloi'iqiic cumplcl du liroupe luoiiumoiilul foi'iin'' par la calliùdrale l'uniaiic avec ses deux chœurs o|)pusés cl ([ui renferine encore l'ancien oratoire de sainle Hélène l'égiisc liothique de Notre-Dame, édilice circulaire entouré de chapelles rayonnantes, le cioili-c, les hàtinicnls capiln- Iairos,etc., ensemble imposant auquel chaque siècle, depuis le IV* jusqu'au xi\% a apporté sa pierre. Il explique et com- mente savamment les transformations subies par la cha- pelle primitive, les travaux successivement exécutés pendant les VI', XI", xii", xiii", XV' et xvi' siècles, les actes de vanda- lisme commis au xviii* siècle et enfin les travaux de restau- ration entamés en 184G sous la direction de .M. le chanoine de Wilmowski.

Ce travail de haute érudition a été [jublic séj)arément en 1861, en un volume in-4" avec trois planches. L'auteur a complété ses articles publiés aux Annales arcliéolognjues par la description d'un bas-relief très-curieux découvert ])endaiil la restauration de la cathédrale en l8ol et qui provient du tombeau détruit en 179o de l'électeur Heinrich von Fis- tingen, mort en li^SO. Cette sculpture du plus haut intérêt au point de vue symbolique représente l'arbre de la vie et de la mort. L"n dessin de cette pierre a été |)ul)lié aux Annales (i) et elle est décrite en ces termes par M. de Wilmowski : « C'est un sujet caracléristi(pie, rarement traité peut-être, (pie celui des deux arbres du i)aradis, l'arbre de vie et celui de la science du bien et du mal, issus d'une même racine, Cillés sur un iiicine Ironc. Ce Iroiic a |)i'ojcté deux branches.

(i) T. XII, p. 1()K.

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L'une étend ses nimeaux dans ht direction de !a cathédrale même, vers l'abside, vers l'horizon le soleil se lève; l'autre vers le couchant, vers le portail occidental. L'une porte les fruits de la vie éternelle et bienheureuse, l'autre incline les fi-uits de la mort. Les gaines de la première s'en- tr'ouvrent et laissent apercevoir de gracieuses tètes d'anges ornées de deux petites ailes; les gaines de la seconde mettent à nu des tètes de mort, et le feuillage crispé de cette gaine occidentale offre l'image de la souffrance et de la malédic- tion qui pèse sur le péché. Le serpent s'est enroulé autour de l'arbre. Il se détourne des branches qui portent la vie, tandis que sa tète s'allonge vers les fruits qui portent la mort. Le spectateur arrête de préférence son regard vers le côté opposé, qui lui offre l'emblème de la vie éternelle. »

Lors de l'institution des comités provinciaux des membres correspondants de la Commission royale des monuments, en 1861, iM. le baron de Roisin, qui résidait à cette époque à Bruxelles, fut appelé à faire partie du comité du Brabant. L'année suivante, par arrêté royal du 51 janvier 18Gi2, il fut nommé membre effectif, et ses collègues lui décernèrent (juelques mois après le titre de vice-président, en remplace- ment de M. Navez, démissionnaire.

Il présida en cette qualité les assemblées générales du 50 septembre 1862 et du lo janvier 1804.

Le HuUelin des Commissions royales (tari et d'archéologie (i) a publié le commencement d'une étude intitulée : L'art mo- numental belge apprécié par la critique archéologique d'Oulre- Rhin. Cette publication est restée inachevée.

(i) 18GM863.

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Di'|)iiis plusieurs iiiiiiécs déjà, M. If bai'oii de K(ji>iii ;iv;iil (juillé Bi'iixellcs pour se lixer à ïoiiniai; il n'assislail plus, dès lors, ([ue l'areineiil aux séances de la CoHHiiissioii royale des iiionumeiils, mais il n'en conliiuia pas moins à s'occuper de ses éludes favoriles, en domianl un cours d'archéologie au séminaire épiscopal de Tournai.

Janviei' 1877

J. liLITIE.XS.

LA

SCULPTURE FLAMANDE & WALLOiNNE

DU XI'' AU MX" SIÈCLL. (Suile.J

CHAPITRE IV.

xive iièrlc. Écoles distiiicies. Rctahle p)'imiif de Sa'uile- Di/iiipk)ie, à G/'ecl. Teïes-cori&oki de la iaï/c échevimdc d'Ypre's, ba>>-rdlef de ïliowplce de Belle. Statue de Sabile-Catherine, à Coartrai. Andué Eiaunepveu, de Valencieunes. Pierre tombale d'Adam Gherys, à Vilcorde. Sculptures de Véglise de Notre-Dame du Lac, à Tirlerdont. Retable d' Hackendover . Collard Gauxet. GuiLLALMii DuGARDiN, Mouiimeut Colticell , à Tournai. 'labeniacle de Rai. Grand portail de la cathédrale de Tournai. CouroHntuient de la Vier(je, à IFalcourt. Reliquaire de SaiiU-Éloi, à Mons. Jean de Josès, sculpteur dinantais. Collard Jacoius , statuaire namurois. Pierre Imniduire de Gavtier d'Oxem, à Clairières. Vierge pohjclir ornée de Marche-les-Dames . Portail de r église priinaire de Huy. Vierge de l' église Sïmi-J ea)t, à L'égc. Couronnement de la Vierge, à Saint-Jacques, à Liège. Hexnequin de la Choix; tombeaux de Charles V el de ses deux fous. Claes Sluter. Tombeau de Philippe le Hardi. Puits de Moïse. Portail de C église des Chartreux, à Dijon. Nicolas Van de AVerve, Jacques de la Baerzf. , de Termonde. Retables des ducs de Bourgogne, au Mutée de Dijon.

A parlif du xiv" siècle, les spécimens de noire slaluairc

natior.ale se nniiliplienl, el les (races mêmes d'un certain

. nombre d'écoles dislinctes apparaissenl. Ce n'est pas à dire

louletbis qu'on puisse dès aujourd'hui, et dans l'état actuel

des recherches archéologiques, élablir avec certitude une

î>0

cl;issilit';ili()ii dv> (lmivivs. Aussi, (oui en ossayanl des u,toii-- peincnls d'après les |)roven;uiL'e.s, ne voulons-nous qu'ébau- clier lanl bien que mal un travail évidemment indispensable, mais que le (cmps aura à rectifier sur plus d'un point.

Il est assez rcmanjuablc qu'il ne reste dans le pays tla- mand qu'une quanlilé relativement médiocre de sculptures du (pialoi'ziènK^ siècliv On com|)rend cependant que l'école (|ui avait produit radmiral)le composition du portail de l'hôpi- tal Saint-Jean, à Bruges, n'avait pu s'immobiliser brusque- ment. Le témoignage de l'histoire d'ailleurs est là. Elle nous apprend que, dès l'époque de Louis de Maele, les artistes flamands commencent à former des ghildes. Les archives de la cori^oralion gantoise remontent jusqu'en 1558, et de cette année à l'année 1410 elles renferment les noms de :25l peintres et de 20 sculpteurs devenus francs-mailres. Selon Grammaye, Anvers possédait en I59G cinq ateliers de peintres et de sculpteurs, lorsque la ville possédait seulement la boulangeries. Vers la même é|)oque, les orfèvres de Bruges étaient si nombreux qu'ils pouvaient marcher en bataillon sous leurs j)ropres drapeaux, et la ville brillait d'une telle s|)lendeur que, pendant le xv" siècle, .Encas Sylviusia comptait parmi les trois plus belles du monde.

Je ne vois à citer encore-aucun éclianlillon de sculpture anversoise, à moins ipi'on ne considère comme tel le retable en pierre (jui décorait jadis, à Gheel, l'autel primitif de Sainle-Dympbne et qui est aujourd'bui encastré dans le mur en face de l'autel de Saint-Mailin. En L'ilo, on érigea un nouvel autel à Sainle-Dymplme et l'on maçonna l'ancien dans l(,' nmr; c'est ce (pii l'a |)i"éservé de la destruction. Il représent(i dans son coiupartimiMit c(Miti'al le Christ entre la

^—

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Vierge et Saint-Jean, el, des doux cùtrs do co groupe, les douze apùlres, logés deux à deux sous des arcades ogivales. Rien à dire de la seulplure elle-même, qui n'a d'inléressniil que son antiquilé.

Mais il ne resterait d'autres spécimens de noire statuaire du xiv" siècle que les UHes-consoles de la salle érhevinala d'Ypres, qu'on pourrait encore entrevoir clairement le haut degré de perfection qu'elle avait, atteint dès celle époque. Elles ont élé un moment menacées de disparaître et c'eût été un irréparable dommage. L'artiste chargé de la restauration des boiseries de celte salle avait cru |)0uvuir sidjslituer des mascarons de sa façon à ces tètes anciennes, un |)eu plus grandes que nature, qui supportaient, en manière de culots, les solives moulurées du plafond. L'intervention de la Commission des monuments a pu faire heureusement restituera la ville ces restes vénérables, qui figurent aujour- d'hui au musée d'Ypres. L'Etat, de son côté, en a fait fjtire des moulagos pour l'enseignement, et certes on ne |)()urrait répandre de meilleurs modèles.

Les tètes dont il s'agit sont au nombre de trois. Elles repré- sentent, l'une, une reine aux lèvres minces, aux yeux obliques, l'autre, une jeune fille ou un adolescent, le front couronné de boucles courtes et riant franchement, la bouche ouverte; la troisième est le type parfait du pauvre serf griFiiaçant sous le fardeau de ses misères, avec une énorme bouche lippue et un nez fortement épaté, sur lesquels .s'est e.xercé la verve caricaturale du statuaire. Ces types sont encore vivnnls. Ils appartiennent bien au pays, et il est visible que l'artiste n'a pas cherché ses modèles ailleurs qu'autour de lui. éclate nettement la tendance réaliste qui distingue tout l(> xiv'' siècle

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Pt qui rostora dorénnviiiit la marque caract(''risli{|uo de l'art flamand. Ce rualismo est d aulant plus beau dans les têtes d'Ypres qu'il s'allie à la largeur et à la simplicité d'exécution qui faisaienl la supériorilé de l'art du xiii'' siècle. On peut encore citer les léles il'Ypres pour un aulre mérite : ce sont {]('> modèles admirablement compris de travail sur bois.

.M. Alfred Micliiels rapporte encore au xiv' siècle, au moins comme style, car l'œuvre porte la date de iiâO, une autre sculpture qui se voil aussi à Ypres, à l'hôpital Saint-Nicolas, ordinairement nommé hospice de Belle. Un bas-relief commémoralif y représente un des membres de la famille de Belle, Jacques Belle et dame Marielte, sa femme, agenouillés devant la Vierge. Celle-ci csl debout sur une espèce de socle, tenant le Chris! sur son bras droit et une grosse pomme dans sa main gauche. « Les personnages son! peints et le fond esl doré. Les visages dn mari et de la femme ont un caractère si individuel, si spécial, qu'on n'hésite point à y reconnaiire des portraits. La Vierge élale une grosse ligure flamande et le Christ est d'une laideur extrême : cette laideur toute particulière donne aussi lieu d<> l)enser qu'il a été fait d'après un modèle vivant. Une expres- sion do hordiomic et de ))iélé fort remarquable anime lis traits du chevalier. Ce qui esl plus remarquable encore, c'est le goût des draperies (\). »

Une aulre ville flamande, Courtrai, possède une oeuvre plus iiii|)(>i'lanle : c'est l'admirable statue de .saù)<f Calherine (pii décore l'église de Xolre-Dame. Elle offre tuul d'abord Cet intérêt (jn'eile est une d(S l'ares statues en marbre de

ce Histoire (II' la peitiliir,' PnmnniJc f. II. p. <5,

C ' c 1 1 Uc) l u cc ci' la ma iide

XIV^ SIECLE.

.Heiiotypie, rue Keyenveid 75, Ixelies.

grande dimension que celle époiinn nous ;iil léguées. Main- tenant est-ce vi-aiinenl une (euvre llamande? A-t-elle .ét(' faite à Gourtrai? Ou bien a-t-elle été transportée dans cette ville comme bien d'autres objets d'art qu'on y trouve et qui proviennent de Lille, de Tournai el de Valenciennes? Les archives conslateni que Louis de Maele construisit la chapelle de Sainle-Galherine avec l'argent dos Tournaisiens. Et quant à la statue, les doutes sont d'autant plus permis qu'elle n'a rien de ce caractère réaliste, qui frappe les yeux dans les tètes d'Ypres; c'est plutôt celle préoccupation du style, cette tendance à l'idéalisation , qui caractérise l'art wallon de toutes les époques. Les proportions sont élégantes, l^a tète est petite, ronde et d'un galbe régulier. La main qui tient la roue est potelée comme une main du xvi" siècle et contraste avec la raideur el la maigreur habituelles des mains gothiques. Les draperies surtout sont du plus beau style, d'une largeur, d'une souplesse, d'une simplicité exemplaires. Il parait que le glaive dont celte belle statue est armée a toujours été en cuivre; pro mundo fjladio, disent les comptes. Sainte Catherine foule aux pieds une sorte de docteur, per- sonnification ordinaire de l'hérésie; une façon de nous avertir que celle ci, pour tromper la faible humanité, prend volon- tiers des dehors scientifiques.

Nous avons dit nos doutes quant à l'origine flamande de la statue : ajoutons qu'un des membres les plus érudils du clergé flamand, M. le chanoine Van de [*u(le (i), de Gourtrai, n'hésite pas ;i attribuer la statue de sainte Gatherine à un

(i) fjfi cliapelh' r/('.< coiiileK di' Flainirr, h Coiirlriti, |i;ii- li' citiiiioint' Van ni: PrTTF,. f'.oiiitrni. V.wj.. Ficviirrl. IST.i.

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SLMiIptour\vnIlon,niiu Ire André BiAUNEPVEU,deValenciennes. Sa raison, qui est des plus plausibles, esl que André Biaunepveu a c(é le principal statuaire employé à la décora- tion de la chapelle des comtes de Flandre, cliapelle placée sous l'invocation de sainte Catherine, et il est naturel qu'on lui ait commandé la statue de la sainte elle-même. C'est Biaunepveu, preuve suffisante de la célébrité et du talent du statuaire, qui avait été chars^é d'exécuter la tombe de Louis de Maele. Le travail ne fut pas achevé, bien que l'artiste eût reçu, à diverses reprises, des à-compte. La commande faite, on lui donna 560 livres parisis. Il reçut la même année (1374), en deux paiements, une somme égale. Dans le même compte, on mentionne une avance de 72 livres parisis par « Henri la Cambrelene (le Chambellan) sur louvrage de VI ymagenes qu'il fait faire de métal du command, monsei- gneur. » D'après ces quelques notes, observe M. Pinchart, on peut conjecturer que le tombeau de Louis de Maele devait se composer d'un sarcophage orné de statuettes de cuivre et être surmonté de la statue du comte. Nulle part il n'est question que ce monument ait jamais été terminé et placé. S'il l'eût été, comment expliquerait-on l'érection du magnifique mausolée que Philippe le Bon consacra à la mé- moire du dernier comte de Flandre dans l'église collégiale de Saint-Pierre, à Lille?

D'après Schayes, la tombe de Louis de Maele n'a pas été achevée à cause du décès de maitre André Biaunepveu. Il constate qu'en 1588 des fragments, consistant en ma- quelies et en morceaux exécutés, existaient encore dans une des salles du château de Lille. Ces indications ligiirent dans l'invenlaire (]c<, « aarnisons fmndjlcs) estant au cliaslel (le

Lille, elc. Fait xx' d'oclobro l'an mil ccc iiuxx et viu. » Les délails suivants, tirés de cet inventaire, font voir ce que Bieaunepveu avait exécuté de la tombe qui lui avait été com- mandée en 147-1.

» Inventaire Je l'albaslre trouvé au chestel de Ijlla et aullres ymages de pierre et de bois.

» Premiers, u ymages dalbastre grans figure à guize de comte de Flandres.

» Item, ij ymages, lune de bois et l'autre de pierre, de la manière et figure dessus dicte.

» Item, VI yniages à manière de parfetes (sic) dont les iiij sont dalbastres et les ij de piere, » etc.

M. Van de Putle attribue aussi à M' Bieaunepveu l'exécu- tion des écoinçons des arcatures ogivales s'encadrent la série des portraits des comtes de Flandres qui font à la clia- pelle de Sainte-Gatberine une décoration si originale. Ces écoinçons renferment une série de bas-reliefs d'une exécu- tion très-décorative, c'est-à-dire très-sommaire; mais la lar- geur du faire, le pittoresque et la fertilité de l'invention, permettent de les attribuer à un maître, et sous ce rapport la supposition de M. Van de Fuite n'a rien que de très-admis- sible. Rien déplus varié que les thèmes traités par l'artiste. « Dans le pourtour du rond-point, derrière l'autel et sur les côtés, s'ont représentés Dieu le Père bénissant la Vierge, un pélican, des anges, portant des instruments de musique du temps, des trouvères avec tambourin et cornemuse, des animaux tels (pie lion, cerf, licorne et dos animaux fantas- tiques. Dans deux de ces écoinçons, le seul|)teur a représenté un tournoi, des chevaliers sur leurs coursiers, des tribunes avec spectateurs et tous les détails de ces joules si fann'lières

t>G

au coaiie. Suivent les K'-gciulos de la saiiile Vierge, de saint Nicolas, évèque de Myre, de saini Biaise, le saint favori des Croisés flamands, rpii l'apiiortèrcnl d'Oi'ient ses reliques, encore vi'nérées aujourd'hui dans l)eaucoup d'églises de la Flandre. Les ogives et les mouchelles des nervures et des petits tympans sont dorés. » Ce que nous devons regretter, par parenthèse, car la finesse des scidptures de maiire André Biaunepveu y perd beaucoup.

Dans le Brabant, les restes de noire statuaire ne sont pas moins rares que dans les Flandi-es :

On cite :

La pierre tombale d'Adam Glierys, architecte du tluc de Brabani, mort en L'OO, à Yilvorde. Figure intéressante, au nidins j)ar l'intention. Les draperies, sans être fouillées, ont du style el appartiennent à une bonne école.

La Vierge de l'église de Noire-Dame du Lac, à Tirlemont. La ligure est placée au-dessus du |iorlail. Type de tét<^ du NUI" siècle, lin el charmant; yeux légèrement obliques, bouche soui'iantc; draperie souple aux plis fins; pose très- hancliée (pii ferait |)enser, à première vue, qu'on surfait un peu l'àgc d(.' cclfe jolie statue en la repoi'lanl au mv"" siècle, et (|u'elle ne doit guère remonter (ju'au xv'. Mais il laul se rap|)eler que la chà.'ise de S nnle-C.erlrude de JSiveUea, qui date de répo(pie primaire, nous offre des atliludes tout aussi conlonrnées.

Il y a encore dans un gable d'une y\c<: façades lal(''iales {\o> ligures (|ui appai'tiennent c(M'lainei!ien! ;i la même é'pocpie. D'aboi'd un lrès-curi(Mi\ .sr;/;// Abraham, assis entre deux anges assis l'galemenl el lenani enire ses mains les deu\ exirémilés d'un lina'e oi'i >onl Ithillies une S(''ri(> de six

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petiles llgurincs, image de rhnmanid- issue de c.e palriarclio. Plus bas, dans deux niches, apparaissent deux figures (lehoul, aussi belles de slyle, aussi élrganles de tournure, aussi fermes d'exéculion que la belle Vierge du portail.

La plus importante des sculptures brabançonnes du XIV* siècle, aussi bien pour l'étendue et la complication du travail que pour le caractère des figures, est incontestable- ment le grand relahle d'Hackendover, le seul retable en bois de cette époque qui existe, croyons-nous, en Belgique. Dans ces derniers temps, la date de ce magnifique ouvrage d'art a été contestée. M. Wauters, dans son Histoire des communefi belges, invoque certains détails de costume, tels que « les hauts chaperons des femmes, » pour y voir une œuvre de la première moitié du xv' siècle, et il se demande si ce retable ne pourrait même pas dater de la fin de cette époque, auquel cas on pourrait, pense-t-il, l'attribuer à un maître Denis qui travaillait à lïackendover en 148o-i4SG. .Mais l'éminent archéologue, dont personne ne songera à suspecter l'éru- dition, — a parlé évidemment d'après des renseignements indirects et qu'il n'a pu contrôler, car il n'y a, dans tout retable d'Hackendover, aucun chaperon de femme, ni haut, ni bas. En revanche, on n'y pourrait citer un soûl détail d'ajustement qui n'appartienne au xiv' siècle. Exemples :

La coiffure des femmes, qui relève les cheveux en deux touffes rondes sur les tempes et les enferme dans un filet. C'est le louret dont on a déjà des spécimens au xiii'' siècle (i)\

(i) Voir iin(^ plaqno de miroir du .Mn.si'e de Ci|iny, dalt'c du \iii« siècle. V. aussi les lleurea de la croix de Nolre-fkime dex mor/s. iiiiiniisfri! de la ]iil)liolliî'(|iie i\i- flaiii^rai, ot d'autres nianus^i'iis du mv" sii'fle.

2S

Leurs robes collantes au buste et sans taille (i);

Los manches de ces robes, manches bien particulières, collantes avec le coude nianiué, une rangée de petits bou- tons au poignet, et qui se pi'olongenl en s'évasanl au delà de la main qu'elles recouvrent, à moins que, pour avoir la main libre, on ne les rejette sur l'avant-bras h);

Les aumonières (.î), les chaussures (4), les casques (5) n'appartiennent pas moins franchement à la même époque.

Un seul de ces détails poui'rait laisser des doutes : c'est le bouclier dont est couvert, presque tout entier, un soldai dans le groupe central du retable, bouclier qui fiffure une énorme tète en relief avec un nez camard, une longue moustache et une barbe de fleuve aux longues ondu- lations. Cette singulière fantaisie rappelle plutôt le xvi' siè- cle que le xlv^ .Mais on trouve des épaulières d'un goût identique dans les toiles peintes de Hheims, qui sont du xv% et l'on trouvera un bouclier décoré d'un mascaron analogue et non moins colossal au Mars i)lus ancien d'un siècle qui décore la façade de la cathédrale de Strasbourg. Une autre parlicuh'.i'ité d'ajustement non moins curieuse à noter est la coiffure d'une des saintes, coiffure qui ressemble pour moitié aux grands bonnets tuyautés de nos grand'mères et pour moitié aux capelines d'aujourd'hui.

La jolie architecture à jour des niches qui contiennent

(1) Ms. du Ménaffier de Paris Ms. du roi Mocliis.

"2) jAcguEMiN, Miniature du xiv" siùcie de la bitiliotlièque Mazarine. (Iravure sur pierre de 13G0, i ilée dans l'histoire du costume de Violiot-Leduc

(5) Heures de In croix de ^ioIre-Uame des morls; >ls. du roi Modiis. clc.

(4) Idem.

(s) V. VHi'lindore Pagelh' de la bibliothèque de rArscnal. la /;//'/(■ de Cliurles V et les manusrrils itatlTs du xiV sièele, etc.

Î2î)

les ii'roupcs apparliciil loiilcfois aux dcrniors jours du iïotliiquc. Si l'on songe que J'égliso d'ilackendover a élé l)ridéc plusieurs fois, el si l'on observe que les groupes sonl détachés el ne font pas corps avec l'architecture, on sera porté à supposer que, dans un de ces incendies, on aura abandonner au feu la partie architectonique de la compo- sition, sans doute (ixée au mur. tandis qu'on mettait les ligures en lieu de sûreté.

En somme, ce sonl les costumes mêmes des ligures, dans le retable d'Hackendover,qui ledatent duxiv'^siècle,et cequi n'appartient pas moins évidemment à celte époque el non à une autre, c'est son style. Les draperies y sont souples, larges et sobres, les proportions sont généralement un peu courtes, les poses simples et naturelles. Nous sommes bien loin des plis cassés, comme des ligures allongées et con- tournées du xv" siècle.

On a terriblement abimé cette œuvre d'art dans les res- taurations qu'elle a subies. On ne s'est pas contenté d'en changer l'ordonnance et de faire une sorte de longue frise à deux étages d'une composition qui consistait sans doute en un triptyque, c'est-à-dire, comme d'habitude, un motif central muni de ses deux volets. On a encore dépouillé le retable d'Hackendover de toute sa polychromie primitive, l'on eût peul-élre retrouvé, parmi ces inscriptions dont les gothiques brodent volontiers les vêtements de leurs per- sonnages, l'origine exacte de l'œuvre, sa date précise et le nom de son auteur. C'est un véritable malheur, car on se trouve ici en présence d'une œuvre de premier ordre, aussi large de style qu'une conq)Osition du xiir siècle, avec plus de pittoresque dans l'ajustement, plus de caractère et dévie dans

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les l\ j)cs. \'oii" li'S principales liuuro (iii rciahlc cl ct'lk'S, (lirail-(ji), que l'arlisle a le plus soifinées, c'esl-à-dirc les persuuuap:es célesles cjui occu|)eul les com])ar[iments sujié- ricurs. Dieu le Père ne pourrait pas cire i)lus majestueux, uu (ircc ne l'aurait |)as drape plus largenieiil ; type bien |)ai-li- culiertraillcurs; la letc osseuse et auslèiv d'un eéuobile. Saint Jean lenanl l'agneau sur le bi'as, porte sur l'épaule une peau velue et laisse passer une janil){> sèclic sous le lambeau d'étoft'e qui l'eutorlille; tète rude, longue barbe ilotlanle, c'est l'homme du désert. Les ajiùlres portent chacun un livre ouverl, l'Évangile : grandes draperies étollëes, plus libres (juc celles des apôtres fameux de Visscher. Les apôtres lla- mands n'ont pas non plus la raideur relative, ni les attitudes légèrement théâtrales des apôlres germaniques; ils sont plus humains; les tèles sont autant de types |.opulaires bien appropriés à la mission et au caraclèi'e aid-ibués à chaque sailli, ils sont saisissants de vie et réalisés avec autant de largeur (pie de fermeté. La Uenaissancc; n'a pas plus de goût ni de science et elle est bien moins sentie. Ceci rappelle les Masaccio.

Les figures (pii décorent la partie supérieui-e du retable sont Dieu le Père, saint Jean-Bapliste , divers saints, parmi le.Mpiels on remarrpie on/.(i apôlres, saint Antoine, .saint Denis, saint J.aurent, sainte Agnès et sainte Catherine.

Quant au sujet même du ivl;,l)!e, il se développe dans les compartiments inleri(.'urs el raconte ïllisloire o'c la fon- dalion de Véfilisc du Saint-Sauveur de Uackcndover, fait que la clironi(jue locale lait remontei' ;i OUO, En tout treize scènes el groupes ainsi distribués :

1. Les trois vieru(,'S foiidatrjers de l'éuiise en oi'aison.

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C'cUiiciil les Irois !^(^'u^.s. Il est impossible de iiicllrc plus do vie que! l'ailislo n'en a mis dans ces li'ois lèles, d'une rare niaeslria d'accenlualiui) ; les mains, au rebours, ne sont fine de longues et parfois d'énormes pâlies sèclies; mais il l'aul les mellrc sur le comple des reslauralions.

i2. Conslruclion de la première église à Hoyboul. Au fond, deux ouvriers deboul sur la bâtisse commencée; l'un, un fil à plondj à la main; l'aulre, sévère et grave, parait èlre l'architcclc; à l'avanl-plan, deux autres maçons, dont l'un verse une tauléc de mortier. Les trois sceurs sont deboul dei'rière eux. l'our bien monlrei- qu'elle l'ail les fonds de l'entreprise, Fainée ne parait jamais qu'avec une grosse sacoche pendante à la main.

3. Pour éprouver les trois sœurs, des anges démolissent réglise.

4. Le groupe des Irois sœurs réparait. Preuve (prelles ne se découragent pas.

5. Conslruclion d'une deuxième église à Sleenberg. Mêmes figures de maçons dans d'aulres altitudes; les tètes ressemblent à celles du premier groupe comme si c'étaient des portraits. Les trois sœurs sont i)rcsentes.

0. Deux anges (loul neufs, ouvrage assez mauvais de la dernière restauration ) démolissent cette église comme la précédente.

7. Ici deux groupes qui n'appartiennent i)lu3 à l'histoire de l'église d'Hackeiidover et qui évidemment faisaient i)arlie du motif central, quand le retable avait la forme d'un trip- tyque; d'un côté, la Vierge Marie soutenue jiai' saint Jean et Marie-Madeleine; de l'autre, un groupe de trois soldats, la tète levée. En quoi consistait le motif disparu? Il n'est pas

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clilïicile à deviner, l-^videniiiicnl c'était, comme dans tant de retables gothi({ues, un cruciliemeiit. La croix est absente, le Christ nianque. La figure de Dieu le Père, qui devait sur- monter el compléter la scène, a été placée très-bas, à l'en- droit même la croix devait se trouver. Cela j)roduil le plus étrange effet. Le doigt levé, dans une espèce de niche, il a l'air de morigéner celte pauvre mère qui s'évanouit el de s'allirerdelapartdes soldats présentsdc justes remontrances. Le trop zélé restaurateur a cru bien faire de rapprocher toutes les figures, au lieu de laisser un vide à la place de la croix.

8. Les trois sœurs sont en i)rière. Dieu leur fait connaître sa volonté par l'intermédiaire d'un oiseau.

9. Deux ouvriers abattent un arbre. La tète maïujuait a l'un d'eux. Le restaurateur en a remis une neuve beaucouj) trop grosse el fort déplacée, grâce à la prétention qu'elle affecte d'être plus noble que les types anciens.

10. Construction de l'église à Hackendover. On hisse les matériaux à l'aide d'une poulie. Les trois sœurs sont pré- sentes. Exécution un peu cavalière. Les figures du fond sont plus grandes que celles de l'avanl-plan.

11. Les trois sœurs paient le maitrc des œuvres et ses hommes. En tout treize figures. Types très -personnels; attitudes vives et très-expressives ; un des maçons a l'air de chicaner sur son salaire ou de se récrier sur le compte de ses journées. Il y a des tètes grotesques, d'auti'cs pleines d'énergie, d'autres d'une intelligence douce et finement accentuée. Un des plus curieux compartiments de ce retable si curieux ))ourles architectes.

12. Conséci-alion de l'église. Trois évèques, l'un tenant

un seau. L'églisi' apparaît poser sui' uiil' espèce de terrasse (pii a pu exister, car aujourd'hui encore le clieinin qui y uieiie C'sl en contre-bas de rédilice.

1.1. Sujet dernier. Le Christ, la houhî du inonde à la main, soi't de l'église comme d'une liahilation devenue, louchant symbole, délinilivemenl sienne; quatre person- nages agenouillés et les mains jointes sont sur son passage, comme sur celui d'un souverain, et semblent implorer sa bénédiction.

Quel es! l'auteur de ce poème sculpté? En tout cas, ce fut un talent mâle et éiicrgi(jue. Rien de caressé, pas de détails mesquins. Le travail est souvent brutal. Mais raccenluation, l'indication, sont toujours d'un maître armé d'un savoir pro- l'ond et dont la main n'hésite jamais.

>(Ous ne ferons pas d'hypothèse. .Nous nous bornei'ons à rappeler, sans vouloir (.l'ailleurs rattacher ce nom au retable d'Hackendover, que l'histoire, en fait de statuaires braban- çons de cette époque, n'a guère conservé qu'un nom, celui de GoLLARD Garnet, qui vivait à Bruxelles vers l'an 1305. On lui attribue l'un des plus remarquables monuments de sculpture du xw" siècle, le magnitique tombeau en pierre de touche érigé pai* la duchesse Jeanne de Brabant au duc Jean III, son père, et qu'on voyait naguère dans le chœur de l'église abbatiale de Villers. Au xvi"" siècle déjà, dit M. Pinchart, les iconocl".3ies avaient brisé les bras et les jambes de la statue. Le due était représenté de grandeur naturelle, couvert de son armure et d'une cotte de mailles; la cuirasse el le bouclier ('(aient ornés des armoiries aux quatre lions de Brabantet du Limbourg. Tous les accessoires avaient été autrefois dorés. La tète était nue; le prince

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j)orl;iil les nioiislaclies, la harbe ol les cheveux longs, el il avait le froiil ceinl d'une couronne d'or. A la partie inférieure du tombeau, l'artiste avait sculpté trente petites niches qui, avant la dévastation, contenaienl probablement des sta- tuettes.

Gollard (Garnet) est qualifié dans les comptes de « maitre de la lond)e du duc et de faiseur de tombes >■> . Dans l'un des registres qui le mentionnent, il est aussi question d'un bassin en pierre livré poui' la nouvelle fontaine des jardins de l'hôtel de Caudenberg par un certain Gollard Garnet; c'est sans doule le nom de l'artiste.

Quelques auteurs prétendent rattacher encore à l'école bra- bançonne un autre statuaire, Guillaume Dugardin, à qui le duc de Brabanl Jean III commanda pour 140 florins d'or, prix considérable pour le temps, le monument qu'il fit ériger dans l'église des Récollets, à la mémoire de son oncle Henri et à celle du fils et du petit-fils de ce prince, Jean et Henri de Louvain. G'est aussi à cet artiste qu'on attribue le beau monumenl de CoUard de Sédin, dont M. B. Dumortier a fait don à la cathédrale de Tournay. Ce tombeau porte la date de 1541 et nous montre, sous une riche architecture ogivale, la Vierge Marie donnant le sein à l'enfant Jésus et ayant à. sa droite Gollard de Séclin, en costume de doc- teur, et sa femme Isabeau, et à sa gauche leur fils, Nicolas de Séclin, porlant les insignes de sergent d'armes du roi de France. G'est de la très-belle sculpture, s'il en fût, et de grande allure. Gollard de Séclin, déjà vieux, est une grosse figure ronde, rasée et sévère, un j)cu bourrue même, d'imc aiislérilé quasi-inonacale et d'un énergique caractère. Son fils, velu d'une longue robe à la ceinture de laquelle

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pend un poignard cl joignant les mains comme son père, représente, avec ses cheveux bouclés séparés sur le milieu du front, un remarquable type de beauté virile; il incline légèrement la tète en arrière en regardant la Vierge d'un air de douce supplication. Quant à la Vierge, Waagen fait remarquer avec raison le groupe charmant qu'elle forme avec l'Enfant-Dieu et qui semble pris sur la nature même. Elle tient doucement dans une de ses mains le pied droil du petit Jésus, qui appuie sa main droite sur le sein mater- nel et de l'autre se lient le pied gauche par un de ces mou- vements naïfs et charmants que la nature seule invente. La draperie de la Vierge, car c'est toujours un des détails qui arrêtent l'attention dans la statuaire du moyen âge, la dra- perie, dis-je, faite d'une sorte de laine fine et souple, est de toute beauté par la simplicité, la liberté, le style. Il est mal- heureux que le monument soit mutilé et qu'un détail capital y manque, la .tête de la Vierge. Elle devait être fort belle, si l'on en juge par les autres tètes, qui sont des portraits minu- tieux, où l'on distingue jusqu'aux petits plis de la peau sous les yeux, jusqu'au poil très-court qui garnit le menton- de Nicolas Séclin et sa lèvre supérieure.

Mais est-ce de la sculpture brabançonne? En somme, ce qu'on y voit dominer, car la vérité même y est choisie, c'est la préoccupation du style, et cette tendance suffirait à montrer que ce monument de Tournai est aussi l'œuvre d'une main tournaisienne.

Ajoutons qu'un document authentique vient corroborer les présomptions que fournit l'œuvre d'art elle-même. Ce document que veut bien nous signaler M. Pinchart, est emprunté aux archives communales de Tournai ; on lit

ô(i

(l;iii> le licuislre de l;i loi foniiiimialc. ;( l;i (ialc du :2."j iio- vciiibic 183') :

« Maislres Wlliamucs huii (lai-diii, pour >a bourgcsie. » Le mol nous jiarail décisif, d'aulaiil plus ([u'on n'allègue aucune |)r('uvc ;i l'appui de l'oriiiine brabançonne de niailre Dugardin.

Une sculplui'c non moins i-emarquable est un autre moiiu- uKMil l'unei-aii'c qu'on (rouve aussi dans la calhédrale de Toui-nai, el «pii, moins parlait peut-èlre (pie le précédent sous le rapport de l'exécution, lui csl au moins égal par l'élé- vation du slvie. Je i)arle de celui qui est consaci'é à la l'amillc CoTWELL el qui date de 1 080. Tous les Cotwell y coniparaisscut en quelque sorte devant le tribunal du Clirist. Au milieu d'eux a|)parail le Sauveur, assis sur l'arc- en-ciel, les pieds sur le globe et les bras étendus. A sa droite, les mains jointes, Jean Colwell, en costume de magistrat de Tournai; juiis ses fus en chevaliers, le poignard au coté gauche, l'épée au côté droit, cl le casque déposé à terre, tandis (pi'on voit à gauche, dans la même allilude, Marguerite, lomuie de Jean Cotwell, et ses trois filles. Ces personnages sont tous accompagnés, selon l'usage, deleurspairons et patronnes, saint Jean-Daplisle, saint Jean l'Evangélisle, saint Jacques de GompostcUe et saint l^ierrc, d'une part, et de l'autre, des saintes dont les noms nous écliapi)enl. Ceiiains détails de cette composition sont très-archaï(pies : c'est ainsi ({ue les pieds du Christ montrenl de longs doigts égaux el paral- lèles; mais le Christ est grand, lier, véritablement imposant. En regardani les Irles des personnages, on croirait d'abord qu'elles sont loulcs laillées sur le n)cme i)atron, aussi bien du cùb' des liommes que des femmes; avec plus d'altenlion.

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on s'aperçoit que chacmi est mai-qué d'un caraclère très- individuel et que cliaque ligure même est aniniécî d'un sen- liment particulier. Le premier chevalier a une tète plus distinguée et se penciie en avant avec |)his de lerveur; le dernier, large face indjerbe et pleine, un peu maussade, aux cheveux coupés courts sur le front, est un type tout différent. Les pieds sont courts et larges, mais bien compris comme analomie; les femmes, un peu replètes, montrent de beaux profds. Les saintes, placées derrière elles, allongent sur leiw dos de longs doigts, plats et grêles ; rien de coquet dans ton le cette exécution ; mais elle porte l'empreinte d'un grand style dont on ne peut pas n'être pas frappé.

Telle est toujours la grande qualité de la statuaire lour- naisienne et celle d'une (euvre plus complète et plus raflinée (|ue la même école peut évidemment revendiquer, le Taber- nacle de liai, car il ne faut pas oublier que Ual était et est resté durant des siècles une enclave du Hainaut. Ce ravis- sant édicule présente dans .sa composition toutes les com- plications et toutes les richesses d'une sculpture sur bois, et il est fouillé avec une délicatesse et une habileté que peu d'œuvres en bois ont dépassées. La i)arlie supérieure du taber- nacle est décorée de deux scènes abritées sous deux arcades ogivales dont les i)iliers étaient ornés de socles avec euls-de- lampe, dais et statuettes; les statuettes ont disparu; il ne reste plus que celle du milieu figurant un évêque, La pre- mière scène a pour sujet le Christ "lavant les pieds do:^ ajX)tres. La (jgure du Christ est malheureusement décapitée; toutes les ligures sont deboul, à part l'apùlre assis qui tend son pied au Christ. Le second compai-limenl i-eprésente la Cène. Le Ciirisl csl dclhiul, prunducanl livs pai'oles sacra-

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nientelles; un des apôtres du premier plan, au lieu d'être assis comme les autres, s'est pieusement agenouillé, idée neuve et touchante. On remarquera le sentiment et la vie que le sculpteur a mis dans ces types, toute la diversité (|u'il a su donner à ces figures, et les artistes, ici encore, seront frappés surtout de la largeur et de la souplesse des dra- peries, jetées avec une maestria qui ne faiblirait pas devant les plus belles figures d'André de Pise. Voilà des œuvres con- temporaines. Qui l'emporle, des maîtres des Pays-Bas, si peu connus, ou des Italiens, si célèbres ? J'ose dire encore cette fois que les nôtres n'ont rien à redouter de la comparaison : ils dépassent l'Italie à l'époque de Lambert Palras, ils l'égalent encore au temps du tal)ernacle de Hal et du retable d'IIackendover, et pour tout esprit non prévenu ils conti- nueront à lutler |)cndant les siècles qui suivront.

Veut-on, après les (euvres remarquables que je viens de ciler, un trav;nl plus considérable, plus monumental et le caractère de la statuaire fournaisienne s'écrit plus nettement encore? On a le grand portail de la cathédrale, aussi impor- tant pour l'histoire du xiV siècle que la porte Mantille pour celle de l'époque romane. Ce portail est d'une décoration riche et luxuriante, qui , en quelque sorte, en déborde et va se répandre à droile ol à gauche sur les murailles de l'édifice. Grandes statues dans des niches, compositions en ronde- bosse à figurines multiples, figures en bas-relief, rien n'y manque. Je ne suivrai pas Lemaislre d'Anslaing dans son énoncialion détaillée de lous ces sujets, (pii ne sont pas tou- jours lrès-cl;iii-s el dont ks plus petits et les plus compli- (piés, portant les d;iles de 1589 et del62i5, paraissent repré- senter, les uns, une sorte de d(''filé des souffrances humaines

STATUAIRE WALLONl^E XIV"' SIECLE

Z/<xçcc<ie pouicu><xl:^ cie t^a v^-^ ac L^oittuaii

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secourues par la religion, et d'autres, du côlé do IV'vècIié, l'histoire du roi Ghilpéric, fondateur de la puissance tempo- relle des évèques à Tournai. Je n'appellerai l'attention du lecteur que sur la partie la plus ancienne de cette décoration, c'est-à-dire sur les figures en bas-reliefs qui se voient sous ces petites scènes et qui représentent une longue suite de saints, de prophètes et de docteurs de la loi, tous porteurs d'une han- derolle ou d'un phylactère explicatif. Le iMaistre d'Anstaing, dans quelques détails descriptifs qu'il soit entré, s'est peu arrêté k ces figures. « Ce sont, dit-il, des sculptures assez informes et probablement d'une grande ancienneté; elles appartiennent, sans doute, à l'ancien portail roman dont ces portes faisaient partie. » L'excellent historien, si érudit en toutes les questions d'archéologie et d'architecture, s'est trompé ici en ce qui regarde la sculpture. Ces figures n'ont rien de roman, elles sont du xiv*" siècle; elles n'ont surtout rien d'informe et elles sont de l'art et du style les plus remarquables. Je les tiens, pour ma part, pour l'un des chefs-d'œuvre de la statuaire tournaisienne. Élégantes, souples, plus longues de proportions que les types ordinaires du xiv* siècle, elles sont aussi d'une exécution plus sobre. C'est la simplicité de l'antique, sa force sans surcharge, sa grandeur sans effort ; si on les prend dans leur ensemble, elles n'étonnent pas moins par l'inépuisable variété de leurs types, de leurs attitudes, de leurs ajustements, et, comme chez les Grecs encore, celte richesse est sans ostentation et ne se dévoile qu'aux yeux qui l'étudient. Les propbètes de Tournai nous représentent dans l'art belge du xiv"' siècle quelque chose comme la frise du Parthénon. C'est pour nous, n\oc la châsse de Sainte-Eleutlière,la conception la

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slaUiairo wiilloiinc afliime le |»lus nellement et avec \c plus (le boiiliciir SCS tendances classiques. Dans la ranimée de droite, les figures des proplièles sont infiniment plus abimées que dans la rangé(^ de gauche. Un est entièrement détruit. Six sont sans tète ou du moins sans visage. Tel (juel, le por- tail de l'èvèclié complète admirablement la vieille cathé- drale romane avec sa riche et sévère arcliitecture, ses splen- dides vitraux, ses merveilleuses tapisseries, ses précieux tombeaux, ses châsses inappréciables, véritable musée de l'art tournaisien dans toutes ses manifestations.

Deux morceaux de sculpture, de nature très-différente, dont on peut encore, selon toute apparence, fainî honneur à l'école du Hainaut, se voient à Walcourt el à Mons.

A Walcourt, c'est un Couronnemenl de la Vierf/c, qui figurait jadis dans le fronton du portail de l'église el qui, pour cause de vétusté, a être renouvelé. La copie s'est appli(|uée, sans y nkissir complètement, à être aussi naïve et littérale que possible. L'original est gardé, si je ne me trompe, dans les magasins de l'église. Le style des deux figures, à peu près de grandeur naturelle, a d'intéres- santes qualités de souplesse, de goût, de simplicité. La tète du Christ rappelle le type du portail de l'hôpital Saint-Jean, à Bruges, et parait relever plutôt du xin*" siècle (jue du XIV^ Il y aussi dans les magasins de l'église deux anges ado- rateurs, jadis placés dans deux petites niches, et peut-être un peu posl(''ri(Mii-s au Ciirisl el ;i la Vierge, mais d'une grande jtarenlé de style pourtant avec ces di'ux figures, surtout par les draperi(^s, légères, amples et souples.

A .Mons, dans l'église (l(i Sainte-Wandru, on conserve le Rcli(iuiiiic (le Sainl-h'loi/. Mainlrniiiil (jik^ I;i -l.'ihiiiirc v;i

/il

s'épanouir sous loules les fonnos el se fiiçonncr en toutes matières, bois, marbre, |)i(MTe, brouze, nous pouvons désor- mais laisser de cùté les purs ouvrages d'orfèvrerie, qui généralement sont œuvres d'ornemaniste plutôt que de sla- tuaire. Mais la figure joue dans celui-ci un rôle prépondérant. Le reliquaire ost<nisoire de Saint-ËIoi a été exhibé en 1804 à l'Exposition de Matines. M. James Weale le décrit ainsi : « Reliquaire ostensoire doré en partie du xiv' siècle. A chaque pie'd oblong, dont les angles sont éVasés, se trouve un ange debout. Ceux-ci soutiennent d'une main un cy- lindre renfermant une relique de Saint-Éloi, de hracltio Sancli Eligli Episcopi Nonoviensis, et de l'autre un jielii édicule à quatre faces, deux grandes et deux petites, sur- montées de pignons à crochets et dont les contre-forts aux angles se terminent par des pinacles, tandis que le tout est dominé par un petit crucifix « qui s'élève au milieu de la toiture. Les deux faces principales de l'édiculc sont percées d'une ouverture ronde, à travers laquelle on voit une relique de Saint-Laurent de ombus Sancli Laurenlii marlyrh. Le donateur est représenté à genoux sur le devant du pied, vis-à-vis de sainte Waudru, laquelle tient un livre de la main droite. L'emblème placé dans la main gauche est perdu, sur le bord du ))ied se trouve gravé :

Maistre Pierre Cramette Secrétaire du Roy Chanoine de Noion et de ceste Eglise. « H. 0,.")!. Pied 0,187 sur 0,097. »

Pierre Cramclle, secrétaire du roi de France et chanoine de Xoyon, avait été investi, le 26 octobi'e l."7(), d'une pré- bende de chanoine du chapitre noble de Sainl<'-\\'au(li'ii.

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Les deux anges porlcurs de l;i relique sont de très- urande diuKMision comparée à celles de sainte Waiidrii et du donateur, conformément aux usages primitils, qui exprimaient le surnaturel par le colossal, et les quatre fiûiures, lariïemenl conçues et exécutées, seraient d'un beau style, n'étaient quelles exagèrent un peu ce goût des propor- tions trapues qui |)araît propre au mv"" siècle, comme celui des statures allongées à la Renaissance.

en était, à celte époque, le mouvement des arts dans les villes riveraines de la Meuse?

Leurs écoles diverses continuaient à se développer, mais de façon assez inégale.

DinanI produisait encore des sculpteurs célèbres; on en a pour preuve la grande réputation de Jean de Josès, qui signa de son nom le lutrin el le grand candélabre de cuivre de Tournai, comme le chandelier pascal et le lutrin de Tongres. Seulement, dès cette époque, la dinanderie est devenue une industrie purement ornementale, et Palras n'a pas d'héritier dans l'art de modeler les figures. A peine si Jean de Josès mêle aux motifs d'ornement et d'architecture de ses jolis meubles, d'ailleurs pleins de goût, des figures d'oiseaux ou d'animaux, l'aigle dont les ailes déployées supportaient les livres saints, les salamandres se mor- dant réciproqiii'menl la (jueue, les monstres assis à la base du lutrin cl que la |)arol(Mlivine semble exorciser et les lions qui le supportent.

Le tombeau de Coli.aiu) Jacop.is, jadis placé dans l'Ermi- tage des Grands-Malades el transféré d(>puis à l'hôpital de Namur, constitue un curieux échantillon du lal(>nl de ce statuaire nannirois, dont il \\o reste pas d'anli'»' ouvrage

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authentique. C'est une œuvre d'une simplicité plus que sévère. La figure de pierre de Collard Jacoris, raidi par la mort, est couchée sous une sorte d'arco-solium, comme aux catacombes. La face antérieure du tombeau est ornée de trois petites figures de femmes qui mesurent à peu près le tiers de la figure principale et qui ne sont pas moins sèches et pétrifiées, toutes trois exactement pareilles, debout, les mains croisées à la ceinture .et tenant chacune une couronne Malgré un travail un peu rudimentaire, le monument a du caractère et de la solennité. Il porte la curieuse inscription suivante :

CHI. GIST. COLARS. JACORIS. TALURES. DIMAGES. ET. FRERE. DE. CE. MAISON. QUI.

TREPACAT. EN. LAN. DE. GRACE. M.CCC.LXXX.XIIIII. LENUT. GAIS. lOURS.

Un monument analogue, mais d'une date plus reculée encore; se voit à Clairière, dans la province de Namur. C'est la pierre tumulaire de Gautier d'Oxem, mort en 1341, et de sa femme. Ce tombeau se fait remarquer par un bon sentiment de nature et les draperies en sont bien étudiées.

Est-ce aussi à un statuaire namurois qu'on doit la belle Vierge polychromée provenant de l'abbaye de Marche-les- Dames, et qui est aujourd'hui exposée au Musée de Namur? S'il en était ainsi, cette œuvre seule vengerait surabondam- ment la ville de Namur du reproche (refuté d'ailleurs par les statistiques de Borgnet)de n'avoir jamais produit des artistes. La Vierge porte Jésus sur les bras et foule le dragon sous ses pieds. La robe est dorée; les chairs sont peintes. Grande sobriété de détails et longues proportions, Irès-élé-

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grtnlos, qu'on no (roiivc guère au xiv' siècle. Par le slyîe el le sentiment il reraonterait presque au x^l^

J'ai déjà dit un mot du porlail de l'cg lise primaire de llioj, jioilail que quelques archéologues font remonter à tort au xiir et même au xi* siècle. Son arehilecliii-e, ijui est du XIV* siècle, figure une arcade ogivale portée i)ar trois piliers. On a écorné autrefois le pilier du milieu ; il s'agissait d'ouvrir un libre passage à la voiture du doyen. ' Ces piliers sont orjiés de trois statues de grandeur natu- relle : la Vierge sur le pilier du milieu el deux évéques sur les piliers &q^ extrémités. La Vierge et l'évèque de droite .sont en bois ela])partiennenl évidemment au xv" siècle. La Vierge, portant l'enfanl, est un type bien personnel; la dra- perie, un peu surchargée, mais d'un i)li très-ferme; l'évèque avec un livre ouvert el un hàlon pastoral, dt)nt la crosse manque, est d'un slylc excellent, et les deux statues, bien (|u'en bois, sont d'une conservation étonnante La plus dégradée et la plus ancienne des trois ligures est l'évèque de gauche, qui est en pierre. Celle-ci est du xiv" siècle.

('e qui appartient encore bien aulhentiquement au xiv* siècle, est la composition en bas-relief ([ui décore le tympan (le rar(;adc et (pii se divise en trois comparlimenls et en trois sujets :

1" /.« Nalivité. La Vierge couchée, avec son enfant éicndu sur son sein, rappelle assez la Vierge couchée du |,>orlail de Bruges. On aperçoit derrière elle le buste de saint .IwM'iili, appuyt' sui- son bàlon. Plus liaiil, rcnlaiil est représenti' couché cl emmaillolU' de handcictics, avec deux àiics (pii le Icchciil. Plus hinil encore, c'est l'ange qui

.'MUiniiee |;i iioliveije \\\\\ heru'ei'S.

-2" L'Adonitioii des Maijes. DevunI la Vicriix^ assise, sim;- iiouillo lia (les U'ois Mages, sa couronne passée dans le bras. \Jn aiilrc debotil, très-lier cl lrès-sin)))Ie, (ieni d'uiie main (assez niulilée) un calice et de l'aulre un(; Iressc de ses che- veux. Le (roisiènie niaue, lèle ronde à cheveux bouclés, type un peu féminin, porle aussi un petit vase à |)arrums. La dra- perie du mage debout, avec ses plis abondants tombant du J)ras levé, est d'une science rare cl d'un style superbe. Un ange traverse d'un vol oblique la partie supérieure de la composition.

.")" Le !\lassacre des innocents. On ne voit guère que deux enfants, si bien (|u'on pourrait s'y méprendre et supposer un jugement de Salomon. L'exécution de ce l)as-relief a je ne sais quoi de i)lus barbare que celle des autres compartiments.

En somme, le portail de lluy laisse entrevoir une école savante, et l'on dirait que cette science s'acci'oit à mesure qu'on remonte les bords de la iVIeuse.

Les sculptures du xiv^ siècle ne sont pas communes à Liège. Celle qu'on cite le plus communément est le iîedes Sapten- liae de l'église Saint-Jean, ligure jiolychrome qui semble dater d'une époque antérieure et rappelle la raideur byzan- tine. Pournolre part, nous avouons préférer à cette précieuse image k groupe en i)ierrc du i'ouronnemenl de la Vierge (jui surmonte la porte d'entrée de l'église Saint-Jacques et qui relève d'un art incomparablement plus avancé. Le Christ, empreint de la jeunesse et de la fierté des types du XIII' siècle, a la boule du monde sur les genoux; sa tète est frisée, un flot de longs cheveux descend jusque sur son épaule. Sa main se lève pour bénir la Vierge. Celle-ci se

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toui'iic vers soiilils; ses deux bras, dont les mains inanqueni, se reploient sur sa poilrine, comme si elle lui ouvrait son cœur; peut-être se croisaient- ils en signe d'humilité et de dévotion. La tète est pleine de sentiment. Le corps laisse entrevoir sous la draperie des souplesses tout à fait fémi- nines. Les draperies surtout sont de toute beauté, pour la largeur comme pour l'abondance, pour le style comme pour la vérité.

Le fait est, malgré la rareté des sculptures liégeoises, que l'école de Liège était en ce moment en pleine prospérité, et l'histoire a laissé à cet égard des témoignages qu'on ne con- teste pas. On sait l'histoire du fameux Hennequin (i) de Liège, sculpteur si habile, que le roi de France Charles V, homme intelligent et connaisseur, voulut lui conlier l'exécution de son tombeau. L'ayant appelé à sa cour, il le chargea de lentreprise, moyennant mille pièces d'or. Le monument devait être en marbre et en albâtre. En 15(38, Hennequin reçut une première somme de 500 francs d'or, que le sou- verain commanda de lui payer sans délai. L'architecture et la sculpture ayant dominé au moyen âge les autres arts, si Hennequin était un grand homme, il a pu influencer l'ima- gination des Van Eyck. Leurs tableaux prouvent par plu- sieurs signes manifestes qu'ils avaient étudié avec un soin extrême les productions plastiques. Pendant le xiv' siècle au demeurant, la métropole cléricale devait renfermer tout une colonie de scribes, d'enlumineurs, de peintres, de statuaires, de musiciens, d'orfèvres et d'architectes. Le cha- pitre de Saint-Lambert encourao'cait les artistes avec une

(i) V, Emeric David.

iminilicoiicc |)rcs(|U(' royale; iiiaiiilcs coimiiiiiiaulés reli- gieuses déployaient un faste analogue et le même enthou- siasme; les ramilles nobles suivaient indubitablement ces exemples. Les châsses, les émaux, les triptyques, les pein- tures murales, les statues, les bas-reliefs, abondaient en conséquence à Liège, et tant d'œuvres diverses auraient montré, mis en pleine lumière les sources de l'art flamand, si l'impitoyable vengeance de Charles le Téméraire n'avait détruit la ville en lOGG (i). »

Pour en riîvenir à Charles V, il eut deux fous, doni l'un se nommait Thevenin de S'-Légier. Il leur fit dresser de magnifiques tombeaux, dont ceux qui furent consacrés plus tard à Louis XII et à François l" semblent n'avoir été que l'imitation.

Le premier de ces tombeaux fut érigé dans l'église de Saint-Germain-l'Auxerrois, nommé alors Sainl-Germain-le- Rond. La forme n'en est pas exactement connue dans toutes ses parties, mais on sait qu'il servit de modèle à celui de S'-Légier, mort en 1371 . Or celui-ci, qui fut placé h Senlis, dans l'église de Saint-Maurice, existait encore au xvii'' siècle, lorsque Sauvai écrivait. Cet auteur l'a vu et il en fait une description détaillée. La statue en marbre blanc, à l'excep- tion de la tète et des mains, qui étaient en albâtre, reposait sur le sarcophage. D'une main, le fou tenait une marotte; de l'autre, deux bourses appuyées sur sa poitrine. Des figures en pierre , distribuées dans des niches et (aillées, dit Sauvai, avec une délicatesse incroyable, environnaient

(i) Heris, Mémoire sur rancienne école flamande de peinture. -- Michiels, Histoire de la peinture flamande, t, II, p. 162.

j - w -

le sarcopliiig'c. Siii' (|Uiili'c piliers ornés de sculpliiius s'élc- vail au-dessus île la stalue iiii labeniaclc ou une voûle sur laiiuelie se voyaient encore sepl ligures en ronde-bosse. L'inscription portait : « Cy gist Tliévenin de Sainl-Légiei-, loi du Roy nostre Sire, qui Irespassa le unziùnie juillet lôT'i. » Par uu rare bonheur, Sauvai retrouva le nom du statuaire dans les archives de la Chandjrc des Coiui)les; 011 l'y a|)pelle « Ilennequin de la Croix.

On peut s'étonner de voii' de tels monuments consacrés à de tels personnages. Mais, comme l'observe Jùneric David, les boudons jouissaient du privih'ue de dire aux rois la vé- l'ité, et il faut croin» (jue les deux fous de Charles V s'étaient l'ait une grande l'éputalion d'esprit. Un monument moins j'iche, mais non moins singuliei', avait du l'csle donné, (luclques années auiKii-avanl, « l'exemple de ces bizarres apothéoses, duillaume de Chanac, dit Guillaume V, évoque de Paris, mort en lôG8, avait un cuisinier nonnné Jacques, (pii moui'ul el qu'il regretta beaucouj). Pour honorer sa mémoire, il lui consacra une tombe dans le cloilre de l'abbaye de Saint-Victor, cl sur la jiierre sépulcrale il lit représentei- une broche et une poéie; à côté de ces instru- ments, on grava l'inscription suivante : « Ci-git Jacques, » natif de Louvres (en Parisis) cuisinier de Guillaume, é'vèque de Paris. » {IJic jacel Jacobus de Lupara, cot/uus (juillielnii/ epUcopi Parisiensis.)

Deux tondicaux furent consacrés à Charles V lui-même : l'iin placé dans l'église de Saint-Denis; la slaUu; du roi y était couchée à côté de celle de Jeaime de lîoui'boii. sa f"nnne ; douze niches en ornaient le poiirloui'. L'autre ren- fermait seulement h; c(eur de ( e prince : il orna longtenqis

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la calliéJralc do Rouen. La slaUic tlu roi, en marbre hiano, était pareillement couchée au-dessus; il y avait à l'eiitour, dit l'historien, « plusieurs riches embellissements de sculp- tures (i). »

Voici, quant au second tombeau, l'ordonnance de paie- ment, datée de 1708, et citée par M. de Laborde dans les Ducs de Bourgogne (2).

« A Hennequin de Liège, ymaginier, la somme de trois » cenz franz en rabat de la somme de mil franz d'or, en » laquelle nous sommes tenus à lui à cause d'une tombe » d'albâtre et de marbre que nous lui faisons faire pour » nous, laquelle nous avons ordonné èlre mise au cueur de » l'église de Rouen, nous voulons que notre cueur soit » enterré, quand il plaira à Dieu que nous irons de vie à » trespassement. »

Nous retrouvons le nom de Hennequin dans une autre cir- constance, citée par Emeric David : En 1378, l'empereur Charles IV étant venu en France, accompagné du jeune roi des Romains, son fils, la ville de Paris leur offrit à l'un et à l'autre de magnifiques présents en orfèvrerie, moult bien ouvrée et dorée. Le roi leur fit présenter des esguières et une coupe d'or, dont les embellissements en émail repré- sentaient le ciel et les signes du zodiaque. Parmi ces objets se trouvaient notamment deux grands flacons d'or, où, sui- vant les termes de l'historien, estait figuré en ymages esle-

(0 D. FÉLiBiEN, dans VHistoire de l'église de Suint-Denis, \). boG, parle du premier tombeau. Il est gravé dans Y Atlas des monuments français.

Voir pour le second tombeau La Pomjieraye, Histoire de l'église cathédrale de Rouen, p. 61.

(2) Introduction, p. xxii.

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vées (c'osl-à-dirL- rn has-ivlicrs) cuiiuneiil siinrt .laafues montrait à sainct Charles maiijne le cheiin'a en Espaifjne par révélacion. » Ces ])iùcL's d'argciilci'ic à (itiurcs cliUL'iit rouvragi; d'un bculj)leiir iiuniiiiL' llcniicquin. Etait-ce encore noire statuaire".' Quoi (jiril en soit, il |)ourrait siiflirc à sa gloire de la seule commande du tombeau de Charles V, ce roi connaisseur s'il en lui, et qui, comme le proclamait Chris- tine de Pisan, son panégyriste, était lui-même « sage ar- tiste, vray archilecleur, diviseur certain et prudent orde- neur. »

Toutes les œuvres de lleime(iuin ont disparu; mais nous pouvons nous faire une idée de son talent et de ses coiic(>p- tions en étudiant ce qui nous reste d'un autre statuaire «pii sortait comme lui des écoles des Pays-Bas, qui fut appelé en France comme lui et dont la grande figure domine toute l'histoire de la sculpture du Nord au \iv' siècle. Nous avons nommé Claux ou Claes Sllteu.

Les comptes du lem|)S l'appellent aussi Claux Slutei* de Orlandes. Mais Fliistoii-c ai'tisli(|ue de la Hollande, à celle cj)oque, se confond et se confondra encore longtenqis avec la nôtre. Entre les deux pays ilorissait alors la grande école de Maeseyck. Quoi de plus naturel (pi'un statuaire hollan- dais soit venu y ap])rendre son art? Les noms même des col- laborateui-s de Sluler : Claux de Verne, lisez Vande Werve, Jac(|ues de laBaerzc (qu'Emeric David |)i-end pour un Fran- çais et (|ui était oi'iginairc de Termonde) et llemiequin de Bruxelles, ces noms établissent que Sluler avait pris en Bel- gitpie ses principaux aides, ctHenne(piin de Bruxelles poui'- rail bien ne faire (prun avec IlemuMpiin de la Cioix el Hen- iKHpiii) de Liège.

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\j' plus coiiiiu (les ouvr.iges (!<' SliiliT (sl lt> lombma de Philippe le Hardi, aujourtrimi conservé au Muscc de Dijon. Le calaloguc du Musée, qui consacre plusieurs pages à ce monument sans rival dans toule l'Europe ai'lisliquc du xiv' siècle, en donne ce signalement minutieux :

« Socle : longueur ~)'"Git, largeur ^'"54, hauteur 0"'5O. Base : » TV'OU, » -2'"05, » ()"'3(>.

Dé: » 2'"6(), )) l"'49, » 0"'G:J.

Table: » 3"'20, » :2"'0(), épaisseur 0"'25.

Elévation delà table au-dessus du pavement, l'"oO.

Prix de consti'uction : 5, (il '2 livres, répondant aujour- d'hui à environ 26,000 francs.

Le mausolée s'élève sur un socle et une base de marbre noir largement profilés. Ses quatre faces forment une suite d'arcades en ogives qui sont couronnées par une galerie découpée à jour et soutenue par des pilastres ornés de colon- nettes, de chapiteaux chargés de cinquante-deux figurines d'anges, de pinacles et de clochelons, dont le style simple et nerveux rappelle dans cet ouvrage de la fin du xiV siècle le beau gothique du xm^ (?)

Cette architecture, exécutée en marbre blanc et projetée en avant d'un massif plaqué de marbre noir, figure un cloître sous les voûtes duquel sont placées quarante sta- tuettes de personnages des maisons civile et religieuse du duc et de différents ordres monastiques.

Sur la table est couchée la statue du duc Philippe le Hardi. Les pieds reposent sur le dos d'un lion : ils sont chaussés de soulerets ou souliers de (cr, ce qui annonce que le prince est com])lètenient armé sous les draperies qui le couvrent. Il est habillé d'une longue robe blanche à man-

elles, iiai-seiiiée de mouches d'or, el revèlu du maïUeau ducal bleu d'azur, doublé d'hermine, dont les larges |)lis s'étendent sur la table. Le collet du manteau est enrichi d'une triple frange d'or. Le duc à. les mains jointes et éle- vées; un simple anneau d'or est à la deuxième phalange du quatrième doigt de sa main gauche. Il porte une couronne formée d'un simple bandeau à rebords, dont le champ lisse est orné de pierreries enchâssées dans des chatons très- saillants.

La tète de Philippe le Hardi, repose sur un coussin mi- parti d'étoffes bleu el rouge, décoré d'un large galon et de quatre glands d'or. Deux anges aux ailes déployées, placés en arrière de la tète du duc, soutiennent un heaume ou casque à visière conique, qui a la fleur de lys pour cimier et dont le gorgerin est bordé d'un bourrelet de tissu de mailles.

Sur le côté et sous le bras droit est placé le bâton ducal, surmonté d'une espèce de pomme de pin, environnée de quatre feuilles de chêne. Ce bâton s'étend jusqu'aux pieds de la statue. »

Les visiteurs du musée de Dijon éprouvent d'abord une minute d'hésitation en voyant, à côté du tombeau de Philippe le Hardi, un autre mausolée identique de propor- tions, de matière et de composition. Ce second tombeau est celui de Jean sans Peur et de Marguerite de Bavière, sa femme (i), et rien ne prouve mieux la beauté du chef-

(i) Les tombeaux de Philp|)e le Hardi et de Jean sans Peur portent des c'pitaphes dont les traces ont disparu. Nous les rétablirons d'après la description des monuments funéraires qu'un sieur Gilquin, peintre, nous a laissée sous la

date (lu i" luai 1750, pciil;; brocii'iro iu;piinioo à Nuits par Anloinc .Mij;nerct,

C^ciirjc^tiicc cHaiiuxiuit' XIV^ SIECLE

«.''i^tue^^ du \?omvcc\.n. de iMulippe le u^LcVctii

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d'œuvre de SliUer que ce pendant on plutôt cette copie faite par son élève Jean do la Vuerta, )irùs d'un demi-siècle après lui. N'était le voisinage de l'original, la copie passerait pour une merveille. Les deux figures couchées de Jean sans Peur et de Marguerite, plus grandes que nalure, sont modelées avec autant de largeui' que de souplesse, et drapées en quelques plis avec un goût sévère, une sobriété magistrale; à peine si l'on reconnaît des ouvrages gothiques à la minutie avec laquelle l'artiste a détaillé les rides et les veines dans les mains des deux personnages. Les petits anges qui prient à leur chevet seraient exquis, n'étaient leurs petites tètes, un peu trop grasses : vous diriez de petits chanoines ailés. Le défilé des moines figuré h la partie inférieure du tombeau est étonnant de caractère, de variété, d'imagination. Mais le premier modèle de toutes ces qualités, aussi bien que leur plus haute et leur plus frappante expression, est le monument de Sluter. Bien que la date en soit plus reculée et que l'art semble devoir en être plus timide et plus compassé, c'est le contraire qui est vrai ; le plus ancien de ces ouvrages est, à beaucoup près, le plus vivant des deux et le plus

et qui a pour titre : « Explication des desseins des tombeaux des ducs de Bourgogne, présentée à S. A. S. Mgr le Duc par le s' G... »

Épitaplie du tombeau du duc Philippe le Hardi :

Cy gist Ire: hault et Irez puissant Prince el fondeur de l'église de céans, Philippe fils de Irez hault et Irez excellent el puissant Prince Jehan, par la grâce de Dieu roij de France, et de Dame Botnie, fille du bon roij de liaygne (?) sa compaigne, Duc de Bourgoigne el de Lembourg, Comte de Flandres, dWrIois, Pal al in, Sire de Salins, Comte de Nevers, de Pielliel et de Charolois et Seigneur de Matines, qui Irespassa à Halle en Hrabant le xxvii* jour d'Avril, fan de grâce mil quatre cent et quatre. Si vous plaise priez Dieu dévotement pour son (Une.

mouvenientô. La draporio (1(> Pliiiippe le Hardi osl plus large et jetée à grands plis plus énergiques et plus étofTés. Les mains, tout aussi réalisées que celles de Jean sans Peur, sont plus grassement modelées el plus belles; les anges agenouillés au chevet du moii ont des ligures plus jeunes, et la procession qui défile sous ses pieds, car c'était un des usages pittoresques du xiv'" siècle que de reproduire ainsi sous la statue d'un mort la cérémonie de ses funérailles, cette procession, dis-je, est elle-même plus variée et plus pittoresque. Pas une figure qui ressendjle à sa voisine, pas un geste qui se répète, pas un type qui n'ait son caractère et son action propre, d'une invention toujours singulièrement originale et éloquente. Un jeune lévite incline mélancoli- quement sa tète charmante, à l'idée de ces grandeurs mondaines si rapidement éclipsées. Un vieux moine barbu, au type énergique, relève le Iront en se frappant la poitrine; d'autres méditent soucieusement, le menton dans la main, le sourcil froncé. Un moine passe au troisième plan (car l'artiste a multiplié les plans de façon à donner autant de profondeur que de richesse à la scène, et cela n'augmente pas peu la vie et le pittoresque de la composition), un moine, dis-je, passe au troisième plan en tournant les feuillets d'un livre; un autre, ridé, rasé, tient son pouce dans le livre fermé et semble faire sur sa lecture des commentaires philosophiques; un autre se gratte l'oreille; un autre sort des groupes et tend la main, soit pour son couvent, soit |)Our les âmes d(\s trépassés. .le note encore les belles figures d'un solennel évé(|ue (pii prie, d'un clerc qui chante, d(! |)lusi('uis pi'étres qui suivent avec leur livre de psaumes, laiili'il oiivrrl, taiilôl fermi'. eeux-ci chantant.

0'ciil|c^tuccv J'(autaiuie XIV^ SIECLE

J'icyixe.) div ^oMiiu'^ii de l^^fviPippc [c jCa-^dt

C\-n(|c^tucC cHcuiici luic XIV^ SIECLE

^Ktjtiic'.^ du '(\>m()(-,ui lie \<'(Hrij.»|.)c {[' .Httwii

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d'aulres paraissanl iiUerpeller le ciel, celui-ci joigiiaiU les mains j)oiir prier, l'aulre l(^s levant en si2;ne de commiséra- lion, un antre encore les portant à ses yeux comme pour essayer une larme, deux autres enfin, qui semblent des officiers du duc, passant les pouces à leur ceinture et paraissant causer des vertus du déf'uni, Jean de la Viierla a essayé de copier Ions ces molifs : il l'a l'ail avec un immense taleiil; mais il n'a eu ni tant de vie, ni tant de variété, ni tant de finesse, ni tant de puissance. Sluler est vraiment inépuisable. C'est un Holbein pour le caractère et la finesse, et en même temps c'c^st un Jordaens pour l'abandon et la liberté.

Sluter grandit encore néanmoins dans un monument d'un tout autre genre aujourd'bui enclavé dans le jardin de riiospice des Aliénés à Dijon, propriété s'élevait autre- fois le couvent des Chartreux. Ce monument, qui |)orte le nom de Puils de Mo'ise, d'après une des principales figures qui le décorent, est, en effet, un puits au centre duquel s'élevait jadis une croix immense. La croix est tom- bée, la révolution de 93 l'a renversée, mais on a laissé subsister son piédestal au-dessus de l'orifice du puits, au- jourd'hui comblé. Ce piédestal, richement orné, porte six statues colossales qui représentent les prophètes et qui faisaient à la croix une sorte de garde d'honneur. On peut les citer comme ce que la scul|)ture gothi(pie, dans son expression monumentale, a produit de plus grandiose. Aussi ont-ils été fréquemment reproduits par la gravure, et on les retrouve à la fols dans le grand ouvrage de de Laborde, dans le Magasin Piiloresque de 18oi, p. 177, dans le recueil intilnh' l'.\rh's(e (18o8)et dans les A ris an i\loj/pn

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Age do Du Sommcrard (i ) ; mais ils sont représentés chaque fois avec de telles différences de forme et de style, qu'on ne peut, avant de les avoir vus, en porter aucun jugement.

Les figures des prophètes, qui gardent encore des traces de leur ancienne polychromie, se présentent dans l'ordre suivant :

Moise. Il porte à la main droite les tables de la loi; la gauche retient un long phylactère, qui part de son épaule pour descendre j)rcs(pic jusqu'à ses pieds. Le phylactère contient cette inscription : Immotahil agrum mvltiludo filiorum Israël ad vesperam. Tunique rouge, serrée à la taille par une ceinture à boucle et que recouvre aux trois (}uar(s une ample dj-aperie d'or, doublée d'azur.

David. Vêtu d'une tunique (pii descend à larges plis, un manteau doublé d'hermine et dégrafé flotte sur ses épaules et recouvre la harpe qu'il tient de la main droite. Dans la main gauche est un phylactère portant la légende : Fode- runt manus meus et pedes mcos.

Jérémie. Sa main droite supporte un grand livre ouvert, dans les feuillets duquel sont passés les doigts de sa main gauche. Sa poitrine est à demi-nue ; sa tète est couverte d'un chapeau. Sur le phylactère qui tombe du bras gauche on lit ces mots : 0 vos omnes qui Iransitis per viam altendiie et videle si est dolor sicul dolor tneus.

Zacliarie. Il porte dans la main gauche un encrier et un

(i) V. aussi les Voyages pittoresques en Bourgogne, description pittoresque et vue des monuments du moijeu âge, divisés en deux parties : Côtc-d'Or ot Saôrie-et-Loire, 2 vol. in-foi., texte par iNLM. Peignot, Boiidol et Cliamlnire; à Dijon, cliez la veuve Jobart; à Paris, ehe/ Dumoulin.

Les tombeaux des dues de Bourgogne ont été publiés dans l'Histoire générale de bourgogne, t. Il, p. 52") l'Allnim Du Sommerard, pi. xvii

eRxeJcS'fi.lec XlVc^UcCc

Ht^îiotypie rue Keyenveld 73.îxelles. àiidô de ' lioiJc Cl (Oijc)ii'.

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phylactère avec ces mots : Appenderunl mercedem meam triyinia argenteos. Bonnet conique, haut de forme, avec larges hords retroussés, sous lequel descend un chaperon dont les pans couvrent ses épaules.

Daniel. Tète levée ; chaperon ; tourne le dos à Zacharie et montre de la main droite à Isaïe Un phylactère qu'il tient de la gauche et qui porte cette inscription : Post hebdomades sexaginta duas occiddur Chrislus. Tunique attachée comme celle de Moïse, par une ceinture à houcle, mais celle-ci plus lâche et descendant plus bas; manches serrantes avec petits boutons très- rapprochés; chaussures pointues; manteau bordé d'une large broderie et attaché sous le cou.

Isdie, Chauve, longue barbe fourchue, tète baissée. Dans la main gauche, un phylactère avec l'inscription : Sicut ovis ad occisionem et quasi agnus coram tondenlein se oblumescet el non aperiet os suum. Sous son bras droit, un livre fermé ; ceinture tombante à laquelle sont attachées une aumonière ornée de glands et une écritoire. Robe à manches étroites et serrantes, comme les précédentes, et par dessus un surcot à manches larges, ouvertes au coude.

Les six prophètes sont debout sur des consoles ornées de feuillages d'une exécution remarquable et sous lesquelles règne une plate-bande sont inscrits les six noms. Ils sont séparés par des coloneltes avec doubles chapiteaux assez développés, lesquels servent de supports à ,des figures d'anges qui ouvrent leurs ailes et les déploient au-dessus des saints personnages.

La polychromie est restée surtout intacte dans les anges, dont la robe a gardé sa teinte d'un bleu céleste, intense et doux.

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La .scul|tlui"0 n'a pas ))lus soiiH'cii i|U(' la |)('iiilure. Les statues sont laites d'iine sorte do jiierre jaune, seulptée avec uiK^ linesse et une précision prodigieuses, et qui semble avoir la dureté du marbre, \ulle trace des ravages ordinaires de l'air et du temps.

Pour rexéculion, on ne piuil l;i déilnir qu'en répétant que c'est la plus énergique réalisation alliée au plus grand style.

David semble avoir été fait d'après un de ces beaux Juifs qu'on remarque à la fois pour leur tournure puissante et pour le charme séducteur de leur visage. La chevelure, bou- clée et crépue, descend à longs anneaux sur les épaules; les traits sont superbes de largeur et de finesse. C'est ce mélange de force héroïque et de délicatesse qui dislingue les grands marbres du Parihénon, et, sous ce rapport, personne plus que Sluter n'a mérité le titre de Phidias chrétien.

On voit encore des traces de rouge sur la robe de Jéré- mie. Le type est celui d'un vieillard de soixante ans, à la figure mélancolique et douce. Beaucoup de finesse et rien de sec. Les deu\ anges qu'on voit au-dessus de Jérémie semblent pour donner le sens de la figure : l'un, dans l'attitude du repentir, se croise les mains sur la poitrine; l'autre se voile les yeux. Les ailes, aussi simples que fermes, sont exécutées avec toute la précision qu'on pourrait apporter aiL\ figui'ines d'un retable.

Zaclinric est admirable. Encore un type plein de vie, de sincérité et de caractère. Tète de vieillard d'une expression un peu rude sous le bonnet (|ui lui descend jusqu'aux sour- cils, mais pleine tW bonté, les joues creuses, les lèvres ren- lrc(s. la barbe largcincnl clab'c sur une poitrine amaigrie.

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Hftli(jty];ie, rue Ivjveiiveld 7S, ix-^îlei

5î)

Daniel, maigre aussi (H commo dévoré par la flamme intérieure, esl un type d'une rare énergie, à l'œil oblique, au sourcil froncé, au nez recourbé; la bouche enlr'ouverlc parie, les épaules se soulèvent.

Isaïc est aussi beau que n'imjiortc quelle figure de la statuaire grecque. Les veines, les rides, tous les détails de l'âge sont exprimés dans cette tète chauve par un modelé qui égale en fermeté et en finesse celui de Jean Van Eyck, et le dépasse peut-être en puissance et bien certainement en souplesse. A droite du prophèle, un ange charmant, qui se tient le menton dans la main et dont la robe, d'un ton violàtre, est traversée de quatre larges raies d'or.

Moïse enfin, armé de ses cornes traditionnelles, domine bien foute cette splendide composition. C'est un type plein de puissance et de sévérité, tempérées par beaucoup de bonho- mie et de finesse, qui convient admirablement au législateur d'une race primitive, encore rétive au mors et à la bride, et, sous ce rapport, on serait lente de dire que Sluter est mieux entré que Michel-Ange dans le vrai caractère du colosse biblique. Sluter a analysé, fouillé chacun de ses types avec la profondeur psychologique d'un Balzac ou d'un Holbein Cette qualité chez lui s'élève jusqu'au génie et, à elle seule, suffirait à la gloire de ces admirables sculptures. Ici encore les deux anges placés aux deux côtés de la figure servent à le compléter, à en préciser la signification; l'un, à la gauclie de Moïse, lève les mains comme pour enseigner; l'autre, à sa droite, se croise les bras et regarde le ciel dans une attitude méditative.

Si complet pourtant que soit ce chef-d'œuvre, auquel aucun pays, nu xiv*" siècle, ne peut opposer un équivrdont,

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et dont la France, qui le possède, est si fière et à si juste titre Sluter, trouve moyen de le dépasser encore dans un dernier ouvrage, visible dans le même enclos : c'est le portail encore debout de l'ancienne église des Chartreux. Sur le pilier du milieu siège la Vierge, très-élégante de tournure et d'une richesse d'ajustement tout à fait magistrale. Sur les piliers des deux côtés, agenouillés et tournés vers elle, dans l'attitude de la prière, sont, d'une part, Philippe le Hardi, et, de l'autre, la duchesse Marguerite de Flandre, sa femme, ayant derrière eux, suivant l'usage, l'un son patron, l'autre sa |iatronne. Comme statue portrait, Philippe est une merveille qui réunit au plus haut degré les deux grandes qualités du talent de Sluter : la largeur et la finesse. La duchesse, avec ses narines pincées, ses lèvres minces et son juste-au-corps en fer-blanc, est une figure un peu plus gothique ; mais la sainte qui s'avance derrière elle, le corps un peu penché, les mains ouvertes, parée d'un voile léger qui retombe de sa tète sur ses épaules, est d'une morbidesse, d'une vie incom- parables. Toutes les qualités de caractère et de sentiment de l'art gothique, toute la puissance des grands statuaires de la Renaissance, toutes les souplesses de l'art moderne, tout se retrouve dans ces sculptures prodigieuses d'un artiste de génie qui, à l'aurore de l'art, parait avoir tout conçu, tout prévu.

Pour que rien ne manque à cette étonnante figure de Sluter, pas même l'auréole du renoncement, on le voit, au bout de ses admirables travaux, s'ensev(;lir lui-même volontairement dans la solitude et dans l'oubli. Entré au couvent des Char- freux, il ne devait plus en sortir. C'est en 1584 que Sluter parait dans les archives tie Dijon, comme sculpteur des

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tombeaux de la Chartreuse, sous la direclion de Jean de Meneville, artiste dont on ne connaît absolument que le nom; il lui succède le :29 mars 1590, et cette année et les suivantes , il travaille activement aux tombeaux , aux chapelles de la Chartreuse et à la décoration du château deGermoles. En 1593, il reçoit le litre de valet de chambre du duc. En 1404, il exécute un crucifiement pour le grand cloître, et une gratification lui est allouée pour ce travail, ainsi que pour l'indemniser d'une maladie qu'il a faite en 1399. Il fait alors marché pour le tombeau de Philippe le Hardi, et cette année même il se retire aux Chartreux. Des lettres notariées du 6 avril 1401 lui assurèrent le logement et la nourriture, pareille à celle d'un chanoine, sa vie durant. On ne dit pas quelle année il y mourut.

Pendant son long séjour en France, Sluter dut y former toute une école, si l'on en juge par la liste nombreuse de ses colla- borateurs et de ses élèves, en tète desquels se place le grand statuaire français Michel Colomb, àquiune tradition erronnée a attribué si longtemps les célèbres tombeaux de Brou.

J'ai déjà nommé les principaux collaborateurs de Sluter : Claux de Vouzonne, qui passe pour son neveu ; Claux de Verne, mentionné par les archives de Lille de 14H à 14112, comme ayant travaillé au tombeau de Philippe le Hardi et dont les archives du département de la Cùle-d'Or resti- tuent le vrai nom, Nicolas Vande Werve. Les œuvres per- sonnelles de ces artistes ne sont j>as connues ; mais on a celles de leur compagnon Jacques de la Baerze, dont les ouvrages le plus célèbres, les retables des ducs de Bourgogne, sont conservés et exposés à Dijon, dans la même salle que le tombeau de Sluter.

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I.cs ivlal)lt's oui cehidc précieux, (|u'ils l'cvùlcnt à hi fois le lalenl de deux arlislos. Iiidé|)eiulamment de leurs sculp- tures, qui soul du inailredeTcrrnondc, ils se rccominandeiit |)ar les volels pi'iiils (|ui les rci'iiiciit, l'un des rares ouvrages que Ton coiiuaisse de M<'lcliioi' Broederlaiii, peintre du duc Philippe le Hardi.

Les deux retables nircul fails en 151)1 pour l'orneinent de celte église de la Chartreuse dont Sluter avait si magni- fiquement décoré le portail. Ils onl l"'6i2 de liauteur; leur largeur est de i2'"()0. Etant ouverts, ils oITreiU chacun y"':2o de développement. A l'inlériiHir de chaque volet, dans des niches d'une riche architecture le plein-cintre ])arait déjà, sont dressés cinq figures de saints de 41 centimètres de hauteur, d'une fort belle jn-oporlion, un peu plus large que celle des figures de Sluter, et d'un fort beau style, aussi ferme et sim|)le qu'élégant. Dans la partie centrale sont (rois sujets traités égalemeid en rondebosse et représentant: à gauche, ÏAdoralion des Mages (neuf figures); au milieu, /e Ca/t'a«>e (vingt figures); à droite, le Christ au tombeau (huit figures).

Le secontl retable, dont les tableaux extérieurs ont été enlevés, représente dans sa |)arlie centrale : à gauche, la Décollation de saint Jean-Baptislc (six figures); au milieu, des Scelles de 7na>tj/res (sopi ligures;; à droite, la Tentation de saint Antoine (quatre figures).

A iiremière vue on csl tenté de beaucoup i-abattre delà l'épulation de ces sculptures cél(';br(\s, cai" on y e^t ai-rèté |)ai' maint détail (Tune exécution clioquante. Les types du mage agenouillé et du petit Jésus, dans le premier retable, confinent nu gi'olesque; il en est de nieii)(> de plusieurs des

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soldais (|ui sont aux \mds du Clin'sl étendu sur la croix el do la plupart dos porsonnagos qui le uielleiil pieusenioiit au lomboaii. Daus l'aulre relablc on voit se, multiplier des figures de déliions d'une laideur niaise et (pie saint Antoine lai-niéme, si j'en crois le sourire de sa bonne tète débon- naire, ne semble pas prendre au sérieux. Mais il faut réllé- chir qu'on a eu de nos jours la malenconlreuse idée de faire restaurer les deux relables par un sculpteur médiocre (pii s'est cru en état d'en combler les lacunes, et par un peintre fpii les a dorés et enluminés à outrance. Les figures qui ont survécu à celte double opération nous montrent dans Jacques de la Baerze un statuaire plein de goût et de style. Mais c'est aussi un de ces talents laits de naïveté et de linesse auxquels il est dangereux de toucher et qu'un rien suflit à dénaturer.

Le retable de Jacques de la Baerze et celui de l'église d'Hackendover commencent la série de ces menus ouvrages de sculpture sur bois qui vont prendre au xv'' siècle un si merveilleux développement. Il est exact de constater jiour- taiit qu'ils avaient eu des précédents dans la plus liante antiquité. Un ingénieux article anonyme de la Gax^etle des Beaux-Arls en a fourni la |)reuve i)ar une citation d'Apulée. Elle est empruntée à son Apologie. On y trouve un portrait de sculpteur antique (pii présente les plus singu- lières ressemblances avec nos ymaigiers du moyen âge.

« On m'a fait un crime, dit A|)ulée, d'avoir commandé certaine statuette destinée, dit-on, à des opérations ma- giques, et fabriquée secrètement avec un bois des plus rares. On ajoute qu'elle représente une momie, image hideuse et re|)oussante, que j'ai pour elle un culte tout juirliculier et

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qu(; je lui donne le nom grée de Dasileus (roi). Si je ne me trompe, c'est bien lii suivre pas à pas mes accusateurs, reprendre un à un chaque fil et décomposer la trame de leurs calomnies.

Le travail s'est tait en cachette, dites-vous. Comment donc! vous en connaissez si bien l'auteur, que vous l'avez assigné à comparaître ici même. Le voici : c'est Cornélius Saturninus (i), un des ouvriers les plus considérés parmi ses confrères, et d'une moralité reconnue. Il a subi der- nièrement votre interrogatoire méticuleux, Maximus, et il vous a expliqué tous les détails de l'affaire avec une bonne foi, une franchise parfaites.

Il vous a dit que j'avais vu chez lui plusieurs modèles géométriques (-2) en buis, exécutés avec beaucoup d'adresse et de talent ; que, charmé de son habileté, je l'avais prié de faire ([uehjues ouvrages (3) de sa façon; - que je lui demandais en même temps de me sculpter la statuette d'une divinité, à son choix, pour l'adorer selon ma coutume; la matière m'était indilïéreule, pourvu que ce fût du bois. Il vous a dit qu'il avait commencé son ébauche avec du buis ; que sur ces entrefaites (j'étais alors à la campagne), Sicinius Pontianus, mon gendre, voulant me ménager une surprise, avait obtenu de Capitolina, une de nos grandes (lames, un petit coffret d'ébène, et l'avait aj)porté à Satur- ninus, lui recommandant d'employer de préférence cette malièrc jilus rare et plus durable que l'autre. « Le cadeau.

(0 En adesl Cornélius Salurninus artifex.

(î) Mullas geometricas formas, des pièces de lour et de précision,

(3) Quœdam mechanica.

(k)

disait-il, me serait « d'autaiil plus agréable. » L'ouvrier était entré dans ses vues autant (jue possible; en assemblant un à un les morceaux d'ébène, il avait formé une épaisseur bien compacte et était ])arvenu de la sorte à exécuter un petit Mercure (i)...

Ce que vous prétendez avoir été fabriqué en secret, c'est donc Pontianus, un de nos chevaliers les plus brillants qui Ta commandé; c'est Saturninus, un homme grave, hono- rablement connu parmi ses confrères, qui l'a scul|)lé, assis dans sa boutique, au vu de tout le monde (%) ; une femme de condition a généreusement contribué à ce présent; une foule de gens, des esclaves et des amis, qui venaient chez moi, ont su que le travail devait se faire, qu'il était fait...

Si vous étiez si bien convaincus que c'était un emblème magique, pourquoi ne m'avez-vous pas fait sommation de le produire? Est-ce pour profiter de ce que l'objet n'était pas ici, et mentir à votre aise? Mais, grâce à une de mes habi- tudes, votre fausseté n'aura pas même cette ressource. J'ai |)Our coutume partout je vais de serrer avec mes ])apiers l'image d'une divinité et de l'emporter avec moi... Aussi, dès que j'ai appris celte impudente histoire d'une momie, j'ai envoyé en toute hàle à mon hôtellerie chercher le petit Mercure que Saturninus lui-même a fait pour moi. Donnez- le, qu'ils le voient, qu'ils le tiennent, qu'ils l'examinent. Voilà ce que cet impie appelait une momie!...

(i) Ita minutatiin ex tubellia (hebeni) compacta crassitialine Mercarium expediri potuisse.

(-}) Qiiod Salurniniis, vir gravis et probe iiitcr suon coynitus, in laberu la sua sedens propalain exaculpsit.

(U)

\ o\e/ duijc ! inif ct'llc ligui'c ('.>l belle cl coiiiiiic dit; l'cspire la vit>iieui' de l'allilùle! Quoi cnjoiieineiU dans l'ex- |)rcssioii du dieu! Quelle uràcc dans la barbe naissante (|iii encadre ses joues! El ces boucles frisées (|uc l'on aperçoit dans l'ombre sous le bonnet ! Et ces deux ailes syniétri(iues qui se dressent si joliment au-dessus des tempes! Avec quelle coquelterie ce manteau se rallacbe aux épaules! Oser dire (jue c'est une momie, c'est n'avoir jamais vu limage d'une divinité, ou les mépriser toutes.... «

Ce petit récit antique n'a-t-il pas le plus vif intérêt i)Our uneliistoire de l'art au moven àae:'

« Evidennnent il s'agit ici d'un statuaire "de talent, la descrij)lion d'un de ces ouvrages par un fin appréciateur comme Apulée en lait foi, et cet artiste distingué fait des pièces de tabletterie, des ouvrages de tour et des statuettes excellentes )iar-dessus le marcbé! El (notez ce détail) c'est sur N; vu des pièces de précision sorties de ses mains qu'Apulée lui commande une figurine, certain à l'avance qu'un ouvrier aussi adroit doit être un sculpteur consommé. N'est-ce point exactement ïouvrier-rirliste tel que le moyen âge l'entendait ?

La boutique est ouverte sur la rue; la devanture rabattue (Ml dehors sert de montre, et les échantillons sont rangés sur l'étalage. Il est là, le bonhomme Saturninus, assis sur son escabeau, avec un ou deux apprentis sans doute, tra- vaillant (l(^vant les passants et vendant lui-nuMue les objets de sa fabrlipie comme le prciiiici' venu. C'est bien ainsi (jue les anciennes miniatui'es et les jolies vignettes de Josl Amman représcnienl rinlcrieui' des boutitpies de lenr temps; l'artiste est à la fois ouviier (.'t marchand. A Home

(J7

cl à Flurciicf, Hoiivcimlo Celliiii avail aussi IjuulKjiie mii' la i'ik;; il li'availlait à rintérieiir, sous les yeux du public, cl niellait à la monlre ses eroijuis cl ses inaiiuelles. »

Rien de plus curieux (pie ce parallèle. Il m'a |)nru iiilércs- saul à noter au début d'une époque la sculpture sur bois va prendre un essor tout particulier, et devenir l'industrie principale et coinnie k travail de prédilection de la statuaire llainande.

Jean Rousseau,

(J conliiiHcrj

ÉPiGiiAPiiiË mwm DE y mmm

(Suite) {\,

INSCRIPTIONS ROMAINES DE METZ vS: DE BAVAY

Ch. RoBEin , Éj)i(jfajihie cjaUo-romaine de la Moselle; Paris, Didier, 1875.

Cn. RoBEiiT, MelaïKjes d\irchéolo(jie et iCliisloire; Paris, Duinonl, 4875.

EiiN. DESJAriDi>"s, Notice sur les monuticnls épigraphiques du Départemenl dii Nord {!\lcrii. de la Soc. d'ayric, de sciences et d\irts séant à Doua y, XI, 1870-1872), p. 79.

Barth Borghesi, en inlrodtiisanl la critique et la méthode dans la discussion des inscriptions anciennes, a mis en lumièrcle parti qu'on pouvait en tirer pour l'étude de l'his- toire, et a transformé l'épigraphie en véritable science à part, avec ses principes, ses lois et ses règles : désormais la signi- lication des sigles est déterminée, les lacunes dans l'énumé- laliuii des fonctions des cursus lionorum (ou nomenclature

fi) Voy. |ilii.s liaiil, liiill. des Comm. d'iirl et d'arctiéol., \V, p. "G, oii est indiqué le renvoi aux précédents articles sur les insciiplions romaines de Belgique.

iV.)

des dignités, ineiilioiuiée dans nnc assez grande série d'ins- criptions) peuvent se combler avec quasi certitude, et un jour tout nouveau est jeté sur r.'iilniinislration romaine et tout spécialement sui- l'oriianisation mum'eipale des pays conquis.

Lorsque le savant italien mourut, vai !8G0, à Saint-Marin, le gouvernement français institua une Commission interna- tionale chargée de publier en un seul corps les œuvres éparses de Borghesi. Cette Commission, indépendamment d'illustrations dans la sci-ence archéologique, comme iMiner- vini, Cavedoni et Noël Des Vergers, comptait parmi ses membres les sommités de la science des inscriptions, Mommsen, RitschI, en Allemagne, l'allemand Henzen (fixé à Rome) et de Rossi, en Italie. Cette commission eut pour président Léon Renier et pour secrétaire Ern. Desjardins; sept volumes des œuvres de Borghesi ont ainsi vu le jour, (i)

Borghesi avait été le promoteur des éludes ({ue Mommsen, à un moment donné de sa carrière, porta plus spécialement sur les inscriptions; aussi ce dernier, en 1852, dédia-t-il à son illustre ami un recueil des inscriptions latines du royaume de Naples, ce recueil dont le savant Hase (2) a si bien dit : « L'ouvrage de Mommsen n'est pour ainsi dire

que LE PRÉAMBULE ET EN MÊME TEMPS UNE DES PARTIES LNTÉ-

GRANTES (5) du Corpus incriplionum lat inarum de l'Aca- démie de Berlin. »

(1) OEiivres complètes de Bartolomeo Borghesi, publiées par les ordres el aux frais de l'empereur Napoléou HI; Paris, ami. 1862 et suiv.

(4) Journal des Savanls, 18.^o, p. 75Ô.

(5) C'est Tunique i épouse qu'on daigne l'aire ici à la pauvreté suivante qu'eu lit quelque part : « M. .S., a jugé convenable de porter h la connaissance (des savants) que l'Acadcniie de i'.erliu publie un Corpus inscript hmum latintirum,

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Aju-ès quehjues années d'indécisions ol de discussions, le plîin (le cet ouvrage de Mommsen l'iil adopté par la Com- mission chargée, an nom de l'Académie de Berlin, de mellre la iiinin au Corpus inscriplionum latinarum, au momeni on entrevoyait la fin prochaine du Corpus inscriplionum (jraecarum, puhlié sous les auspices de la même Académie, par Boeckh el consorts.

Mommsen devint la cheville ouvrière de cette Commis- sion, où il eut pour coliahoraleurs, dès 1854, RitschI, lïenzen et de Rossi, dont les noms ont déjà été cités ci-des- sus, et entrèrent par la suite les disciples qu'il avait Ibrmés : Ilùbner, Schoene, Zangemeister.

La méthode de Mommsen, admise ]iar rx\cadémie de Berlin (i),est.ia seule qui soit possible avec les quelque cent mille inscriptions romaines que l'on connaît aujourd'hui (2); Hase a, du reste, fait ressortir de la manière suivante les avantages de cette méthode : « Les monuments épigraphi- ques appartenant a un mémo territoire, à la même cité, placés les uns à côlé des autres, s'expliquent pour ainsi dire mutuellement; ce n'est qu'en les réunissant et les compa- rant entre eux (ju'on peut parvenir à se faire une juste idée de l'organisation municipale de la ville ancienne, de ses lois.

qui fompreiid (It'jà los iiisni-iptions de Aaples, de Pompéï, de l'Espagne, du Portugal, etc. .h' ne roc permettrai à ce sujet qu'une seule n'-llexiou, à savoir qu'aucun ('•pigraphiste n'ignore, sauf parait-il M, S..., que les iuseriplious de Najdcs n'ont pas encore paru dans le Corpus de Berlin. 0 (1) Monalsbericlile des Koniçilichen Preiiss. Akademic (h'r Wxai'iiihaflrii zii

lieriiv, mu, p. (m.

(i) Zf.i.i. eu évaluait ir i liilVir à GO, 000, il y a environ vini;! ans, el depuis, le cliid're s'est accru tliiii.' nianièrc étonnante, à la suite des enquêtes loi , îles qu'a suscitées la ctuil'eeiinn du Corpus de herîin.

71 -—

(le son impoitaiiec ; qu'on peul mémo qiielquofois reli'ouvcr ou compléter l;i filiation des familles patriciennes (|ui, pai- leur ancienneté ou par leur opulenc(\ exerçaient dans les colonies et les municipes un palronaue durahh^ et jouissaient d'une autorité incontestée. »

C'est aujouixi'Jiui la méthode universellement admise, sauf pour certains ohjefs mobiliers qui portent des inscriptions et qu'on a parfois jugé à propos de réunir dans des recueils spéciaux : Tels soni les pierres sigillaires d'oculisles (i), les sigles ligulins ou insci'iplions de potiers (2), les diplômes de

(1) Voir ce que dit à ce sujet M. Ern. DtsjAKinNs, /. cit., p. Ii7; le recueil le plus complet est celui de Grotekenl» {P/nlolof/us, XIII, p. \-2-2; XIV, p, 0-27; XXV, p. 153); les pierres de ce genre sont aujourd'hui au nombre de 130 : elles claient de 50 seulement il y a cinquante ans, lors de la publication, en i816, du recueil de Tôchox d'Annkcy.

Àdd. celles qui ont été publiées par les .Uihrhûchcr de Honn, LV-LVI (187.-)), pp. 93 et 265.

(i) Sigles finiiliiis, époque romaine, par l'aiittur du présent arlicle, Bruxelles, J8ti7, 29iî pages, oii 0,000 manpies sont réunies.

Les notes recueillies par l'auteur lui permettent d'annoncer qu'il a réuni les cléments d'un recueil de 0,000 marques nouvelles certaines, et d'autant de marques douteuses qui seront reportées dans un recueil à part d'après la méthode recommandée par Mommsen, Corpm Inscriplionii:» Iftiinanim, lil, p. 742.

ilii mot a propos d'une criti(|ue de cet illustre savant : d'après lui (/. cit.), SciiuERMANsius a eu tort de confondre dans un seul recueil toutes les marques de ])otiers trans- ou cis- alpines et pyrénéennes, parce que ces chaînes de montaj^nes seraient la limite non l'ranchie par deux classes de potiers, ayant rései'vé leurs produits leâ uns ii l'ItaHe et \i l'Espagne, les autres a la Gaule, la Bretagne et la (icimanie. C'est une erreur qui sera mise en évidence ultérieurement par le recueil annoncé ci-dessus, oii l'on verra (|ue les marques d'Are/./o et de Sagonte ont pénétré assez avant dans le Nord, et oii l'dn trouvera aussi des exemples de la situation inverse.

Quant aux autres critiques de .Mommsex el de Huhner (C. I. L. 11, pp. xxxv et 712), on se réserve d'y répondre dans le recueil annoncé, oii l'on l'era remarquer des erreur.s assez fortes du second de ces savants.

En tout cas, il parait utile, même an point de vue se p'ace Mommsf.n, di- présenter toutes les niarques de potiers dans un seul tableau synoptique.

72

congé militaire (i), etc. ; des objets de cette nature, facile- nieiil transportablcs et même destinés à être transportés, comme le sont, par exemple, les vases de terre cuite et les lampes, n'ont pas par eux-mêmes de signification locale proprement dite, ou ne l'acquièrent que par la fréquence des trouvailles au même lieu.

Mais, sauf ces exceptions qui confirment la règle, chaque contrée est l'objet de publications spéciales.

En Allemagne, nous avons une infinité de monographies : de la Société des antiquaires de Nassau sur les inscriptions de Wiesbaden, de Fickler sur celles de Heidelbcrg et Mann- heim, d(; Rnapp pour l'Odenwald, de Rapenegger pour Bade, de Von Ilefnor pour la Bavière, de Mezger pour Augsbourg, d'Ackner et Mûller pour la Dacie, de Klein pour la Hesse, de Becker [lour Mayence, de Kamp pour Cologne, etc., etc. ; indépendamment des travaux de Mommsen pour la Suisse, de Steiner et Brambach pour le Rhin en général, etc., etc.

En France, vers icSiô, le Ministre de l'instruction pu- l)lique, M. Villemain avait formé le projet de publier un recueil d'inscriptions latines, tel que celui qu'exécute en .ce moment l'Académie de Berlin; le projet fut abandonné par le successeur du savant ministre et repris partiellement en 1867 par l'Académie des inscri|)tions, sur la proposition de

(i) Corpus hiscripl. lalin., III, p. 8i5, nii sont réunis tous les (iiplûin.'s de congé militaire ti'oiivés en Italie, Sarilaigne, Gaule, Germanie, Bretagne, Kiivpte, Thrace, Mésie, Dacie, etc., et datant des règnes de Glande et de; Nî'rdM, jnsqn"a ceux de Diocjétien et Maxiniien.

Voy. aussi l.con Rknikr, Recueil des diiilonies mililiiires, doid les n"' '2' l\ îî'.i, ."1 et ")-2 concernent des aux liairjs l)el!;(*;.

75

MM. Renan, Waddinglon, de Saulcy et de Longpérier (i); cependant on ne s'en occupa plus guère qu'à titre de recueil des inscriptions de la France, recueil dont Léon Renier (^i) fut chargé et (jui est destiné à faire partie de la grande collection des documents ini'dits relatifs à l'Histoire de France.

Gela n'a pas empêché au surplus des publications spé- ciales, conçues dans le même esprit de division du travail el de localisation des études archéologiques et épigraphiques qui, grâce à Mommsen, s'est introduit dans le Corpus (\c Berlin.

Ne parlons qu'en passant de travaux la partie épigra- phique est l'accessoire, comme ceux de Renier sur la Phé- nicie; de Perrot, Edm. Guillaume et Delbet sur la Phrygie, la Gappadoce el le Pont; de Wescher et Foucart sur Delphes, de Heuzey sur la Thrace et la Macédoine, de F. Le- normanl sur Eleusis, de Duchesne sur la Pallène, de Guérin sur la Tunisie, de de Vogué et Waddinglon sur la Syrie. Mais citons ce dernier auteur comme ayant élé chargé de continuer l'ouvrage de Lebas sur les inscriptions de l'Asie Mineure (principalement les inscriptions grecques); en outre Léon Renier a réuni 4,000 inscriptions de l'Algérie, dont 5,500 inédites, et d'autres savants se sont appliqués à l'étude des inscriptions de telle ou telle partie de la France : MM. Lambert pour le Galvados, le colonel de Saint-Hilliers l)our la Touraine, de Boissieu pour Lyon, Revon pour la

(0 Acfid. dex Inscript, et Dellcx Lettres, Compfos rendus des Si'niices df 'ynnéo 1867, iiouv. série, III, p. 18. (2) Voy. ci-dessiis, Bull, des Comw. rai/, d'art et irarcliiU)!.. \, p. ~l.

Ilaulc-Sovoie, L. Aiidiat |)oui' la Saintonge, Woillez j)Oiir le Noi'd (1(^ la Fi'aïU'C, Buhol de Kersers pour le Berri et le .Nivernais, le hai'oii de Rivière pour le Laii,uuedoc, de Fon- lenay pour Aiilun, l'abbé Audierne pour Périgueux, Marcel Canal pour Gbàlon-sur-Saùne, Allmer pour Vienne, Mowal pour Rennes, Loriquel pour Reims, Germer-Durand pour Nimes, Texier pour le Limousin, Bourquelol pour Luxeuil cl Aix-les-Bains (i), etc., elc, elc.

Deux de ces monograpliics (ou les récenles, dont il sera rendu compte ci-après, concernent des villes de l'ancienne Belgique fort rapprochées de notre territoire actuel : Metz et Bavay; à ce titre, elles méritent qu'on s'en occupe ici, et ce soin ne sera pas inutile, car tout récemment lexistence d'un de ces ouvrages a éltv .signalée ;i un écrivain belge ()iii n"en avait pas connaissance, qni)i(pie s'occupanl du même sujet (;2).

C'est là, avant même que l'dMivre entreprise ici sur rEpigrai)hie romaine d(^ la Belgi(pie (acluelle) ne soit achevée, un agrandissement du cadri' primitif; mais il faut bien en Belgicpie 9,v tenir au eourani de ce qui nous con- cerne de si près.

Combien ne serait -il pas même à désirer (pi'ailleurs encore, à nos contins, à Trêves, à Luxembourg, à Mih's- Iricht, à Aix-la-Chapelle, à Bois-le- Duc. on n'Uiiil, poui- nous permettre de les (''ludier avec ensemble, les inscrip- tions des anciens Trévires, l'^bui-ons, Tnngi'cs, etc., elc...

Il y a, en ell'el. trop de contact entre i\v<^ populations si

(i) lliill. ilfs ('.iiinin. roi/, d'ail el d'archéol-, \. \t. "i. [i) r.i'll. de r.\c/nl. d'airliéol. de lU'ttj., Il, |i. lis.

/5

voisines, par c\oin})le enlre les Trévires do Trêves, d'Arlon et de Luxembouru-, pour (pie les renseignenKMils coiicor- nant les mœurs, le culte, les usages, la civilisalion des uns et des autres, ne se complètent pas niuliicllcnicnt. Tro|) de liens rattaelient des populations si voisines pour cpi'on puisse se dispenser de placer en face les uns des autns les nionu- monls de celles-ci et de celles-là (\).

I

inscri plions de Mclz.

Numisiiiale, épigraphisle, membre de r(''lal-major do l'ar- mée et en même temps membre de Flnstilut, M. Cli. Ro- l)ert, comme on l'a lait remarrpier (2), montre dans ses œuvres l'empreinte de sa quadruple individualité et celle-ci le porte à faire avant tout de l'archéologie pratique. Son volume de mélanges a même donné occasion de dire de lui que c'est en développant des enseignements jiareils aux siens qu'on prouve la valeur utilitaire de toute étude sé- rieuse sur le passé, et que par eux le gros du public com- prend de mieux en mieux la portée des études archéolo- giques et l'étenduiî des services qu'elles ont déjà rendus et qu'elles sont appelées à rendre encore par la suite.

Les Mélanges d'archéoloijie et (Chisloire contiennent plu- sieurs dissertations sur des sujets historiques, militaires et

(1) Rii ce qui conccrno Trêves, la grande importance de celle ville et la pailie relativement faible des Trévires qui était fixée dans le Luxeinlniui-g liclge, avait engagé l'auteur du présent article à laisser ce peuple complètement en dcliors du travail. Ce sera peut être l'occasion d'une étude spéciale, si les savanis meiijln.s de la Société des sciences utiles de Trêves négligent de s'en charger.

(•2) Revue iirehéolofiiqiie, noiiv. série. Xil, pp. 70 et l'I.

76

numismiUiques; l'auleur y éludie cinq intéressâmes inscrip- lions dclerrées à Rome pendant ces dernières années; mais ces mélanges se rattachent à nt)ti(,' sujet plus particulièrement par la publication d'une nouvelle pierre sigillaire d'ocu- lisle découverte à Reims et portant sur deux de ses faces :

CASSIIVCV.NDIDISMYR 11 NESADINPETVSOCV GASS. IVCV.NDI DIALEPI 11 DOSADASPP.ITVDINE

Le second travail de M. Robert, travail dont d'éminenls spécialistes ont fait un jusie éloge (i), est une l-Jludt; sur ï Epifjraphie gallo-rumuine de la Moselle (2).

La première partie de cette étude est terminée; elle com- prend les monuments élevés aux dieux.

ho seul reproche (pi'on ait fait à M. Ch. Robert est d'avoir suivi l'ordre indiqué par l'alphabet et non par l'im- portance des diviiiilés, et d'avoir même accepté les inscrip- tions suspectes, au lieu de les classer dans une catégorie à part.

Ce reproche, assez insignilrant du reste, n'est pas tout à fait bien fondé : en effet, d'une part, si l'on est d'accord pour placer Jupiter en tète de la hiérarchie céleste : abJove principium, le désaccord commence en dessous de lui, et à l'aide de l'ordre alphabétique, on évite, si l'on peut par- ler ainsi, d'inutiles questions d'étiquette entre les divinités anciennes. C'est, du reste, le mode suivi par Henzen, dans le

(1) Km. HiiitNER, .lalirbucher de Bonn, l,III-l,V, p. 1G.'>; J. Bf.crkr, ibid.. I^V-LVI, p. 20Ô. Voy. aussi Journal des Savfinls, 187,3, p. 4G9.

(2) Df'jk rilée ciilcssiis, liull. des Coiiini. roy. d'art el d'archéol., X, p. ôi; re nï'lait, du reste, que légitime réciprocité : M. Robert a bien voulu, de son côté, citi r à plusieurs reprises les études rie l'auteur du présent article sur les Siqles (igidim ou niarqufs de potiers et sui' VÉpigraphie de la Belijiqne.

/ /

Corpus insiriptionum lalinanoii, Vf, pour los iusci'iptions do Roino.

D'autre parl,esl-on l)ieii inailre de décidcj- quelles inscrip- tions sont aulhenliquos , ({uelles sont duiileusos, quelles fausses? N'a-t-on pas vu notamment réhabiliter plusieurs des inscriptions rang(';es parmi les spunae par Bram- bach (i) ou par tel ou tel autre épigraphisle?

Laissons donc l'auteur suivre la méthode qui lui convient le mieux, d'autant plus qu'il a soin, à l'occasion, de nous prévenir et de porter à notre connaissance les soupçons ou les doutes.

Cela dit, consignons ici les diverses inscriptions rci|)portées par M. Ch. Robert, en marquant d'un astérisque celles que l'auteur ne présente qu'avec des' réserves :

*I. D.ESCVLAP... Il G M CLEM... il PROSVISETS. . . il TVM S...

II. DEOAPOL... Il VL... SE^ilis

III. IN II . H. D. D. il DEO. APOLL'nI il L. CASSIVS. INOBILIS. Il ...

IV. APOLLINI . FlACG'

V. DEO II APOLLINI II Q. CE>S0R1.M II VSlLIiNVS il CALCAI'.IVS

*VI. D. APOL.... Sin0?2.E ET NVMPHIS LOCI il ANTONIVS L. DICAVIT EX VOTO.

(t) Par exemple, son n" o5, p. 566, il condamne une inscription, sans qu'on entrevoie d'antre motif qne la qnalité de cisis donnée a une femme trévire (Voy. ci-dessus, Bull., XV, p. 116).

Une seconde civis treveru vient d'ê;re découverte a 'dordcanx : il eu sera question dans un travail complémentaire sur les inscriptions d'Arlou.

-TS

\11. IN IMMJKI.M DUMVS. DIM.N ; (.O.NCul'.DlAL . CIMT.

CASTOr.l II ET IMILLNCI ! M. 1 KTl'.O.MVS

VIII. l-^p'jiiac .; DK.\Ti;r,ù/v 1)i;c.mi.n/<.v. r. s (i;.

IX. DI:AE. EPO.NAC II et GEMU. EEVC. il TID. IVSTIMVi-. Il

TiTiA-NVi;. ///' '. lc(j. laj. xxii. pr. Il wxoMykui. Il ex. \olo

\. CK.MU i' G. AVn. MATEH(M; Il PllEE. STAT. o. C. M. I;

i;atiiii;i(;. )»elI'U;vs li geie.ns

XI. lIEUGiJ .1 TALIUVWS ! OKICLAE. F il V. S. L. M

*XI1 (;J). IVl . MM'.IUNVMAE li ET SEHAl'l i E\SJ'EGT(</<<5. /icHlMETIS. AVG. \)lsp. vic i. V. S. E. ///

XIII. ). U. .Al il ?'nU0.NU11 II UUMVSDIM || .NAEVlGVSll" || >OIl'S l'Vr.L'GE II PU.SVER. IIIOVI || INFUASCH'P.TlS'iNT Ij CVRAEOKVM. T. IVL. Il ADIVTOr.'S. M. l'A\ El,' i| MAUTIAE'S. P. DO.N.NA || XI

•ï' lace : o. giamivs :i belevset I! gom.mvin's I! gia.mute' Il

ElAUlilX li VAP.IGIELI. F. il .MELVS. GliXTVS II Ml. F.

T)'' face : m. magihivs !1 atr'gtvsmajji 1! piîetiv.m i)Onav(itJ ||

TEP.E.NTl.NVSE/ Il PEP.EGRINVSl/ Il EANVISSAEFIl' " GAlVS g(eu)m. GO i RUDVS. SEX EEVJjIVS. CEE.MENS.

'î' l'aCC : p. ATTIVS i A.NTIGVS . e. VLTTIVS i DEPiGOIE II L)VS. M. VET ' TIVS MEIl 'i GATOU.

XIV. 1. o. M l l.N. IIONUIIE.M i IjO.MVS. dIvI.NAE \ M. VAEEH. IWE.NAI.IS , M. VAELi;. l.MJl. ElliEilT. : V.S. E . .M

(I) HKCKtii, /. cil., 11 aJiiicl p:is fiiiiilaiil, d'apros les umblèrncî, le voeabir Epona, supposé par M. Konicur.

{i) Monimieiit aullu'iiliiine, mais piovciiaiil de .Soib.Sdiis cl l'appoilo a Iml à X!cl/. il rnisoii des syll.ibcs mktis, co sidérées mal a propos loiiinie nom de liiu.

7î)

X\. [. 0. .M (;i\i'c M'|)| (liviiiilc.s con'c>|i((ii(l;iiil aux sopt pianotes tiaiis Toi-ilro elles prcsiilaieiil aux Jours de la sciii;iino}.

XVI. I 0 M (sui' la hase (J'iiiio colonne iiioiiolillie). XV^II. I. 0. M (sur une l)agu(3 on bronze).

*\\'1II. 1 0 M II IVXOM M.VGNVE !i IIIMICOLL il LT Gli.MO r.OCl i! l'IlO SALVTH 'i SVA ET GENTIS SVAE ^1 CORN SEGViNDVS ! EX VOTO

. XV[[l. IN ii iioxoiii l! DoMvsDivi '■ ^^\ù dis MAZ/'ABYS il

VICAM VICI l'AClS

XIX. MEncvuiu .1-, ivLivs :: pr.iMVLvs li v. s. l. m

XX. DKOJIEIICV I: lilO SILIAXA ; SILVESTUISl-' Il VSLM

XXI. (DOO?) VlCrCWAO i SAGP.V.M lUdlei? )1\7\IX. MAT : ('./' V')lO SVS. V. s. L. M

XXII. MEIl Ii T. S. A 1 . V. S II

XXIII. AI. E. Ii Csui- un bas-relief recouvi'anl un lombeau el repi-ésenlanl Mercure).

XXIV. ... GE.Nsoni.x... '; ... xokgiIx... (sur une base i|ui su|)|)orlail une slalue de Mei'cure).

XXV. MEUGVPvlO 1 NEGOTIA ' TOl'.I || SACR 1[ XVMISIVS ||

ALni.xvs II EX VOTO (Saus indicalion de cou|)ures.)

*XXVI. DEC MEUCV II r.lO XVMIXi II SAAGTISSI || MO HErvGV || MVS

IVM II OR AVGVlj STVS

*XXVIl. DEO MEPtCVr.IO XVMIXI SAXGTISSl.MO A.Mil.lVS .MAGISTEl". VIGIBODATII

80 XXVlil. In. II. 1). b \i^ inercur. f/svcio || ..accEPivs |j

.... MOTTIO 11 V. S L. .M.

XXIX. PRO. SALVTK. IMP. CAES \\ P. IlELYI. PEUTINACIS \\ AVG. P. P. PONTIF. MAX [[ TUIB. POTESTAT, COS. II jj P. HEL. PERTINACIS. CAES jj ET. IL. TITIANAE. AYGVST [| OCEANVS. SER.

VER.NA II DispENsa/or AEB.VMEMTO (Deux fois SUT uii aulcl représenlanl d'une i)arl Apollon, d'autre pari Mercure. J

XXX. DEO. MERCVRIO. (et) .ROSMERTAE || MVSICVS. LILLVTI. FIL. (et). SVI. ex. VOTO

XXXI. MIXVRIS II LVGANVS \\ V. S. L. M

*XXXI1. SILVANO il SAGR || ET XV.^IPHIS LOCI ]| ARETE DRVIS || ANTISTITA Ij SOMMO MOMTA || I).

XXXIII. DEAESIRONAE (i) \\ MAIORMA j| GIATIFILIVS l| V S L M

Plusieurs de ces inscri|);ions ont fourni à l'auteur l'occa- sion de dissertations des plus intéressantes, parmi les- quelles se distingue tout particulièrement celle qui traite des divinités synèdres, Mcrcurius et Rosmerta, qui méritent de retenir un instant notre attention, comme ayant été ado- rées par les Trévires dans le Luxembourg.

D'après l'ensemble des inscriptions, soigneusement rele- vées par M. Ch. Robert, le dieu Mercure et la déesse Ros- merta avaient leur culte tout spécialement localisé sur les bords du Rhin moyen et dans les civilates \o'\s\nes .

Le symbole qui caractérise le mieux ces divinités est le

(i) Le .s (iguré pat' un u baiiv = de, d'après certains auteurs; = s, d'après la plupart des autres.

Voy. outre les citations de M. Roijeiît : Bull, de la Comin. des Aiiliq. de l'nnicc, XXXIV (1875), p. 175.

81

cornu copiae , qui, avec la bourse et autres altribuls, indique évidemment l'abondance ; d'autres statuettes de Mercure que l'auteur du présent article a publiées ail- leurs (i) et qui ont été trouvées dans les mêmes contrées, portent également la corne d'abondance.

Certaine idée de M. Robert au sujet du culte des Maires et Matronae semble cependant sujette à discussion : « On rencontre, dit-il (p. 49), des Mères et Matrones en dehors des Germanies romaines et de la Belgique, mais en moins grand nombre. Les contrées leur culte s'était le plus répandu, étaient celles qu'habitait la race gauloise ou qu'oc- cupaient des troupes ayant appartenu h l'armée du Rhin; tels sont les confins militaires de la Bretagne, les villes de Lyon, d'Arles et de Nimes, la Cisalpine, etc. »

M. de Caumont, de son côté, avait antérieurement fait remarquer en sens inverse (2) que si, d'après la Société archéologique de Londres, on ne trouve les déesses-mères que vers les bords du Rhin ou en Allemagne et point en Italie, il s'en rencontre pourtant à Autun et dans beaucoup d'autres villes de l'ancienne Gaule, dont les mceurs étaient tout à fait romaines.

Laquelle adopter des trois thèses indiquées avec plus ou moins de netteté dans les passages ci-dessus : Les Maires et Matronae sont-elles ou romaines, ou germaines, ou celtiques?

(1) Jahrb. des Vereins von Alterthiimsfr. im liheinlande, t. LVIII, p. 109. Add. aux citations de M. Robert sur les autels dédiés a Merciirius et Rosmerta

Jahrbùcher de Bonn, II, p. 117; Zeitticfirift des Vereins ziir Enl forschuug der rheinische Geschichte iind AUerthûiner in Mainz, IF, p. 541.

(2) Cojigi^s archéol. de France, 1847 (Sens, Tours, Angoulènic, Limoges), p. 29.

82

Réservons cette question, qui ne semble pns susceptible encore d'une solution bien nette, et bornons-nous à rassem- bler les éléments qui pourront servir ultérieurement à l'élu- cider.

On le sait, une certaine série d'inscriptions en l'honneur de ces divinités ont été retrouvées ailleurs que sur les bords du Rhin, notamment en France (i), et, en outre, on peut citer la découverte (2) d'un temple en l'honneur des Maires, faite récemment à Avigliana, au nord de l'Italie. On y a trouvé plusieurs inscriptions inédites ou très-peu con- nues, parmi lesquelles les suivantes :

MATIIONIS II TI.IVLIVS PRISCIL. Il ACCESTES CAES... Il SERVIS.... Il STATION... Il MATRONIS

On a également trouvé à Domo d'Ossola, en Piémont, l'inscription :

MATRONIS SACnVM II PRO SALVTE CAESARIS || NARCISSVS C. CAESARIS L

Et à Foresto, aux environs de Suze :

MATRONIS VOTVM 11 SOLVIT 1| SEX. IVLIVS 11 SECVNDINVS. 9 Il V. S. L. L. M

MATRONIS VoTvM II SOLVIT || T. SANCIVS MARCELLINVS || L. L. M

(i) Aux citations di''ja connues, add. : Eevue archéologique, juillet 187-t, p. 71 (matribvs ALMAHAr.vs); Indicateur de Varchéologue, 1874, p. 59*!; Corpus inscri]jtion. latin , V, n»" 4157, 42G0, 4247; VF, n" 997 ; Laevinus Torrentius, MS. 45 19 (Biijj. de lîrux.), xcvii; Mémoires et documents pour servir à l'hist. de la Franche-Comté, I, p. 14G; Giidius, p. 316; Jahrb. de Bonn, LVII, p. 198; DE BoissiEU, p. 59, n" XLiv; etc.

(2) Découverte faisant l'objet d'une note manuscrite du P. Placido Bacco da GiovANO, note dont communication est due à l'obligeance de M. Van dkr Maelen, directeur de l'Établissement [.'éographique de Molenbeck-Saint-Jean.

DIVIS MATRON[S il T. VIN. DONV || C0MI\IT)VM V. (ET). L. S Il .... ON/aBSVM ex VO II .rESTITVIT L. M

Etc. etc.

Il n'est pas inutile de faire remarquer combien les inscrip- tions de Metz peuvent éclairer les autres inscriptions de l'an- cienne Gaule belgique et notamment celles de Trêves et du Luxembourg.

Le V ci-dessus, aujourd'hui perdu, porte un surnom llinus que Schoepflinn avait lu lÂUius. On peut rapprocher ce dernier nom du Lcllius (douteux pourtant) du n" 343 d'Arlon (i).

Ainsi encore le -nom Censorinius de la même inscription (voy. aussi le n" XXIV de Metz) doit être mis en regard de l'inscription n" 346 d'Arlon (2).

C. Aur. Maternius, de linscriplion X de Metz, fait songer à un Matcrnius de l'inscription n" 39 de Goyer (3) et plus encore à un (Au)r(elius) Malernus de la coh. I Sept. Bel- garum Alexandriana du Musée de Wiesbaden (4).

Q. Giamius, de l'inscription XIII de Metz, rappelle Gia- miilia, Giamilla et Gimmius des inscriptions n"' 45 et 541 d'Arlon (3).

Le Major Magiati fdius, de l'inscription XXXIII de Metz, et la Prucia (Prudca avec d barré) d'une inscription de la

(1) Bull, ci -dessus, XV, p. 118.

fa) Ibid., p. l-2i. (Iiiiiépendamnient de certaine Censorina de Carden, p. 90).

(3) Ibid., VII, pp. 59 et 08.

(4) Ibid., vn, p. 108. Cfr, Tiiiscription de Carden, citée XV, p. 90. (o) Ibid., VII, p. 00, no 43, et XV, p. 115.

84

même ville (i), rappellent le PrusciusMcKjio de l'inscriplion n" Ô48 d'Arlon (2).

Etc. etc.

Enfin n'omettons pas d'ajouter que le comte de Caylus cite une mosaïque trouvée à Metz, en 1755, auprès de la paroisse de S. Gorgon (0),

Cette mosaïque portait l'inscription :

DIANAE VENATRICI

M. Robert a omis cette inscription dans sa revue des inscriptions en l'honneur des divinités ; Diane doit donc être ajoutée à la série des dieux adorés par les Belges de Metz.

Somme toute, et sous le bénéfice des observations qui précèdent, le livre de M. Robert est indispensable à tous ceux qui voudront étudier la période romaine de notre his- toire et combler sur ce |)oint la lacune que présentent tous les traités et tous les manuels, l'on trouve à peine quel- ques pages pleines de généralités sur les temps intermé- diaires entre l'invasion de César et celle des Franks.

II.

inscriptions de Bavay. A. Certaines inscriptions trouvées à Bavay ont déjà été étu- diées ici, mais il convient de compléter ce travail en faisant

{«) Citée par M. Robert, p. 93.

(i) Bull, ci-dessus, XV, p. 126.

Add. sur le nom de Magius ou Magiorix : Steiner, n" 1733; Brambach, II» 1867; Jahrbûcher de Bonn, LIII-LIV, p. 195, el LVII, p. 70; Congrès archéol. de France, XXVI» Session (Strasbourg), p. 88; Bull, de la Société, etc. , d'Alsace, VI (1868), p. 50.

(ô) liecaeil d'antiquités, V, p. 326, pi. cxvii. De Caylus, ibid., p. 524, cite une ioscripliou l'unérairc sur laquelle rattentioii de M. Cti. Robert est appelée.

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connaître ce qui a été publié à leur égard, notamment par M. Ern. Desjardins, dont il a été parlé plus haut.

On croit cependant ne pas pouvoir se refuser à y ajouter, pour mémoire, les autres inscriptions découvertes à Bavay, ville à laquelle nous tenons par tant de liens (i).

N''318(2) CAES

RO AEEXAN ICI AVG NERVIOR

C'est un fragment d'inscription composé de quatre lignes dont le commencement nous manque.

Cette inscription avait été présentée d'abord comme dé- couverte, en 1821, à deux mètres de profondeur, renversée sur la base mutilée d'un ancien monument, et l'on avait en vain cherché l'autre partie de l'inscription.

Mais voici de nouveaux renseignements extraits d'un ma- nuscrit intitulé : « Bavai ancien et moderne. Ouvrage com- posé d'un recueil de dessins des antiquités trouvées sur son territoire depuis 4824 jmques fin 1829, par Antoine Nive- leau, architecte de la ville de Valenciennes, ancien élève mé- daillistede l'école spéciale de Paris (3). »

L'inscription y est indiquée comme existant sur un frag-

(1) Recueil d'anliqiiilés, V, p. 527.

(2) Voy. Bull, dea Comm. roij. d'art et d'archéoL, IX, p. 248.

(3) D'après une copie efTecluée par Clém. Meurs, élève de l""' liasse, section d'architecture, de l'école royale des Beaux-Arts de Paris, 1859. MS. possédé par M. Anatole Crapez, de Bavay.

On a assuré à M. Ern. Desjardins que l'original de Niveleau existe encore.

86

ment de pierre (tiimulaire), découvert en 1825 dans la maison de M. Ravaux-Prévost et provenant d'anciens murs le fragment avait été remployé, ce qui diffère un peu des énoncialions ci-dessus reproduites.

Autre rectification : d'après M. Lebeau (i), les quatre bouts de ligne qui complètent l'inscription auraient été trouvés, deux cents ans auparavant, sur un autre fragment de pierre exhumé à Bavay en 1621. Nouvelle preuve de l'importance qu'il y a de recueillir les moindres fragments : colligas fragmenta ne pereant, comme on Ta dit d'après un ancien.

Ce dernier renseignement complète l'inscription; des italiques indiquent la partie anciennement mise au jour : imp. CAES m. aur. seveRO ALEXAN dro pio /e/ICI. AVG civitas NERVIOR

(/???peralori Cae^ari iUarco Awrclio Severo Alexandre pio felici Augusto, civitas Nerviorwm.)

Deux circonstances rendent cette inscription suspecte aux yeux de M. Desjardins : d'abord il a vainement recherché la pierre découverte en 1823 dans la maison Ravaux, l'on n'a pu même lui donner aucun renseignement à ce sujet; en outre, le curé Carlier, auteur d'un manuscrit sur les antiquités de Bavay, n'a pas relevé la circonstance de la la trouvaille de 1C21. M. Desjardins ajoute que nous ne

(0 Antiquités de l'arrondissement d'Avesnes, p. 22, et leur réimpression, par Michaux, sous le tilie di- llecueil de notices et articles divers sur l histoire de la contrée, etc., 1859, p. 37.

savons rien ni de la provenance, ni des dimensions de la pierre, ni de la forme des lettres, dont le dessin conservé ne reproduit pas le facsimiie.

Il semble difficile de se montrer aussi rigoureux : est-ce une raison de condamner un monument, que sa perte et l'impossibilité de le vérifier de visu? A ce prix, la moitié des inscriptions recueillies et non exlantes devrait être rejetée. De plus, si le curé Carlicr n'en a pas parlé, c'est que ce respectable antiquaire était mort en 1818, sept ans avant la découverte du fragment complémentaire, et qu'ainsi il n'a eu aucune occasion de faire même allusion à la décou- verte de 162i, s'il l'a connue; d'ailleurs le MS 1086 de la bibliothèque de Douai est le catalogue de la collection Carlier et avait pour but d'inventorier les richesses de cette collection, plutôt que de s'occuper de toutes les antiquités de Bavay en général, qui n'avaient pas une relation directe avec cette collection. Il a bien ajouté à son catalogue quelques inscriptions, les dessins de subslructions, d'hypocausles , de bains, de bijoux, etc.; mais rien ne permet de conclure à la non-existence de certaines antiquités déterminées dont le curé Carlier a pu, du reste, ignorer l'existence.

Voilà pour les circonstances extrinsèques; mais en voici une qui tient à l'inscription elle-même.

x\I. Desjardins énonce comme argument contre l'authen- ticité de l'inscription de 1621-1823, le caractère laconique do celle-ci : il fait remarquer que généralement les noms d'Alexandre Sévère sont complétés dans les inscriptions par l'énoncé de ses divers titres.

L'objection n'est pas absolue en soi; il suffirait donc pour la réfuter de citer une seule inscription semblable à celle de

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Bavay; un seul exemple serait une présomption suffisanle pour détruire la présomption contraire. Mais on peut aller plus loin. Il suffit d'ouvrir les recueils (i) pour mettre la main sur un très-grand nombre de monuments les noms du prince en question sont inscrits de la manière suivante (et quelques-uns mémo d'une manière encore plus simple) : Imper ator Caesar Marcus Aurelius Severus Alexander PUIS Félix Augustus, formule qui se trouve ainsi être plutôt la règle générale que l'exception.

On peut donc considérer l'inscription comme authentique et la maintenir sur la liste des inscriptions concernant la Belgique découvertes à l'étranger.

^"ÔU (2j : L. OSIDIO...

QYIETI FILIO NERYIO OMNIB HONOR/6W5 apud SVOS FVNCTO. SXcerdoli AD ARAM CAES Nostri apud teni PLVM ROMAE ET Augustiin TER CONFLYEN/es Araris ET RIIODAni TRES PROVmcfoe ^ALLIARUM

(i) MuRATOKT, 9, 9; Corpus inscriptionum latinarum {de l'Arad. de Berlin), III, n"" 556, 709, 5327, 5427, 6471 ; V, n"' 1857, 2315; VII, 732, etc.; Revue archéologique, février 1876, p. 128, etc., etc.

(«) Bull, des Comm. roy. d'art el d'archéol., IX, p. 255.

80

Telle est la lecture (avec son complément en italiques) donnée à cette inscription lyonnaise par M. Desjardins (i).

Ce monument est conservé au palais Saint- Pierre à Lyon et la forme des lettres accuse le i" siècle de l'ère chrétienne.

Le monument, d'après M. Desjardins, présente un grand intérêt pour l'histoire de Bavay et pour la cité des Nerviens, dontBagacum était le chef-lieu. On y voit que L. Osidius, fils de Quietus, noms de forme latine et appartenant donc à un Gaulois romanisé, avait d'abord rempli dans la cité des Nerviens tous les emplois ou exercé toutes les magistra- tures annuelles, c'est-à-dire celles de decurio, membre de \ordo ou conseil de la cité, fonctions conférées par les duumvirs en exercice lors du recensement quinquennal, puis de quaeslor, d'aedilis et de duumvir, charges an- nuelles auxquelles nommait le peuple réuni dans la curia si tant est toutefois que, dès le i" siècle, le mécanisme administratif des cités italiennes, ayant le jus Latii, ait été appliqué aux colonies et municipes des provinces : les inscriptions font, au surplus, connaître un grand nombre de decurwnes, guaestores, etc., dans diverses cités de la Gaule.

M. Desjardins se livre à ce sujet à une discussion intéres- sante sur l'extension du droit de cité accordé d'abord aux primores, ou principaux personnages, pour vaincre le drui- disme, et plus tard seulement à tous les habitants libres des villes. On se borne à renvoyer le lecteur à ce qu'il dit, comme pour tout ce qui concerne l'assemblée politique et

(i) D'après de Boissieu, Monuments antiques de Lyon, p. 114, n* 23.

yo

religieuse des délégués des soixante cités créées par Auguste, en l'an 27 avant l'ère chrétienne, dans les trois provinces des Gaules, délégués réunis annuellement à Lyon, au temple de Roma et Âugustus, et y nommant le prêtre unique, sorte de pontife suprême chargé de les représenter tous; au moins dans une circonstance, celle que rappelle notre monument, ce prêtre fut un Nervien.

N*' 555 :

DM I DM

Q. POMP. CRISPO m. POMP. VICTOR

TARQ. SECV.XDAE Q. C. R. C. N.

POMP. VICTOR SIBÏETOCRATIAE

PARENTIB. FECIT SECVNDAE VXORl

VlVOS F

(Z)iis J/anlbus. Çuinto Pompeio Crhpo, Tar^uiniae Se- cundae, Pompe'ms Victor j)arenlibas fecit.

Dus Jianibus. Jiarcus Poinpehis Victor, <7uaestor civium /ifomanorum civitatis i\erviorum, sibi et Ocraiiae Secundae uxorivivus fecil).

Celle inscription avait été ci-dessus (i) mentionnée seule- ment pour mémoire, parce qu'en l'absence d'analogies, croyail-on, il y avait lieu de considérer comme suspecte la fonction de quaestor civium romanorum civitatis Nerviorum, indiquée par les sigles q. c. r. c. n. Le doute était, du reste, d'autant plus permis, semble-t-il,queces sigles n'étaient pas présentés comme pourvus d'un plein caractère de certitude,

(i) Bull, des Coiiim. roy. d'art et d'archéol., IX, p. 260.

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puisque le curé Garlier, qui a possédé le monument et qui avait déjà proposé la lecture quaestor, etc., en présentait en même temps une autre les lettres desdits sigles n'étaient plus les mêmes : Quinli Pompeii filins, Crispi nepos, et l'on avait cru pouvoir rectifier cette lecture en se bornant à sup- poser l'erreur, facile à commettre, d'un f pris pour un r : Quinti Crispi (ilius, Caii nepos.

Et, en effet, on peut citer (i) un assez grand nombre d'inscriptions portant les sigles f. n. et môme pron [pro- nepos) après le prénom du père, de l'aïeul (et du bisaïeul), et si l'on avait préféré ici la lecture Crispi (plutôt que Puni- peii), c'est qu'il était plus simple, en respectant la version Q. G., sans y substituer q. p., délire lecof/uoinen plutôt que le gentilicium déjà répété trois fois dans la double inscrip- tion.

Mais la place occupée par cette énonciation de la descen- dance, mise d'une manière anomale après et non avant le cognomendeVictor, l'abréviation insolite du cognomen Crispi par un sigle et surtout la reproduction de l'inscription faite de visu par M. Desjardins dans la pi. ii de sa notice, enga- gent l'auteur du présent article à se ranger plutôt à l'avis de ce dernier auteur, sous une réserve qui sera indiquée ci-après, et à se départir, par conséquent, de la sévérité qui avait fait exclure de la série des inscriptions romaines con- cernant la Belgique l'inscription ici discutée : elle prendra donc rang dans cette série avec un numéro spécial.

La qualité de quaestor civium romanorum civitatis IVer-

(i) Gia'TER, table des abréviations : c. f. c. n, et, ibid., 3-il, 8, 545, 4; MuRATORi, 853, i, etc.

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viorinn est ce qui forme, comme le fait très-bien observer M. Desjardins, le principal intérêt du monument..

M. Desjardins donne un fac simile du monument : il ne peut donc plus y avoir d'hésitation sur l'existence des sigles Q. G. R. G. N., et il n'y a plus qu'à les interpréter.

L'abréviation q placée après les noms ne peut indiquer ({u'une fonction, or ici cette fonction ne peut être que celle de quaestor. Les deux lettres c. u., fréquentes en épigraphie, ne peuvent vouloir dire autre chose, ici comme ailleurs (i), que civium ronianoruin. Quant aux deux dernières lettres, dit M. Desjardins, leur sens pourrait être contesté si nous n'étions pas édifiés sur la provenance du monument, mais comme nous sommes assurés qu'il provient de Bavay et que Bagacum était le chef-lieu de la cité des Nervii (2), ces deux initiales, qui eussent élé inintelligibles ailleurs, deviennent parfaitement claires dans cette localité, l'usage étant adopté de désigner par de simples initiales les noms de la cité dans le territoire de laquelle se trouvaient les monu- ments. C'est ainsi que les inscriptions de Grenoble et de Genève, simples vin qui faisaient partie, avant le règne de Gratien, du vaste territoire de la colonie de Vienne en Dauphiné, portent les lettres c. v. (Colonia Vicnnensiam'), et que les inscriptions de Narbonne sont marquées : c. i. p. N. M., que les habitants de cette cité et les étrangers eux-

()J Le Bull, de VAcad. d'archéol. de Belgique, II, p. 17, traduit erronément c. R pris pour g. b, par genio romano.

(«) Note do M. DES.IARDINS : NEpo-j'-c. wv ttoÀ'.; pâvay-ov, Ptolémke , II, IX, 11: Bagacum ^ierviorum, Itinér. dit t/'Antonin (éd. Wesseling, p 580); Baca conervio (ÏUicaco ^erviorwm), mention accompagnée de deux tourelles, signe qui indique le plus souvent, sur ce documeut, un chef-lieu de cité (Nouv. édit., Segm. 1, c. I).

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mêmes qui se Irouvaienl dans le pays lisaient sans hésita- tion : Colonia Julia Paterna Narbo Martius,

Les cives romani d'une localité constituaient ensemble un coUegium qui confiait la gestion de ses intérêts à un quaes- tor. Rien de plus commun que les qnaeslores ou curatores de semblables collèges (i) ; c'est ainsi qu'on trouve un cura- tor civium romanorum convenlus helvetici à Lausanne (2) et à Nyon (3), un summus curalor civium romanorum pro- vinciae lugiidunensis à Lyon (4), un curator civium roma- norum Mogontiaci dans une inscription de Monza en Italie, inscription il est question d'un personnage exerçant les fonctions dont il s'agit à Mayence (5). Enfin, à Finthen, près de Mayence, une inscription de l'an 198 de notre ère résout la question. C'est un monument consacré à Mercure par L. Senilius Decmanus, qui y est ainsi qualifié : Quaestor, curator civium romanorum Mogunliaci, negocialor Mogun- tiaci, civis Taunensis (e). C'était un citoyen de la cité du Taiinus, bien connue d'ailleurs par d'autres monuments, qui était allé s'établir à Mayence pour y exercer le négoce et qui avait été choisi par les autres citoyens romains, négo- ciants comme lui, pour leur questeur et leur curateur.

M. Desjardins pense, avec M. Léon Renier, que l'inscrip-

(1) Henzen, Index du supplément au recueil d'ÛRELLi, III, pp. 176, 178 et 179.

(2) CYK c. R. coNVENTVs HEL, MoMMSEN, Inscr. lielvet., n" 155.

(3) CVR. c. R. CONVEN. HELVETIC, Id., ibid., Il» 122.

(4) SVMMVS. CVRATOR. C. R. PROVINC. LVG. (OrELLI, 11° 4020).

(0) ID., no 4976.

On peut encore y ajouter les inscriptions d'un curalor conventus civium romanorum à Vérone (Mommsen, Corpus iiiscript. iatinn., V, n"' 5576, 77, etc.

(o) Voy. entre autres Henzen (contin. d'OREixi, 5245, 5569, 56o5*^', etc. ; Ch. Robert, Épigr. de la Moselle, p. 26.

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(ion de Bavay concerne, sans doule, (les negociatores romains, ayant la qualité de citoyens et établis à Bavay; d'où la con- clusion qu'il ne peut s'agir ici des Nervii en général, ni de la questure municipale de leur cité.

M. Desjardins confesse bien que, dans cette hypothèse, la ïornn\\equaestorciinumromanoru7ncivi(atîsNerviorumh[sse quelque peu à désirer pour la correction, et que la logique appelait au lieu des deux derniers mots, ceux-ci : in civitate Nerviorum consislenlium ; mais il est imbu de l'idée que l'inscription est du commencement du premier siècle, c'est- à-dire d'une époque le droit de cité n'avait pas encore été attribué à tous les membres de la civitas Nerviorum.

En effet. César n'avait accordé, et à la Narbonnaise seu- lement, que le jus honorum, c'est-à-dire le droit de cité romaine, et ce droit avait été réservé aux seuls personnages qui avaient exercé dans leur patrie des charges municipales. Claude avait voulu accorder le même droit à tous les primo- res delà Gaule indistinctement, comme en témoignent les Tables Claudiennes conservées à Lyon, ainsi que Tacite; mais le Sénat restreignit la faveur aux seuls Aedui; Galba l'accorda à plusieurs autres peuples; Othon aux ÏÂncjones. C'est Hadrien qui octroya le jus Latii à toute la Gaule et [a jus civitatis à toutes les cités qui jouissaient déjà du droit latin (i).

Avant ce dernier empereur, il ne pouvait donc y avoir à Bavay en fait de citoyens romains que ceux qui étaient

(i) Mémoires cités de D 01101/,%" série, IX (1866-1867), Noie mr quelques inscriplions (lu musée de Douay, oîi M. Desjaiîdins, anlérieuremcnt à sa notice plus développée de 1870, s'était déjà occupé de notre inscription n"535.

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allés s'y établir accidentellement, comme les negociatores dont il a été parlé plus haut, comme aussi les vétérans des légions ou des cohortes auxiliaires qui avaient obtenu, ainsi que le prouvent les diplômes de congé militaire, \quv honesta missio avec le connubium, ou droit de mariage romain, et le jus civitatis pour eux et leurs enfants.

Ce serait même seulement à l'aide des negociatores qu'au- rait été constitué le groupe des cives romani de la cité des Nerviens, car M. Desjardins, s'appuyant peut-être trop exclusivement sur la Notice des Dignités, document du IV" siècle, et sur l'absence d'autres documents mentionnant des campements romains aux environs de Bavay, ne croit pas qu'il y ait eu antérieurement de pareils campements en cette localité.

Mais y a-t-il bien des raisons suffisantes pour faire re- monter notre inscription au commencement du premier siècle? Au lieu de considérer Bavay, dans le temps indiqué par l'inscription, comme n'étant pas encore organisé en co- lonie romaine ou municipe, avec une administration com- posée de ses magistrats annuels, de ses duumviri juri di- cundo, de ses aediles et de ses quaestores, et de son ordo ou conseil de decuriones, faut-il bien voir seulement dans le collège des cives romani civitatis Nerviorum une petite so- ciété à part, distincte de la cité elle-même, et ayant ses tré- soriers ou quaestores indépendants, une véritable déliba- tion de la cité romaine dans les provinces éloignées?

La solution de cette question dépend nécessairement de la date qu'il y a lieu d'assigner à l'inscription.

La forme des lettres ne dit rien par elle-même ; c'est celle des inscriptions du Haut-Empire : elle a persévéré jusqu'à

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la lin (kl second siècle et un peu au delà, et peut indiquer le temps des Antonins à peu près aussi bien que celui d'Auguste ou de Tibère.

Le nom de Pompeius, de son côté, se retrouve dans de nombreuses inscriptions beaucoup plus récentes. Ce nom, très-fréquent en épigraphie, sous la forme masculine ou féminine, se trouve environ cent cinquante fois dans le re- cueil de Gruter et deux cents dans celui de Muratori, et il a suffi de feuilleter la série d'inscriptions avec date certaine, disposées par ordre chronologique que donne ce dernier auteur, pour y trouver (i) un L. Pompeius de l'an 105, un Cn. Pompeius en Tan 152, etc.

Aussi est-ce sur un seul argument topique que M. Desjar- dins s'appuie : le mot vicos pour vivus, dit-il, est essentielle- ment un archaïsme, dénotant par lui-même que l'inscription date du commencement du i" siècle et qu'elle est antérieure, par conséquent , non-seulement au règne d'IIadrien, mais encore à ceux deS' successeurs de Néron et même à celui de Claude.

Or c'est une erreur matérielle : le mot vivos, pour vivus, s'est montré cinq fois dans les inscriptions d'Arlon, qui sont fort vraisemblablement de la fin du ii* siècle ou même du commencement du iif . La cité des Nerviens était voisine de celle des Trévires, d'où dépendait Arlon; ce voi- sinage ne suffît-il pas pour faire ressortir le caractère trop absolu de la conclusion?

Rien ne prouve donc que l'inscription ne soit pas du temps de Garacalla, qui, dans un but fiscal, aUribua, on le

(i) Mluatoki, ÔIG, ô; 531, 3.

117

6iù\, k) Jus civilatis i\ Ions les habilanls (h; roiiipii'e, doiil ceux de la civitas Nervion,im, et dès loi\s la forme cives romani civilalis Nerviorum échappe au reproche d'incuri-ec- lion encouru j)ar riiypolhèse de M. Dcsjardiiis, comme il l'avoue lui-même.

N" 554 (i).

NEKVINlS C. IVL(TE)R(TI)'S

S. L. M (Diis Nerviniis Caius Jul'ms Terlius solvit /ubens iiumio.) Le mol diis est souvent sous-enteiidu, dit M. Desjardins, dans les monuments consacrés aux divinités locales. €es divinités prolectrices du sol furent assimilées aux Lares AwjusH par la politique intelligente de Rome. M. Léon Renier l'a démontré dans soir cours du collège de France, leçon du mardi '24 mai 1872.

Cette inscription s'explique, du reste, parfaitement d'elle- même.

B.

Les autres inscriptions trouvées à Bavay et reprises dans l'ouvrage de M. Desjardins sont les suivantes, rappelées ici sommairement et pour mémoire, afin de compléter sur ce point les énonciations de Schayes, et de faciliter les éludes

i) Bull, des Coinm. roij. d'arl el d'archéol., X, p. OîJ.

!)S

ullcricuro (|iic vuiidi'iiil laii-c un jour i|ul'I(|U(' coiilmuLi(cur (le l'iiHiN Vi' (If ce dernier :

T'. CAESAJlî. AVGVsTl. F.

dIvI. \El>OTl AD\E(NT)V.

EIYS. SACRVM,

CN. LICIM... C. F. VOL. NAVOS

( 'A'l)ci-io Caesari Aur/usd lilio, Ditn nepoii, aduciUii ejus mcrum, C/jcius l.iciniu^ Caii /ilius, Volùuui (rihu. Navos).

M. Desjardius dii (juc ce moiiunieiil esl digne de la |)lacc d'honneur qu'il occupe au musée de Douay, parce (pie c'est un des nionunicnls les plus inipuiianls delà (iaule, coiisli- luanl dans sa Ijrièvelé une vérilable page d'histoire.

Celte inscription, trouvée en 1716 dans le jardin des Pères de l'Oratoire de Bavay, est importante, en effet, à raison du l'ait historique qu'il révèle, c'est-à-dire d'une visite laite par Tibère à Bavay. Elle nous ap|)rcnd que ce i)rinco, après son adoption (an iap. .I.-C.) et avant la mort d'Auguste (an li ap. J.-C), est allé à Jiavay, circonstance (pi'aucuii texte an- cien ne nous avait fait connaître. Entre l'an 4 et l'an I i, Tibère fit ti'ois voyages en Gaule et en Germanie, le premier en l'an 7, le dernier en l'an 10; c'est donc entre ces deux dernièi'es dates, mais sans plus do précision, ipi'on peut li.xei' l'érection de ce munuinenl, consacré à Tibère, monu- ment qtn a pour conmienlaire le texte de Vellejus Tatcr- (•idu> (11, 104).

Cet liislorien y parle en détail et comme témoin oculaire dt^s réceptions cntliousiasles (pii furent faites à l'empereur dans les Gaules.

!)!)

M. C. Vaiulcr Els( ;ivail duljonl (i) émis ropiiiioii que voici : « Si au lieu d'alirihurr l'iiiscriplit)!! à l'an D av. J.-C, on la repoi'lail à Tan II ap, .l.-tl., elle l'cgarderail l'avèncnient {adventus) de Tihère à l'enipirc el s'explique- rait parle dévouemenl d'un de ses gardes volontaires. »

L'auleur du présent article a proposé à ce sujet {\(i\\\ observations qu'il complète ici :

D'abord le sigie vol ne peut signilier dans l'inscription (pie tribu Vollinia; cela repousse l'attribution de rinscri|)tion à un garde voL(ontaire) de Tibère et, à plus forte raison, certaines autres inlerprélalions qui traduisent vol. ?mvos inavus pour gnavus, opposé à ignavus) par Cn. Licinius volonlairement diligcnl, ou dévoué à son principe (2)...

Ensuite, il est certain que advenlus est très-classique dans le sens d'arrivée (5), tandis ({u'on ne trouve jamais ce mot dans les auteurs anciens pour signitier avènement, qui se tra- duit par regni princijnuin, dies accepli imperii ou autres péi'iplirases scndjlables.

L'explication proposée n'est donc pas acceptable.

Le monument constate, du reste, la présence de citoyens romains à Bavay ;i. l'époque dont il a été question ci-dessus, les Belges de Bavay n'étaienl pas eux-mêmes devenus citoyens romains.

On ne dissimule jsas, du leste, (pie M. Ernest Desjardins

(1) Le passage (lui suit so trouvait inséré iliius nu travail soimiis à l'Académie (l'archéologie de Belgique, Bitlleliii, II, p. Iit2; mais M. C. Van der Ei-^r a depuis moditie su rédaclioii primitive.

On reproduit ici ce passage, cpii eNpli(|ue cei laines réili'xiuns du rapport insère iOkl., pp. L^l eHo'2.

(i) Voy. entre autres dk Bast, répélé par Schayes, II, p. 205.

(3) Liv. : « adventus ctnsulis lUmmi, »

100 --

|)uuiTail li'oiivci' à l'appui (1(^ sa (Iiùsc sui' l'iiiscripliuii n" ôoô cl sur la claie assignée par lui à la forme vivos pour vivus, certain argunieni dans l'archaïsme ici évidenl de l\avos pour JSaevus.

Orelli, n'' 085, considère, mais à lort, ce monument comme suspect; il ne donne aucane raison à l'appui de son opinion, comme le fail remarquer M. Desjardins, et l'on se joint donc volontiers à celui-ci pour accepter l'inscription de Cn. Licinius comme authentique.

Dis. MAMBVS

IVLIAE. FELICVLiE

C IVLIVS. VLPIANVS

FECIT

(f)iù Manibus Juliae Feliculae Caius Julius Uipianus fecit.)

Ce monument a été découvert en 1777, en même temps qu'une urne contenant des ossements, trois lioles, deux lampes et une monnaie d'Hadrien. Les caractères correspon- dent avec la date do la monnaie, ils ont la belle forme de ceux du Haut-Empire.

Il s'agit probablement, comme ou le remarquera, d'une sépulture érigée par un citoyen romain à son affranchie.

Une inscription d'une Julia Felicida a été découviM'le à Rome; elle présente la particularité d'être terminée par les mots MiSGE., BiBE., DA. .MI, qu'ou reirouvc séparément sur certains vases à couverte noire et à lettres blanches, des bords du Rhin (i).

(<) Corpus imcriptionuin lulinunim, VI, n" 23S7.

101

VTlL'S. ET. opTa

TA. Q. SVTORI

BROG(CIl)l

H. S. S

(UiUisct Optata Qii'mû Sulori Brocchi, Aicsili .siint). Celte inscriplion est également en heanx caractères du Haut-Empire.

Elle a été trouvée à Bavay et provient de la collection du curé Cartier.

C'est l'inscription de la tombe de deux esclaves de Q. Sutorins Brocchus, qui était probablement un citoyen romain.

APOL

LIM

TIMIN

CIVS

{ApoUini r?"beriiis Mincius votum solvit lubens meritoj.

Ce monument est admis par M. Desjardins comme prove- nant certainement de Bavay, quoique non mentionné dans l'inventaire du curé Carller; cela démontre, à l'appui d'une observation présentée plus haut, que l'omission d'un monu- ment dans ce catalogue n'est pas, aux yeux de l'épigraphiste français lui-même, une présomption absolue contre l'authen- ticité de ce monument.

Les caractères de l'inscription, conservée au musée de Bavay, dénotent une époque assez basse.

M. Desjardins lit Timincius, nom qui serait tout à lait nou- veau en épigrapliie, tandis qu'avec le prénom Tiberiiis, on

10-2

obtiendrait le nom Minciici, qui se rencontre assez ("iVMjueni- nieiit (i).

jM. Desj.-irdins ('il<\ en onire, les se|)t cacliels d'ocnlisles que voici, an siijet desqncls il a rassemhir nm» {|nan(ilé do (lélails intéressants avec une itihlioarranhio assez coni- ].lète (-2) :

A. V L. SIL. BAP.P.ARI II PAI.LADI. AD (cOc :2' CIVLFLORIP.A !| SIL1VM( Ad)ci(kAT)

n. r CLFIDIT . . . . Ij ... MISVSADVLE

"l" . . LFir)(lT)lSIDOPJniAS 11 , /P.>'ESP0STIMP

C. r ROMANICRO ilCODESADASI' 2" ROMAN [DIA !1 PSORICVM

Ô'> ROMAMLN II

D. 1" c. AN.CENSORI Jl NVS

2" VICTOR (réir. )

o" G A" CEN

/s, S P|(eN)TISVPERS :| EVVODAnCENP.

^' Livi,\MAND 1 DiAMis AD VEïfER) (s ol L penversés)

.">" IJAMfA.\)DIPE il MCILEMEXO i" .... SVPER 1 . . . IK . . .

fi) nniTRR, ion, G; MuiiATOUi, 25, !); l.'iTfi, 6, etc.

I,(! nom (lo Ttiniuitis se trouve parfois avoc des pri-nonis, m:ii:; pus celui ili' TiniiiiciKS, Corpus iiisirii)!. l(/liii.,\\,))" ^-i'ii; p. 20.ï, cleiii. col., w M: p. :>0(t. I" col., n" 2"), o!c.

(î) Il a omi.s repoTiiiatit cerlaincs inoDograpliies, comme celles ipr;i piiMiccs le ]ltill, dea Comm. roi/, il'tirl cl irnrrliéoL, \'I, pp. 21 cl '.):).

lO.l

/•'. (l) l" JSAr)(EL)FICllOGO i! DESADASPRIT ±* ISADrEL)FlNARni II NVMAnniA(THE)si 5' . . 5An(RL)l'IDlA0[>0 !l . . . LS( AM)vAr)(:AI.I

i" iSADfKL)i<miAr.n il odonakomm,

(t. 1" L. A.NTOMEPIGTETI || DIAHODONiDIMC 2" LANTOEPICTF.TI j] STACTYMADCLA 5" L. ANT0>JIEP1G(te)TI 11 DIAMISIO^iADL I" r,. ANTONIEPICTKTI II DIALEPIDOSA (dd)f(at)

A ces pi(M'i"os sigillnires, M. Dosjnrdins iijoulf' nncore les suivaiiles : . . '

//. (Trouvée au Qiiesiioy) :

1" EVELPISTIDIAS 11 MYRN POST IJP

T EVEEPISTl DIAPSOl'nrC. OPOP. AD. ('.].. \\\

I . (Trouvre à Térouanne) :

V COl'.DIALEPIDOS (vIPE) ^2' . . . CODESADCieA

J. (Trouvée dans !e canton de Rilx'courl, Oise) :

r M. L. MARITVIImI. PACGIANVIl m. ADASPR'tV 2" ML. MARITVMI l! DIAEEPIDOSADr

A . (Trouvée à Famars, près de Valenciennes) :

1" . . IR . GLAVD MESSORIS . PEM || GILEVM

2" TIR. r.l.AVDI. MKSSORIS 11 . . . (ÏTON. OPOR. AD. GAî.IG

(i) Cette pierre sigillaire et la suivante ont (''lé déccite-i par railleur du présent article dans la neviit' nrchéoloiiique, livr. de juillet 1807.

104

En oulie, .M. Desjardinscile les inscriptions siiivanlos, qu'il convient de ne pas nég'lifïer ici :

II QVI TI

Sur un petit frafi'monl de pierre l'inscription est g'ravée à la pointe.

RAG CEP

Sur un iVaginenl; M. Desjardins doute cependant de rautlienticité de celte inscription, qui a disparu et dont il n'a jni retrouver de trace.

On a déjà fait remarquer ci-dessus que cette raison ne siinil pas à elle seule pour condamner une inscription.

ADHVr. SITIO

Au fond d'un coupe.

FAL VELDN II MVDEM II FESIIIN

Sur le revêtement d'un hypocauste, la seconde partie en caractères cursifs (peut-être mvdena pour mvdem?) L'au- teur croit que c'est le nom du potier ou de l'architecte et la marque de fabrique de la terre cuite (pi. xxii, fig. 1 du tra- vail de M. Desjardins).

IMP II AVT

(Pour mveratori wgusTol) Sur une hague-cieF munie (rtin dard ou iioinlc de nèclic.

VCEOV (ou VCLEOV) ?

Inscription gravée au rebours sur tnic autre haguc-clcf (pi. vu, lig-. .'), du travail de M. Dosjardins).

105

IV - DI - Cl - OP - EV - MO

Sur les faces hexagonales d'une pyramide Ironquée, avec un dauphin sur lu section; M. Desjanlins (pi. vir, fig. d) doute du romanisme de cet objet.

DVLCiS VIVAS

Sur une sorte de fibule (pi. vir, fig. 7, ibid.)

Enfin M. Desjardins donne une série de plus de 500 marques de potiers (sigles figulins) découvertes à Bavav : on reviendra sur ce point en une autre occasion.

G. Quant aux monuments suspects de Bavay, on croit ici devoir maintenir comme tel le suivant, présenté sous la forme ci-après par M. Desjardins :

TIB . IVL. TJBE 11 RINO II VIR II NER

Gela est tout simplement l'inscription étudiée ci -dessus (i), qui, d'après les renseignements de M. Taschereau, serait non-seulement fausse, mais même incomplètement copiée et mal transcrite par M. Desjardins :

TIB . IVL. TIBE II RINO . Il . VIR ITER. Q. TITIVS H VILLICVS . LICT

Ainsi vient à disparaître l'argument que M. Dcsjardins puise dans l'inscription, telle qu'il la donne, pour démon- trer qu'il exista de l)onne heure à Bavay des magistrats

(i) BkII. lies Comm roi/. (Vini et (l'arclu'.ol., I\, p. 2.09.

annuels, connue dans loules h^s ('!(('■> i\c l'einpii'o, d parnn' res magislrals des dnunivii-s.

On ne nMiconlre pas, du reste, d'exemples de duuinvirs à la fonclion desquels on aurait accolé seulement le nom du peuple sans l'adjonelion au moins du mot cnUmia ou niuiii- (ipium (I).

Il V aurait eu lifHi ainsi à écrire ii vir. c. nkp. (cirilas .\eri'iorum), ou mieux encore n\(i , m;p. (Bagaci Xerviorum), ))uisipril s'agissait spi''eialemenl par hypothèse d'un duum- vir de la ville de Bavay, abstraction laite de sa qualité de ehel-litni de la cité des Nerviens.

M. Desjardins, au surplus, n indiipie pas a été trouvée celle i)laque de bronze d(> la bibliolhèipic nationale à Paris, jilaque qu'il croit provenir de la collection du comte di! Cayliis.

N" 27 l)iiïer) (2).

IMP. C. IVf,. DIVI 11 F. CAES. AVGVSTVS II COS XI. TR. P. X. P. P 1! VIaS et MIF^LIAP.IA i| PEP, M. VIPS. Af.RIP ii PAM PP. HLAS. PR. COS. P NER. ET . PRAES. PROV. OA. R II CONST i| AD QVATM IIATP !l CCXXXXVIII. T. NIPR. P. C

M. Desjardins considère comme tout ;i l'ait de fantaisie la lecture qin a (''té proi)Osée |)oui- la lin à l'Académie de Bruxelles , ci il croit , tout en considérant rinscri|)tion comme fausse, (ju'on aurait tout au moins lire : ad quar-

fi) Vdv.. par exciii|)l(', aiiv lahli's des rctiicMls ilminivir colDiiiae Kanme, Inlfiaiinine, l'olexi, f'rivenii, miiniiipii Ititlilf/nnii. \iilrfiii(s, Mlilis, Siii'.isiiln- iiiis, TareiiliiiKs, 'fi'h'sitte, cli'.

(i) Hall. (Ii's Comm. roi/, d'art ri d'arvUéol.. VII. p. il. d l\, p. 202.

Voy. aussi AkkI. irarchi'ol. df Behi , etc., Itnlli'iln. Il, \\\<. 159 v[ HO.

107

lum miliiarium hue a laurinifi passns (?) GGXXXX VIII, TKus Nipr . . . ponendum curavit.

Mais il quoi l)on coiM-igvr nue mauvaise locliiro d'une inscription condamnée?

Cependant l'observation a sa portée, car si dom Bévy n'a pas compris la pensée qui a être le plus naturellement celle du faussaire, à coup sûr es(-il resté étranger au Taux et n'a-t-il été que dupe, comme on l'a déjà dit(i). D'ailleurs, conformémcnl à la thèse précédemment soutenue à celle occasion, M. Desjardins n'accuse pas dom Bévy du faux commis, puisqu'il aflirme que ce personnage avait unique- ment découvert le socle ou le qui formait la base de l'in- scription, mais non l'inscription elle-même.

Quant à cette inscription, qui, d'après M. Desjardins, fail peu d'honneur à celui qui Ta composée, il la démontre fausse autant parce qu'elle s'écarle des règles et des principes de la langue latine, de l'administration romaine el de l'épigraphie, que parce qu'elle renferme des erreurs historiques capitales el de graves anachronismes.

Passant au détail, M. Desjardins démontre d'une manière bien autrement comjilète qu'on ne l'avait fait jusqu'ici, et la fausseté du monument, et l'ignorance du faussaire :

î° Le mot Ca^sar se place toujours avant la filiation; il aurait donc fallu écrire : Imperalor Caesar Divi Julii fHius, Aiif/uslus, et non imperalor C. Julii Diri fil.iua Caesar.

2" La qualité de fils adoptif de César, (|ue prenait Auguste, ne s'exprime d'ordinaire (|ue par les mots Diri filiua, très-

1) Ihiil , l\. |.. -2Cd.

J08

rarement par ceux de Divi Juin filius, mais jamais par ceux (le C. Jiilii Divi filius.

.">' Ce monument serait daté de l'an 14 avant notre ère, qui est, en effet, celle Auguste reçut la puissance tribu- aicienne pour la x" fois, et comme il fut consul pour la xi^ l'an 23 et pour la xii'' l'an 'i, le chiffre du consulat pour l'an 4 est bien xi ; mais il ne reçut le titre de paler patriae que l'an 2 avant notre ère; c'est donc un anachronisme de douze ans que de faire figurer ce titre en même temps que celui delà x"" puissance Iribunicienne.

4" Ce qu'il fallait faire mentionner de toute nécessité au lieu de paler patriae et avant le consulat, c'était le titre de pontifex maximus ([u'il i-ecul précisément l'an 14, à la mort de Lcpidus, l'ancien triumvir, auquel Octave l'avait laissé en lui faisant grâce de la vie.

o" Il fallait, immédiatement a])rès le litre de pontilex maximus, inscrire la salutation impériale. On sait que le mot imperator dans les inscriptions concernant les empereurs a deux sens très-distincts. Dion Gassius (LUI, 18) nous apprend que ce titre fut donné à Auguste comme un titre perpétuel et héréditaire; c'est pour cela qu'il est inscrit en tète des noms et des titres des Césars comme un véritable prénom, et, en second lieu, sous l'Empire, on continue à accorder, comme sous la République, le titre d'imperator pour chaque victoire remportée sur les ennemis par un chef militaire revêtu de Vimperium. Auguste étant, ainsi que ses successeurs, proconsul de toutes les provinces impériales, recevait une salutation impériale pour chaque victoire rem- ))()rl(''(' par lui, soit |)ersonnellement, soit par ses lieute- nants, comme Cicéron, par exem|)l(\ (pn' fui salué imperator

KM)

pcndaiil son gouvci-noiiienl de la |)roviiicL' du Cilici(; |Hiur (|uol(iues avantages obleims par son lieutenant (t). Auguste avait obtenu la ix' salutation impériale l'an :20 avant notre èi-e, pour la victoire de Tibère sur les Arméniens, la x'' en l'an I^ pour la victoire d'Agrippa sur les Pannoniens. On aurait donc mis sur un monument de l'an M, après pont. MAX, les mots imi>. ix.

(>" Ce qui a servi de prétexte à l'inscription soi-disant trouvée à Quarte, c'est-à-dire le fameux passage de Strabon (IV, !V, I '2), dans lequel ce géographe nous apprend que le gendre d'Auguste, M. Vipsanius Agrippa, fut chargé d'ouvrir quatre grandes routes dans les Gaules, en les fai- sant partir de Lyon, à savoir : une vers le pays des Santones (la Saintonge) et l'Aquitaine, une passant par les Cévennes, une autre vers le Rhin ; une troisième vers l'Océan, en pas- sant par le pays des Bellovaci (Beauvaisis) et par celui des Ambiani (Amiénois) : /.-A -zçjhriv (r»>/j -:r,v iizl -Jn l>-/.iavov, tV' -po; [isXXoâ'/vot? xal 'A;j.,3iavo-iî ; la quatrième enfin vers Marseille, par la province de Narbonnaise. Nous ne savons en quelle année Agrippa fut chargé de ce grand travail, mais il y a lieu de supposer que c'est avant l'an 18 ou que c'est l'an 19, époque Dion Cassius (LIV, ii) place la dernière mention d'un séjour de ce personnage dans les Gaules , lorsqu'il alla faire la guerre aux Cantabres en Espagne. Agrippa est mort l'an 12 avant notre ère. C'est deux ans avant sa mort seulement que l'on a supposé que le milliaire de Quarte avait été mis en place. Mais comme on vient de le voir par le

(i) On Sjit que ce titre flatta siiigulièrcincnt l;i vanité du grand orateur, qui affecta de s'en parer en écrivant a César, vainqueur des Gaules.

-• 1 10

(c.xlc de Sli'iihuii, il iiV.>( |>;i.s possible (jifuiic roule parlaiil de Lyon j)oiir aboulir à l'Océan d Iravci'sanl 1( Brauvoisi.s el rAniiôiiois, passe par Bavay,

7" Les noms d'Agi'ippa ne poiivaienl s'eci-ire dans un nionunieni oftieiel : m. vii's. agiui'I'A, mais on eùl écrit : M. vii'SAMvs ACRiPi'A, avcc le (jmlilidum en loiiles iellres.

S' Il esl bien vrai qu'Agrippa (Dio Cass., \LVIIf, iO, et L, I 'i) a été eliargé, en 58 et en ôl, j)ar Auguste, de com- mander toute la llolle; mais cette mission ne pouvait s'ex- primer par les mois iiraefeclwi dassis, (jui désignent un commandement partiel et permaneni de la Hotte de Misène uu de celle de Ravenne, commandement (jui n'était exercé (jue par des chevaliers romains et par des personnages d'un rang Irès-inlëj'ieur à celui du lieutenant et de l'ami d'Auguste.

0' Les mots pniefectus (7(tw/i' ne peuvent s'abréger l'r.. ci.Ass., mais I'kaki-. class.

10' Les mots pra coitsulc ne peuvent s'abréger iMi cos, mais pno ces.

1 1" ['ro coiisn'.c .\ervionim n'a aucun sens ; il n'a jamais existé' en Gaule, ni ailleurs, une charge de pro cousulc ; c'était le guuvei'ii.-ur de la province sénaloi'iale de iNar- Ixinnaiseipn' porlail I(î litre de Piio cos l'uov .xaubo.nk.nsis. Un |)ersonnage eon)me Agrippa aur;iil pu, tout au plus, être le palronus ou le curalor d'un |)euple, c'est-à-dire d'une cité de la Ciaule, ce (pii serait exprimé ainsi : I'ATP.onvs ou path, 'Hi même i'. M:r.v, cviïator ou c\\\ Ni:r,vioi'.vM ; mais Agrippa n'a été, (pic nous sachions, ni p;ili'oii, ni curateur d'aucune des cilés de ce pays.

hJ" On ne se serait |»as servi du \\\i)[ prucsr.s prociuciac

111

i'eUjictw poiii' clL\sigiiL'c h,' i^oiiveriiLUii' de lu (irtiMiicc de B(.'lgi(|uc; mais celk.' i)i"Oviiii,'c (ilaiil iiiipijriiilii cl, par cuiisc- (|U('iil, adiiiiiiisli'oo parmi IcLial de romp'i\'ur, le lilrc oriicicl de ce gouverneur élail legalus Àagusli pro praelore provin- <:iae Behjicae, ce (|ui s'abrég't^ail ainsi : ia-H}. vvg. imv. im;.

IMIOV. BELGICAE.

15' La province de Delgiiiue élail adniinislrée par un personnage (jui avail exercé la préture, mais non le consu- iat; c'était, en conséquence, ce qu'on appelait une province impériale prétorienne; or Agrippa était, en l'an li, le plus grand personnage de riimpirc après Auguste. Il avait ét('' trois Ibis consul : en -37, en i28 et en !27 av. J.-C. Il est cer- tain iju'en aucun temps il n'a été legatas Augusli pro prae- lore provinciae Belfjicae.

14" Jamais le nom de la Belgiijue n'a pu s'abréger pr.ov. GA. B. Non-seulement on ne rencontre pas le mot Gallia joint à celui de Belgica, au moins pour exprimer le nom de celte province (l'abréviation régulière de Gallia serait gal et celle de Belgica belg), mais les noms des provinces s'abrègent rarement dans les documents ofliciels.

15' Conslraxit n'est pas latin en parlant d'une route; il faudrait fecil ou resliiuit.

IG" AD OYAT ne peut désigner le lieu était la borne milliaire, car ces mots signilieiil : « vers le lieu apjjclé Quarte, jusqu'à Quarte. ». Le nom de la localité était le monument se serait mis au génilil' nu à l'^blatil'. De plus, les noms inscrits sur les bornes milliaires étaient toujours des localités de quelcjne importance, jamais des stations secondaires.

17" La distance totale depuis une lele de ligne comme

112

Lyon ou Turin, n'a jamais pu être exprimée sur chiupie borne milliaire de la route. Ces bornes nous indiquent toujours des distances partielles, soit pour une province, soit même entre les chefs-lieux de cité de la même province, à moins (|u'il ne s'agisse des grandes voies de l'Italie, rayonnant à partir de Rome, centre de l'Empire.

18° Si le faussaire a voulu exprimer par les initiales a. t. les mots.4 Taim'nis, ce seraitencoreunefaute de désigner par une simple initiale une ville aussi éloignée de la cité des Xerviens que l'était Turin. Les habitants de la Belgique n'auraient pu comprendre, en effet, le sens de ces initiales. En outre, le nom officiel de Turin est Augusta Taiirinorum, ce qui aurait été abrégé : avg. tavr ou avg. tavrin. D'une part, la dislance exprimée ici serait très-insuflisante. Si l'on a voulu désigner Trêves, Augusta Treveroru7n (en snppo- sant qu'elle possédât déjà ce nonj l'an 14 av. J.-C), l'abré- viation serait avg. trev, la distance serait trop forte, et, de plus, il ne pourrait s'agir même d'un embranchement d'une des quatre grandes routes faites par Agrippa et rayonnant de Lyon.

19" Les mots millia passuum doivent précéder immédia- tement le nombre marquani la distance et ils s'abrègent toujours ainsi : m. p.

20" Le personnage que l'on suppose avoir été chargé de faire poser cette borne milliaire n'aurait pu être que \elega- lus Augusti pro praelore, c'est-à-dire le gouverneur de la pro- vince de Belgique, ou bien un chef militaire supérieur, et dans l'un comme dans l'autre cas les titres de ces person- nages auraient été énoncés.

21" he genlilicium de cette personne, quelle qu'elle lui,

115

ne pouvait avoir été abrégé, cl l'abrévialioii même admise, on ne peut citer aucun (jenlilicium romain auquel puissent convenir les lettres nipr.

Tels sont les motifs pour lesquels l'inscription de la pré- tendue borne milliaire est fausse. Si, par impossible, on venait à découvrir une borne milliaire qui aurait été élevée en l'an 14 avant notre ère, sur un point quelconque de la Belgique, à Quarte par exemple, cette borne porterait une inscription conçue en ces termes : imp. caes II d[vi filivs .

AVGVSTVS 11 PONT. MAX. IMP. XI || COS. XI . TUIP. . POT X II A .

B . N II M. P. iiii (.4 Bagaco Nerviorum millia passuum lY).

M. Desjardins considère encore comme fausse l'inscrip- tion suivante :

p. VARRVSIVS. LAVSIC . G. F H EX IVSSV RELLIGIONIS 1| PRO SALVTSTSRN . L . F. M

Cette inscription est produite par De Bast, dont les ren- seignements étaient en général d'assez bon aloi; mais M. Léon Renier critique dans l'inscription la place de la filiation après le cognomen, les e renversés, la forme inusitée ex jussu religionis, etc.

Ces motifs sont sérieux : il est à remarquer toutefois, quant aux e renversés, que chez certains auteurs, c'est un procédé typographique pour indiquer que la lettre ainsi pré- sentée est liée à la précédente ou à la suivante; c'est donc un signe conventionnel qui n'existait pas dans l'inscription et dont on ne doit pas tirer argument pour condamner celle-ci.

il4

Autre inscription produite par De Bast et condamnée par MM. Èdm. Le Blant, Renier et Desjardins :

HIC DEPOSITVS IN P. LVCINIVS 11 SCRLNIAR . BENE MERENS U

D. HON . AVG. VI . c . S II vixiT ANNOs xxiii (suit le mono- gramme du Christ composé des lettres grecques X et P).

D'après De Bast, cette inscription de l'an 404, vi' consulat d'IIonorius, aurait été trouvée en 1702, à un quart de lieue de la porte Gomerie à Bavay, dans un caveau à cinq pieds de profondeur.

C'est un monument non décrit par le curé Carlier, et ce qui achève de le rendre suspect aux yeux des auteurs cités, ce sont les ahréviations insolites d pour domini (sans nostri) et es pour cos (consul).

Le P. Lambiez (i) cite une inscription, ainsi conçue :

CiESARl DEBELLATORI INERVM (pOUr NerviOTUm).

Cette inscription a prétenduement été découverte à Quartes; mais c'est à bon droit que M. Ern. Desjardins la néglige : cette pierre ne se retrouve pas; d'ailleurs les Romains n'érigeaient pas de monuments désagréables aux nations vaincues.

Il a été question ci-dessus (2) de l'inscription suivante :

DIS. M. HIRTIVS. G. ANNO VJICX

Un des motifs à l'appui de la condamnation prononcée contre cette inscription doit être retiré ici : les sigles ois. m, quoique rares, se rencontrent quelquefois, et dès lors il fau-

(1) Passage reproduit par les Documents et rapports de lu Société paléont. et archéol. de Cltarleroy, VI (1875), p. 246.

(2) Uiill. des Comm. roy. d'art et d'archéol., VHI, p. 350.

115

drait aussi considérer comme suspectes toules les autres inscriptions contenant la môme formule (?).

Mais il existe assez d'autres motifs de ne pas admettre cette inscription ; M. Desjardins se borne môme à la déclarer inintelligible et juge qu'il n'est pas nécessaire d'insister sur sa fausseté.

M. Desjardins tire des monuments qu'il admet, la con- clusion suivante :

>' Les monuments épigrapliiques que nous venons d'étudier sont les seuls authentiques qui proviennent de Bavay ou soient relatifs aux Nerviens. De l'ensemble des informations qu'ils nous fournissent, il résulte :

« Que la cité des Nerviens, correspondant à l'ancien territoire de ce peuple avant la conquête et constituée par Auguste en l'an 27 avant J.-C, a avoir, dès l'origine, pour chef-lieu Bagacum, dont le nom n'apparait, il est vrai, dans les textes qu'au ii* siècle avec Ptolémée, mais l'arri- vée de Tibère a été célébrée vers l'an 10 de notre ère ;

» Que des citoyens romains établis à Bagacum, sans doute pour y faire le commerce, formaient une petite société ou un collège à part sur le territoire de cette cité;

» 3" Que l'un d'eux appartenait à la tribu Vollinia;

» 4" Que la cité des Nerviens avait, dès le i" siècle, un collège complet de magistrats et une organisation calquée sur les constitutions municipales romaines ;

(i) Vny. entre aiiires : GoRius, Inscript, antiq. graec. et roman, qnae extant in Etrur. iirbib., pp. 48, 88, f97, 406, etc.

H6

5" Que dans le collège de ces magistrats étaient des d uumvirs juri dicundo ;

G" Qu'elle envoyait, comme les autres cités des trois pro- vinces de la Gaule, un délégué à l'autel de Rome et d'Au- guste à Lyon, et qu'un de ces délégués fut élevé à la dignité de sacerdos Romae et Aiigusti;

T Qu'elle était donc entrée dans la communauté religieuse du grand culte oiBciel de Rome et qu'elle avait transformé ses divinités topiques en divinités Augustes ou en dieux Lares protecteurs de la cité, tout en adoptant les dieux du Panthéon romain, comme Apollon, par exemple, sans parler de ceux dont les temples en ruine, les statuettes ( i), le tré- pied du musée de Douay (2), etc., nous ont révélé la connais- sance. »

Il a été dit ci-dessus dans quelles limites on peut accepter l'opinion de ^\. Desjardins, il est inutile d'y revenir ici.

Puisque nous nous occupons incidemment des inscrip- tions du département du Nord, citons celle-ci, qui est inédite :

D M LATINIANI

(i) Entre autres celle de l'Hercule, dit de Bavay, publié dans la pi. xvii des

Monuments inédits de l'Institut de correspondance archéologique de Rome, avec un artic'e de M. Quatremère de Quincy, Annali dell' Inslitulo, 1850, pp. 50 et suiv. (Note de M. Desjardins, p. 16).

(a) La provenance de ce précieux monument est certaine, quoiqu'il n'ait pas fait partie de la collection Carlier. Il a été cédé au Musée plus anciennement par Lambiez, qui en avait fait la découverte dans les fouilles exécutées par lui-même sur la chaussée du Nord, le 24 novembre 1790. (In.).

Ce trépied, d'un intérêt et d'une conservation uniques, a été publié par M. le le Président Tailliar, Étiidf sur les institutions, 2" étude. Domination romaine, pi. MI, d'après le dessin très-soigné de M. Alt. Rohaut (Note du même, p. 227).

117

EumonI, commune de WalJers. (Dus /V/anibus Latiniani [ou Lucii Aliniani?) Getle inscription a été découverte par M. C. VanderElsl, qui a bien voulu la signaler à l'auteur du présent article.

APPENDICE.

On sait que la ville de Bavay est citée sur la carte de Peutinger sous le nom de bacaco nervio (Bacaco Nervio- rum) et dans l'itinéraire d'Antonin sous celui de Bagacum. Ce nom de Bacacum ou Bagacum appelle nécessairement l'attention, ne fût-ce qu'à titre de rapprochement, sur une localité de l'Algérie ajjpelée Bagai , près du Lac Salé, gouvernement du Levant, et sur certaines inscriptions en l'honneur d'une divinité du nom de Bacacis ou Bacax qui était honorée en Algérie, où, comme on le sait, on a également trouvé des inscriptions rappelant une certaine colonia Ner- viana, qu'avec plus ou moins de fondement on a voulu rapporter aux Nerviens.

Voici ces inscriptions, citées ici pour mémoire et trouvées à Thibilis ou Announah, en une grotte dite de Djebel- Mtaia (i) :

BACACIAVGSAG || GENTIANOETPAS \] OCOSVII. . IDMAIAS || CIVLIVS FRONTO II NIANVSET... || ESTIVSPRVDES jj MAGSTHIBVSL

(Bacaci Augusio sacrum, Genliano et Basso consulibus, VII idus Maias, Caius Julius Frontonianus et... Mo(\estius Prulens, maglstn sacrorum ThibUilanonum , uotum solve- runt iibenter).

(i) Léon Renier, Inscriptions romaines de V Algérie, p. 311, n* 2583, et suiv.

118

LAETO ET.... [j COS [ BACACIAVG... || LCESSIVS....

(Laeto et Céréale consulibus, Bacaci Auguslo sacrum, Lucius Cessius...).

BACACIAVGSAC || ACAMP ||niIE.... || COS....

Bacaci Augmio sacrum,.... consulibus).

BACACISAC II (ma)tvRESCEISS || VSETSIT....

{Bacaci sa-'Tum. Maturescens uotum solvit et Sitih con-

jux (?)).

Les inscriptions suivanles, trouvées dans la même grotte, se rapportent à la même divinité (i).

BAS II FVSCOÏÏET... || TROCOS.... || || ...

(bacaci /lugusto sacrum, Fusco II et Dcxtro consulibus....

SEVEROETOVINTIA || NOCOSPR KALAPRIL || BAVGSPAVFIDIVS \\ BVTVRICVS ET || CAECILIA MAGSI || MASSTHIB

(Severo et Quintiano consulibus, prjdie /la/cndas Aprilcs. jBacaci Auçjvisio sacrum, Publius Aufidîus Buluricus et Caecilia Maxima, sacerdotc.s r/i?6ilitanorum.)

SABETVENVS || TOC'S PRK(AP)rIL || B. A. S. (he)r... || VE- (rv)tVS V. L. S. E II T.MAXI(ma)CONI

(Sabïno et Venusto consulibus, prïdki ^alcndas Aprilcs. /facaci .4ugusto sacrum , //crennius Verutus uotum /ibens solvit et Maxima conjux).

BAS II ARRI(AN)0ETPAP || K. m. g. IVL. HON" Il RATVSMAGCD

(Jîacaci /lugusto sacrum, Arriano et Papo consulibus, Jïalendas iUaias, Caius Julius Ilonoratus mag'isler Calamen- sium dédit (?)).

(i) Indépendamment d'autres du même style, trouvées au môme endroit, mais les si.ulcs BAS (Bagaci Augnstn sacrum) n'cxistont pas, ou d'où ils ont disparu.

llî)

B. A. S II DVOBVS 11 PHL'p T. IVLIVSVICTOR || VOROTIVS ET QMESCELL

Bagaci i4iigusto sacrum. Duobus P/ti/ippis consulibus, ritus JuHiis Victor Vorolius et Quintus Mescclïms.

BAS II PATERNOE || TMARINIANOC \\ OSCORNELIVS || DONATVS VSL

(fiacaci 4uguslo sacrum. Paterno et Mariniano consu- libus, Cornélius Donatus wlum solvit /ibenter.)

BAS(MA)r(et)p(at) Il GOSCEN(ma)rCVS II ETE(MA)SRnTH || IBVSLA.

(fîacaci ylugusto sacrum, .Variiniano ef Paterno consulibus, Gen.... Marcus et Temarsa duumwiri (?) r/n'6ililanorum voUim solverunt ^benti animo.)

BAS II SABINIANO || et PRETEx(at)o C"S || KALMAIAS PMANI- LIVS.... Il .... Il

(fiacaci ^ugusto sacrum, Sabiniano et Praetexlato, Kalen- das Maias, Publius Manilius

Liège, juillet 1870.

H. Schuermans.

LES GRANDES ARMOIRIES

DTJ

DUC CHARLES DE BOURGOGNE.

RÉPLIQUE A LA RÉPONSE

de M. le Conservateur en cîief de la Bibliothèque royale de Bruxelles.

Naguère M. le consen^aleur en chef de la Biljliolhè({ue royale de Bruxelles publiait, dans le Bulletin de l'Académie royale de Belgique, une nolice sous le titre : « Les grandes Armoiries du Duc de Bourgogne, gravées vers 14G7. » (T. VI, n" 1, 3'^ série.)

Il y signalait au monde savant la trouvaille qu'on venait (le faire de la précieuse estampe qu'il considérait comme la plus ancienne œuvre gravée dans les Pays-Bas.

Dans cette notice, l'auteur se félicitait de voir deux savants tels que MM. Waagen et Passavant « reconnaître l'impor- tance historique et artistique de la gravure qu'une bonne for- tune lui avait fait découvrir dans un manuscrit personne n'eût soupçonné son existence. »

Cette satisfaction dont M. le conservateur en chef jouissait depuis dix-sept ans a été troublée par la publication récente d'un article de M. Pinchart, qui a paru dans le Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie, sous le titre de : « La plus ancienne gravure sur cuivre faite dans les Pays- Bas. »

\±2

En clTel, l'apparition de la nouvelle estampe accusant un travail plus ancien que celui de l'autre gravure, enlève à celle-ci le mérite de la priorité, pour ne lui laisser que la valeur d'une copie.

Celte dernière gravure n'en reste pas moins un document précieux; mais cela ne suftit à M. le conservateur en chef, qui entend, per fas et ne [as, maintenir à la gravure de la Bibliothèque royale son antériorité ainsi que son caractère d'œuvre originale.

En prenant la liberté grande de soutenir une thèse con- traire dans une lettre (juc M. Pinchart a insérée dans son article, nous avons eu le malheur de remuer la bile de M. le conservateur en chef.

Libre à lui de s'entêter dans son idée i)our persister dans une eri'eur (jui le Halle. L'amour-propre, qui s'admire tou- jours, a de ces complaisances innocentes qui deviennent haïssables quand elles induisent à vilipender les contradic- teurs.

Le désir si naturel que nous avons cru pouvoir exprimer de voir l'estampe de M. Pinchart aller enrichir la section des estampes de notre déj^ùl national, et est sa véri- table place, n'en déplaise à M. le conservateur en chef, ce désir est dénoncé parce ronclionnairc comme une ten- tative odieuse de chantage.

« Quelque regret que j'éprouve » , écrit-il, c à devoir com- » battre deux hommes avec lesquels il m'eût été agréable » de conserver de bons ra|>p(jrls, force m'est bien de » rompre le silence. Le procédé qu'ils ont employé m'oblige » à les suiv!-e sur un terrain que je n'ai pas choisi. »

D'abord rien ne Ibrçail iM. le conservateur en chef de

125

rompre un silence qu'il lui claitsi aisé de garder. Dans Foc- currence son silence eût élé d'or.

Quant au lerrain que nous avons choisi, c'est celui de franc lieu la discussion est libre est loyale. On pouvait nous contredire, nous récuser même, mais nous accuser de vilenie, c'en est trop.

Outré de la publicité donnée à ma lettre, M. le conserva- teur en chef, qui dès le début, il l'avoue dans sa réponse, n'a voulu voir dans l'estampe de M. Pinchart quune copie assez maladroitement exécutée, M. le conservateur en chef, <lis-je, le prend sur le ton que voici :

« Je me garderais de me mettre en opposition avec ses » décisions magistrales, si je ne me voyais contraint, par ft les devoirs de ma charge, à laisser protester cette sorte « de lettre de change qu'on essaie de tirer sur notre » caisse. »

C'est clair! L'accusation de chantage y est en toutes lettres, et c'est dans le bulletin d'une compagnie savante que l'on permet une telle énormité! J'en rougis!... Non pas pour moi î Grâce au ciel, dans nos relations d'autrefois avec M. le conservateur en chef, il n'est rien dont nous ayons à rougir. Sur ce point, il ne nous démentira pas. Si dans une circonstance quelconque il a trouvé notre loyauté en défaut, qu'il le dise! Si jamais dans nos conseils il a démêlé des intentions d'intérêt personnel, qu'il le dise!

Ne serions-nous donc en droit d'invoquer un autre tri- bunal que celui de l'opinion publique !

Pour ce qui est de nos décisions magistrales, nous n'avons jamais eu la prétention d'en prononcer. iM. le conservateur en chef le sait bien; mais venant de lui, le mot est assez

12^

étrange, lui qui , mais alors il nous reconnaissait

quelque mérite.

Quel est notre tort? Nous le dirons sans détour, puisqu'on nous calomnie avec une si parfaite aisance. Nous avons mal fait d'avoir attiré public|uemcnl l'attention des savants sur une estampe rarissime dont on n'a pas eu le ilair d'appré- cier la valeur, quoique conservateur en chef et infaillible!

Nous renonçons à soutenir notre humble opinion et à discuter désonnais avec M. le conservateur en chef sur les deux estampes en question.

Nous nous sommes dit sagement : nul n'est infaillible; tout mortel |)eut errer : les « immortels » seuls n'errent point ! Puis, tout en ayant la ferme conviction d'être dans le vrai, nous avons envoyé la notice qui a paru dans le BuUelin des Commissions royales d'art et d'archéologie aux savants les plus autorisés en iconographie, en les priant de nous faire connaître leur opinion impartiale. Presque tous nous ont honoré d'une réponse. Parmi ces réponses, il en est qui offrent un vif intérêt. Nous en donnons ci-après des extraits qui élucideront le débat.

Mais auparavant nous avons à relever encore quelques points. Les extraits des lettres que nous avons reçues n'en seront que plus significatifs par le contraste des apprécia- tions.

Après avoir cité le passage de ma lettre je dis qu'on ne peut douter de l'antériorité de la gravure de M. Pinchart sur celle de la Bibliothèque royale, tant les allures libres du burin accusent un travail primordial, M. le conservateur en chef interrompt la citation par ce commentaire :

« Ainsi, d'après M. De P>rou, le burin de l'auteur de

» l'estampe de M. Pincliarl a des allures libres, plus libres

» sans doute que celles du burin du graveur de la nôtre. »

Puis il continue la citation :

« L'auteur de noire planche (de la planche appartenant à

» M. Pinchart) est peul-étre un moins habile burinisle que

» celui de l'estampe de la bibliothèque royale, mais, par

» contre, il est bien plus original dans ses tailles, les-

» quelles sont toujours très-libres et très-pittoresques;

» tandis que le copiste (c'est ainsi que M. De Brou quahfie

» l'auteur de notre planche), quoique étant plus précis, est

» infiniment plus sec et plus froid, caractère inhérent à tout

» ce qui est copie. »

Ici nouveau commentaire :

« On sent, dans cette phraséologie embarrassée, la gêne

» qu'éprouve le critique à exprimer une idée qui manque

» absolument de justesse. Gomment? le graveur de notre

)j estampe, plus habile burinisle que celui de l'estampe de

» M. Pinchart, lui céderait quant à la liberté de l'allure, à la

>' souplesse des tailles, au coloris, au pittoresque ! M. Waagen,

» que M. De Brou reconnaîtra peut-éti-e pour un connais-

» seur, trouvait, lui, et j'ai rapporté son opinion dans

» ma notice de 1859, le burin du graveur des grandes

» armoiries plus nourri que celui même du niaitrc de 1466;

» le style des saints, m'écrivait -il, est moins gothique, les plis

» des draperies d'un goût plus sûr, les mains mieux dessinées.

» Qu'aurait dit ce savant archéologue s'il avait pu comparer

» notre estampe à celle de M. Pinchart? Il aurait trouvé

» dans cette dernière un burin maladroit, inexpérimenté,

» heurté, confus dans les tailles.

1^26

» M. De Brou attribue la pièce de M. Pirichart à un » orfèvre flamand, peu savant à conduire méthodiquement » S071 burin. On conviendra qu'il faut y mettre de la bonne T> volonté pour aflirmer en même temjis que ce graveur a » des allures libres, un i)urin souple, coloré, pittoresque. Il » y aurait, d'après cette manière de voir, avantage à ne se » point exercer dans son art afin d'y exceller. »

Le trait final est fort joli comme mot, mais ce n'est qu'un mot.

On le voit, c'est toujours la mètne délicatesse de procédé.

Notre phraséologie embarrassée eût ])u provenir de notre inhabilité à manier la plume, n'étant ni littérateur expert ni académicien quelconque. Elle pouvait provenir aussi de l'ignorance nous sommes de l'œuvre du maître E. S., que M. le conservateur a pu étudier attentivement dans « les ca- » binets de Munich, de Dresde, à l'Albertini; de Vienne et » au cabinet des estampes de la rue de Richelieu, pendant » un long séjour qu'il fit dans la capitale de la France » ; tandis que nous, ainsi que M. le conservateur en chef nous le reproche charitablement, « n'ayant jamais été ni à Munich, » ni à Dresde, ni même à Paris, nous n'avons pu voir y qu'un très-petit nombre de pièces du maitre de iiôO. »

C'étaient déjà d'assez belles raisons à invoquer; niais non, notre phraséologie embarrassée résulte de la gène (pic nous éprouvons « à exprimer une idée qui manquait absolu- )> ment de justesse. » Naturellement, e5sai/an< de ^ir^rioie lettre de chamje sur la caisse de M. le conservateur en chef, la con- science de notre mauvaise action troublait notre jugement.

Seulement nous ne comprenons pas ce (jue le maitre de d4Gt) vient faire ici ?

127

Quoi qu'il en soit, nous engageons le savant conservateur on chef à étudier quelque peu les productions de Jean Duvet. Il pourra se convaincre, s'il en a la compréhen- sion, — qu'on peut être peu savant à conduire méthodique- ment son burin et avoir pourtant la souplesse des tailles, la liberté d'allure et le coloris joint au pittoresque. M. le conser- vateur en chef aurait dû, nous semble-t-il, s'apercevoir, avec sa perspicacité native, de ces tendances qui sont carac- téristiques chez tous les graveurs primitifs, chez ceux sur- tout qui ne faisaient de la gravure qu'accidentellement, tels que les orfèvres.

Disons maintenant que, si cloué pendant vingt-deux années sur un lit de malade, il ne nous a été donné d'allerni à Munich, ni à Dresde, ni même à Paris, c'a été pour nous un chagrin de plus ajouté à une si terrible épreuve, delà ne nous a pas empêché toutefois de manier et d'étudier quelques centaines de mille estampes, sans y comprendre la majeure partie de celles qui se trouvent à la Bibliothèque royale de Bruxelles. Il fut un temps, en effet, chaque semaine M. le conser- vateur en chef daignait nous envoyer, bien que nous fussions constamment alité, quelques portefeuilles d'estampes à dépouiller et à classer. C'était le bon temps, l'âge d'or de nos relations. Aujourd'hui qu'on se croit assez fort, on n'a plus que des paroles désobligeantes à nous adresser.

Enfin, M. le conservateur en chef consacre, dans sa réponse à notre opinion, une longue phrase à la catégorie de graveurs du xvi* siècle dite de l'école de Liège, catégorie à laquelle il rattache l'estampe de M. Pinchart. Conjecture pour conjecture, dit M. le conservateur en chef, celle-ci vaut celle de M. De Brou. C'est une opinion qu'il est parfaite-

128

mciU libre tréinetlre, que nous ne coinbaltrons cerles ))oint cl dont nous lui laissons l'entière paternité. Elle prouve au surplus, comme toujours, le flair infaillible du savant aca- démicien.

A présent c'est aux savants iconophiles et iconographes étrangers à j)arler.

Nous suivrons l'ordre chronologique des réponses.

Voici d'abord une lettre de M. Augustus Franks, du British Muséum :

« Mille fois merci do la brochure. J'ai commencé l'exa- » men des planches et je suis tout à fait de votre avis. Celle » de M. P. me paraît la plus ancienne.

» Brit. Mus., 0 déc. 1876. Votre dévoué, A. W. F. »

En second lieu arrive l'appréciation d'un de nos plus habiles iconographes, dont nous donnerons plus tard le nom. Voici la partie qui répond à notre question :

« Tout d'abord j'écarte toute analogie avec le maitre » E. S., il n'y en a aucune.

» L'épreuve de M. Pinchart est une haute rareté d'un » vieux maitre flamand de la seconde moitié du w" siècle, y> ceci est incontcsiable. Si la photographie de l'épreuve de » la Bibliothèque est exacte, c'est un travail postérieur, ce » n'est même pas la copie de l'autre (estampe), cetle épreuve » manque de caractère. La draperie et la ))osc de saint » André, ainsi qu'une (juanlilé d'au 1res remarques, entqj) » autres les lambre(|uins qui entourent le cimier, sont faits » sans talent. Cette gravure me semble faite pour être colo- » riée en héraldique; le manque d'ombres dans l'écu et » dans les ornements indique que c'est un travail prépara-

1^29

» loire, manquant cssenlicllcnienl de ceUe naïvelc qui carac- » lérise nos vieux maîtres llamands, en un mot, c'est un » travail bonhomme (sic).

» Voilà mon sentiment, M. De Brou, peut-être suis-je en » contradiction avec vous, mais vous me demandez une » opinion franche : je vous la donne comme je l'ai toujours » fait avec vous. »

Puis le savant iconographe ajoute en P. S. : « La devise me semble ce qu'il y a de plus maladroit : » je n'ai vu dans aucun vieux maître flamand des hachures » carrées comme celles qui sont sur la terrasse. » Ce 7 décembre 1870. »

Sans partager de tous points l'opinion du savant incono- graphe que nous venons de transcrire, nous devons déclarer que nous inclinons fortement en faveur de quelques-unes de ses idées, et il se pourrait fort bien, comme il le fait entendre, que les deux estampes aient été faites pour servir d'entète à quelque manuscrit, aux statuts de l'ordre de la Toison d'or, par exemple? Qui sait, peut-être un jour ou l'autre en dé- couvrira-t-on formant le titre colorié auxdits slatuts; c'est à y voir.

Désireux d'être inqiartial en toutes choses, nous donnons le pour et le contre de notre thèse : aux autorisés à choisir. Voici une intéressante lettre de M. Georges Duplessis, le savant conservateur à la Bibliothèque nationale, à Paris :

« Monsieur, je vous avoue qu'il m'est bien difficile de » décider, à l'inspection des deux photographies qui accom- » pagnent votre brochure, ([uelie est la planche qui a pré- » cédé l'autre. Ne seraient-ce pas tout simplement deux

150

» estampes exécutées à peu près au même moment d'après » un original unique? Je ne reconnais en tout cas dans ces » ouvrages aucunement la main du mailre de 1466. » Veuillez agréer, etc.

» Georges Duplessis, Paris, lî) décembre 1876. »

Voici maintenant la réponse de M. Clément, l'intelligent marchand d'estampes, à Paris :

« Monsieur, en arrivant à Paris, j'ai trouvé la lettre que » vous m'avez fait l'honneur de m'écrire au sujet de » l'estampe intitulée les grandes armoiries de Bourgogne ; « vous devez comprendre. Monsieur, qu'il est fort ditlicile » de se prononcer sans avoir les estampes sous les yeux, » malgré l'exactitude des photographies; il y a d'abord la )> nature du papier qui joue un grand rôle, mais néanmoins » je suis complètement de votre avis dans les conclusions » qui sont contenues dans votre lettre à M. Pinchart, et » d'après ce que j'en puis juger, je crois son estampe ori- M ginale.

» J'ai l'hunneur, etc.

» Clément, "20 décembre 1876. »

Le |)a|)ier, certes, joue un certain l'ôle |)our la constata- lion (le l'Age d'une épreuve, mais ce rôle n'est (ju'un a|.])()int, subordonné lui-même au caractère du travail de la gravure, caractère qui seul peut indiquer, avec quelque cei'ti- lud(!, l'époque à laquelle ajjpartient une gravure, puisqu'elle peut précéder d'un certain laps de temps l'impression de la |)l;inche.

M. Euirènc Diituil, amateur distingue à Rouen, nous a

ir,i

gTaiific (l'une très-intérossantc Icllrc don( nous donnons les extraits suivants :

« Monsieur, puisque vous avez bien voulu me consulter, » je vous soumettrai le résultat de mes faibles connais- » sances. En principe, j'admets comme vous que l'estampe de » M. Pinchart parait plus ancienne que celle du Musée (sic) » de Bruxelles. Cependant je fais quelques réserves, je » n'ai devant les yeux que deux photographies, et, quoi- » que très-exactes d'ailleurs, elles ne remplacent pas les )> originaux, (juil est toujours préférable de voir. L'examen » du papier sur lequel une épreuve est tirée peut fournir des » indices précieux. Ce point de comparaison me manque. » C'est ce qui explique mon hésitation,

» Si l'on prend pour base l'espace compris entre 1 167 et » 1472, puisque l'écusson de Gueldre ne se trouve pas dans >' le tableau des armoiries du duc Charles, l'estampe de la » Bibliothèque, par la manière avec laquelle elle est dessinée » et gravée, parait indiquer une époque plus récente.

» L'estampe de M. Pinchart nous montre un graveur )) moins avancé et moins sûr de lui-même. D'abord, sur w le loil, je suis frappé de ce point cpie dans une estampe )' les ardoises sont tracées d'une manière très-irrégulière, » tandis que l'on constate l'extrême régularité qui distingue » le toit de l'estampe du Musée de Bruxelles; il en est de » même pour les pierres du mur; dans celte dernière » estampe, il semble qu'un maçon ne pourrait mieux appa- )■ railler les pierres (i). Il est loin d'en être ainsi dans

(i) Sans s'en douter peut-être, l'auteur ilélinit parfaiteiiicut ici le earadérc du copiste.

» l'estampe de M. Pinchart. Saint André et saint Georges

>■> sont bien mieux dessinés dans l'estampe du Musée de

» Bruxelles, il y a beaucoup d'autres dilïérencesqui annon-

» cent des corrections. Les deux estampes étant du même

» sens, comment expliquer (pie dans l'une les deux saints

» paraissent regarder du côté opposé, tandis que dans l'autre

» ils se regardent. Gomment se fait-il, en outre, que les deux

« lions léopardés de l'écusson de Frise se dirigent vers la

» droite dans une estampe et vers la gauche dans l'autre? Si

» c'est de cette dernière feçon que, suivant les règles du bla-

» son les deux lions de Frise doivent être placés, il est évi-

» dent qu'il y a une correction. Si la règle est vraie que

» c'est la bonne édition qui a la faute, on en doit conclure

» que l'estampe du Musée de Bruxelles est postérieure. Mon

» avis toutefois n'est que provisoire, dans une pareille ma-

» tière on ne saurait s'entourer de trop de renseignements. » J'ai l'honneur, etc.

» Eugène Dutuit, Rouen, 20 décembre IH76. »

De M. le baron Schwiter, amateur à Paris, nous avons reçu une lettre d'une extrême modestie, en voici un extrait :

... Quanta mon opinion, (juc vous me faites l'Iionneur de » me demander, lorsque ce serait plulôl à moi de solliciter » la vôIre, le cas écbéant, j'ai trop peu d'expérience en » matière d'iconographie pour me pei-mettre d'en émettre )> une après vous.

» Je ne puis que vous dire iikiu im|)ression, (]ui a été » entièi-emeiil en faveur de l'épnMive de M. Pincbarl. Dans )) celle (le la Bibliothèque royale les tètes me paraissent » avoir moins de cMraclère el même la réu-ularité du dessin

\ZÔ

» des pierres et luiles me semblerait indiquer le travail « d'un copiste voulant faire mieux que l'original. « J'ai l'honneur, etc.

» Baron de Schwiter, Paris, 21 décembre 1876. »

A l'Allemagne maintenant à nous fournir (juelques bonnes données. iNous avons d'abord l'extrait d'une lettre de M. le docteur Aug. Slriiter, possesseur d'une des plus riches collections d'estampes de l'Allemagne, et iconopliile distingué. Il dit :

« J'étais agréablement surpris de votre lettre et de l'envoi » du petit opuscule concernant les grandes ;»rmoiries des » ducs de Bourgogne. Il me parait que vos observations » sont très-concluantes et qu'on ne puisse pas mieu\ » exposer ses raisons.

« Aix-la-Chapelle, le 0O décembre 1876.

» Aug. Striiter, docteur, n

Bien que fort étendue dans son ensemble, nous croyons devoir donner une grande partie de la lettre-réponse du savant marchand d'estampes de Leipzig, W. Drugulin. Nous ne partageons pas sa manière d'apprécier en toutes choses, mais la plupart de ses observations sont marquées au bon coin et portent l'empreinte d'une longue expérience. Nous respectons sa diction, elle a son cachet. Il commence ainsi :

» Monsieur, vous m'avez fait l'honneur de demander mon j) opinion au sujet des deux estampes fort curieuses » représentant les grandes armoiries de Bourgogne vers » l'année 1472, retrouvées récemment à Bruxelles, et dont

154

» des reproductions pliolo-lillioirraphiques accompagnaicnL » votre lettre.

» Je rcgreKc q\\ï\ ne se trouve dans votre brochure « aucune indication sur les conditions matérielles de ces » gravures, consistance, filigranes et marque du » papier; couleur et degré de distribution de l'encre; » saletés des surfaces originales ou survenues (i). Le juge- » ment qu'on peut en donner doit donc nécessairement » rester sur le témoignage de l'aspect de vos reproduc- » tions seules, et avec cette réserve j'y procède.

)■> En ce qui regarde les questions d'originalité et, par » conséquent, de priorité, je me range entièrement de votre » côté. Il me paraît même que la pièce II (Pinchart) a été » expressément dessinée pour servir de modèle au graveur » de la pièce I (Bibliothèque). C'est surtout l'invention qui y » brille, condjinée avec une légèreté extrême de pointe, » mais aussi avec une insouciance parfaite de la justesse )' et correction des détails. L'auteur ne peut avoir été » blasonniste (sic), pour qu'il ne donne méthodiquemeni » ni les formes des animaux ni les teintes de ses écussons; » il ne peut avoir été architecte non plus; le dessin » débraillé de son ornementation et l'existence de l'étage

(0 Nous croyons devoir satisfaire au désir exprimé ici et nous rcgreUons, dans l'intérêt de la cause, de ne l'avoir pas fait déjà, puisque l'état de l'épreuve peut aider a élucider la question. L"éprouve de M. Pindiart est tirée sur du bon papier a fortes veriicures ayant pour maniue de fabrique la petite tête de boeuf portant au reilieu du front une longue tige à croisette. Ce papier est pareil à celui employé à Cologne par Ulric Zell de 1167 à l.i75. Nos imprimeurs des l'ays-Bas.en liront également usage : Veldeneer surtout en use, à Louvain, dans des impressions de 1-470 à 1 i78. Quant à ia conservation de l'estampe, elle est un peu rognée dans le haut, a quelques souillures et a subi quelques restau- rations.

155

» supérieur de l'arc en prouvent le contraire. Mais il doit

» avoir été maitre achevé de sa main et de son outil ; on ne

» trouve pas de repentir dans les détails, et chaque trait

» reste exactement à la place destinée par lui. Toute la

» représentation parait être dessinée sur la planche, de

» main levée et peut-être sans esquisse préalahle, d'une

)) main légère comme j'ai déjà fait observer.

» Quant au dessin, une des choses les plus importantes

» (jui se présentent, c'est la figure de saint André. Vous ne

)^ trouverez, je m'en fais fort, sur aucune pièce du xv* siècle,

» une draperie à plis larges et arrondis comme celle du

» vêlement de ce saint, sans même mentionner le peu de

» longueur de sa robe, et en passant à l'autre planche,

» sur laquelle le graveur a corrigé le dessin de cette ligure

» ou cru le corriger en le changeant, c'est devenu tellement

» moderne que vous pourriez la placer dans une compo-

» sition de Rottenhammer ou de CoUaert, sans découvrir

« des différences trop marquées. Enfin tout ce qui est

n angulaire et sévère dans l'ornementation et le blasonnagc

» du XV'' siècle se trouve ici arrondi , amolli et même

« exubérant, comme cela se voit dans les productions du

» xvi* siècle.

« Une dernière argumentation peut être prise du laire de

» la pièce de la Bibliothèque royale : ce qu'il y manque

» absolument, c'est une sorte de travail fort signifiant (sic)

y pour les gravures du xv' siècle ; ce sont les petits traits ou

» plutôt petits coups de burin par lesquels on était accou-

» tumé d'indiquer les demi-teintes, tandis que les hachures,

» et surtout les tailles croiséesàanglesdroils, sont bien celles

» du métier des graveurs de l'école d'Anvers au siècle suivant.

iôG

» En résumé, il mo paraît résulter de toutes ces considé- » rations, que la planche de la Bibliothèque royale est une » production de l'école flamande, peut-être une planche » d'illustration de quelque livre sur la Toison d'Or, sur » laquelle il existe tout une littérature. Celle (la planche) « de M. Pinchart est sans doute l'ébauche originale (sic).

» Il me serait bien intéressant d'apprendre les conclusions » auxquelles on arrivera linalement en Belgique sur la » question soulevée pai'vous, et j'espère qu'elles seront » déposées avec le temps dans (pielque publication acces- y sible à moi.

» Leipzig, le i25 janvier 1 (S77.

» W. Drugiilin. »

C'est maintenant M. le ijrofesseur H.-G.-.I.Weiss, conser- vateur du cabinet des estampes à Berlin, qui va nous fournir un précieux document en faveur de notre thèse : sa lettre étant en allemand, nous en donnons une traduction littérale et la lettre originale en noie (i).

(i) « Gcehrtcr Herr !

)) Sic habeii vollkommeii Reclit! Der Slich des Herrn Pinchart ist das Original, der andcre eine danachgerertigte Copie. Gleicli der erste Blick liess niich das verrmithen; cine verglcidiende l'rufung iiber/eiigte niid), Dcn Grihideii, welciie sic daiïw angeben, kaiiii ich nur beistiinnicii. Das Original verriith eineii feinfiihlenden Kiinslier, die Copie cine weniger feiniïitilendt' Hand. Audi die beider Copie vorgenoinnicrcn, nur rein aiisseriicbcn Venindci'ungen sprcclien.ais nacht ragliche, dalïir. Ein Zweifcl kann hier nichl bcstehen. Icdci' cingchcndore Vergleich mit dnrcligcfnhrtercn Stichen deiselbcn Zeit wird den /wcil'cl bcsei- tigen. Vielleicht dass die Platle des Originals ausgedruckt oder versehwunden war, und nian sich dadurch veranlassl fand, elwa zu fernercm Gebrauch, cine Copie anfertigen zu iassen.

» Ubcr den Vcrfcrtiger des Originals iiisst sich iiichls Bcstimmtcs sagen. Zudeni ist die niir vorliegende pliotoiithograidiische Naihbildnng hicrlTir nicht ausrcicliend. Suweit dièse Naclibildung zu erkennen giebt, crinnerl die Beliand-

IÔ7

« Monsieur, vous avez parfaitemenl. raison! La gravure >> de M. Pinchart est l'originale, l'autre est une copie » exécutée d'après cclle-ci. A première vue je m'en suis » douté; un examen comparatif me persuada. Je ne puis » que m'associcr aux preuves que vous donnez. L'originale » trahit un artiste sentant délicatement, la copie une main » sentant moins délicatement. Aussi les changements intro- » duits dans la copie s'annoncent comme postérieurs. » Ici un doute ne peut pas exister. Chaque comparaison » minutieuse avec des gravures de la même époque écartera » le doute.

» Il est possible que la planche originale était usée ou >' perdue, et que cela a engagé à en faire une copie pour r> un usage ultérieur.

» On ne peut rien dire de certain sur l'auteur de l'origi- » nale.

» D'ailleurs la reproduction photographique n'est pas » suffisante pour cela. Tant que l'on peut juger d'après » celte reproduction, le travail rappelle peu la manière de

limgsweise nur wenig an die Stechweise des Meisters E S. Auch ist hinsichtlich dièses Meisters eine Beurtlieilung um so schwieriger, ai s die Stiche, welche itim selbst aucli von Biiitsch (peintre graveur) und Passavant zugeschrieben werden, unzweifeihaft von verscliiedenen, weinigstens drei Stectiern herriiiiren. Einzig die aufgerichteten Liiwen (als Wappenlialter) zeigen eine den mit E S bezeicli- neten Stichen iilinliche Behandlung.

» Anderes, so iusbesondere die architectonische Unigebung und dieaufden Sanlen stehenden Figuren des S' Andréas und Georg , errinnert raehr an die weniger zarte Behandiungsweise des Israël van Meclien u. A. Als wahrschein- lich ist anzunehmen, dass beide Stiche in Beigien, und auch, dass sie von hier ansiissigeu Stechern angefertigt sind.

» Empfangen Sie, geehrter Herr, fur die cbenso lehrreiche als intéressante Mittheilung meinen ergebensten Dank, mit dem Ausdruek hOchster Werth- schalzung.

t Berlin, d. 26 Februar 1877. H. E. .1. Weiss. »

138

» graver du mailrc E. S. Aussi, à l'égard de ce maiire, une

» appréciation est d'autant plus dilTicile, que les gravures

» qui lui sont attribuées, même par Bartsch (peintre graveur)

» et Passavant, proviennent sans nul doute de plusieurs, au

» moins de trois différents graveurs. Seulement les deux

)' lions debout (comme tenants) montrent un faire ressem-

M blanl aux gravures marquées E. S. D'autre part, spécia-

» lement les ornements architecturaux et les figures de

» saint André el de saint Georges, qui reposent sur les

» colonm^s, rappellent le l'aire moins délicat d'Israël Von

» Mecken et autres. On peut admettre, comme probable,

» que les deux gravures ont été exécutées en Belgique par

» des graveurs y domiciliés.

» Recevez, Monsieur, mes humbles remercîments pour

« votre communication intéressante et instructive, etc. « Berlin, 26 février 1877. H.-C.-.î. Weiss. »

M. L. Kuhnen , habile paysagiste et iconophile expéri- menté, nous adresse les lignes suivantes :

» Monsieur, j'ai examiné avec grande attention les deux » gravures que vous avez bien voulu me soumettre, repré- » sentant les Armoiries de Bourgogne. Je suis entièrement » de votre avis, c'est-à-dire que je reconnais celle de r> M. Pincliarl pour l'originale. Recevez donc mon humble » opinion, si elle n'est pas d'un grand poids, elle est du moins » sincère.

r> En attendant, etc.

» Schaerbeek, ce 1" mars 1877. L. Kuhnen. »

Nous avons réservé pour la fin une lettre, des plus précieuses, de M. le vicomte Henri de la Borde, conserva-

i59

teiir du cabinet des estampes à la Bibliothèque nationale, à Paris : elle clôturera, nous l'espérons, savamment le débat qui nous occupe. Laissons-lui la parole :

» Monsieur, j'ai lu avec tout l'intérêt et toute la scrupu- » leuse attention que commande chacun des travaux dus » à votre haute érudition iconographique, la dissertation » que vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer, il y a quel- » ques jours, sur la plus ancienne gravure sur cuivre faite » dans les Pays-Bas.

» Je connaissais depuis plusieurs années l'épreuve des » grandes armoiries du duc Charles de Bourgogne que pos- » sède la Bibliothèque royale de Bruxelles, et j'avoue que, » malgré l'autorité des savants qui avaient cru pouvoir » attribuer cette pièce au maître de 1466, je m'étais tou- » jours refusé à lui assigner une origine aussi formellement » démentie à mes yeux par les caractères mêmes du dessin » et du travail. J'avais donc déjà sur ce point la bonne for- « tune de me rencontrer avec vous.

» Quant à l'antériorité de l'estampe appartenant à M. Pin- » chart, par rapport à l'estampe de la Bibliothèque royale » sur le même sujet et au caractère de copie qu'il convien- )> drait de reconnaître à celle-ci, il me semble. Monsieur, » autant que j'en puis juger d'ailleurs par les reproductions » photo-lithographiques qui accompagnent votre travail, » il me semble que cette antériorité est incontestable. Les » observations sur lesquelles vous fondez votre discussion » et la conclusion que vous en tirez sont de nature à con- » vaincre tous les esprits impartiaux. Ceci soit dit sans j^ nulle prétention de ma part à méconnaître l'importance » archéologique de la pièce décrite et commentée autrefois

\M)

» par M. Alviii. Celle (|u'a relrouvce M. Pincharl est toiUe- » fois plus précieuse encore, non-seulement parce qu'elle y> a plus d'originalité et de valeur au point de vue de l'exé- » cution pittoresque, mais parce que, comme vous l'avez » démontré et comme je le crois, elle a servir de modèle » à l'artiste qui a gravé l'autre. A des titres divers, toutes » deux certes ont un grand intérêt, et il serait bien souhai- y> table que, conformément au vœu exprimé par vous, elles » se trouvassent rapprocliées, aussitôt qu'il se pourra, dans » les collections de la Bibliothèque royale de Bruxelles.

)) Veuillez, Monsieur, agréer, avec tous mes remercîmenls » pour l'intéressante communication et pour la lettre dont » vous m'avez honoré, l'expression de mes sentiments de » haute considération.

» V" H. de la Borde. Bibliothèque nationale, Paris, le 17 janvier 1877, «

Dira-t-on que c'est encore une sorte de letllre de change quon essaie de tirer sur la caisse de M, le conservateur en chef?

Voilà donc tout une suite d'iconographes et d'iconophiles marquants qui , j^resque tous, abondent dans notre sens, quant à la manière d'apprécier la question de priorité entre les deux estampes.

Sur ce, nous laissons M. le conservateur en chef méditer la sentence qu'il a prononcée lui-même : « La prévention et « l'intérêt peuvent aveugler étrangement les meilleurs esprits. »

Ce 20 mars 1877.

Gif. De Brou.

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BULLETIN DES COMMISSIONS ROYALES D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE. 1877..

Fi^SauVi, r.g.3,4.B,5>"-'al2grandeur réelle iftg 6.6«=elllauys;fio 7,8,9 et lOauViode

Ltkmkins.iQlni

L'ETABLISSEMENT BELGO - ROMAIN

DE RUMPST.

Rumpst est un village de la province d'Anvers, situé sur la rive droite du Ruppel, précisément à l'endroit se forme cette rivière par le confluent de la Nèthe et de la Dyle, gros- sie des eaux de la Senne.

Au sud du village, le long de la Nèthe, s'étendent de vastes polders; au nord et à l'est, le terrain, s'élevant graduellement, est sablonneux à la surface, argileux en dessous ; c'est que sont établies les nombreuses briqueteries qui constituent la principale richesse de Rumpst.

L'origine de cette localité remonte à une haute antiquité. Car si, d'un côté, des documents fort anciens du moyen âge mentionnent déjà le nom de Rumpst (i), d'un autre, les fouilles archéologiques prouvent que les Romains y avaient établi leurs demeures au commencement de l'ère chré- tienne. L'étymologie même de Rumpst semble rappeler le séjour du peuple-roi. La préfixe Rum se retrouve, en effet, dans le nom du village de Rummen, au nord de Saint-

(i) Kreglisger, dans le Bulletin de la Commission de statistique, t. III, p. 2i5, cite : 1130, Rumesta, « bulle d'Eugène », Miraeus, IV, 20; 1180, Cart. de S*-Michel, Rumesta, charte de Waullier de Berthout; 1181, id.,— Rumestum,— charte de Gérard de Griraberge ; 12b9, Butkens, I, 228, Rumesta, ih^rle de Gérard de Grimberge; 1505, Clericus, I, n" 99, Rumste, Réconciliation de Malines, etc.

U2

Trond, ci l'on prétend que cette étymologie se rattache à l'existence d'un camp romain dans cette commune (i). Le village de Rumsdorp, près de Landen, parait avoir la même origine (2).

Avant d'entrer dans les détails au sujet de l'établissement belgo-romain de Rumpst, qui forme l'objet de cette notice; il convient de dire quelques mots de la voie romaine sur laquelle il était situé.

Il existait, comme on sait, une voie romaine de premier ordre, qui, partant de Bavay, passait auprès de Mons et de se dirigeait presque en ligne droite sur Assclie. On la désigne parfois sous le nom de voie delà Batavie, car géné- ralement on croit qu'elle se prolongeait vers la Hollande. Nous ne pouvons souscrire à cette opinion, par le seul motif qu'au delà d'Assche on ne trouve plus de traces de la grande voie de Bavay ; or les routes de premier ordre, qui étaient très-larges, fort solidement construites et bordées de grands fossés, ont résisté assez bien pendant le cours des siècles pour être reconnues facilement. Il en est autrement des voies secondaires (diverlicula, viœ vicinales), (]ui n'étaient même pas toujours empierrées (3).

Ce qui a été considéré comme le prolongement de la voie de Bavay à Assche es! un cheniiii qui, |)artanl de ce dernier endroit, se dirigeait vers la Hollande en passant par Rumpst.

(0 Cii. Ghandgagnaoe, Mémoire sur les anciens noms de la Belgique orien- tale, pp. 90 et 91. WoLTEKS, Aolice sur Rummen, pp. 57G et suiv.

(2) Van Gestel, Uist. sacr. et prof, archiepiscopatns Mechliniensisa, iJ69. Bulletin des Commissions roijales d'art el d'archéolof/ie, IV, p. m\: on pro- nonce Bomisdorp.

(3) Bergier, Histoire des grands chemins de l'empire romain, 1, p. 1 4(),

143

Voici le tracé de ce chemin : d'Assche il va à Londerzeel, passe à Rainsdonck et à Breendonck, près du château de Meerhof (i), sépare Londerzeel et Wolverthem de Rams- donck; à Breendonck il se rétrécit et se divise; il porte à Londerzeel le nom de Oadcstraete, Oiidemansstraele.

De Breendonck il se dirige vers Willebroeck et Heyn- donck et traverse le Ruppel à Rumpst.

Ce chemin était, dit la tradition, une grande route dans le temps Merchtem et Rumpst étaient des villes (2) impor- tantes.

A partir de Rumpst, le tracé de notre chemin devient très-problématique; il y a toutefois lieu de supposer qu'il continuait vers Waerloos, l'on a trouvé des antiquités frankes ; Hove, qui a donné des antiquités romaines (3) ; Anvers, Merxem, Brecht, Hoogstraeten, Minderhout, Meerle et Breda (i).

Plusieurs des auteurs que nous venons de citer soutiennent que le passage du Ruppel s'effectuait au lieu dit : Hellegat, sous Ruysbroeck, l'on aurait trouvé quelques monnaies romaines. Mais on n'a pas tenu compte de l'état de la rivière.

(1) M. Galesloot assure iiu'eii 1851 on a trouvé dans le jardin de ce rhâleau quatorze monnaies consulaires en argent et une hache en silex. La province de Brabant sous les Romains, p. 78 (note).

M. le comte de Buisseret, qui est le propriétaire du château, n'a pas connais- sance de cette découverte, nous écrit-il.

(2) Renseignement de M. Lefebvre, membre de la Chambre des représentants. (5) Rens. de M. Tins, juge de paix à Contich, membre titulaire de l'Académie

d'archéologie.

(i) Voyez sur cette voie, L. Galesloot, La province de Brabant, etc., p. 26; Vaxder Rit, Topogr. des voies rom.., p. 9; d'Anville, Notice de la Gaule, p. 438;— MiRAEL'S, Chron. BeUj., p. 1-28; Heylen, Mém. de /'(ancienne) acad. de Bruxelles, t. IV, p. 458. Des Roches, Hist. des Pays-Bas, p. 0O6.

\u

qui en cet endroit est très-profonde et trop rapide pour être traversée autrement qu'en bateau. Ces inconvénients n'exis- tent pas à Rumpst, le Ruppel doit avoir été parfaitement guéable.

Devant la commune, à l'entrée de la Dyle et de la Nèthe, il existe encore un banc de sable qui à marée basse entrave la navigation. Voici comment s'exprime à ce sujet un de nos ingénieurs les plus savants, M. Belpaire. « On remarque que les deux rives de la Nèthe et de la Dyle se rencontraient anciennement à angle droit, comme le font aujourd'hui l'Escaut et le Ruppel. Une pareille disposition devait néces- sairement provoquer des atterrissemenls. Il n'est pas dou- teux, d'après la situation des anciennes digues, que des atterrissements ne se soient formés à l'embouchure de la Nèthe; la rive droite de cette rivière devant Rumpst est composée d'énormes alluvions, qui ont une largeur de 500 à 400 mètres; elles se prolongent jusque dans le lit du Ruppel par un banc de forte dimension qui obstrue l'entrée de la Nèthe. D'autres alluvions se sont formées entre la Nèthe et la Dyle et ont produit la pointe aiguë qui sépare aujourd'hui ces deux rivières. Cette pointe se prolonge sous l'eau dans le Ruppel au fond de la rivière et ne cesse d'être sensible qu'à 800 mètres en aval du confluent (i). »

La formation de ce banc s'explique donc scientifiquement. Le gué existait non au Koeisieerl, est élal)li actuellement le passage en barquette, mais à environ 500 mètres en aval de ce dernier endroit. C'est sans doute l'existence de ce gué qui

(0 Mémoire sur l'amélioralion du Rujipcl, dans les Annales des Travauûo lublics, II F, |). 9ii.

14o

a engagé les Romains à mener la voie romaine par et à y fonder la bourgade dont nous allons décrire les derniers vestiges.

Cet établissement occupe la vaste étendue de terrain com- prise entre le village, le Rappel et les briqueteries, et est connue sous le nom de Molenveld; il est probable qu'il s'avance même dans la rivière.

Les cartes du département de la guerre assignent à cette partie de la commune une élévation de 5 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Certaine tradition qui a cours à Rumpst rapporte qu'une statue de saint Pierre en or massif se trouve cachée en cet endroit. Nous avons déjà eu l'occasion de faire remarquer que souvent la tradition affirme qu'on doit retrouver un trésor, on rencontre des antiquités romaines (t). Les campagnards de Rumpst ajoutent tant de foi à cette idée absurde, que nous avons eu toutes les peines du monde pour obtenir l'autorisation de fouiller, et ce encore sous la condition expresse qu'en cas de découverte d'un trésor, celui-ci leur appartiendrait.

On a signalé de vieille date des trouvailles d'antiquités à Rumpst. En 1823 on y trouva une superbe main votive en bronze; elle se trouve actuellement déposée au \tusée de Ravestein, elle occupe une place d'honneur (2). M. Ém. de Meester de Ravestein, dans le beau catalogue qu'il a publié de ses collections, donne de la main de Rumpst la descrip-

(1) Bulletin de l'Académie d'arck. de Belgique, I, p. 59"?. (i) Actuellement au Musée royal d'antiquités de Bruxelles, par suite de la donation du Musée de Ravestein à l'Ktat belse.

146

tion suivante (i) : « Cette main est creuse de manière à pou- voir recevoir un manche sur lequel sans doute on la posait. On voit qu'elle n'a jamais appartenu à un bras. Le pouce, l'index et le doigt du milieu sont levés en signe d'invocation ; les deux derniers doigts retiennent une pomme de pin. Un serpent à crête entoure le poignet et se déploie jusque sous le pouce.

» Dans l'intérieur de la main se voit la tète de Méduse entre deux ci'oix qui pourraient représenter les étoiles de Castor et de PoUux.

» Sous le petit doigt est un caducée, puis un phallus, suivi d'un objet que nous croyons être un épi semblable à ceux qui se trouvent sur certains as romains. Une lyre est très- visible, suivie d'une llèche ou d'un dard. Deux ligures que nous considérons comme des instruments de musique font suite aux précédentes. Sous l'index est un objet que nous prenons pour une fibule, surmontée d'un croissant, dont les pointes tournées en haut indiquent la nouvelle lune.

» Sous le pouce, à côté de la tète de serpent, est un arbre, i)eut-ètre un pin, clier àCybèle en mémoire d'Alys. »

On sait que ces mains sont très-rares ; en Belgique on en a signalé jusqu'ici, outre celle de Rumpst, une seule autre trouvée aux environs de Tournai. et dont parle De Bast (2). Le nombre total des mains votives connues jusqu'ici est de trente-cinq. Elles proviennent la plupart de l'Allemagne et de la Suisse (0).

.Notre savant collègue M. H. Schuermans, en publiant le

(1) T. II, p. \1"k

(i) Uecueil d'antiquités romaines cl gauloises, p. 192. Il en donne le dessin.

(3) liulh'li)! des Commissions roi/nles d'art et d'arclt., XII, p. 4 il.

\A7

catalogue de la collection de Renesse, s'est occupé égale- ment de la maindeRumpst(i). Elle se trouvait jadis entre les mains de M. de Renesse, qui la qualitie de main égyptienne et prétend qu'elle a été trouvée à une profondeur de 25 pieds. M. de Crâne d'Heisselaer, possesseur antérieur à M. de Meester, qui l'avait acquise à la vente de Renesse, a pris des informations au sujet de la trouvaille de cet objet, cl une lettre datée du 18 mai 1858, émanant d'une personne notable de Rumpst, fit savoir à M. de Grane que la main susdite fut déterrée à proximité du village, à deux pieds et demi de profondeur. Elle provient, en effet, du Molenveld, d'après les renseignements qui nous ont été fournis. En même temps, parait-il, on mit au jour deux petits plats de bronze et une statuette de même métal ayant un demi-pied de haulCs).

Enfin un article signé Fiedler, inséré dans les Jahrbdcher des Vereins von Aller lliumsfreunden im Rheinlande (3) parle également de la main de Rumpst.

On nous a assuré que l'on a découvert à la même place des chaudrons de bronze.

La trouvaille si importante de la main votive de Rumpst avait attiré l'attention de M. de Meester de Ravesteln, qui, de son côté, se proposa de visiter l'endroit la main avait été déterrée. Le résultat des fouilles ne répondit cependant pas à l'attente de l'explorateur; quoiqu'il se fût mis à l'œuvre

(1) Ici. XII, p. 4il, i-'t la planche v. ou la main est. reproduite sous toutes ses faces.

(2) V. DE Meester de Ravestein, t. II, p, 117.

(3) HeftLII.p. 142.

118

avec une vinglaine d'ouvriers, il ne découvrit que les objets suivants :

r Tète (le marteau et double crocbet en fer. Ils étaient déposés avec des cendres dans une urne fragmentée. (Catal. cité, n" 1774).

:2" Pipe en fer. C'est une de ces pipes connues vulgaire- menlsous le nom de pipes celtiques. (Catal., n" 1775). Elle fut déterrée avec un morceau de vase en terre grise.

On nous permettra de nous arrêter un instant à cet objet.

Les prétendues pipes que l'on rencontre dans les fouilles sont de deux espèces : les unes sont en fer, les autres en terre. Les pipes en fer sont fort rares ; en deliors de celle de Rumpst, nous n'en connaissons d'autre pour la Belgique que celle que nous avons vue l'année dernière à Huy, à l'Expo- sition des objets d'art et d'antiquités organisée par le Cercle hutois des sciences et des beaux-arts. M. le prince Camille DE Looz, (|ui a bien voulu s'enquérir du lieu de provenance de la i)ipe en (pieslion, nous a fait savoir qu'il n'a pu obtenir de réponse satisfaisante, mais que toutefois il croit qu'elle a été déterrée aux environs de Iluy.

A l'étranger nous ne sachions pas que d'autres auteurs aient signalé des découvertes de pipes en fer, sinon M. ue BoNSTETTEN, qui, daus SOU Recueil d'antiquités suisses, à la planche XIV, fig. 5, représente une pipe en fer avec cou- vercle. Elle fut trouvée en 1854, sous le tronc d'un vieux chêne, au pied d'un mur romain. Le même auteur ajoute, p. 50, que des pipes semblables à celle qu'il a fait dessiner et de même métal ont été trouvées dans les ruines romaines près de Lausanne et dans celles de Saint-Prex.

Quant aux [)ipes de terre, la Belgique en a fourni des

140

spécimens en différents endroits. Les fouilles dans le cimetière frank de Samson ont donné i)lusicurs morceaux de tuyaux de pipes très-durs et très-gros relativement au conduit qui les traverse (i). Comme cela se voit encore beaucoup aujourd'hui, les tuyaux de Samson sont décorés de feuilles, et personne à coup sur n'assignerait à ces débris une haute antiquité; l'auteur de l'article, M. Del Marmol, ajoute que jadis on a trouvé des tuyaux de pipes analogues dans le cimetière du Tombois à Vedrin.

On peut citer en outre la pipe découverte en compagnie d'une hache de silex polie, sous la voie romaine de Hotton à Marche; une autre rencontrée dans la grotte d'On ; une troisième au fond du rempart de Marche; enfin une qua- trième couverte de ciment romain fut trouvée dans un mur romain à Arlon (2).

Dans les autres pays, les découvertes de pipes en terre ont été fréquentes. Waeghter, Hannoversches Magazin, 1841 (cité par M. de Bonstetten), mentionne de petites pipes en terre qu'on trouve souvent dans des tumulus des districts de Freesen et d'Osnabriick. Ces petites pipes ont de cinq à six pouces de long et l'ouverture coupée en biais. Les tumulus paraissent remonter aux temps antéhistoriques.

M. l'abbé Cochet en a trouvé dans les couches supérieures du cimetière romain de Dieppe (3). Cet auteur cite un pas- sage de l'ouvrage de Collingwood-Bruce sur le Roman wal il est dit qu'on a trouvé un nombre considérable

(1) Annales de la Société arcliéol. de Namur, VI, p. 350.

(-2) Ann. de VInstitut archéologique d' Arlon, VIF, 120 ; VIII, 209, 221.

(î) La Normandie souterraine, p. 66, note 2. (Cité par M. de Meester).

ir;o

de ces pipes dans les stations romaines de Pierse-Bridge, de Xorlhumberland, de Bremenium et à Londres.

En Ecosse on en aurait trouvé beaucoup également, d'après le docteur Wilson : Arch. of Scotland. (Cité i)ar M. Cochet.)

Parmi les objets dont s'enrichit le musée de Trêves en 1865-1864, se trouve une petite pipe en terre rougeâlre (ein kleines Pfeifclien aus rothliclien Thon), trouvée à une profondeur d'environ ]"} pieds avec des tessons de poterie romaine (i).

ASommerau, on li-ouva en 1848, au milieu de débris antiques, plusieurs pipes de terre dont les tuyaux étaieni ornés de sujets tirés du règne végétal. Toutefois cette découverte nous parait bien suspecte, car on mit au jour également un canon de fusil (2^. Dans le contpte l'endu de cette découverte on cite un travail intitulé : Tabaci historia, diss. inauf/ur. auctore Carl Antz Berol 1856, p. 2l2 und folg. , on l'on prétend que déjà dans les temps les plus anciens (altesten Zeiten) on fumait différentes herbes comme curatif.

Ces pipes portent le nom de Celtic ou Elfiti pipes en Ecosse, de Danaë's pipes en Irlande, et de pipes de fées en Angleterre.

Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que l'antiquité des pipes de fer est plus que douteuse et que celle des pipes en terre est admissible, quoique les preuves ne soient pas con- cordantes.

(0 Jahresbericlit (1er Gcsellschafl fur nutz-liche Forschiingen zu Trier, 48G3- 186.i, p. 80.

(î) 1(1., 1863-1868, p. 49.

151

Quant à la destination de ces oi)jets, on n'est pas plus d'accord. D'aucuns pensent que ce sont des instruments employés par les augures romains ; cette opinion fut émise à l'occasion de la découverte de petites pipes en Suisse, en compagnie d'un vase à encens et d'autres antiquités. D'autres les regardent comme de vraies pipes à fumer. Nous pensons que cette dernière hypothèse ne saurait être appliquée aux pipes en fer. Ce métal étant très-hon conducteur de la cha- leur, brûlerait trop vite les lèvres du fumeur. Il serait sans doute prudent de les ranger pour le moment et en atlendanl que les fouilles fournissent des indications plus précises, dans la nombreuse catégorie des objets à destination incon- nue, et de ne les considérer comme antiques (|ue sous caution.

5. Deux vases, sans anses, en terre noirâtre, de la forme dite urne. {Catal. n" 177(>.)

4. Deux tuiles à rebord et d'autres tuiles faîtières, im- brices. (Catal. n" 1777.)

o. Pierre cubique. (Catal. n" 1778.)

Voilà tout ce que les travaux de M. de Meester de Ravestein sont parvenus à retirer du sol.

Malgré cette déception, le souvenir de la main votive et les conseils de différents amis nous engagèrent à tenter nous- mème une nouvelle exploration. A cet effet, un subside fut demandé au Département de l'intérieur et gracieuse- ment accordé par celui-ci. On se mit à l'œuvre au mois de mars 1875.

Après avoir sondé le terrain en différents endroits, on s'arrêta à la pièce de terre de M. Verrept, constructeur de navires. La couche supérieure, épaisse d'environ 0"',50, ne

. 152

renferme rien; elle ne se compose que d'alluvions, résultat nécessaire des débordements annuels du Rujipel. Sous celle couche est assis le terrain dans lequel se Irouvenl enfouis pèle- mèle les débris romains; ce terrain n'a cerlainemenl jamais été remué, comme le prouvent les pavements que nous avons rencontrés et dont la description est donnée plus loin,

La pelle ramène à la surface unequantilé innombrable de tessons de poterie, de pierres blanches, de tuiles, de sco- ries; malheureusement rien n'est entier, tout est brisé; il n'en pouvait être autrement dans un établissement détruit avec violence, comme des traces d'incendie le démontrent. Notre description doit donc se borner à des fragments; c'est, du reste, presque toujours le sort des notices sur les fouilles de nos villes belgo-romaines.

Poterie grossière.

Jamais, depuis que nous faisons des fouilles archéologiques, nous n'avons trouvé ensemble une aussi grande quantité de débris de poteries grossières; le nombre des terrines dites « tèles » se chiffre peut-être par centaines. Au sujet de ces ustensiles nous avons à présenter ici une remarque. Les « tèles » portent très-souvent sur leur rebord la marque du fabricant; or, chose singulière, à Rumpsl, malgré l'examen attentif que nous en avons fait, nous n'avons pas découvert la moindre marque sur ces objets. A quoi tient ce fait nou- veau? Un fabricant de poteries grossières s'élail-il établi à Rumpst et s'abstenait-il, de marquer les produits de son in- dustrie? Cela ne serait pas impossible, la terre glaise que l'on extrait encore aujourd'hui à Rumpst convient à ce genre de fabrication, et les habitants de la bourgade pourraient déjà

irîô

du leiiips (les Romains s'être, livrés à ceU(! cxploitalion. Ce serait, nous seuible-t-il, le seul moyen d'expliquer la chose, à moins que l'on n'y voie un simple effet du hasard. La plu- pari de nos « lèles » sont de terre rouge recouverte d'un enduit blanchâtre, un grand nombre sont d'une pâte bleuâtre, quel([ues-unes sont blanches. Toutes sont parsemées à l'inté- rieur de grains de quartz.

Parmi les autres restes de poteries grossières se trouvent des débris d'amphores, de vases, d'urnes, de cruches, etc. On peut constater que la fabrication de ces différents objets est intimement liée à celle des « tèles » en général; c'est la même terre dont on s'est servi.

Sur une anse d'amphore nous avons cru lire les trois lettres a m q (ou p) (i), mais les caractères sont tellement mal formés que nous ne donnons notre lecture que sous toutes réserves.

Poterie fine.

Dans cette catégorie nous devons signaler en premier lieu la poterie samienne. Celle-ci, qui dans les autres établisse- ments est d'ordinaire très-répandue, ne se montre à Rumpst que par quelques rares débris. Voici ce que nous avons recueilli de celte espèce de poterie.

1. Une petite jatte hémisphérique à deux lobes; nous avons pu reconstituer l'objet qui était en morceaux (fig. 2).

Ces récipients sont très-communs, comme on peut en

(i) M. le conseiller Schuermans, dans ses Sigles figuUns, on catalogue des marques que l'on l'encontre sur les poteries {Annales de l' Académie d'archéologie de Belgique, 2^ série, t. 111), donne, n" 289, a.m.i'. trouvé a Arezzo, et n" 290, A.M.Q., trouvé à Poitiers.

154

juger parles cilations de M. le conseiller Schuermaxs, clans le Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie^ t. V, p. 440 (en note).

2. Un fragment porte le dieu Pan aux pieds de bouc, entre deux coqs; au-dessous se lit la partie finale d'un nom... isi (fig. 3).

La figure de Pan apparaît assez souvent sur les poteries samiennes. A Elewyt nous l'avons rencontrée récem- ment (i). Ce mode d'ornementation n'a rien d'étonnant. En Italie, depuis l'inlroduclioii de la mythologie grecque, on identifiait Pan avec Faunus; or Faunus était tenu en grande considération par les Romains; il était adoré comme le dieu protecteur de l'agriculture et des bergers et aussi à cause de ses oracles. Quant aux coqs, ils jouaient un très- grand rôle dans les présages, les magistrats et les généraux les consultaient presque toujours avant de procéder à une opération importante (:2). Oracles et présages se tiennent de bien près dans les idées superstitieuses; c'est sans doute ce que l'artiste, auteur du dessin de notre objet, a voulu repré- senter en associant Faunus et les coqs.

Les lettres... isi sont la terminaison au génitif du nom de cet artiste. Les noms qui se trouvent moulés en relief à l'ex- térieur des vases et qui font pour ainsi dire partie des dessins décoratifs, doivent, en effet, se rapporter aux artistes mêmes et n'avoir rien de commun avec ceux des fabricants (ô). Le rôle de ces derniers se bornait, sans doute, à mouler l'objet

(i) Annales de rAcadémic d'archéologie de Belgique, 2^ série, t. IX, p. 800. Conf. encore DE Caumom, Abécédaire ou rudiment d'arch., ô' éd., p. 50t. (î) Pline, X, 24. (5) Confr. DE Caumont, Abécédaire, etc., p. 564.

155

sur les formes qu'ils se procuraient chez les susdits artistes (i). Au moyen d'un cachet, le potier imprimait son nom sur le fond du vase; on pourrait même aller jusqu'à dire que les caractères très-souvent barbares, presque illi- sibles, de ces cachets, excluent toute idée de parenté avec les ornements extérieurs.

5. Sur un autre débris se trouvent gravées à la pointe les trois lettres lsa ... (fig. 4).

Malgré des recherches consciencieuses, nous n'avons pu mettre la main sur le fragment (jui nous manque pour pou- voir reconstituer le nom du personnage qui s'est servi de ce vase (2). Mais, ô mauvaise chance ! Tantôt c'était la première partie d'un nom qui nous manquait, maintenant c'est la partie finale qui fait défaut. La reconstitution de notre graffilo aurait été d'autant plus importante, que nous aurions connu le nom d'un personnage ayant résidé à Rumpst au commencement de l'ère chrétienne. Ce nom, tracé en beaux caractères, n'a absolument rien de barbare; le prénom l. (Lucius) est, du reste, pour attester que si le personnage en question n'était pas romain, du moins il avait adopté un prénom romain. Quant aux lettres sa,, il serait peut-être téméraire de les compléter en lisant sablxvs (3).

(1) Confr. Cloquet, dans les Public, du Cercle arch. et paléont. de Charleroi.

(2) Les noms gravés ^ l'exlérieur des vases sont ceux des personnes qui s'en servaient. V. Hagemans, Un cabinet d'amateur, 51" et 414. Brongniart et RiocREUx,/)t'scr//j/ioH du musée céramique de Sèvres, p. 121. Sciioermaks, dans les Annales de l'Académie d'archéologie de Belgique, série, t. III, p. 17.

(5) On sait qu'il y avait un potier du nom de Sabinus, qui fabriquait également de la poterie grossière, industrie qui, comme il a été dit ci-dessus, convenait par- faitement à Rumpst (ScHUEKMANs, loc. cit. p. 250, -iSâci); on voit encore par rimpoi'tance que pouvait avoir la découverte d'un nom complet.

irit)

L'étude comparée des graffUi est fort intéressante; chaque fois qu'on en découvre, on devrait les reproduire en [ac- simile, car d'un côté ils nous fournissent des indications précieuses sur l'état de l'instruction dans ces parages, du temps de la domination romaine (i), de l'autre ils nous révè- lent les noms d'anciens habitants de la Belgique.

Les graffiti peuvent se diviser en deux catégories, les uns appartiennent à des dieux ou personnages romains, les autres à des indigènes, qui avaient emprunté au peuple-roi l'usage. d'inscrire leur nom sur les vases.

En ce qui concerne la Belgique, sans parler de la dédicace GENio TVRNACEsiv du muséc du Louvre, qui est décidément suspecte (2), et de cette autre dédicace : apollim, trouvée Juslenville (3), nous pouvons, outre l'inscription dont il s'agit ici, ranger dans la première catégorie : le graffito de Ilerkenberg (Meerssen) et que les uns lisent adalis, d'autres DOLiis (4) ; et peut-être le nom cimio que M. Galesloot a déchiffré sur un vase trouvé à Assche (5). Les lettres fel sur un vase trouvé à Embresin ne se rapportent probable- ment pas à un nom propre, mais paraissent faire ])arlie du qualificatif FELIX. (V. IMletindes Commissions royales d'art et d'archéologie, XV, 2S8) ; il s'agit uniquement d'un de ces

(0 SciiAYEs, La Belgique et les Pays-Bas, etc., li, p. J57, est bien dans le vrai quand il dit que nous ne connaissons al)Solument rien sur l'état de l'instruc- tion des anciens Belges.

(2) Bull, des Comm.roij. d'arl el d'archéoL, Vlll; p. 256, X, p. 70; XV, p. 1 iO, note, alin. 5.

(3) Catalogue du musée de Liège, p. 83.

(1) Ballet, des Comm. royales d'art et d'arcli., VI, pi. xi, fig. ."2, p. 266. Admettant la dernière interprétation, il ne s'agirait pas d'un nom propre. (5) /;«//. de t'Acad. roy. de Belg., série, t. XL, p. i (du tiré à part).

io7

mois tracés à la barhotine blanche sur fond noirâtre, comme les mots viTA ou viyas, dont il sera reparlé plus loin et auxquels felix est souvent associé.

On mentionne ici pour mémoire comme ne se rapportant pas aux inscriptions figulines, le mot lvcivs, qui n'est pas à proprement parler un graffitto, mais qui est tracé en beaux caractères romains sur un lambris de la villa belgo-romaine de Gerpinnes (i).

Dans la seconde catégorie on cite : liboliko, tracé sur un vase découvert à Juslenville (2).

VAN, gravé à la pointe au-dessus de la marque de potier vACRi, trouvée aux environs de Tongres (0).

Et MiD trouvé à Assche, par M. Cricq.

Il est à remarquer que les noms indigènes sont tous très- mal écrits et que souvent on a de la peine à les déchiffrer.

Le mélange des noms romains et barbares n'est-il pas une preuve nouvelle de l'hétérogénéité de la population ancienne de la Belgique? Du reste il suffit d'ouvrir le remarquable recueil des inscriptions romaines relatives à la Belgique, par M. ScHUERMANS (i), pour être complètement édifié à cet égard; de plus amples détails seraient superflus,

4. Enfin deux tessons de poterie samienne portent des feuilles de vigne.

o. Après cette poterie il importe de signaler en premier

(i) Bulle/, de l'Acad. roi/, de Belgique, ^^ série, t. XXXlX, 2'J8. Docitm. de la Société de Cliarleroy, VII, pi. iv, fig. 10.

(2) Bull, de l'Instil. arch., Liège, IX, 441.

(3) Catalogue du musée de lAége, 85.

(1) Il a été pul)lié par fragments dans le Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie, mais n'est pas encore achevé.

158

lieu deux fragments d'un joli pot qui ne le cède en rien, sous le rapport du travail, à la vaisselle d'aujourd'hui. Il est en terre bleuâtre, à parois Irès-minces, l'extérieur est recou- vert d'un vernis noir que les injures des siècles et le séjour dans le sol n'ont en rien altéré. Sur la panse sont peintes en blanc les lettres avita, au milieu d'ornements formés de lignes ondulées et de rangées de perles , le tout d'une espèce d'émail (fig. 5 et o''''). Cette matière, qui nous paraît cire un composé de plomb, ne résiste pas à l'action de la lumière pas plus qu'à celle de l'humidité, et au moindre contact elle se détache du vase sur lequel elle est appliquée.

Les vases de cette espèce sont parfois désignés sous le nom de urnœ Htteralœ et encore de « poterie parlante. »

L'inscription n'est pas complète ; le fragment qui manque portait, sans doute, soit les lettres d et m, soit me, soit enfin peut-être vit. Dans la première supposition on lirait d)AviTA(/^< (peut-être vitada, comme plus loin) ou mé!)AviTA ; dans l'autre, vita vita, c'est-à-dire la répétition de vita.

Les trouvailles de ces sortes de poteries sont assez fré- quentes. « On rencontre aussi, dit M. Hagemans (i), sur ces vases noirs et même sur les vases rouges à pâle plus pâle, un genre d'ornementation consistant en arabesques ou en inscriptions peintes au pinceau avec une couleur blanche. C'est ainsi qu'on lit pnrfois sur ces vases, écrits en grands caractères autour de la panse, les mots bibe, buis, et pie, qui a la même signiticalion en grec que sitio, j'ai soif, et même le mot vita, vie, dont la présence dans une tombe forme un contraste étrange, mais naturel avec les idées du temps. »

(i) Un cabiuel d'amateur, \i. HO.

i59

A titre de comparaison nous citons ici : a.viTA, sur un vase du musée de Reistorf (i) ;

b. Sur d'autres, vita et avete felices (-1) ;

c. Sur un pot trouvé dans les provinces rhénanes,

VIVAM (3);

d. Sur un idem, découvert à Zalilbach, vitifelixvivas (4) ;

e. Sur un vase des environs de Tongres, v.i.t.v.l.a. La panse est ornée de plusieurs séries verticales de perles rondes et de feuilles trilobées en émail blanc (5) ;

f. FELIX vivAS (e);

g. Sur un vase analogue encore au nôtre, v. i. v. (7); II. Sur un id., vit. (s);

i. De Montfaucon (d), qui les qualifie de vases à boire, en reproduit plusieurs avec les inscriptions bibe, etc., mais ne donne pas vita ;

j. Au Musée de Saint-Germain -en-Laye, il y a un vase sur lequel est barbotiné en terre blanche l'inscription vita (lo) ;

g. Au Musée de Cologne et à l'Exposition des beaux-arts organisée dans cette ville en 1876, nous avons vu un grand nombre de pots semblables, parmi lesquels un porte l'inscrip-

(0 ItRAMBACH, Corpus iuscripl. rhénan., etc., p. 74, n" :285.

(2) Le MÊME, p. 76, 11° 289.

(3) Le même, p. XXXIV, n" 208-i.

(4) Id. p. 285, n" 1252.

(5) Catalogue du musée de Liège, n" 157. Bulletin de r Institut arcliéol. liégeois, MU (1868), 135.

(e) Bulletino archeologico napolitano, nouv. série, 1, 155, et Brambacii, p. 216, 1558. (7) Grivaud de ViNCELLE, Arts et Métiers, etc., pi. xxxiii, tig. 4-. (s) BiRCH, History of ancient potlerg, II, 567. (9) L'antiquité expliquée, M, p. 116. (io) Mazard, Etude du musée de Saint-Germain-en-Laye, p. 247.

160

tion viTADA, d'aulres vita, ayevita , vivas, vivamvs, vivite.

Les colleclions Disch, Merlo, Garlhe, etc. , en ont d'autres on lit VIVA, VIVE, vivasfelx (i), etc.

h. Du Gleuziou (2) donne un grand nombre de vases de formes diverses, dont (iu('l<iues-uns avec arabesques; parmi les devises il cite : vive, viva, vivamvs, mais non vita.

Enfin les vases vives, vita, vive mvltvm, vita, vitvitv (sic) de la collection de Demmin ou cités par cet au- teur (3).

Nous arrêterons ici nos citations, qui pourraient se multi- plier encore davantage.

Terminons la description des poteries de Rumpst en citant pour mémoire un grand nombre de débris de vases à onguent, à surface rugueuse et d'un travail parfait, de vais- seaux en terre de pipe recouverts à l'intéricui- comme à l'ex- térieur d'un vernis bleu-noir, une anse de cruche qui pré- sente cette particularité qu'on a pratiqué une ouverture à la partie supérieure pour passer le pouce en versant, et enfin des morceaux d'une coupe en terre blanche ornée de lignes ondulées tracées avant la cuisson; plusieurs trous qui se voient dans le bord nous font croire que l'on suspendait cet objet au plafond, comme nos corbeilles de fleurs (fig. 6 et 6^'* ).

()) DiiNTZEK, Verzeichnins der rômïschen Alterthûmer des Muséums Wallraf- Hichartz in Koln, p. 16. Kunsthislorische Auslellung zu Côhi, I87G, p. 8, D" 106. Kamp, Dieepigraphischen Anlicaglien in Côln, p. 11.

(a) De la poterie gauloise, étude sur la collection CIrinrI, Paris, 1875, p. 2i8 et suiv.

(î) Guidf df l'amateur dr faïences el de porcelaines, i" édil .. p. 190.

IGl -^

Monnaies.

Hadrien (117-157). 1 et 2. Nous avons trouvé de cet empereur deux bronzes, les légendes et les revers sont effacés.

Antonin-Pie (158-161). 5. Tête laurée de l'empereur à droite, imp antoninvs pivs. >i Femme debout tenant une corne d'abondance, abvn- DANTiA AVG. Petit argent.

PosTUME (258-267).

4. Tète radiée à droite, imp postvmvs Avr..

li La Victoire marchant à gauche, tenant de la main gauche une palme, de la main droite un objet impossible à déterminer, victor Petit argent.

Objets divers.

1 . Une gouge en tout semblable à celles qui ont été trou- vées à Elewyt (i) (fig. il).

2. Deux autres morceaux de fer qui paj-aissent être des restes d'outils (fig. 12).

5. Une tuile romaine {tegula) porte la marque c g p f (fig. 7.) (Cohors Germanorum pia fidelis) . Nous avons ici une de ces tuiles militaires dont les découvertes sont assez rares. Jusqu'ici la susdite marque n'a pas encore été si- gnalée dans notre pays. On l'a trouvée h Cologne, à Leyden et à Voorburg. En outre, on l'a trouvée à Leyden, à

(t) Ann. (le l'Acad. d'arch. de Belr/., S'' série, t. IX, tig. 55, 54.

162

Niniègue et aux environs de Juliers, avec l'addition ex. ger. IX F. (exercitus Germaniae in ferions) (i) .

Ces sortes de tuiles étaient fabriquées par les troupes romaines ou auxiliaires, qui, dans la prévision d'un séjour plus au moins considérable, nécessitant la construction d'un campement fixe, Taisaient elles-mêmes les tuiles (2). De notre découverte on peut donc tirer la conclusion que Rumpst a eu sa garnison du temps des Romains et que par- lant ce n'a pas été un établissement tout à fait civil qui y était assis. Il est probable qu'on avait placé au confluent de différentes rivières un poste de surveillance. On recon- naîtra que Rumpst est admirablement située pour tenir en respect tout ce qui voulait remonter la Dyle, la INfèlhe, la Senne et pénétrer à l'intérieur du pays par voie d'eau.

La cohorte en question a également tenu garnison à Co- logne, Nimègue, Voorburg et Juliers, toutes villes situées sur des fleuves ou à des confluents, et sans doute elle était chargée du même service qu'à Rumpsl.

Enfin ceci ne tend-il pas à prouver encore que déjà du temps des Romains on ex])loi(ail la terre à briques, qui fait aujourd'hui la richesse de la commune?

i. Parmi les autres tuiles que l'on a mises à jour, nous en signalerons portant l'empreinte de pieds de chiens, qui ont marché dessus avant la cuisson; quelques-unes sont ornées de linéaments soit en losanges, soit de lignes ondu-

(1) DuNTZER. Verzeichniss der rùmïsclien AUerthiimer des Muséums Walraff- liichartz in Kûlii, p. 77. Jahr. des Ver. von Altertnmsfrcunden, XLIX, 158. Kami>, Die epigrapliischeu Anticaglien, ]].

(î) ScnuEi(MANS,(lans les Ann. de l'Acad. d'iircli. de Bely., série, t. VIII, \K 18. SciiAYEs, Ilisl. de l'arcli. en Uelg., t. I, oo.

1C5

lées (i); enfin plusieurs, qui cnlraicnt dans la construction d'un hypocauste, sont percées d'un trou (fig. 8, 9 et 10;.

5. Des fragments de meules à bras, une pierre blanche travaillée au ciseau et une pierre à aiguiser.

6. Un morceau de lambris en stuc recouvert d'une cou- leur bleue uniforme.

7. Des fragments assez considérables de pavements. A ce sujefnous devons nous arrêter un instant. En plusieurs en- droits, à environ l"'oOde profondeur, se rencontraient des traces très-visibles du pavage primitif, qui parfois était encore parfaitement bien conservé. Nous avons pu remar- quer les trois modes de pavages que voici :

Le premier et en même temps le plus commun se com- posait d'une simple couche de béton épaisse de 0"'07, formée de chau.x et de tuiles concassées ; la surface bien unie et sur laquelle se vo3^aient distinctement des traces d'usure, ressemblait assez bien à une mosaïque grossière; les morceaux de brique de forme carrée semblent avoir été réservés pour cette partie supérieure. C'est le mode de pa- vement que ViTRUVE appelle ruderatio et sans doute celui que Pline (2) indique sous le nom de pavimenta barbarica atque sublegulanea (3).

Le second mode se compose également d'une couche en béton épaisse seulement de O^Oi. Ce béton, beaucoup plus fin que le précédent, se compose de chaux à laquelle ont été

(1) Conf. Hagemans, Un cabinet d'amateur, p. 437.

(2) Hist. nat., Lib. XXX, VI, § LXI.

(3) Conf. De Gaumont, .Atécef/. ou radim. d'urcli., p, 61. Erubresiu, liull. des Comm. d'art et d'arch., t. XV, 236. Gerpiiines, Publ. du Cercle arcfi. et palcont. de Charleroij, VI!, p. civ.

lOi

îijouU'esdc'la pierre blanche et de la brique forlemenlpilées; des lignes se rencontrant à angle droit et (racées au moyen d une espèce de spatule imitent nos pavages actuels. Cette couche reposait sur des tuiles plates.

Enfin le li-oisième système consistait en tuiles plates repo- sant sur un lit de chaux et ne devait pas différer beaucoup de ce qui se voit de nos jours. Nous devons constater cepen- dant que sur ce dernier mode de pavage nous n'avons pas de renseignements aussi précis que sur les deux autres, vu le mauvais état dans lequel se trouvait le carrelage.

8. Nos fouilles ont fourni un immense bois de cerf, mais pas d'autres ossements.

9. Constatons enfin, pour terminer, lu présence d'un nombre considérable de scories de fer. Getle présence nous a fortement intrigué et à différentes reprises nous nous sommes demandé s'il y a eu à Rumpst un établissement métallurgique.

Le sol de la localité est loin de fournir des matières pre- mières pour semblable industrie, de sorte qu'il est plus que probable que la présence de ces scories est due à une autre cause que nous n'essaierons pas cependant de déterminer, faute (le doimées.

Cimetière.

Les habitanis belgo-romains de Rumpst, se conformant en cela aux règles de l'hygiène et aux prescriptions de la loi des Douze Tables (i), avaient établi leur cimetière commun en

(i) IlomincDi mnrlnum in iirbe >ie xrprfito. (Art II.)

I6:i

dehors de la bourgade, sur une élévation (i) portant au ca- dastre le nom de Kallenberg (2). Il ne reste plus rien du cimetière belgo-romain de Rumpst, l'extraction de l'argile à briques l'a fait disparaître ; du temps que nous nous occu- pions des fouilles, on en a détruit la dernière partie ; malheureusement on ne nous a averti que quand il était troj) lard .

i\ous devons donc nous contenter d'en parler ici de au- dilu; mais comme les renseignements fournis ont une source désintéressée et que les dires d'ouvriers ignorants concor- dent très-bien avec ces renseignements, le lecteur trouvera ici une description plus ou moins complète du cimetière.

Situé à environ 300 mètres au nord de la bourgade, le long d'un chemin antique que nous considérons comme le prolongement de la voie d'Assche à Rumpst, ce cimetière occupait une étendue d'environ un hectare.

Il se composait d'une suite de fosses dont les parois étaient retenues au moyen de planches; le fond en était dallé.

Dans chaque tombe on rencontrait de la terre noire et des débris de pots. Celui qui est représenté par la l'ig. i provient d'une de ces fosses funéraires; il était rempli de cendres et est en terre bleue.

C'était donc un cimetière à ustion, généralement les parois des fosses sont également en pierre.

Parmi les cimetières et tombes offrant quelque ressem-

(1) Tous ou presque tous les cimetières étaient placés sur le penchant des collines, soit au sommet, soit à la base.

Cochet, Normandie soulerraiiie, 161.

(2) Des étymologistes traduiront sans doute ce nom par Monlagnes des Galles; nous préférons traduire simplement par Montagne aux Chats, faute de renseigne- ments surdos rapports quelconques des Cattes avec notre localité.

16G

blance avec les nôtres pari les boiseries), nous pourrions citer Honnecourt (Nord) : tombes en forme d'auges rectan- gulaires, recouvertes de pierres plates (i) ; Juslenviile (pro- vince de Liège) : tombes en pierre toutes orientées diffé- remment et fermées au moyen d'une dalle; plusieurs sans couvercle (2).

Le cimetière de Rumpst n'ayant point fourni d'objets de luxe, il est à supposer qu'il ne servait de champ de repos qu'à une populalion peu riche et que les chefs de la bour- gade èlaieni inhumés à un autre endroit (5).

CONCLUSION.

L'établissement de Rumpst, comme lous ceux que nous rencontrons dans notre pays, était sans doute habité par une population indigène que son contact avec le peuple-roi avait complètement romanisée. Cette population, tout en .se livrant à la culture des terres et à l'élevage des bestiaux, exploitait les riches couches de terre glaise, pour en fabri- quer des poteries qu'elle exportait ensuite dans toutes les directions. On conviendra que Rumpst avait une double facilité pour l'exportation : d'un côté, elle était reliée avec Assche et l'intérieur du pays par une chaussée, et une seconde chaussée la mettait en rapport avec la Hollande; d'un autre côté, le Ruppel était un moyen de communication

(i) Publ. (le la Soc. d'émulation de Cambrai, t. VIII, p. Ai. Notes sur les communes de rarrondiss. de Cambrai, 467. Slalist. arch. du départ, du Nord, 5.j8.

(2) Bull, de l'InstUui arch. liégeois, IX, 1-4G, 149.

(3) Voyez ce que nous avons dit relalivement à un double cimclicre dans les Ann. de VAcud. d'arcli. de Behjique, série, t. YIII, p. 187.

1G7

de premier ordre. Cette rivière lui procurait encore les avantages de la pêche. L'établissement de Rumpst a, en outre (au moins pendant un certain temps), possédé une garnison.

Il serait difficile, si non impossible, de déterminer la période d'existence de cette bourgade belgo-romaine ; il est probable qu'elle aura été, comme la plupart des autres éta- blissements de l'espèce, élevée au i" siècle de notre ère. Quant à sa destruction, destruction qui a été violente, à en juger par les nombreuses traces d'incendie, les monnaies découvertes ne sont pas de nature à nous fournir beaucoup d'éclaircissements sur ce point. Les monnaies, en effet, quoique ne pouvant jamais nous donner une certitude absolue sur les limites de l'époque d'existence d'une bour- gade, nous mettent au moins à même de conclure avec une précision relative (i), quand elles réunissent ces deux conditions d'être trouvées en grand nombre et de présenter une suite chronologique continue entre elles. Car alors elles forment une espèce de chaine interrompue tout à coup, sans que l'on puisse expliquer autrement cette rupture que par l'émigration ou la destruction de la population qui faisait usage de ces monnaies. Or les quelques monnaies qui ont été exhumées à Rumpst ne peuvent évidemment nous servir d'indication dans cette circonstance; tout ce qu'elles nous apprennent à cet égard, c'est que l'établisse- ment dont il s'agit existait encore du temps de Postume (258-267).

Une circonstance cependant qui peut venir à notre secours et qui a une certaine importance, c'est l'existence du cime-

(i) Voyez dans le Bulletin de l'Acad. d'arch. de Belgique, l. I, 106.

U)8

(ière à uslion. On n'a pas signalé une seule découverte de squelelle. Oron sail que l'usage de brûler les cadavres a cessé au règne de Constantin (50G-557), les règles du christia- nisme proscrivant formellement cette mesure. Il est donc presque certain (|ue cette bourgade n'est pas postérieure à ce dernier souverain; de sorte que la destruction peut avec quelque fondement être fixée au commencement du IV* siècle, date qui a été aussi attribuée à Elewyt, situé pour ainsi dire dans la même zone que Rumpst, et cette date a pu être fixée pour Elewyt avec toute cerlilude. On objectera |)eut-èlre que Assche, se trouvant également dans le voisi- nage, a survécu, puisqu'on y a trouvé des monnaies d'Anastase; mais on voudra bien tenir compte que Assche était dans des conditions exceptionnelles, sa population était très-forte et, de plus, elle était protégée par son vaste camp retranché, double circonstance qui peut avoir arrêté l'invasion des Barbares.

Rumpst a surtout une grande importance au point de vue de la géographie physique de la Belgique ancienne. Il s'élevait à peine, comme il a été dit plus haut, à o mètres au-dessus du niveau de la mer, et il est annuellement, aux grandes crues, submergé par les eaux du Ruppel. Si l'on tient compte de l'établissement du pavement des maisons romaines à l'"oO au-dessous de la surface du sol actuelle, on se demande comment les habitants de notre bourgade pouvaient se mettre à l'abri de l'invasion des eaux. N'est-on pas tenté de croire que dans ces temps reculés les eaux ne s'élevaient pas à la même hauteur qu'aujourd'hui ou bien que déjà les Romains avaient endigué le Ruppel?

Généralement on nous représente le nord de la Belgique

1()!)

au temps des Romains comme <'taiil englouti par les eaux ; ScHAYES (i) dit que le territoire entier du pays de Waes est une conquête laite sur l'Escaut depuis moins de quatre siècles. Or le pays de Waes n'est pas plus élevé que Rumpst. Le même auteur (2) nous dit, en outre, que « une foule de documents historiques ont démontré que la majeure partie de la Belgique et des Pays-Bas offrait des champs stériles ou envahis par les débordements de la mer et des rivières, de marais infects et de vastes forêts. »

Plus tard, par un artide inséré dans le tome X des Annales du Cercle Archcologique de Mons, intituh' : Recherches sur les campements de. César en Belgique, etc., on nous*apprend ((ue Assche, Velsique et Castre étaient marécageux au temps de l'invasion romaine.

De plus, M. l'ingénieur Ku.mmer, dans une Étude sur les polders du Bas-Escaul (0), prétend que les premiers endi- guements du Ruppel ne datent que du commencement du XI* siècle. Ce savant, sur une carte jointe à son travail, place la rive droite du Ruppel à 500 mètres de la rivière et engloutit totalement la bourgade de Rumpst.

Tous ces auteurs sont contredits par les découvertes et ils n'ont probablement tenu compte que de l'état de la Bel- gique au commencement du moyen âge.

Nous pouvons, en effet, leur répondre que cette partie nord de la Belgique n'était pas dépourvue de bourgades romaines, et que si l'on n'en a pas encore trouvé autant que

(i) La Belgique et les PaijS'Bas avant et durant la ilominalion romaine, t. IIF, 195. (i) Loc. cit., p. 163. (3) Annales des travaux publics de Belgique, t. II.

170

dans les aulros contrées de la Belgique, c'est faute de re- cherches. Les hords du Ruppel et de l'Escaut en comptent déjà un grand nombre, de même que le pays de Waes. Outre Rumpst, n'a-t-on pas signalé la belle découverte faite entre Bornhem et Hingene (i); à Boom également on a trouvé des antiquités romaines (2); des monnaies romaines ont été exhumées à Brecndonck ; d'autres à Ruysbroeck, au llellegat (3) ; des antiquités frankes ont été déterrées à Waer- loos ; enfin, d'après ce que nous a assuré M. Galesloot, il existe à Niel, presque au milieu d-es eaux, tout un établis- sement romain.

Du reste, l'existence d'une seule de ces bourgades suffirait pour prouver que les auteurs susdits ont versé dans l'erreur, et encore sur quoi auraient été assises les nombreuses chaus- sées qui sillonnent le nord de la Belgique.

Nous persistons à croire que le nord de la Belgique était du temps des Romains moins sous l'eau et moins sujet aux débordements qu'aujourd'hui ?

Nous ne nions pas que plus tard des cataclysmes ne soient venus déranger cet état de choses ; nous en avons une preuve convaincante dans les changements survenus à l'embou- chure de l'Escaut : celle embouchure était bien plus large du temps des Romains que de nos jours, et son rétrécisse- ment doit avoir exercé une grande influence sur le flux et le reflux des rivières qui s'y jettent et encore sur la facilité de l'écoulement des eaux ; nous en avons une autre preuve

(i) lien est question au Bull, des Connu, roi/, d'art et d'archéol., VII, p. AO, Pl X, p. 290. (î) ScHAYEs, La Belgique, etc., Supplément, p. 53. (3) Wautf.rs, Histoire des Knvirnns de Unixelles, II, ?>'J8.

171

dans ces découvertes romaines que ron a faites dans les tourbières de la cùte d'Ostende et qui indiquent qu'anté- rieurement à une invasion de la mer au moyen âge, cette côte était parsemée de villas bcigo-romaines.

Au moins il est à désirer que l'on distingue entre les deux époques. Au vi* et au vu* siècle, le nord de la Bel- gique présentait sans doute une tout autre physionomie que sous la domination romaine; quant à l'état physique, il devait y avoir eu de nombreux débordements; quant à l'état politique, le grand nombre d'établissements qui s'y étaient élevés , sont détruits , incendiés par les Barbares , les populations décimées et retournées à l'état sauvage, et, comme le prouve l'absence i)resque complète d'établis- sements franks, les vainqueurs n'ont pas profité de leur victoire.

Elewyt, IG novembre 1870.

Camille Van Dessel.

ALBERT DURER ET LUCAS DE LEYDE

LEUR RENCONTRE A ANVERS

Parti de Nuremberg le 12 juillet 1520, Albert Diircr arrivait dans nos provinces le 51 du même mois. Le voyage, entrepris en compagnie de sa femme et d'une jeune servante, n'était pas exclusivement motivé par le désir d'étudier sur place les œuvres enfantées par le génie de nos artistes. Il avait aussi pour objet de permettre à l'auteur de la Mélancolie de se rapprocher de l'archiduc Charles, récemment appelé à succéder au trône impérial, et d'obtenir du jeune empereur la confirmation d'une rente que le peintre devait à la muni- ficence de .Maximilien. Enfin Diirer se soustrayait par l'ab- sence aux dangers de l'épidémie (jui faisait à Nuremberg de nombreuses victimes.

Le journal tenu par Albert Diirer pendant la durée de son séjour aux Pays-Bas a été maintes fois publié dans toutes les langues (i), et, quoique malheureusement très-laconique, il constitue un des documents les plus précieux pour l'histoire de l'art national. On suit le maître en quelque sorte pas à pas; on le voit entrer en relations pendant un séjour de plus

(0 II l'a été pour la dernière fois en 1872, avec d'excellentes annotaUons par M. le U'' TiiAusiNG, dans les Qucllenschriften fur Kunstgeschkhtc nnd Kunst- lechnili des Mitlelalters und der Renaissance. Vienne, Braumuller.

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d'une année avec la plupart des liommcs marquants de notre pays, et l'accueil qu'il reçoit dans toutes nos villes : Anvers, Malines, Bruxelles, Gand et Bruges, atteste qu'en dépit des distances, sa réputation était faite dans les Pays- Bas non moins qu'en Italie et dans l'Allemagne entière. D'Anvers, but évident du voyage, le peintre fit de nom- breuses excursions dans les provinces environnantes, poussa jusqu'en Zélande et même en Allemagne, il eut l'occasion d'assister au couronnement de l'empereur en compagnie de trois de ses compatriotes, les patriciens nurcmbergeois : Hans Ebner, Léonard Groland et Nicolas Haller, députés à Aix-la-Chapelle comme gardiens des ornements impériaux.

Fêté comme un prince et toujours le bien-venu, il s'étonne naïvement, en plus d'un endroit de son journal, d'un tel empressement.

De son côté, il se montrait extrêmement gracieux, pro- diguant ses planches, dessinant et peignant des portraits, et ne manquant jamais de donner en échange de quelque politesse témoignée à lui-même ou à sa femme, soit une estampe, soit un dessin, n'oubliant jamais non plus de donner ni surtout d'inscrire à son livre un pourboire aux serviteurs chargés de lui remettre un cadeau.

L'hospitalité flamande, il faut le dire, s'exerçait non moins généreusement au xvi^ siècle que de nos jours, et M. le docteur Thausing, qui a consacré récemment à Diirer un remarquable travail (i), n'hésite pas à attribuer dans une certaine mesure aux nombreux festins offerts au peintre

(i) Durer, CescUichIe seins Lebeiis uvd sciiier Kiinsl. Leipzig, 187G; 1 vol.

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dans les Pays-Bas, lo ilcveloppeiiieiil de la maladie qui l'eiii- porla |»(Mi d'années après son j-clour en Allemagne.

L'auteur décrit à ce propos un dessin de la galerie de Brème qui ne peut être fort postérieur à 1520 et dans lequel Durer s'est représenté nu jusqu'aux reins afin de pouvoir mieux indiquer le siège do son mal.

T^e journal de voyage d'Albert Diirer n'est pas seulement riche en indications concernant les hommes et les choses de noire pays, il mentionne encore fréquemment des princes, des savants, des artistes et des gentilshommes étrangers que le peintre eut l'occasion de rencontrer sur notre sol et avec lesquels il entretint des relations amicales, de même qu'il rapporte fidèlement les nouvelles les plus intéressantes venues à sa connaissance pendant la durée de son séjour. C'est en Belgique qu'Albert Diirer apprit la dis- persion des élèves de Rajthaël, mort depuis deux mois à peine, et qu'il fit la connaissance de l'un d'eux, Thomas Yincidor, venu en Flandre sur l'ordre de Léon X pour surveiller l'exécution en tapisserie de certains carions du maître (i). « Il a voulu me voir, écrit-il, et m'a offert un anneau d'or enrichi d'une pierre antique valant 5 ilorins. On m'en a déjà voulu donner le double. J'ai remis en édiange pour plus de 6 florins de mes meilleures planches ».

Plus lard il remit encore son œuvre complet au peintre de Bologne, qui l'envoya en Italie et contre lequel Diirer reçut l'œuvre de Marc-Antoine. Vincidor exécuta aussi son

(i) Les tapisseries exécutées d'après les cartons de South-Kensington étaient placées au Vatican depuis l'année précédente. Voy. Wauters, Essai historique sur les tapisseries et les tapissiers de haute et de basse-lice à Bruxelles.

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|)ortrait pour roiii|)oi-l(jr à Rome. C'est ce mciiic iiorlrait qu'Andréas Stocka gravé. C'est en Belgique encore qu'Albert Diirer connut Erasme, dont il fit |)lusicurs fois le portrait et qu'il croyait appelé à poursuivre l'œuvre de Luther, lorsqu'on apprit à Anvers, le 17 mai 1521, l'arrestation simulée du réformateur. Mais le rapprochement le plus curieux que nous révèle le journal de voyage est celui de Diirer et de Lucas de Leyde.

Van Mander a consacré quelques lignes au récit du voyage de Lucas de Leyde en Zélande et en Flandre, en compagnie de Mabuse. Le maître hollandais était venu en Belgique par un bateau spécialement affecté à son usage, et il luttait d'élégance et de faste avec son compagnon de route. Il traitait richement ses confrères, leur offrait partout des ban- quets qui lui coûtaient généralement plus de 60 florins.

Lucas de Leyde était de complexion délicate et la bonne chère semble avoir hâté sa fin, puisque, toujours selon Van Mander, il prétendit avoir été empoisonné pendant son séjour dans nos provinces.

C'est aux premiers jours de juin 1521 qu'eut lieu à Anvers la rencontre des deux représentants les plus illustres de l'art de la haute et de la basse Allemagne. Le rapprochement de ces deux hommes, dont la renommée était alors universelle, dont les maîtres italiens eux-mêmes proclamaient à l'envi la grandeur et qui exercèrent, l'un et l'autre, sur leurs con- temporains, une si puissante influence, nous apparaît encore à travers les siècles comme un épisode émouvant de l'histoire de l'art.

Albert Durer avait dépassé la cinquantaine; Lucas de Leyde comptait à peine vingt-sept ans à l'époque de cette

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rencontre. Ils se connaissaient, sans nul doute, de réputa- tion. Les ternies mêmes dans lesquels Durer mentionne qu'il a vu Lucas de Leyde le prouvent : « Maître Lucas, celui qui grave sur cuivre; il est natif de Leyde; c'est un petit homme; il se trouvait à Anvers. »

Du vivant même des deux artistes, on semble avoir voulu établir entre eux un parallèle très-légitime dans cette cir- constance, il faut en convenir, car l'un et l'autre s'étaient rendus célèbres par un ordre de travaux dont le rappro- chement était aussi naturel que facile. Vasari est l'inventeur d'une histoire que Van Mander et Sandrart rééditent et d'après laquelle une véritable rivalité aurait existé entre les deux maîtres, et cette rivalité aurait abouti au voyage d'Albert Diirer dans les Pays-Bas, dans le but exprès de faire la connaissance de Lucas de Leyde. Cela est inadmis- sible, car nulle part dans ses écrits Albert Diirer n'a men- tionné les travaux de son confrère néerlandais. D'autre part, cependant, il est permis de croire qu'à l'exemple de Marc- Antoine, celui-ci se soit appliqué à l'étude des œuvres de l'illustre maitre allemand, âgé de plus de 30 ans, à l'époque le jeune Lucas commencaità manier le burin.

L'initiative de la rencontre des deux artistes j)artit de Lucas de Leyde. « Il m'a invité à dîner », dit Diirer, el il ajoute les passages qu'on connaît. C'est presque tout. La rencontre ne le frappa point : « C'est un petit homme » ; mais il ne dit pas (pie la conversation ait roulé sur des choses d'art; il ne dit pas davantage que l'on se soit niutiicllcnient montré des planches récentes ou communi(pié des procédés. On dessina pourtant, puisque Durer écrit : « J'ai fait le » portrait de maitre Lucas de Leyde, » et sans doute aussi

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l'on joua, car immédiatement après nous trouvons cette mention : « J'ai perdu un llorin au jeu. » A quelques jours de il y eut un échange d'œuvres, Albert Diirer donnant pour huit Horins de ses travaux en échange de toute la série des cuivres de maitre Lucas. Le laconisme de Diirer dans celte circonstance est fort regrettable; il atteste cependant que les deux maîtres n'avaient pas attendu leur rencontre pour apprendre à se connaître. Diirer est frappé de la petitesse de Lucas de Leyde et la mentionne. Quant à son art, il le connaissait assez pour n'en avoir plus rien dire.

Il nous est resté toutefois de ce rapprochement momen- tané un témoignage inestimablement précieux : le portrait de Lucas de Leyde.

L'existence de cette œuvre précieuse n'avait point été signalée jusqu'à ce jour, et M. le professeur Thausing, si patient dans ses recherches sur Albert Diirer, ne semble pas avoir connu l'œuvre importante que le hasard nous permet de déterminer.

Dans une étude qu'il consacre au Musée Wicar à Lille (0, si riche, comme l'on sait en dessins de maîtres, un écrivain français, M. Gonsse, cite avec admiration un dessin de Diirer, dont il joint la copie à son article. « Le portrait d'homme » au crayon d'argent, sur un papier préparé, est, dit-il, un » véritable chef-d'œuvre, et certainement l'une des perles » de la collection. Quoique cette figure vivante ne soit » exprimée que par quelques traits, liniéaments à demi » effacés, sa valeur le place au rang des plus beaux dessins » de Diirer, qui en a laissé tant de si beaux! » Ce portrait.

(0 Gazelle des Beaux-Arts, février 1877, p. 80.

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si justement .idmii'ô, n'es! autre que celui de Lucas de Leyde dont parle le journal de voyage d'Albert Diirer.

Au premier coup d'œil, l'œuvre annonce une face ger- manique courte et large, mâchoire forte, pommettes sail- lantes. Le costume aussi : vaste chapeau à bords relevés, entièrement semblable à la coiffure de Q. Metsys dans le })ortrait bien connu du musée de Florence, est essentiellement néerlandais. Ce n'est pas, sans doute, sur d'aussi faibles preuves que se fonde notre assertion; voici, pensons-nous, qui la confirme :

Dans le précieux recueil de portraits d'artistes publié à Anvers en lo72, sous le titre de Piclorum aliquot celebrium Germanke inférions effigies, nous trouvons, à la page 10, le portrait gravé de Lucas de Leyde, exécuté d'après le dessin même du musée Wicar, que reproduit M. Gousse. Ce portrait, supérieurement gravé, le plus beau du recueil, a pu passer en quelque sorte inaperçu par un concours de circonstances qui tendaient à lui faire ])erdre une partie de son intérêt. Privé de tout monogramme et de toute marque de graveur, il a été écarté par M. Al vin de son œuvre des frères Wiericx (i). De plus, Lucas de Leyde nous ayant laissé deux portraits de sa propre main, on a nécessairement pensé que ces œuvres personnelles devaient donner des traits du maître l'interprétation la plus fidèle.

La planche insérée dans les effigies n'est postérieure que d'une trentaine d'années à la mort de Lucas de Leyde,

(i) M. Drugulin, dans son Catalogue de portraits, n" 11969, cite nn portrait rie Lncas de Leyde, par .léromc Wiericx, qui est sans nul doute la pièce dont il est qucstiiin ici.

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l'ouvrage ayant été préparé cornplùteinonl par lo célèbre graveur-éditeur Jérôme Cock, mort lui-même en 0)70 et dont la veuve ne fit paraître que deux ans plus tard le volume. Il est donc présumable que le dessin aura été com- muniqué par la famille même du peintre. Nous pouvons croire d'autant mieux (ju'il en est ainsi que les autres por- traits portent un cachet irrécusable de sincérité.

L'absence du monogramme d'Albert Diirersur la gravure nous fera-t-elle croire à la falsifiealion du dessin de Lille qui porte ce monogramme? En aucune sorte, et M. Gonsse soumet les œuvres allemandes de la collection Wicar à une critique trop minutieuse pour excepter le portrait qu'il loue avectant de raison du jugement sévère porté par l'auteur sur la plupart des autres dessins attribués à Albert Diirer dans la collection lilloise.

Observons d'ailleurs que le portrait de Joachim Patenicr inséré dans notre recueil (pi. 8) est encore une œuvre de Durer, ce portrait de maître Joachim qu'il dit avoir fait au crayon (i) et dont la gravure a été rangée erronnément dans l'œuvre du maître par Adam Bartsch , qui déclare précisé- ment que c'est au recueil de Jérôme Cock qu'il est redevable d'avoir pu connaître le personnage représenté. Tout comme le portrait de Lucas de Leyde, la planche est privée de mo- nogramme. Nous nous permettrons même, d'après les omis- sions que nous venons de constater, la conjecture que le portrait, d'une si parfaite exécution, de Bernard Van Oriey (pi. 6), reproduit un autre dessin d'Albert Dijrer renseigné dans son journal comme exécuté pendant son premier sé-

(i) Thausinc, Niederlàndische Reize, p. 117.

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jour à Bruxelles. « J'ai fait au fusain le portrait de inaitre Bernard, le peinire de madame Margucrilo. » Si l'on pre- nait, pour les reproduire, les portraits de Lucas de Leyde et de Patenier dessinés par Diirer, on a bien pu également prendre celui de Bernard Van Orley.

Si l'authenticité du portrait de Lucas de Lcyde ne semble pas pouvoir être contestée, nous ne pouvons cependant omettre de signaler celte circonstance que l'effigie du maître tracée par son propre burin (i) rappelle fort peu celle que traça le crayon de Diirer qualre années auparavant. Le por- trait exécuté par Andréas Stock (comme pendant à celui de Diirer dessiné par Vincidor) ne ressemble pas davantage à la planche de Lucas de Leyde.

Pourtant, lorsque Hondius fit paraître en 1618, à Amster- dam, son Tliealruin honoris, alors qu'il reprenait les por- traits autrefois publiés par Jérôme Gock, en y ajoutant ceux des artistes qui avaient brillé depuis, il préféra reproduire le portrait de Lucas de Leyde d'après sa propre version, tout en conservant les vers dont Lampsonius avait accompagné le portrait d'Anvers :

Tu quoque Durero non par, sed proxime, Luca, Seu Tabulas pingis, seu formas sculpis ahenas Ectypa roddenics tenui miranda papyro llaud minimaiii in partem (si qua est ea gloria) nostra; Accède, et teciiin nal;ilis Lcida, Camcena'.

Ces vers nous prouvent assez que si Lucas de Leyde avait rêvé de surpasser ou même d'égaler Diirej-, comme l'oiil pré-

f<) C'est Icn» 173 de Bartsch. Il porte pour titre : Lucœ Leidensis propria

VI an II ivciderc.

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tendu certains auteurs, les hommes de son siècle même avaient su parfaitement lui assigner son véritable rang auprès du maître de Nuremberg : non 'par, sed proxime, et cette appréciation fut admise en Hollande même et confir- mée par la postérité.

Le l'2 juillet 15^21, Albert Diirer quittait Bruxelles pour reprendre le chemin de l'Allemagne. Quant à Lucas de Leyde, on suppose qu'il prolongea pendant quelques mois encore son séjour en Belgique, car en l'année 15:2:2 les registres de la confrérie de Saint-Luc d'Anvers mentionnent la réception comme franc-maitre d'un Lukas de llollan- dere.

H. Hymans.

ÉTUDE SOMMAIRE

SUR LA CONSTRUCTION

DK

L'ÉGLISE DE NOTRE-DAME, AU SABLON

A BRUXELLES

PAR UN ARCHÉOPHILE

I. A quelle époque a été construile l'église de Noire- Dame, au Sablon, ancienne chapelle particulière du Grand- Serment ou Gilde de l'arbalète, corporation puissante qui tenait jadis le premier rang parmi les sociétés de ce genre?

Il est permis de supposer qu'après avoir obtenu, en 1304, la concession (i) d'une partie de l'ancien cimetière de l'iiù- pital Saint-Jean, sis au Sablon, la Gilde dite de Notre-Dame ou de l'arbalète se sera d'abord contentée d'ériger, sur le terrain ainsi concédé, une chapelle modeste et provisoire que les confrères eurent plus tard l'ambition d'agrandir et de remplacer par un édifice monumental.

Cette chapelle primitive s'élevait-elle sur l'emplacement du chœur de l'église actuelle, et l'aurail-on laissée subsister

(i) Le texte de l'acte de concession, contresigné en avril 1504 par le duc de Brabant Jean II, a été donné pour la première fois par M. l'abbé De Bruyn, dans son opuscule intitulé Origine de l'église de Notre-Dame, au Sablon. Lnuvain, Pei'Iers, 1807, in-8".

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pendant les travaux de la nouvelle église? Ou bien existait- elle à l'endroit se trouve aujourd'hui l'antiehambre de la sacristie , ce que permet de supposer la grande arcade qui reniplaçait en partie, à cet endroit, la fenêtre corres- pondante du transept septentrional, arcade bouchée ensuite, et qu'il est question de rétablir dans son état primitif?

C'est cette dernière thèse que soutient le conseil de fabrique dans une lettre adressée, le 48 mai 1868, à MM. les Bourgmestre et Échevins de Bruxelles.

On y lit ce qui suit :

« La question principale, sur laquelle on désire sans » doute avoir notre avis, est celle de la baie condamnée » depuis une époque indéterminée, à l'aide d'une grossière » maçonnerie en briques ordinaires

» En admettant qu'elle soit contemporaine de la construc- » tion du transept lui-même, il est certain que cette grave » dérogation au plan des fenêtres uniformément ouvertes » sur une ligne horizontale fort basse, système grâce » auquel l'église était une véritable lanterne, dont la lumière » intérieure était tempérée par de riches verrières, il est » évident, dis-je, que cette grave dérogation avait un » but sérieux el utile.

» La baie ouverte vers la rue de la Régence donnait » apparemment accès à un oratoire (i) qui attirait la dévo- » tion publique, dans le genre du sanctuaire de la Sainle- » Croix qui existe à Notre-Dame de la Chapelle.

(t) Les transepts, disent Henné et Walters, t. III, p. 402, terminés par des murs plats, se composent de deux travées. La travée contigué au chœur est très- étroite; la suivante donnait jadis accès à une chapelle qu"on a démtilie.

iS/t

» Qui sait? Ce petit oratoire, qu'encadrait la baie posté- » rieurement bouchée par une ignoble maçonnerie, n'élait- » il pas la chapelle primitive de la Gilde de l'arbalète, bâtie » vers 1504, en vertu de l'octroi que l'on connait? » (i).

II. En examinant l'édifice avec attention, on s'aperçoit : I" que le caractère architectonique de la nef centrale est autre que celui du chœur et des basses-nefs; 2" que le chœur et les basses-nefs se distinguent surtout par l'absence des chapiteaux et par les (ores ou colonettes prismatiques réunis en faisceaux et descendant sans interruption jusqu'au sol ce qui, d'après M. De Gaumont (Abécédaire on rudi- ments d'archéologie religieuse, p. 509), est un signe dis- linclif des constructions de la fin du w" siècle (2); 3" que

(1) Cette supposition a. été confirmée par la découverte postérieure du seuil de l'arcade primitive ii la hauteur des autres fenêtres du transept vers les nel's, ainsi que par les arrachements et sculptures existant encore sur les contre forts extérieurs, véritables traces parlantes, aUcstant l'existence, à cet endroit, d'un sacelliim ou chapelle isolée.

(2) Celte indication ne doit pas être admise d'une manière trop absolue. On trouve maint exemple de colonnes à faisceaux dans les constructions de la première moitié du xv« siècle.

On a voulu induire d'une simple indication de lieu citée par MM. Henné et Wautehs, t. III, p. 403, d'après le Cartulaire de Caudenberg, que \e chœur actuel existait déjà en 1431 : op den Zavele, tegen over den choor aldaer. M. l'abbé H. De Bruyn partage cet avis et s'appuie sur l'inscription suivante (ju'aurait portée l'un des petits tableaux du chœur : Dit heeft doen maken Willem Clulinck, in '/ jaer des heereii MCCCCXXXV, ainsi que sur la date de la mort du sire d'Ayseau (1447), l'un des grands protecteurs de la construction de l'église, enterré dans le chœur, d'après M. Goethals, l'ancien bibliothécaire de la ville de Bruxelles. D'autres ont cru reconnaître Téglise de Notre-Dame, au Sablon, dans le frontispice du livre d'heures de Marguerite d'Yorck, épouse de Charles le Téméraire (.Ms. de la Bibliothèque de Bourgogne). L'église se fut donc trouvée complètement achevée en 1463. Cette hypothèse ne saurait se justifier: sur ce frontispice, la prétendue chapelle des arbalétriers est à gauche du spectateur; dans la réalité topographique, elle devrait se trouver à droite de la collégiale des Saints-.Michel et (Uidule.

i85

la bâlisso se compléla par l'atljonclioii do loiile la partie qu'indique à l'enlréc de l'église rénoniie arcade sunnonlée de quaire nouvelles fenêtres, à un niveau supérieur à celui de l'ancien triforiuin. Les détails archilectoniques et les sculptures de cette partie de l'église, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, indiquent une époque postérieure et accusenl le commencement du xvi* siècle, à en juger d'après la sub- stitution, dans les panneaux, du cintre à l'ogive, contraire- ment à l'ornementation sculpturale des basses-nefs et du chœur.

III. Il y a similitude parfaite entre les basses-nefs, le chœur et le transept, ce qui mène à supposer une con- struction simultanée.

Nous avons déjà fait remarcpier la forme des tores ou colonnettes : ajoutons-y les panneaux existant sous les fenêtres en général, ainsi que les figurines sculptées aux angles de ces panneaux, au-dessus des quatre-feuilles.

La forme seule des réseaux qui terminent l'ogive des fenêtres est différente ; dans les basses-nefs ces réseaux affectent le style dit flamboyant, qu'on retrouve dans les fenêtres de la nef centrale, au-dessus du iriforium.

Dans le chœur, au contraire, ces fenêtres se terminent en quatre-feuilles, ce qui les reporterait au xiv^ siècle. Mais c'est là, peut-on dire, simple caprice d'architecte, et même un argument pour la thèse que voici :

Chargé de reconstruire la chapelle primitive, c'est-à-dire l'édicule provisoire de 1504, l'architecte moderne aura voulu adopter, pour les fenêtres du chœur, une ornementa- tion qui rappelât l'existence de cette chapelle primitive, de même que, dans la science du blason, on rencontre parfois

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des armoiries dessinées d'une manière contraire aux règles et qu'on appelle armes à emjuerre.

En s'enquérant des motifs pour lesquels le chœur, recon- struit vers la fin du xv" siècle, oITre des fenêtres traitées à l'instar de celles du xix" siècle, ne trouve-l-on pas pour réponse qu'on aura voulu conserver dans le chœur destiné à remplacer la chapelle primitive de 1304 une ornementa- tion qui en rappelât le souvenir aux générations suivantes?

IV. Nous avons énoncé l'idée que le chœur, le transept et les basses-nefs latérales avaient été construits simulta- nément après la nef centrale.

Cherchons à le démontrer.

La nef centrale fut d'abord bâtie (i) ; c'est ce que prouve l'absence d'arcs-boutants ; ils furent remplacés provisoire- ment par des tirants en fer qui existent encore et qui étaient évidemment destinés à empêcher l'écartement des murs. Ces arcs-boutants ne pouvaient s'élever qu'avec les basses- nefs, qui devaient elles-mêmes recevoir à l'extérieur des

(i) M. l'abbé De Bruyn, dans son intéressante notice insérée dans le Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie, estime que la grande nef pourrait bien avoir été terminée dès 4441, nouveau style, ce qu'attesterait inscription de la pierre tombale de Vilzio, le Milanois, inscription gravée, après coup, sur une pierre évidemment moderne : celle des époux Gilis, 1741-1751. V. Vandehuaf.c.hen, Inscriptions funéraires de Notre-Dame, au Sablon, 19.

Il résulterait de son raisonnement que le chœur et la grande nef auraient été construits en même temps. Cette hypothèse est diamétralement opposée à celle qu'émet l'auteur de la présente notice; mais elle n'a pour base que des dates peu authentiques, voire suspectes, et contradictoires avec le caractère architectural de l'église, ainsi qu'avec le témoignage expressif de ses colonneltes prismatiques, réunies en faisceau, sans chapitesux.

C'est ici le cas de répéter ce qu'on lisait sur la tombe du 33° abbé de Rolduc : Si enim homines tacenl, lapides loqiientiir. Alex. Scuaei'KENs, Annales de l'Académie d'archéologie d'Anvers, t. VII. p. 422.

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gables avec leurs pinacles. Ces basses-nefs fnrenl, il est vrai, commencées; mais n'ayant pu élre terminées, elles furent couvertes du toit provisoire qui olTusque nos regards.

V. Ainsi, en 1504, les confrères de l'arbalète s'étaient donné une chapelle provisoire.

Dans le cours du xiy" siècle (celui de la grande prospérité des gildes et compagnies militaires bourgeoises) naquit le désir d'élever une véritable église. On se mit donc à l'œuvre (i), mais lentement, à mesure de ses ressources, comme celase pratiquait à cette époque, l'on se serait bien gardé de grever les générations futures, comme on le fait si légèrement aujourd'hui, à l'aide d'emprunts successifs et de devis menteurs et fallacieux.

La nef centrale fut pourvue d'une armature en fer, facile à enlever lors de la construction ultérieure des basses-nefs.

Les cinq travées de la nef centrale purent ainsi être fer- mées, jusqu'à l'extrados des arcades, par un mur provisoire : il en fut de même quant aux extrémités, et l'on y transporta aussitôt l'exercice du culte, afin de pouvoir procéder ulté- rieurement à la construction du chœur et des nefs latérales.

Ce qui permet de raisonner ainsi, c'est la découverte faite en 1865 et constatée aux registres du bureau des marguil- liers de la manière suivante :

Séance du '2S juillet 1865. « Avant de laisser peindre

(i) Un acte appartenant aux archives de Sainte-Gudule et publié par Butkens, Trophées de Brabant, t. I, p. 197, constate qu'en 1365, sous Jeanne et Wenccslas, le Grand Serment de l'arbalète ( Balistarii ) s'occupait avec intelligence de la construction et de l'agrandissement de sa chapelle (Capella beatae Mariac super Sabulonem) : Ctijus Capellae fubricae et augmenlalioni soierie inleiidunt.

Cet acte porte la date du 12 août 1505; il concernait les droits respectifs du chapitre de Sainte-Gudule et du Grand Serment.

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» les deux chapiteaux des j)iliers placés devant les autels de » Saint-Michel et de Saint-Antoine de Padoue, les marguil- » liers constatent :

» r Que des huit choux frisés qui ornent ces chapiteaux » il n'en est que quatre qui offrent à la gorge des chapiteaux » des traces de polychromie ;

» 2' Que les feuilles de choux tournées vers le milieu de » l'arcade n'ont été dorées qu'aux deux tiers environ , le » reste étant à l'état naturel de la pierre, comme la gorge » du chapiteau elle-même ;

» 3" Que les feuilles placées du côté des basses-nefs sont » restées à l'état naturel, que cette partie des chapiteaux ne » porte aucune trace quelconque de peinture ou d'or, (ju'il )> en est de même des petites figures grimaçantes suppor- » tant l'une des nervures de la voûte des basses-nefs.

» Ces observations s'appliquent aux deux côtés de la » grande nef.

)> Le baron de H. pense que, d'après les études qu'il a » faites sur la construction de l'église, l'omission constatée » ci-dessus peut s'expliquer de la manière suivante :

» Primitivement les travées inférieures de la nef centrale n étaient fermées jusqu'à l'extrémité des arcades par un » mur provisoire, qui réunissait les piliers entre eux et en » cachait la moitié, c'est-à-dire la poi-lion correspondante » aux parties non polychromées des chapiteaux.

» On n'aura appliqué des peintures qu'aux parties des

» chapiteaux placées à l'intérieur de l'édifice provisoire, qui

» constituait la nef centrale, depuis le transept jusqu'aux

» gros piliers du fond, se ti-ouvent les bénitiers.

» Le mur provisoire de clôture ayant été ensuite abattu

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» à l'époque do la conslruclion des basses-nefs, on n'aura » plus continué l'ornemenlation polychromes des cha- » piteaux.

T> Le bureau, sans se prononcer sur le mérite de l'expli- » cation qui précède, autorise M. le curé, qui accepte » généreusement d'en supporter la dépense, à faire peindre » litre de spécimen) les deux chapiteaux précités dans » tout leur pourtour et à dorer les feuilles de choux. » VI. Nous continuons.

La gilde étant parvenue, non sans peine apparemment, à remplacer sa vieille chapelle de 1304 par un édifice déjà considérable, dut se reposer sur ses lauriers pendant nombre d'années. Il fallait peut-être acquitter ses dettes et se créer de nouvelles ressources.

. Vers le milieu du xv* siècle on reprit courage; on songea sérieusement à l'achèvement de l'église, mais les idées archi- tecturales avaient subi des modifications : le nouvel archi- tecte appelé à la continuation de l'œuvre dédaigna de se conformer aux plans primitifs et à la pensée de son prédé- cesseur.

11 voulut faire mieux, c'est la maladie de MM. les artistes, et il construisit d'un seul jet, dans les idées de la fin du XV* siècle, le nouveau chœur, le transept (i) et les basses- nefs. Après avoir construit le portail septentrional vers le

(i) La clef de voûte principale de ce transept est ornée de l'écusson d'un seigneur qui fut un grand protecteur de cette construction, à savoir Guillaume Brant, fils de Jean Brant, sire d'Ayseau, mort sans hoirs le 15 mai 1447. Il fut enferré, dit M. H. De Bruyn (V. § 5 ci-dessus), devant le maitre-autel, sous une pierre couverte d'une lame de cuivre; mais rien ne prouve que la date de 1447 coïncide avec le placement de cette pierre tumulaire.

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Graiul-Sablon, railisle, inconnu connne son prcdccesscur, éleva vers le Petil-Sablon le portail reslé inachevé, et auquel il donna des proportions qui l'obligèrent à remplacer par une rose la fenêtre du portail opposé; mais il faut croire que les travaux furent derechef interrompus, on ne sait pour- quoi, et on se contenta de couvrir ce portail, ainsi que les basses-nefs, à l'aide d'une toiture provisoire : ce fut ainsi que les pignons des nefs latérales et les arcs-boutants sont encore à l'état de projet.

Lorsque la gilde reprit son œuvre favorite, les idées avaient subi de nouvelles modilicalions auxquelles on se soumit aveuglément. On voulait une entrée monumentale : un troisième architecte en fut chargé au commencement du xvi^ siècle, et toute la section, au delà des deux gros piliers auxquels s'était arrêtée la nef centrale, fut traitée dans le style de cette époque. On voit par un acte du 4 juillet 1515, cité par MM. Henné et Wauters, t. III, p. 405, que la chambre des comptes donna aux maîtres de l'église six frênes (i) pour la construction des voûtes de l'autel de Saint-Éloy (archives de ladite chambre, registre 29), à droite en entrant (2).

Le fait est qu'en 1556 tout était terminé : cette année Messire Claude Bouton, seigneur de Corbaron, fonda, dans

(1) M. De Bruyn dit six trembles, il cite sur ce point un extrait du 5 sep- tembre 1317, tiré d'un registre de la Chambre dos Comptes existant aux archives de l'État.

(2) Les travaux n'étaient pas terminés en 1523, puisque le 7 septembre de cette année Marguerite d'Autriche, dit M. Di: BituvN, accorda une gratification d'un écu d'or au soleil aux massons et luanoiivriers besoigiians en Véglise de N.-D. du Sablon.

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celle mèiiii! chapelle, en llwnneur de la Sainte-Croix, une messe ;i clianler tous les vendredis, messe qui se célèbre' encore aujourd'hui, ayant élé rétablie en 1867.

VII. En résumé, trois architectes auraient successive- ment présidé à la construction de l'église de Notre-Dame, au Sablon, telle que nous la voyons aujourd'hui.

Le premier aurait construit, tout à la fin du xiv*" siècle ou au commencement du xv', la nef centrale, composée de cinq travées. Première période.

Le deuxième architecte, complétant la nef centrale, aurait construit successivement le chœur, le transept et les basses- nefs. Ce travail n'aurait été terminé que vers la fin du XV* siècle (i). Deuxième période.

Enfin, vers le commencement du siècle suivant, un nouvel architecte aurait construit, devant la grande nef et les nefs latérales, le portail principal, vers la rue dite des Sablons (2). Troisième période.

Les troubles religieux et politiques qui agitèrent le milieu et la fin du xvi" siècle, s'opposèrent définilivemenl à la con- tinuation des travaux : le mauvais goût et les idées étroites des artisans dont se composaient les gildes, compagnies essentiellement bourgeoises, se mirent de la partie. Alors

(i) Lors de la construction des bâtiments adossés à la basse-nef méridionale, on lit disparaître l'une des gracieuses tourelles qui encadraient si bien le portail du Petit-Sablon; on y entrait par l'intérieur de Téglise, de même que du côté opposé.

(2) La porte d'entrée actuelle a été complètement dénaturée à une époque incertaine. Un vandale inconnu a supprimé le pilier central que rappellent encore les deux autres portails du transept.

192

arriva ce que MM. Hcnne el Waulcrs flétrissent en ces termes :

« On voit dans un rapport officiel que les confrères, » la plupart maçons, charpentiers, plombiers, ardoisiers, » vitriers, plafonneurs, etc., cherchaient à se dédommager » de l'énorme droit d'entrée qu'ils avaient à payer, en obte- » nant l'adjudication, pour un ou deux ans, des travau.x » d'entretien de l'église et des autres bâtiments du Serment, » travaux qu'ils avaient soin d'exécuter le plus légèrement » et le plus chèrement possible. Aussi la plus grande partie » des gros ouvrages étaient-ils en mauvais état et le toit » tombait en pourriture, tandis que l'intérieur de l'église » était surchargé de boiseries et de dorures. »

Pour qui connaît l'état des choses, ces accusations sont frappantes de vérité. Non -seulement, durant tout le xviii'= siècle, on ne daigna pas songer à l'achèvement des parties extérieures de l'église, mais on s'abstint de rien réparer. On se permit même de boucher en partie les fenêtres admirables qui faisaient de la chapelle des arbalé- triers une véritable châsse, rappelant les splendeurs archi- tectoniques de la chapelle royale de Saint-Louis, à Paris.

L'édifice semblait voué à la ruine, lorsque vers 1845, sous le rectorat de son estimable curé M. Nicolas Van Hoe- broeck, on en entreprit avec courage la restauration. Depuis cette époque les administrateurs de l'église, le conseil com- munal, le conseil provincial, la commission royale des monuments, le département de la justice enfin, rivalisèrent (le zèle et de bonnes intentions pour raviver et compléter la pensée des artistes éminents à qui la ville de Bruxelles doit ce chef-d'œuvre d'architecture.

195

Une des gloires de l'espril humain est d'élever des monu- ments; après celle-là vient l'honneur d'en assurer la durée et la conservation : ce sera celui du siècle présent, malgré ses défauts et ses défaillances, tandis que le dernier siècle aura toujours à rougir d'avoir méconnu et répudié le génie des architectes du moyen âge !

II. W.

ESSAI HISTORIQUE

SUR

LES TAPISSERIES

ET

LES TAPISSIERS DE HAUTE ET DE BASSE-LICE DE BRUXELLES.

(Suite.j

VI.

Ce fut au XVI' siècle, au momenl la tapisserie bruxel- loise était arrivée à l'apogée de sa splendeur, que commen- cèrent à s'ouvrir pour elle des concurrences que tarirent insensiblement ses ressources. L'éclat d'une fabrication qui avait un cachet si éminemment artistique la faisait recher- cher partout; partout à l'étranger, et surtout en Italie et en France, on aurait voulu la fixer et la retenir. Dans les Pays-Bas mêmes, certaines villes tentèrent dans ce but des essais qui sont curieux à constater, bien qu'ils n'aient pas été couronnés de succès. Ainsi, à Berg-op-Zoom, les bourg- mestres , échevins et anciens échevins consentirent, le 30 juillet ioOo, à payer pendant cinq ans à un tapissier (legivercker) nommé Guillaume De Cramer une allocation annuelle de i livres de gros de Flandre dans le cas il viendrait se fixer dans leur ville. Il demanda ensuite oO livres, outre un prêt d'une somme égale, pour s'établir à Berg-op- Zoom avec quatre mailres ayant chacun trois métiers,

io:>

métiers à cliacuin desquels Iravailleraieiit (rois ouvriers. Ses offres furent lavorableinenl accueillies (15 décembre lo04) (i). Berg-op-Zoom néanmoins ne devint jamais uii centre industriel; celte ville resta un port, qui atteignit son maximum d'activité vers le milieu du xvi" siècle.

Un essai analogue, mais qui ne produisit aucun résultat, fut tenté à Harlem en 1559; à la demande d'un fabricant de tapisseries nommé André De Raedt, les bourgmestres lui promirent 400 florins carolus, à condition qu'il donnerait caution de rembourser cette somme dans le délai de liuit années et qu'il enseignerait sa profession à quelques jeunes gens fils de bourgeois (2).

François I", qui avait pris plaisir à orner ses palais de tentures venant des Pays-Bas, conçut le projet d'en faire fabriquer de pareilles dans son royaume. Il réunit à Fon- tainebleau des ouvriers venus de nos contrées et, pour encourager leurs efforts et les retenir, leur accorda, en 1336, de grands privilèges. Plusieurs villes secondaires de France, notamment Tours et Amiens, eurent alors leurs ateliers de tapissiers, ateliers il ne se faisait que de la haute-lice. Leurs fabricats étaient très-estimés et le dessin en passait pour fort correct (3). Ajoutons qu'à Orléans demeuraient et travaillaient, à la date du 16 février 1557-1558, un tapis- sier natif de Bruges, Pierre Godefroy, et son oncle (4). Le

(^) Breeden raeds resolulien, 20 julii ll76-lo scpteinbris 1518, aux Archives de la ville de Berg-op-Zooni.

(î) KoESEN, Over eenige tapytwerkeii op hct sladimys te Haarlem, dans les publications de la Société historique d'Utrecht, Kronijk, année 186G, t. Il, p. 503.

(») De Ville, Mémoire cité, p. 110.

(i) Papiers d'état et de l'audience, aux Archives du royaume, liasse 80.

196

fils de François I", Henri II, et sa bru, la célèbre Catherine de Médicis, imitèrent son exemple, et, bien que les établis- sements fondés par eux n'aient produit que des résultats médiocres, contrariés qu'ils furent par les troubles religieux de la seconde moitié du xvi" siècle, ils n'en préparèrent pas moins la création de la fabrique des Gobelins, dont la répu- tation devint si grande.

Comme on l'a déjà fait observer, l'Italie ne prit point part, au moyen âge, à la fabrication des tentures historiées. La vue des admirables productions sorties des fabriques belges engagea maintes fois les communes et les princes à appeler à eux nos fabricants, et les Médicis réussirent enfin à établir à Florence une arazzeria; mais la fabrique placée sous la protection de ceux-ci fut uniquement, comme celle de Fon- tainebleau ou plus tard celle des Gobelins, une dépendance des palais, l'on travaillait surtout aux frais des princes et pour eux.

Qu'il nous soit permis d'ouvrir ici une parenthèse et de revenir sur ce que nous avons dit précédemment, non pour modifier, mais pour compléter nos assertions.

Tel est l'intérêt qui s'attache actuellement à l'étude des anciennes tapisseries qu'à chaque instant il se public des travaux qui leur sont consacrés. Us répandent un jour nou- veau sur l'histoire d'une industrie qui, pendant longtemps, a fait honneur à notre pays. De ce nombre est le volume in- titulé : L'arazzeria Estense, par M. G. Campori, publié dans le huitième volume des .4/// e memorie délie Rfi. De- ■puLazioni di Storia patria per le provincie Modenest e Par- mensi (Woûène, 1H76, in-8").

On y voit que dès le second tiers du xv"' siècle un grand

i\)l

nombre de tapissiers beiges travaillèrent en Italie, soit |)our les communes, soit pour les princes tie celte contrée. Leurs noms par malheur sont souvent italianisés et rendus j)ar méconnaissables. Citons, entre autres : Jacques de Flandre dit de Angelo (de l'Ange), Rainald ou Renaud de Flandre, nommé aussi Renaud di GuaUieri (Wouters ou Waulers) délia magna ùassa, surnommé Boleram ; maitre Pierre de Andréa (Andries?), de Flandre; Liévin Gillis, de Bruges, et Bernardin le Flamand.

Le premier entra au service du marquis de Ferrare, Nicolas III, et accepta, le 8 avril 145C et moyennant 3 livres par semaine, la charge de réparer les bancali ou tentures et les parements du palais (i). Le deuxième, qui était natif de Bruxelles, obtint, en 1436, la faculté d'enseigner son industrie à Sienne (2); il alla se fixer à Ferrare, tantôt il vend des tapisseries, et, dans ce nombre, Salomon sur son trône , tantôt il en confectionne pour la décoration du bucentaure ou galère ducale; il vivait encore en 14-79, lorsque le duc Hercule reconnut lui devoir 4-08 florins. Après la mort du duc Nicolas III (arrivée le 27 décembre 1441), Lionel, son fils naturel et son successeur, grand protecteur des lettres et des arts, avait employé ce Rainald, ainsi que ses compatriotes Pierre de Andréa, Liévin Gillis et Bernardin. Le marquis Borso, qui occupa ensuite pendant vingt ans (de 1450 à 1470) le trône de Ferrare, partagea le goût du temps pour les tentures historiées. Liévin parait avoir été un homme d'un grand talent. Ayant

(1) Campori, p. II.

(2) Le même, citant Documenii per la storia delV arte Sanese.

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exécuté pour la république de Florence des lapisseries, il obtint des prieurs de l'art (c'est ainsi que l'on appelait les chefs du peuple de cette ville), le 2 juillet l/*o7, non-seule- ment une forte rémunération, mais une attestation conçue en termes très-louangeurs (i). Borso d'Esté lui demanda en- suite d'exécuter des tapisseries dont les dessins avaient élé fournis par un peintre nommé Gôme, mais il s'éleva entre Liévin et Pierre de Flandre une rivalité qui, en 14()3, faillit entraîner le départ de celui-ci de Ferrare.

Le courant qui entraînait les tapissiers belges vers l'Italie continua pendant tout le xv" siècle. En l/pôo, maître Jacques Birgières, de Lille, se fixa à Pérouse avec sa famille et s'obligea à y fabriquer des lapisseries pour le palais de la commune et à enseigner son métier à ceux qui désireraient l'exercer ('2). L'année suivante, le 2 décembre, la commune de Ferrare annonça qu'elle avait accordé des privilèges à Jean Mille et Renaud Grue, de France (ailleurs ils sont qua- lifiés de Tournaisiens) , « maîtres experts et très-habiles dans l'art de la tapisserie » {maestri solenni cl perfeclissimi de l'arte de la lapexarico). Ces industriels s'étaient engagés à enseigner leur métier moyennant une rétribution de 3 ducats d'or, payable par an et pendant 5 ans, par chaque apprenti (3). Mais, soit que cette somme eût élé jugée trop forte, soit conséquence de leur manière d'agir envers leurs élèves, on ne voit pas les Italiens prendre beaucoup de part

(i) Le même, d'après Conti, Ricerchc storiche suit' arte degli arazzi in Firenze, pp. 4, 83.

(2) Le même, d'après le Giortiale di erudizionc artislica di Periigia, t. II, p. 268.

(î) Le même, citant Cittadki.la, Notlzie relative a Ferrant, p. G50.

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à la confection ou à la rcparalion des tentures, que tantôt on faisait venir de Belgique, tantôt on commandait à des |)er- sonnes originaires de ce pnys. Du temps de Horso d'Esté on mentionne encore Giovanni ou Jean de Lattre, d'Arras, qui arriva à Ferrare en 1461 ; Rigo ou Errico di Ficmdra, d' AUcmagna ou ddla Mirandola, qui entra au service du marquis en 1470, etc. Le marquis Hercule, après Borso, employa en outre Jean da C or reg g io, dliaussi de Ciicchiaris ou Jean de Flandre de Corigia, qui travailla pour lai jusqu'en 1181; Jean Mille, le flamand Jean Costa ou Costa, etc.

Les efforts des princes de la maison d'Esté n'aboutirent pas à de grands résultats. En 1490, il n'y avait plus à Ferrare qu'un tapissier, Bernardino di Bongiovanni; encore était-il employé exclusivement par le duc (i). Mais l'industrie des tentures historiées se releva un instant à Ferrare, vers le milieu de xvi* siècle, grâce aux encouragements du duc Hercule H, qui attira et retint à sa cour, pendant un certain temps, deux tapissiers flamands dont Vasari, le premier, a conservé le nom. Je veux parler de maitre Nicolas et de Jean- Baptiste Rossi ou Roslo, qui exécutèrent en soie et or un grand nombre de tentures dont Jules Romain avait peint les cartons. En revenant d'un de ses voyages, le duc ramena avec lui d'Allemagne, ou plutôt des Pays-Bas, un nombre infini de maitres tapissiers (2), mais il se trouva alors devant une

(i) Bernardin eut pour successeur un Bruxellois : Gérard Slot, allemand (sic) de Bruxelles (m" Gerardo Alemano de Borselli), qui fut nommé en 1529 ot mourut le 2 septembre 1362; Gérard Molinari (Molenacrt?), également de Bruxelles, vivait à Ferrare à la même époque (Campori, /. c, pp. 57 et 55).

(2) Idem, p. 57.

200

autre difiiciilté; il lui manquait des bons dessinateurs de modèles. Il s'adressa successivement à plusieurs j3einlrcs italiens cl attira également à sa cour Guillaume Boides (Boydens?) et Luc Gornelis.

Guillaume Boides, dit aussi de Malines ou le Flamand, était à la fois peintre et orfèvre ; reçu bourgeois de Ferrare le 27 juin 1344, il peignit pour le duc, de ITUo à 1555, des cartons représentant des paysages, des vues de villes, etc. (j). Luc Gornelis, que l'on appelait d'ordinaire Luc de Hollande ou Luc le Flamand, fut gratifié, à partir du 1" mai 1545, d'une pension annuelle en grain (2).

Le tapissier Nicolas, dont le nom de famille était Karcher (peut-être Kerckx, nom essentiellement bruxellois), ne parait pas avoir travaillé beaucoup à Ferrare, comme son frère Jean, dont la marque, consistant en un I et un K réunis par un trait formant un angle et surmonté d'une croix (5), se voit sur une tapisserie qui porte celte inscription : factum FERRARI AE M. D. XXXV (fait à FcH'arc, 1555). Cette tapisserie fait partie d'une tenture représentant des épisodes puisés dans les Mélamorphoses d'Ovide et dont l'encadrement consiste en colonnes revêtues de feuillages et soutenant une architrave ayant en son milieu un écusson orné de l'aigle des Este et sur lequel on lit : Herc. II dux IIII (Hercule II, IV* duc). Une autre tapisserie, on voit la Morl de la Vierge, et qui est la propriété de la cathédrale de Côme, présente la même marque et la date : factum fer-

Ci) Campori, p. 64. (î) Voyez idem, p. 6-i.

(s) Ce monogramme ne peut être celui du peintre Heemskerkc, comme l'a supposé M. Darcel.

201

l'.ARiAE M. D. Lxn ; elle a ligiiré à rexposilioii de Milan de 1874, îivcc une (roisième portant la même date : l' Entrevue du roi Salomon et du la reine de Saba, propriété du comte Jules Lafranchini (i). .MM. Gentili et Campori nous ont fait connaître en outre un Louis Karcher, qui a également tra- vaillé à Ferrare et vivait encore en 1579.

Gomme on peut le voir dans le travail de M. Campori, l'activité de l'atelier de Ferrare fut très-considérable du temps d'Hercule II, et son frère, le cardinal Hippolyte, partagea son goût pour les tapisseries (2) ; mais, après eux.

(1) Voyez le catalogue intitulé : Esposizione storica d'arte iiidustriale in Milano, 187-i; Milan, Trêves frères, 187i, gr. in-8».

(2) Panr.i les tentures que le cardinal acheta, nous devons citer VHistoire de Scipion, qui lui fut envoyée d'Anvers à Rome en 1531. Une tenture de ce genre, composée de 12 pièces, probablement la même, ornait l'église à'Ara-Caeli, a Rome, le 5 décembre 1571, à l'occasion de l'entrée triomphale de Marc-Antoine Colonna, l'un des vainqueurs de Lépante, et fut alors l'objet de l'admiration générale.

D'après l'auteur qui nous sert de guide, ces tapisseries de VHistoire de Scipion, après avoir orné en dernier lieu le palais des Este à Rome, seraient actuellement perdues (Campori, /. c, pp. 56 et 57). Ne pourrait-on les retrouver, au moins en partie, dans celles que l'on dit avoir été portées en œariage par Anne-Isabelle d'Esté au duc Ferdinand-Charles de Mantoue, en 1670, et être devenues ensuite la propriété des ducs de Modène. Vendues, en 1862, par ordre du gouvernement italien, elles tombèrent entre les mains d'un marchand nommé Pierre Cattaneo, qui les lit reproduire en photographie (Voyez ces photographies, accompagnées d'un texte, dans la publication intitulée : Album primo di nndici magnifici arazzi eseguiti sui disegni di Giulio Homano, dello Zuccaro e di Yan Kessel. Un volume oblong. Milan, 1865 environ). Achetées à Paris par Mgr le prince de Chimai-Caraman, elles ornent aujourd'hui la salle de bal de son liùtel à Bruxelles, rue du Parchemin, n" 10. Il n'en subsiste plus (]ue six pièces, correspondant aux n" 12, 9, '?, ?, ? et 20 de l'ancienne grande série du garde- meuble, de Paris, et représentant :

L'entrevue d'Annibal et de Scipion dans le voisinage de Carthage ;

Scipion accordant la vie et la liberté à un grand nombre de prisonniers. Deux génies volant dans les airs tiennent une sorte de pommi' portant cette

^202

Alplionse II, lils d'Hercule, ne fit que peu de commandes et peu d'achats. L'atelier fondé par les d'Esté ne survécut pas à l'occupation de Ferrare par les troupes papales et à la translation du siège de la principauté à Modène. Une partie des richesses mobilières de cette famille ducale passa aux Guise , et de la sorte échut à la dynastie royale des Bourbons de France (i).

inscription : homani ^ ducis clementia clementis et urbis excidio compensata;

Le triomphe de Scipioii. Une partie du cortège, dans lequel plusieurs personnages portent des vases précieux et d'autres emblèmes de la victoire, monte au Capitole. Au bas, au côté droit de la tapisserie, on lit ces mots : i.ibeha

DELETA CARTAfilNE ROMA TRIOMPHAT SIGNA REKERT PATRIO SCIPO PARTA

jovis;

-i" Suite du cortège, oii l'on remarque surtout les chefs de l'armée romaine h cheval, précédant le char triomphal du héros vainqueur. A coté de ces person- nages un peu raides et maniérés, à l'avant-plan, on remarque une jeune femme vue de dos, se tenant a un arbre, et qui est placée sur un tertre dans une pose pleine de grâce;

Suite du cortège : hommes, lenimes et enfants prisonniers, exposés aux insultes et aux mauvais traitements des Romains et délilant devant un superbe portique couvert de spectateurs;

G" Cavaliers romains, les uns entourant et maltraitant Syphax, les autres portant des trophées de victoire. Un écriteau placé sur un arbre porte, retourné, cette inscription : ohm meminisse, juvabit.

Ces tapisseries, qui sont fort endommagées et ont déjà subi des réparations, sont entièrement en soie; elles mesurent i mètres (sauf la première qui n'a que 5"'80) de haut sur o-^oO, G^oO, 7"'00, 6"'0O, d™00 et o^OO de large. Elles n'ont plus ni bordures, ni lisières.

Le musée du Louvre possède quatre cartons attribués à Jules Romain, repré- sentant le Débarquement de Scipion en Afrique, l'Entrevue de Scipion avec Asdrubal et Syphax, la Défaite de Syphax et la lialaitle de Zama, qui mesurent 5"'72, 5"71, ô'"l\ et 5"'75 de hauteur sur o"'aO, 5'n75, 6"'o0 et 7"'08 de large. Le garde-meuble national renferme encore la petite tenture de Scipion, en iO pièces, mais non la grande, qui en comprenait 22, dont on peut voir les détails dans Raiset, Notice des dessins exposés au musée du Louvre, p. 245 (Paris, 1868, in-12). (0 Gkntili, /. c., p. 51.

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Mais la fabriciuc de Florence, Varazzeria Medicea, (\o\\\. i\I. rarchilecle Schoy a révélé en Belgiqu(3 l'-iclivilé el l'exis- tence (i), subsista plus longtemps. Elle eut pour fonda- teurs Nicolas Karcher et son compatriote el compagnon, maître Jean ou Jean-Baptiste Rosle ou Rostel, que Vasari appelle Rossi et Félibien Roux, mais qui se nommait en réalité Jean Vander Roost et était de Bruxelles. Ses opinions religieuses ne furent peut-être pas étrangères à son départ de sa ville natale; en effet, nous y voyons, à la date du 5 fé- vrier 1554-1555, les magistrats sommer de comparaître en justice, sous peine de mort et de confiscation des biens, plusieurs personnes accusées d'hérésie, parmi lesquelles figurent Marguerite Vander Roost et ses deux filles (-2). Or, quelques années après, en 1545, Jean Vander Roost habitait Ferrare et était au service du duc, auquel il procura, vers le même temps, quatre sacs de laine amenés de Flandre. Si l'on en croit Vasari, ce fut à sa demande que François Salviati peignit un grand nombre de cartons, l'on voyait {'Histoire de Tarquin et de Lucrèce la Romaine, el qui furent ensuite exécutés en tapisseries d'or, de soie et de laine. 11 ne resta pas à Ferrare, el dès le 20 octobre 1546, lui et Nicolas s'engagèrent envers le duc de Florence, Gôme de Médicis, à diriger Va7'az%eria de cette ville. On l'appelle d'ordinaire Jean Rostel de Flandre, mais d'après son contrat même et d'autres documents plus explicites, son véritable nom était Jean Vander Roost, fils de Laurent, et natif de

(1) Journal des Beaux-Arts, XVIIP année, n" !, oii j'ai puisé presque tout ce qui concerne ici la fabrique de Florence.

(s) Au nombre des accusés se trouvent encore un tapissier, Jean Boetwinckele et sa femme. Wit Conrctie boeck, aux Archives de la ville de Bruxelles.

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Bruxelles. Sa naissance cloil so placer avant l'année loOO, car, en 1500, il élail déjà Irès-vicux; devenu inhabile à exercer sa profession, il dut réclamer de son fils Jean une pension alimentaire, (pic l'on fixa à ii livres par semaine. Ainsi le décidèrent, le 8 avril loOO, à l'intervention de l'horloger brabançon maitre Jean, lils de René de ïirle- monl ou Van Thienen , trois arbitres choisis parmi les habilants de Florence : maitre Laurent Torre7itinns{'èlonn), imj)rimeur ilamand, et deux tapissiers brux(;llois : maitre Arnoul d'Arien ou Van Harlem et maître Balthazar Dreco- rinck ou De Goninck.

Vander Roost exécuta, pour la salle dite des Deux Cents, à Florence, des tapisseries qui coulèrent 60,000 écus. Alexandre Allori dit le Bronzino et Jaccjues Carrusci da Ponlormo dessinèrent ensuite, sur l'ordre du grand duc, quelques épisodes de l'Histoire de Joseph; mais on n'en fut pas satisfait, selon Vasari, et on demanda le restant du môme travail à Salviati, qui peignit notamment l'épisode des sept vaches grasses et des sept vaches maigres. En effet, comme raj)prennent les archives de Florence, Vander Roost exécuta, de 1547 à 1549, d'après le Bronzino : Joseph vendu par ses frères cA Joseph en prison et, d'api'ès le l*onlorn]o, la Coupe de Joseph. Son an(;ien associé Nicolas ne le quitta pas, car, à la même époque, -il fil : d'après Salviali, le Somje de Pharaon H'épisode cité plus haut), et, d'après le Rronzino, r Arrestation de Benjamin, Joseph échappant à la femme de Putiphar, etc. Plusieurs des œuvres de Vander Roost se Iruuvaieni à l'exposition de Milan et se faisaient reconnaître à sa marque, constituant ime espèce d'ai-moii'ie parlante et se com|)osant d'un morceau de vianch; ou poulet embroché,

|)Oi"té sur deux chenols; loulo In l'orr;iiIlo osl (\o coultMir bleue et le rùli coloré au naturel.

Cet industriel resta en bons termes avec le duc de Ferrare, comme le prouve sa correspondance avec ce prince, que M. Campori a publiée (i). Après avoir eniçagé Hercule II à se décider au sujet des tapisseries que le duc comptait faire confectionner et pour lesquelles tout était prêt, ouvriers et matières premières (lettre du 23 janvier 1;i!jl), Vander Roost parvint enfin à le décider et se mit à l'œuvre. Nous le voyons, le 24 juin 1555, réclamer le paiement de 150 écus d'or, dont 80 furent comptés à son fils Jean le 8 juillet de la môme année. En 1558, notre tapissier dut écrire de nou- veau à Gùmo, et nous voyons par les lettres de recomman- dation qu'envoyèrent pour lui le duc de Florence et Alpbonse d'Esté, le fils même du duc do Ferrare, combien il était considéré. Il s'agissait de tapisseries qui avaient été confiées par Vander Roost à un Vénitien, Louis Serafino, et qui avaient été saisies par les créanciers de celui-ci ; on prétendait les vendre, sans respect pour les droits évidents du fabricant.

A partir de 15G0 les travaux de notre compatriote furent continués par son fils du même nom, qui se disait peintre. L'année suivante, ce second Vander Roost entreprit l'His- toire de David, d'après les cartons de Vasari, l'artiste- biographe. Mais, circonstance curieuse et dont l'importance n'échappera pas au lecteur, ce fut un Belge qui, à cette époque, fournit à l'atelier de Florence presque tous les mo- dèles dont il avait besoin. Jean Vander Straeten, de Bruges,

(i) L. c, pp. 108 et suivantes.

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plus connu sous le nom de Stradanua, îivait depuis long- temps quidé sa patrie. Après avoir promené de ville en ville sa palette vagabonde, il se fixa dans la ville des Médicis, où, de 1560 à 1576, il peignit la Vie deV Homme, l'Histoire du roi Assuérus, rflisloire d'Ulysse, l'4Iistoire de Salomon, l'Histoire d'Hercule, l'Histoire du roi Cyrus, la Guerre de Sienne, l'Histoire de Laurent le Magnifique, etc. Jean A'nnder Straeten est l'aulcur d'une longue suite de dessins représentant des chasses de toute espèce et qui ont été gravés par Charles Collaert et réunis en volume. Ils ont probablement servi de modèles pour une tenture, dont une pièce, la Chasse à l'autruche, existe dans la collection de MM. Braquenié. Elle a 4 '"10 de haut sur 5"'-^(0 de large et est encadrée par une belle bordure de la Renaissance, avec personnages. Son origine est bruxelloise, comme le prouve la marque qui se trouve dans le galon bleu du bas, à gauche; à droite on voit un monogramme formé des lettres capitales I et B reliées par un petit o (i).

Avec lui ou du moins concurremment avec lui un trouve le peintre Frédéric, fils de Lambert Sustermans (en 1565), et les tapissiers Albert Olbrechts partir du l" mars 1576) etCorneille d'Anzolbreche ou Alsembcrg (en 1577). Plus lard d'autres artisans accusent aussi par leur nom une origine flamande, comme maître Jean Serjacobs, qui fut proviseur i]e\'arazzeria de 1587 à 1598; Jacques, fils de Gilles ou Gillis, et Henri, fils de Jean ou Janssens, cités en 1596, etc.

(») .le dois ces renseignements, ainsi que tons ceux que je donnerai plus loin sur des tapisseries appartenant h Mil. Iiracqiienié;^a l'ohligeancc de M. Daut- zcnberg.

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Vers 1020, lorsque les travaux de la maïuifacture florentine reprirent de la vigueur, après avoir subi un ralentissement notable, ce furent encore des Flamands qui presque toujours lui donnèrent de la vie, soit en lui fournissant des carions, soit en la dirii^eant en Tjualité de capi d'arazzerie ou chefs de la fabrique de tapisseries. Parmi les premiers figurent Corneille le Flamand et Josse Sustermans ; au nombre iks seconds on peut mentionner Jacques-Ebert de Ilasselt ou Van Hasselt (de 1621 à 1630), Bernard Van Hasselt, qui était mort à la date du 12 août 1G75; Pierre Peys, cité en i702. Quelques-uns d'entre eux travaillèrent aussi comme maîtres indépendants, c'est-à-dire pour leur propre compte. Enfin, en 1757, l'atelier ducal se ferma l'année même de la mort du dernier des Médicis.

Uarazzeria Medicca a donc existé près de deux siècles, de 1o46 à 1757. Dans la belle collection de tapisseries qui se conserve au palais des JJffizi, sur 800 pièces il en est près de 600 qui en proviennent; les 200 autres ont été exé- cutés, soit aux Pays-Bas, soit aux Gobelins.

Si nous reportons nos regards vers la Belgique, au mo- ment où les derniers Valois, les Médicis et les Este com- blaient de faveurs les tapissiers qui consentaient à se fixer dans leurs domaines, nous y voyons l'industrie bruxelloise entrer en lutte avec des concurrences peu loyales. Un mar- chand de Bruxelles, nommé Nicolas Hellinck, et qui était receveur communal, fat accusé d'avoir fait vendre à Anvers, par un courtier du nom d'Amand Vrancx, comme bruxel- loises, des tapisseries provenant d'Enghien, dont on avait caché la marqueau moyen d'encre. Guillaume De Pannemae- ker, qui paraît avoir été à cette époque l'âme de la corpora-

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lion, se plaignil à la duchesse de Parme, oouvcrnante géné- rale des Pays-Bas, qui ouvrit immédiatement une enquête à ce sujet. Le « garderobbe > de la duchesse, Jean N...., de concert avec De Pannemaeker, se rendit chez Hellinck pour voir ces tapisseries, mais il n'y en avait plus qu'une à Bruxelles; les autres se trouvaient, lui dit-on, à Anvers, Hel- linck n'ayant pu s'accorder pour les vendre, ni avec le duc de Savoie, ni avec le prince d'Orange, ni avec le comte de Zwarlsenbourg. Le serviteur de la duchesse prit assez mal cette réponse et déclara à Hellinck qu' « il le Uiy feroit bien faire », c'est-à-diro qu'il le forcerait bien à montrer les ten- tures. Mais le marchand ayant demandé à De Pannemaeker si l'on voulait agir de violence à son égard, celui-ci s'interposa et apaisa la querelle.

L'affaire toutefois n'en resta i)as cl, le 1 1 novembre 1559, Hellinck et Yrancx furent appelés devant le président Viglius. Interrogé sur l'origine des tapisseries qui étaient devenues la propriété de la duchesse, le premier répondit qu'elles avaieni été faites à Enghien, et comme on le questionnait au sujet des marques qui en auraient été enle- vées, il répondit qu'il n'y avait pas de raison pour cela, « puisque, ajoula-t-il, on y fait (c'est-à-dire à Enghien) aussy » bon ouvrage qu'en ceste ville et que autrement les tapis- » séries pourroient sembler trop faictes en lieu incongneu. » L'observation de Hellinck était tout simplement une insulte déguisée à l'adresse de De Pannemaeker : comparer les tapisse- ries d'Enghien à celles cpii sortaient des ateliers de Bruxelles, c'était évidemment contester la supériorité de ces dernières et en particulier des chefs-d'œuvre sortis des mains du célèbre fournisseur de Charles-Quint.

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Les explications de Vranex fournissent des preuves plus explicites de la fraude commise. Nous allons en reproduire le texte, pour ne pas risquer d'en altérer le caractère :

« Interrogué s'il n'y a point quelque ordre en Anvers sur » le fait des tapisseries qui se vendent et s'elles (i) sont » justes et léalles (2), dit que non.

» Interrogué si les mareques de la dicte tapisserie, quant » il les a vendu, sont esté toutes effacées, dit qu'il ne l'a » veu, sinon en deux ou trois pièces.

« Interrogué s'il scait à parler dont vient la faulte, dit que » non.

» Interrogué quant les dictes pièces luy sont venues en » main s'il ha veu les marques, dit que non.

» Sur ce que mon dict sMe Président liiydit puisqu'il estoit )' courretier, il debvoit bien regarder la marcque, respondit

quH scavoit bien qu'elle n'estoU point de Bruxelles, bien elle en tenait la marcque.

nterrogué s'il scavoit douques dont la dicte tapisserie » venoit, respond avoir dit aux acheteurs quelle nestoit » point de Bruxelles, mais bien appartenant à ung de » Bruxelles.

» Interrogué à qui qu'il l'ha dit, respond (pi'il ne scait à )> quy.

» Interrogué s'il en a parlé à Nicolas Hellinck, dit que » si (5) et que le dict Hellinck dit ne scavoir ce qu'il en » est.

(1) Cest-à-dire si elles.

(2) Loyales.

(3) Si, c'est-à-dire oui.

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» Inlerrogué comment il ha congiieii que la dicte lapis- )> série n'estoit point de Bruxelles, dit que par la marcque.

» Item dit le dict courretier icelle tapisserie avoir esté « vendue pour le prix de (rois florins douze sols l'aulne et » que ce sont huit pièces, dont pour sa paine il ha eu trois » gros sur la livre. »

De Pannemaeker, rappelé par le président, aflirma que de ces huit pièces plusieurs ne portaient pas de marques et que sur cinq ou six les marques étaient « hostées avecq de l'encre el qu'il n'avoit trouvé aucunes marques de la marque de Bruxelles, sinon les marques d'Enghien hostées. » Vrancx fut invité à ne pas quitter Bruxelles en attendant que Viglius eut conféré de l'affaire avec Marguerite de Parme (i).

A la suite de cet incident, au mois de mars 1539-1500, les doyens et jurés du métier des tapissiers de Bruxelles, d'accord avec les bourgmestres, échevins, receveurs et con- seil de cette ville, représentèrent au conseil de Brahant que l'empereur Charles-Quint avait fait publier le "IS juillet 1551 une ordonnance générale pour les tapissiers, mais qu'on ne l'observait pas à Anvers, cette industrie se développait de plus en plus. Quelquefois, direnl-ils, on s'y avise d'ôlcr les marques (jui sont placées sur les tentures et on vend alors ces dernières comme si elles étaient de Bruxelles {Brusselsche taïAsseryen); jiarfois aussi, ajoutè- rent-ils, on n'hésite pas à placer sur les tentures les manjues de cette ville, sans égard ))Our la défense sévère contenue dans l'art. 89 de l'ordonnance précitée. Le conseil de Brahant ht alors dépêcher des lettres closes, qui furent présentées par

(i) Papiers d'élal et de VaucUence, liasse n" 90.

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l'un de ses huissiers, le 22 mars, au hour^meslrc d'Anvers, sire Henri de Bercheni, mais celui-ci s'excusa de ne pas les publier immédiatement. Il prétendit d'abord qu'on ne lui en avait pas remis l'original, tandis que c'était une co))ie en due forme, aulbenlique au possible, signée par l'un des secré- taires. Puis, lorsqu'on lui fit remarquer que non-seule- ment Bruxelles, mais Louvain, Tii-Iemont, Diest, Gand, Bruges, Audenarde, Grammont, Tournai, Enghien, Binche, Hal, Lembecq, etc., observaient exactement les prescrip- tions de l'empereur, l'industrie de la tapisserie constituant l'une des principales des Pays-Bas, les magistrats d'Anvers élevèrent une autre contestation : ils alléguèrent leurs privi- lèges et demandèrent qu'on modifiât l'ordonnance impériale de 1544 (qui avait été publiée de nouveau en 1551); on leur répondit qu'il n'y avait dans cette dernière rien de contraire à leurs immunités et, sans s'arrêter à leurs objec- tions, le conseil de Brabant ordonna, le 28 juillet 1562, la publication immédiate de l'édit, publication qui devait avoir lieu en présence du margrave ou de l'écoutète (i).

Il semble qu'à cette époque Anvers, qui devenait de plus en plus un centre commercial de premier ordre, attirait les fabricants par les ressources qu'ils trouvaient pour la vente de leurs produits dans celte Galerie des Tapissiers ou Tapissiers pard que l'on avait établie, en 1551 et 1552, dans l'ancien couvent des Jacobins ou Dominicains, et aussi par l'absence de contrôle sur la fabrication, cette dernière a\'ant cessé d'y être le monopole d'une corporation. Parmi les Bruxellois qui, vers 1560, quittèrent leur ville natale pour

(i) Registres du Conseil de Brabant, ïi" 62i, î° 55.

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s'établir à Anvers, on doil citer un tapissier nommé Michel De Vos.

Les magistrats ayant projeté d'orner la chambre des États, dans le nouvel hùlel de ville, de riches tapisseries représen- tant le cours de l'Escaut et de ses affluents depuis Middel- bourg jusqu'à Bruxelles, avec paysages copiés dans le Brabant (i), il se présenta pour accomplir ce travail, en alléguant <|u'il avait déjà exposé des tapisseries au Pant cA (]u'il espérait augmenter considérablement le renom des ta- pisseries anversoises (^2). Les bourgmestres et les échevins renvoyèrent la demande de De Vos, le 15 janvier 1563-1564, à deux commissaires spéciaux, les doyens de la Halle aux draps Antoine Van Straten , chevalier, et sire Melchior Schets, qui l'invitèrent à préciser davantage ses propositions. Il les formula alors de la manière suivante : le peintre de la ville serait allé avec lui prendre le croquis des endroits commencerait et finirait le pays représenté et des chemins et paysages à reproduire. De Vos s'engagea, si on le choi- sissait, à terminer en deux ans les tapisseries qui seraient en soie et en or, aussi coûteuses (costelyck) qu'on l'exigerait; il consentit à n'être payé que trois ou six mois après l'achè- vement du travail, et à ce que l'on défalquât sur le prix con- venu les sommes qu'il devait à la ville. Nous n'avons pu découvrir si ces ofTres avaient été agréées.

(0 Nu heeft de suppliant verstaen dat uwe Ecrw. wel soude willcn hebben sekerc nyeuwe sorte van costelicke tappitserye dienende totte chierate in de staelcamerc van den nyeiiwen stadtlniy.se alliier, goniaict na den cours van der rivière van Middelborch aff lot Brusselc, nielle Brabantsclie landouwe daer oratrent, nae dleveii gelegen. Papiers d'étal et de r audience, liasse 100.

(î) Dat synen handele van Antwerpschc tappisseryen groolelick vermaerl ende gercnoraeert sal wordden. Ihidem.

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Les poursuites exercées au nom de Pliilippe II contre les partisans des idées nouvelles en matière de religion el l'an- nonce de l'arrivée du duc d'Alljc eurent pour résultat de chasser du pays un grand nombre d'artistes et de fabricants. Nous eûmes alors, sur une échelle plus grande encore, notre Révocation de l'édit de Nantes. Parmi les personnes qui furent incarcérées à cette époque à la Vrunte ou prison de Bruxelles, nous rencontrons un bourgeois qui portait le nom que tout une dynastie de tapissiers honora au XVII* siècle, celui de Raes, et un peintre appelé André DeMan; mais François Raes, ainsi que sa femme et quelques autres accusés, de même que De Man et ceux qui avaient été arrêtés avec lui, parvinrent à s'enfuir. On dut se borner à lancer contre eux un ban ou sentence par contumace, le 20 août 1561 et le 20 août 1565. Les peintres Jean de Witte et Nicolas Van Orley quittèrent aussi Bruxelles; sur l'invita- tion du duc de Wurtemberg Christophe, ils allèrent décorer le château de Stuttgard, commencé par ce prince 14 ans auparavant et qui depuis a été rééditié. Ils y peignirent des plafonds et y dessinèrent des cartons pour tapisseries. D'après M. Rahlenbeek (i), le duc Christophe implora en vain le duc d'Albe pour eux, et, en effet, les deux artistes figurent sur la liste de proscription dressée par le conseil des troubles, le 15 février 1569-1570. Van Orley aban- donna Stuttgard pour Cologne, De Witte se fixa égale- ment avec deux autres Bruxellois, proscrits comme lui, Adrien De Conincxloo , marchand de draps de laine, et Raimond Reingout.

(i) Messager des sciences historiques, année 1862, p. 285.

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Nous avons déjà remarqué que les vengeances exercées au nom de Pliilippe II frappèrent le monde des artistes et des fabricants à Enghien et à Bruxelles. Dans cette der- nière ville, le tapissier Jean Van Diegem; à Tournai, le « hauUelisseur » Arnoul Ilenno furent aussi proscrits. On ne se borna pas à ces mesures contre les personnes, les i)ro- duits de l'industrie des tapisseries furent saisis, avec le res- tant des mobiliers, dans les liùlels de ceux qui étaient accusés ou avaient quille le pays. Presque tous nos grands seigneurs possédaient de riches tentures et surtout des tapis- series bruxelloises. On fit un choix des plus belles, qui furent réservées pour le roi et envoyées ;i Madrid; quant aux autres, on en fit don à de fidèles serviteurs ou on en pres- crivit la vente à l'encan (i). Quand les partisans de la réforme triomphèrent à leur tour et furent maîtres de Bruxelles, ils procédèrent de la même manière, et l'on vendit, en 1580, aussi bien des tapisseries provenant du jialais et de rancienne salle du conseil des troubles que celles de la chapelle de Ravestein, aux Dominicains, et de réalise du Sablon. Dans l'une et l'autre de ces occasions, des objets d'art de grande valeur et d'un haut intérêt furent les uns exportés du pays, les autres aliénés à vil prix et dispersés (2).

Le duc d'Albe partageait le goût de cette époque |)our les tapisseries. A peine installé dans son gouvernement, il char- gea un tapissier nommé Jean Flameng d'en exécuter pour

(0 Voyez (le plus grands détails a ce sujet dans VArl, iiiiniéro du !2G no- vembre 1876.

(î) Bullelins delà Commission royale (llnstoire, ô« série, I. \IV, p, 307.

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lui; mais, soit que ce inailre fui étranger à Bruxelles, soit pour quelque autre iiiotil', le métier souleva des diflicultés. Le duc n'était pas homme à s'arrêter devant une pareille op- position. Le 6 juillet! 568, il écrivit à Jean de Locquengliien, qui était amman, c'est-à-dire premier officier du souve- rain à Bruxelles, d'aider de tout son pouvoir Flameng, afin qu'il pût se procurer des maîtres ou autres ouvriers et quatre « instruments » ou métiers à travailler. Les tapissiers, disait-il en terminant, ne sont pas fondés dans leurs prétentions, l'ouvrage se faisant au palais et pour le duc lui-même (i).

Il est resté un autre témoignage de ce goût du célèbre lieutenant de Philippe IL En mémoire des succès qu'il rem- porta aux bords de l'Ems, à Gemmingen, sur les troupes commandées par Louis de Nassau , il fit confectionner, à Bruxelles, trois tapisseries tissées d'or et d'argent, qui sont décrites dans le catalogue des objets d'art provenant des maisons d'Albe et Berwick, et qui ont été mises en vente à Paris, au mois d'avril 1877. Elles ont été exécutées dans les ateliers de Guillaume De Pannemaeker, dont on voit la marque, consistant en un W (initiale de Willem ou Guil- laume), surmonté d'un P deux fois barré, sur la troisième pièce; en outre, cette dernière et la première présentent les deux B de rigueur, séparés, non par un écusson, mais par un fleuron qui varie de forme.

Le Catalogue donne une bonne description de cette ten- ture. On aperçoit d'abord une ville forte, défendue par un fleuve et protégée en outre par les campements d'une armée

(i) Le texte de cette lettre a été publié par M. Pinciiart, dans l'Arl, l. c, p. 210.

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que l'on aiieiroit, formée de bataillons et d'escadrons disposés sur une très-longue ligne. Les Espagnols, dont les tentes s'étendent à perle de vue, vont marcher à l'ennemi, ban- nières déployées; ils sont massés en demi-cercle et couverts par leur artillerie. Au premier plan, des soldats arrêtent et interrogent des paysannes; un peu plus loin, des paysans chargés de provisions se hâtent de rejoindre l'armée. La deuxième scène nous montre le passage du fleuve forcé par les Espagnols, malgré le feu des canons ennemis : d'une part, l'armée vaincue se retire en désordre, et, d'autre part, des bataillons et des escadrons arrivent parfaitement rangés. Sur la troisième pièce, les escadrons vainqueurs fondent sur les cavaliers qui leur sont opposés et qui essaient de couvrir la retraite d'une infanterie déjà mise en déroute. Le champ de bataille est couvert de morts et de blessés ; dans le haut on aperçoit les batteries et la ville abandonnées par les vaincus.

« Rien, dit M. Charles Blanc (i), de plus curieux, de » plus animé, de plus pittoresque et de mieux entendu que >^ les Victoires du duc d'Albe... En homme bien avisé, » l'inventeur de ces charmantes tapisseries a placé Irès- » haut son point de vue, de manière à n'y ménager qu'une » étroite bande de ciel, rayée de nuages et coupée encore » par des bouquets d'arbres lointains ou par les fumées de » la bataille. Il évitait ])ar de laisser un grand vide dans » le haut de la composition, ce qui est toujours fâcheux et » mal compris, par la raison que la tenture ressemble alors ). à une fenêtre ouverte par laquelle entrent ou passent des

(i) Collection du duc de Bertvick cl d'Albe (Paris, 1877, gr. in-!S»), p. 20.

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» lîgurcs, au lieu ({u'cllc (li)il doniui' l'idrc d'un Irunic'iù » couvert, d'un mur revêtu de laine. » Les bordures seules sont un objet d'admiration; au bas, ce sont des com- positions se rapportant au sujet : ici, des canons, des convois de munitions, des cliariols remplis de vivres, gardés par des pionniers, d'autres fantassins et des cavaliers ; plus loin, des voitures chargées de butin, conduites par des paysans et des soldats, et, enfin, un convoi de prisonniers et de char- rettes remplies d'objets pris sur l'ennemi, entourés par des cavaliers et des hallebardiers. Sur les côtés des tapisseries on voit des écussons et des paysages peuplés de quadru- pèdes et d'oiseaux. En haut, sur fond rose, s'étalent les armes du duc d'Albe et les lettres F, M. (initiales de ses prénoms, Fernand -Marie). La première pièce mesure G"'8o de large sur 5"'80 de haut, la deuxième 5'"65 sur 5™80, la troisième 6'"60 sur 5'"90.

Les victoires du proconsul auquel Philippe II avait aban- donné nos malheureuses provinces et les massacres ordonnés par ce farouche capitaine ne purent maintenir les Pays-Bas dans l'obéissance. Repoussés de la petite ville d'Alcmaer, vaincus sur mer en Zélande comme sur le Zuyderzée, les Espagnols se virent impuissants à dompter la révolte et d'Albe dut se retirer pour céder la place à Requesens, qui mourut à la tâche. De 1576 à 1585 les provinces méri- dionales des Pays-Bas furent constamment le théâtre de la guerre. L'industrie traversa alors une crise longue et redoutable, car au milieu des sacs de ville et des batailles il eût fallu une grande dose de courage et de confiance pour songer à commander ou à confectionner des objets de luxe. C'est pourtant de 1580 que date la tenture bruxelloise dite

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Le Triomphe de Cliasleté, dont MM. Flandin et Leclanché possèdent un fragment. Les tètes des personnages, et surtout la jeune fille qui symbolise la chasteté, sont pleines de caractère ; on admire aussi la bordure, formée de feuillages etde fruits (i).

Pendant que la lutte était à son maximum d'intensité, alors que le prince de Parme, Alexandre Farnèse, marchait de succès en succès, on affectait une certaine tolérance pour les transactions en matière de commerce, par la raison que, si elles étaient favorables à l'ennemi, elles offraient aussi des avantages à ceux qui reconnaissaient l'autorité du roi. C'est ainsi que nous voyons accorder des passeports ou sauf- conduits : le 28 mars io8o, à Daniel Stucrbnut, marchand d'Anvers, pour acheter des tapisseries à Audcnarde (2); le 28 janvier 1591, à Jean de la Groeze, tapissier de Bruxelles, qui désirait aller en Hollande pour y terminer un procès et en ramener sa femme et ses enfants (0), et, à une date qui n'est pas précisée, en faveur d'Anglais qui voulaient acheter des tapisseries à Audenarde ou à Bruxelles. Voici le texte de cette dernière pièce, qui se trouve classée dans une liasse appartenant aux mois de mars et d'avril 1588 :

« A tous etc. Aiant, à la réquisition du seigneur milord » Cobliam et quelques autres seigneurs, accordé noz lettres » de passeport aux sieurs Guillaume Cooper et Harrigo )i Pyn de povoir aller librement d'Ostende vers les villes » d'Audenarde et Bruxelles, pour achapler tapisseries et

(1) Castei., /. c, pp. 157 et 511,

(2) Papiers d'étal et de l'audience, liasse 2^\.

(3) Ibidem, liasse 285.

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» on après relonrner avccq icclles audict Ostcndc ou vers » la part que les députez de la Sérénissinie reyne d'Anglo- » terre se trouveront, Nous vous mandons et commandons » (le par Sa Majesté bien expressément et à certes de laisser » librement et francement passer dudict Ostencle vers les » dictes villes d'Audenarde et Bruxelles les dicts Cooper » et Pyn, et retourner avec les tapisseries qu'ilz auront » acheté vers le dicl Ostende ou bien es lieux les dicts » députez se retrouveront, sans leur donner, tant en allant » que retournant, aucun empeschement ny arrest, ains au » contraire toute ayde et assistence qu'en auront de besoing » et dont ilz vous requéreront.

« Donné.... (i).

On s'explique ainsi comment l'Angleterre a pu demander à un fabricant, François Spiering, que l'on sait avoir tra- vaillé à Bruxelles (2), la série de dix pièces qui orna longtemps la salle de réunion de la chambre des lords à Londres, elle fut anéantie par un incendie, en 1834 (3), et qui représentait la destruction de \'Ar7nada ou expé- dition navale envoyée par Philippe II contre l'Angleterre,

(0 Ibidem, liasse 265.

(2) V. plus haut, t. XV, p. 475. Nous ne savons rien de la vie de François Spie- ring, mais nous constatons, d'après les Archives de la ville, ce l'ait que les fonctions de maître des travaux (handtwercker) et de maître de l'artillerie de la commune furent exercées pendant plus d'un demi-siècle par des membres de la famille Spierinck : Pierre, nommé le 3 avril I080; Michel, nommé après la mort du précédent, le l" juillet 1598; Josse, tils de Michel et qui lui fut adjoint le •li février 1621 ; Nicolas, frère de Josse, nommé !o 18 novembre 1626 et le 3 octobre 1659.

(3) Une gravure du grand ouvrage de Maitland, The hislonj of Londoii (1754-1756, 2 vol. in-folio), nous montre la grande salle de la chambre des Lords décorée des tapisseries de Spierinck,

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en lo88. Si l'on en croit Yan Mander, que Marielte el Sandrart (i) ont copié, ce fat l'amiral anglais, lord Howard, qui chargea François Spiering de les exécuter; le tapissier voulut charger du soin de faire les cartons Van Mander, mais celui-ci, n'ayant pas une connaissance suffisante de la construction des navires, l'adressa au peintre hollandais Henri-Cornelis De Vroom, d'Harlem, qui avait fait une étude particulière de tout ce qui se rattache à la mer. De Vroom quitta ensuite sa résidence de Zandvoord et alla en Angleterre, l'amiral, pour lui montrer sa satisfaction, le gratifia de 100 llorins. De Vroom, de i-etour chez lui, peignit sur une grande toile la septième des scènes de VArmada et la montra au prince Maurice, le fils du Taci- turne, el à l'amiral Justin, son parent, qui ne ])urent voir ce travail sans admiration.

Les tapisseries de Spiering sont reproduites dans la belle publication de John Fine, intitulée : Tlie tapesiry liançiings of the house of Lords (Londres, 1755, 2" édit., in-folio). Elles représentent les principaux épisodes de la désastreuse traversée de la Manche par les Espagnols. Chaque pièce est ornée dans le haut des armes d'Angleterre, avec la devise : Dieu et mon droit. Le peintre a jeté au milieu et autour dos Hottes des animaux marins et surtout des dauphins. Autour de chaque tapisserie règne une large bordure qui, dans (pielques-unes, a été modifiée, mais qui, dans les autres, est restée intacte. On y voit aux angles supérieurs des armoiries et ailleurs, entourés de fleurs, de

(0 Maiiiktti;. Sandr.vht, Acudemia urlis pictoriue, \k iJ7i.

fruits, d'oiseaux, d'enfants, etc., 22 médaillons reprodui- sant les traits des principaux capitaines anglais. Voici les sujets de ces tapisseries :

1" La flotte espagnole entre dans le Canal. ou la Manche et est aperçue à la hauteur du cap Lizard ;

Cette flotte s'avance, rangée en croissant et poursuivie par les vaisseaux anglais ;

3" Premier engagement entre les deux flottes, après lequel les Anglais donnent la chasse aux ennemis, dont les vaisseaux se groupent en forme de cercle;

4" Le galion de Valdez, ayant perdu son mât d'artimon, est pris par sire Francis Drake ; le lord-amiral, commandant les vaisseaux le Bear et le Mary-Rose, s'avance vers l'en- nemi, qui se forme en croissant;

5" Le vaisseau-amiral de l'escadre de Guipuscoa ayant pris feu, est capturé par les Anglais ; les autres navires conti- nuent à avancer, toujours dans le même ordre et, arrivés près de l'ile de Portland, livrent un nouveau combat;

6" Quelques vaisseaux anglais attaquent l'ennemi, qui se forme en rond ; puis, reprend sa course, toujours poursuivi par les Anglais ;

7" Principal engagement entre les deux armées navales, livré près de l'île de Wight le 23 juillet;

8'^ La flotte espagnole s'avance dans le canal afin d'attein- dre Calais et Dunkerque, elle comptait être rejointe par les forces de terre et de mer réunies par le prince de Parme ;

9" La flotte espagnole, arrivée près de Calais, est inquiétée ])arles brûlots envoyés contre elle; les Anglais se préparent à profiter du tlésordre jeté dans X Armada;

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10" Les Espagnols Ibnl voile vers le Nord, lorleinenl attaqués par les Anglais, qui se mettent à leur poursuite. La chef-galéasse de Y Armada échoue et est prise.

Le tapissier Spierinck résida peut-être, pendant quelques années, dans les Provinces-Unies ou provinces septentrio- nales des Pays-Bas, avec tant de Brabançons et de Flamands qui y cherchèrent un refuge. Dans ces contrées jusfju'alors on n'avait guère réussi à implanter l'art de fabriquer des tentures, on vil se produire quelques essais en ce genre, essais dont les résultats ne furent pas durables. Ainsi à J)elft, Josse-Jean Lanckeert, bas couler (bas-coutier) tapis- sier, se chargea, le 24 février lo87, d'exécuter pour l'hôtel de ville de Leyde, d'après un dessin de Hans ou Jean Liefring, une tapisserie en fine sayette, avec quelques détails en or, représentant la délivi-ance de celte ville en 1j74; cette pièce, qui existe encore, fut payée 12 florins de 40 gros par aune (i). A Middelbourg, Jean De Maegd fabriqua, en 1598, des tapisseries représentant les défaites des Espa- gnols par les Zélandais, tapisseries qui ont figuré à l'expo- sition universelle de Paris, en 1867; elles ornent habituelle- ment la salle des séances du conseil provincial, dans l'ancienne abbaye de Middelbourg (2). A Harlem, Joseph Thibaud exécuta, vers 1G29, pour l'hôtel de ville, trois tapisseries dont les sujets étaient empruntés aux annales de la localité. Ainsi encore Maximilien Vandcr Gucht orna de la même manière, vers 4GiO, l'hôtel de ville de Delft. Les fabricants hollandais ne tardèrent pas à étendre leur activité aux pays

(0 De Navorscher, t. VII, p. G6. (2) Ibidem, t. V, p. 56.

ii25

étrangers : Cliarles Van Mander, de Délit, vendit, au prix de 17 tlialcrs l'aune, des tentures qui servirent à décorer la salle des chevaliers ou salle d'honneur du château de Fric- drichsburg, et les frères Van Eyck ou Vander Eycken Tondirent à Kioge, près de Copenhague, une fabrique de tapisseries, d'où sortirent les douze grandes pièces qui ornent encore le Rosenburg, dans la capitale du Danemark (i).

Au commencement du xvii^ siècle, dès que les guerres de la Ligue furent terminées et la paix conclue entre l'Espagne et la France, la tapisserie bruxelloise se trouva en face d'une concurrence d'autant plus redoutable qu'elle était multiple. De tous côtés, à Paris, en Angleterre, dans les Provinces- Unies, en Allemagne, en Italie, on essaya d'imiter ses procédés, et chez plus d'une nation, en lui enlevant ses débouchés, on lui fit une guerre de tarifs. Un souverain sur- tout fit des efforts considérables dans ce but. Nous voulons parler du roi de France Henri IV qui, devançant l'œuvre de Golbert, voulut élever la puissance industrielle de son royaume et y établit des fabriques de toute espèce et, en particulier, des fabriques de soieries, dans l'intérêt des- quelles il fit cultiver le mûrier sur une large échelle. Sans se laisser ébranler par les objections de son ministre Sully, il persista dans ses projets, et si ces derniers n'ont pas produit immédiatement tous les résultats que le Béarnais en atten- dait, la France ne peut que lui en être reconnaissante, car ils l'ont dotée de richesses nouvelles. Sully était un milila-

(i) Publications de la Société historique d'Urrecht , Kronyk, année 1865, pp. 480 et 310. Voyez aussi Rahlenbeek. dans le Messager des sciences historiques, année 186-2, les Vander Eycken sont considérés comme des Belges ayant travaillé pour le roi Chrétien V.

^2U

risle, il ne rèvyil (jiic guerres et conquêtes, il n'avait de souci que pour l'agricullure, parce qu'elle endurcit les corps à lu fatigue et les prépare à la vie des camps, (andis que le travail des ateliers énerve et étiole. Pour lui, loin d'encou- rager le luxe, il fallait l'enrayer, édicter des lois somp- tuaires, et revenir, pour les dépenses que les particuliers pouvaient se permettre, à la simplicité du temps de LouisXI, de Charles VIII, de Louis XII (i). Le roi avait beau jeu avec son adversaire; mais celui-ci, qui nous a conservé le souvenir de leurs discussions, n'énumère pas les arguments de Henri comme il le fait pour les siens. Le lecteur les de- vine. Un seul, au surplus, résume et remplace tous les autres : le roi, avec raison, reproche à son ministre que ses règlements bizarres vont lui mettre sur les bras les gens de justice, des finances, d'écritoire et des villes, et surtout leurs femmes et leurs filles. Gomme Henri IV connaissait son peuple, disons mieux, connaissait le monde, et comme Sully mécon- naissait le génie de sa nation ! La réglementation à outrance, le roi faisait bien de s'en moquer, et il jugeait avec raison que Paris n'est pas fait pour être la Sparte, mais l'Athènes de l'Europe. Si le roi avait échappé au couteau de Ravaillac, Sully l'entraînait dans une expédition qui pouvait, il est vrai, porter le royaume au faite de la grandeur, mais aussi armer contre la France une coalition formidable et rouvrir les blessures que le gouvernement sage et prudent de Henri IV avait fermées.

Dès 1001 Henri IV lit venir de Flandre des ouvriers en

(0 Sully, Mémoires el œconomies royales d'estal de Henri/ le Graud, I. IV, p. 68.

2^25

tapisseries, qu'il plaça sous la direction de Fourcy, inten- dant et ordonnateur des bâtiments. Par des lettres |)alentes datées du 1 1 septembre, il interdit d'une manière absolue l'importation dans ses états des « tapisseries à personnages, bocages et verdures » provenant du dehors, sous peine de confiscation des fabricats saisis, dont le prix devait être partagé par tiers entre le souverain, le dénonciateur et la nouvelle compagnie des fabricants tapissiers. Cette dernière fut comblée de faveurs. Elle avait pour chefs Marc Goomans et François de la Planche (ou plutôt Van der Planken), qui étaient probablement de Bruxelles, car ce que l'on tra- vaillait dans la fabrique installée par le roi à Saint-Marcel, c'était des tapisseries de Bruxelles. Sully voulut s'opposer aux libéralités de son prince en faveur des tapissiers, mais il le trouva inébranlable sur ce chapitre et il termina la discussion en disant qu'il n'aurait pas autant insisté : « si » j'eusse estimé, Sire, que vous eussiez tant déféré aux « opinions des Bourgs et des Gomans » (i). L'expression des Bourgs fait allusion au tapissier Du Bourg, que Henri IV avait aussi appelé de l'étranger (2) ; les Comans sont pour désigner Marc Goomans et ses compagnons.

L'installation de ceux-ci ne s'opéra pas sans difficulté.

{i) Sully, /. c. L'éditeur des Mémoires de Sully a vu à tort, dans cette phrase, l'emploi d'une » expression proverbiale ».

(2) Du Bourg et son fils furent logés par Henri IV dans une maison qui s'appelait la Maque (voyez Palma.-Cayet, Chronologie septennaire, p. 258, dans MicHAUD et PoujouLAT, Mémoires pour servir à Vliisloire de France, t. XII). Leur véritable nom n'aurait-il pas été Vander Borglit ou Vander Burcht, nom qui était alors porté par plusieurs artistes bruxellois d'origine, et dont un, le graveur Jean Vander Burcht, était établi à Paris dès 1612. (Voyez Jal, Dictionnaire critique de biographie et d'Iiistoire, p. 293 (2" édit. Paris, Pion, 1872).

:2^i(3

Leurs rivaux de Paris ne les voyaient qu'avec déplaisir el leur reprochèrent, le 16 mai 1601, do ne pas vouloir se joindre à leur corporation (i). Les Belges, en elTet, s'elTor- eaient de s'isoler, afin de mieux conserver les avantages que le roi leur avait assurés. Ces avantages étaient considérables : nos tapissiers obtinrent la faculté de travailler et d'ouvrir boutique sans être tenus à exécuter un chef-d'œuvre, d'être exempts de tailles, de logements militaires et d'autres charges ordinaires et, en outre, de droits d'entrée pour leurs étoffes, c'est-à-dire pour leurs matières premières. Us furent autorisés à travailler aussi pour les particuliers et, con- cession faite à leurs usages nationaux, il leur fut permis d'établir des brasseries et des débits de bière pour eux el leurs ouvriers. Le roi leur promit une somme de 100,000 livres et une pension annuelle de 15,000, et leur donna pour logement une partie de l'ancien palais des Tour- nelles. Enfin, laveur insigne et que l'Espagne n'octroya jamais aux plus méritants de nos tapissiers, Coomans et de la Planche furent ennoblis. En retour de tant de bienfaits, ils furent seulement astreints à maintenir 80 métiers au moins en activité et à vendre au même prix qu'on le faisait à l'étranger.

Au mois de janvier 1607, le roi confirma aux tapissiers les privilèges qu'il leur avait octroyés, mais il tarda long- temps à leur payer les 100,000 livres en question, ce qui provoqua de leur part des plaintes qui étaient, il faut le reconnaître, très-fondées, car leur installation dut leur coû- ter cher. Henri IV insista auprès de son ministre pourcju'on

(i) CiiAMi'OLLiON-FiGEAc, DocuTTients historiquc's iiiédils, t. IV, p. 196.

227

les satisfit : « s'ils se retiroieiit, dit-il dans une lettre du » 13 mars 1607, je perdrais tout ce (|ue j'ai fait pour les » conserver ()). » La bonne volonir du monarque resta im- puissante et à peine fut-il mort (|ue plusieurs des établisse- ments fondés par lui disparurent. « Il en a cousté, dit un » écrivain du temps, de grands deniers à Sa Majesté, perte » et ruyne à ses subjets, témoins les tapisseries de Bi-uxelles » à Saint-Marcel, les toilles façon de Hollande à Mantes, les » draps de soye et de Milan.... dont aujourd'huy il ne pa- » roit marque et vestige (2). »

L'atelier dirigé par Marc Coomans n'a donc eu qu'une durée éphémère et celui de de la Planche n'eut pas un meil- leur sort, comme le prouvent ces lignes du mémoire auquel j'ai déjà fait plus d'un emprunt : « La fabrique de M. de la » Planche, qui a eu le même sort, je veu.x dire qui est )' pareillement éteinte, est venue ensuite; il est bien » fâcheux qu'un si digne conducteur n'ait point laissé de » successeurs, vu les beaux morceaux qui restent de celte y fabrique: on a toujours estimé la beauté de ses dessins et » estimé leur régularité ; ses belles verdures à oiseaux et ses » magnifiques paysages lui ont toujours fait donner beau- » coup de louanges ; son goût dans les nuances étoit tendre » et de durée, le coloris fort beau, imitant beaucoup les car- » nations de Raphaël et de Rubens; ses draperies arliste-

(1) SlLLY, /. C, t. VII, p. 171.

[i) Mémoire concernant les pauvres qu'on appelle enferme:, daté de 1612, dans les Archives curieuses de l'Histoire de France , 1" série, t. XV, p. 265. Francisûuc Michel, Recherches sur le commerce, la fabrication et l'usage des étoffes de soie, d'or et d'argent en Occident (Paris, Lahire, 1834, 2 vol. in-i"), t. II, p. 296.

228

» ment nuancées, d'an travail naturel et d'une belle » ordonnance. Cette fabrique étoit fine, ronde, unie et facile j> à distinguer des autres par une extrême beauté ; la finesse » a toujours éclaté dans ses tapisseries et même dans celles » qui paraissoient d'un travail un peu dur. Sa marque étoit » une tleur de lis avec un P (i)-

Il est à remarquer, toutefois, que la fabrication des tapis- series historiées ne cessa pas d'exister à Paris. Après avoir erré un peu dans tous les coins de cette grande ville, elle se fi.xa, en 1G50, aux Gobelins, ancienne teinturerie qui devait son existence à des Hollandais.

Vers ce temps, un grand nombre d'ouvriers quittèrent notre pays (2) et particulièrement Audenarde,oii le magistrat exerça en vain une active surveillance contre ceux qui les embauchaient. En 1605, une personne qui s'était rendue cou- pable de ce dernier délit fut arrêtée. En 1 OOG on publia une ordonnance qui punissait de la confiscation de leurs biens les tapissiers qui s'expatrieraient sans la permission de l'autorité locale, et d'une amende de 100 florins les parents et tuteurs qui laisseraient leurs enfants ou pupilles sorlir du pays (0). Mais il y avait sans doute, dans la situation de l'industrie à Audenarde, des conditions réelles d'infériorité, car nous voyons plusieurs fabricants quitter cette ville pour aller habiter ailleurs, soit dans les Pays-Bas, soit en France ou

(1) I'. iiu.

(î) iMentionnons encore, parmi les tapissiers flamands que Henri IV attira en France, François Verrier, auquel le roi fit payer 200 écus. Archives curieuses de l'histoire de France, T" série, t. XV, p. 195.

(3) Van CAUWENBEItGME, / c.

229

en Angleterre. Ainsi Vincent Van Quickelberghe (i) en partit pour se lîxer à Arras et de se rendit à Lille, on le magistrat, pour le retenir, lui accorda une allocation de 100 Horins par an, pendant neuf ans, et diverses exeinp- tions(l2avril 1625). Les Van Quickelberghe paraissent avoir eu l'humeur très-voyageuse, car ils ne tardèrent pas à émi- grer en Angleterre. Ils furent remplacés à Lille, en 165i, par un autre enfant d'Audenarde, Jacques Van Caneghem, don! la fabrique parait ne s'être maintenue que quelques années. Il était réservé à des Bruxellois d'implanter véritablement l'industrie des tapisseries dans le chef-lieu de la Flandre Gallicane, à la fin du xvii* siècle (2).

D'autres essais furent encore tentés ailleurs en France, mais sur une échelle moindre. C'est ainsi qu'un nommé Daniel Pepersack fut appelé , avec quelques-uns de ses compatriotes, par Charles de Gonzague, duc deMantoue, qui fonda, en 1606, Charleville sur la Meuse, à proximité de Mézières. Daniel partit de pour Reims et y confectionna, à la demande du cardinal Henri de Lorraine, vers 1657, des tentures représentant des scènes de la vie du Christ et qui existent encore.

Le roi de Danemark Christian IV et Ferdinand d'Au- triche, duc de Gralz, depuis empereur, attirèrent aussi dans leurs domaines des artisans des Pays-Bas , mais sans employer des moyens d'embauchage défendus pas les lois. Ils sollicitèrent à cet effet une autorisation du gouverne- Ci) Il exécuta pour la ville de Valenciennes, en 1620, une tapisserie repré- sentant une chasse, comme le fit, la même année, un de ses compatriotes nommé Antoine Blommaert {Revue universelle des arts, t. XVI, p. 208). (2) Voyez HouDOY, Les tapisseries de haute-lisse, pp. 71 et suivantes.

250

ment espagnol, aulorisation (jui l(Mir fui accordée. Maximi- lien, duc de Bavière, qui était étroitement lié avec les archiducs Albert et Isabelle par une conformité absolue de vues politiques et de croyances religieuses, imita cet exemple. Déjà son aïeul, le duc Albert, avait, en 15G'), voulu attirer dans ses états des tapissiers belges et entretint à ce sujet une. longue correspondance avec le célèbre banquier Hans Fugger, d'Anvers. Dans l'une de ses lettres, celui-ci demande si l'on a l'intention de faire des tapisseries fines ou communes; ces dernières se fabriquaient à Enghien et en Flandre et coûtaient de 6 à H florins l'aune; celles-là s'exécutaient à Bruxelles et aussi à Anvers et le prix en variait de 11 à 25 florins. Veut-on fabriquer, dit-il ensuite, des histoires, des verdures ou des solitudes avec bêtes féroces, et est-on dans l'intention d'exécuter assez de lapis pour que les maîtres qui seraient disposés à émigrer puissent être indemnisés, eux et les 10 ou 20 compagnons qu'ils amèneront avec eux ? Le 5 février, Fugger annonça que deux maîtres étaient prêts à partir pour Munich, mais l'affaire parait alors en être restée (i). Maximilien réussit mieux que son aïeul. En 1605 il fonda à Munich une fabrique de tapisse- ries, et l'année suivante il en confia la direction à Hans ou Jean Vander Biest. Celui-ci travaillait, en 1008. avec 19 compagnons ou ouvriers et un apprenti ot compta ensuite jusqu'à 57 ouvriers; il fut rejoint, en 1611, par l'u!) de ses compatriotes, appelé Jean Vanden Bosch. Il exécuta sur les dessins du célèbre architecte bruseois Pierre De

(i) Stockbauer, Die Kunsfbestrebungen am heyeruche Hofe, p. \\8{Qiiel- Ifiiscltrifteii fur Knmlteihnih dex MilleJaUen uiid der Reuamanci'. t. VI IF).

251

WiUe ou Candidus, une longue série de tapisseries, en soie et or, re|)résentant des épisodes de la vie du fondateur de la maison de Bavière, Otiion de Witleispacli , et qui meuble encore les musées et les palais de Munich. Lorsque son œuvre fut terminée, on ferma la fabrique, dont les ouvriers se dispersèrent et dont l'entretien devenait une charge par trop onéreuse, depuis que la terrible guerre civile connue sous le nom de Guerre de trente ans exerçait ses fureurs en Allemagne (i).

Leduc de Lorraine fit des efforts, des tentatives analogues. Par l'intermédiaire de sa tante Dorothée, veuve du duc de Brunswick Éric, il voulut organiser à Nanci des ateliers de tapisseries. Le Bruxellois Herman Labbe vint, en 1612, en prendre la direction. L'année suivante, deux de ses conci- toyens, Isaac de Hameia ou de Hammels (?) et Melchior Van der Hagen, se fixèrent dans la même ville avec six autres maîtres-ouvriers et reçurent du duc, à cette occa- sion, un subside de 450 florins et la promesse d'une alloca- tion annuelle consistant en 100 résaux de froment, mesure de Nanci, allocation qui leur devait être fournie pendant six ans. Ce contrat paraît n'avoir pas été exécuté, non plus qu'une autre convention passée en 1616 et stipulant éga- lement une allocation en blé au profit de Bernard Van der Hameyden, qui s'engagea à amener en Lorraine des maîtres et des ouvriers, à y introduire l'art de la tapisserie et à v travailler pendant dix années (2).

(1) Katalog fur die Ausstellung der Werke aelterer Meister. Munich, 4876, in-12. PiNCHART, Voyage artistique, dans le Bulletin des Comniissioiis d'art et d'archéologie, t. VII, p. 207.

(2) Ibidem, t. VII, p. 204, d'après Lepage, Les communes de la Meiirthe.

232

Si cet établissement n'a iaissi' de traces que dans les ar- chives, il n'en a pas été de même de celui de Mortlake, près de Londres, dans le comté de Surrey, le roi d'Angleterre Jacques I" et ses successeurs firent confectionner des tapis- series de haute-lice, à l'imitation de celles de Belgique. L'origine de la faveur qui s'allacha à ce nouvel établis- sement est facile à deviner. Lorsque, en 1C2Ô, le prince de Galles, Charles, fils aîné du roi Jacques, et depuis roi à son tour sous le nom de Charles P', visita l'Espagne, le roi Philippe IV, ordonna d'organiser pour lui une splen- dide procession. A cette occasion, on orna les places et les rues de Madrid des magnifiques tapisseries du palais et no- tamment de celles qui représentent la Conquête de Tunis et les Histoires de Noé et d'Abraham. Quelque temps après, lorsqu'on baptisa à l'église Saint-Jean l'infante Marguerite- Maj'ie, on étala celles on voyait l'Hisloire de Jacob (i).

Ce fut évidemment l'aspect de ces tentures qui séduisit le prince anglais et le détermina à soutenir de tout son pouvoir l'établissement de Mortlake. Les rois d'Angleterre ne se contentèrent pas d'appeler dans leurs états des ouvriers et de les retenir par leurs bienfaits et leurs commandes; afin de leur mettre de bons modèles sous les yeux, ils achetèrent tous les cartons qu'ils purent trouver, et c'est d(; la sorle qu'ils réussirent à faire exécuter de nouvelles séries des Actes des Apôtres, d'après Ra))haël; des Douze Mois dit de fAicas, de l'Histoire de VuLcain, etc. L'un des premiers directeurs de cette fabrique fut Francis Grane, chevalier,

fi) Mi'rciire fraurais, I. IX, pp. 555 et 71 î, cité dans FitANcisyiK miche?..

255 - -

dont les initiales se trouvent sur plusieurs tapisseries (i). C'est à tort que l'on a prétendu que Cranc mourut en 1705, âgé de 62 ans, cai", si l'on adoptait ces données, il n'aurait pu travailler, ni pour Jacques I", ni pour Charles I" (2). Or il est certain que l'un et l'autre de ces monarques lui accordèrent de grandes faveurs. Jacques lui octroya une subvention de 2,000 livres sterling pour le soutien de la fabrique de Mortlake, et Charles, après lui avoir alloué 1,000 livres par an, promit de lui payer, tous les ans et pendant dix ans, le doublé* de cette somme, afin qu'il put maintenir et développer le même établissement.

On a supposé que sire Francis était d'origine flamande; le fait semble prouvé par son nom et par cette circonstance que l'une de ses descendantes, mistress Marckham, qui habitait dans le comté de Lincoln, appartenait à la religion catholique.

Outre ses nombreux travaux pour les monarques anglais. Crâne en entreprit pour l'aristocratie civile et religieuse de la Grande-Bretagne. C'est ainsi qu'il vendit à l'arche- vêque d'York une tenture représentant les Saisons, pour 2,500 livres. L'exposition de l'Union Centrale des Arts, de Paris, de 1876, présentait plusieurs spécimens importants exécutés sous sa direction et celle de ses successeurs ; en général, ils paraissent inférieurs aux tapisseries de la même époque travaillées dans les villes des Pays-Bas et surtout aux tentures bruxelloises.

CA continuer.) ALPHONSE WaUTERS.

(«) Voyez Vertue, Anecdotes of painting in England, publiées par Horace Walpole, t. II, p. 22 (Londres, 2*^ édition). (2) Ibidem.

COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS,

AREÊTÉ DE NOMINATION D'UN MEMBRE DE LA COMMISSION.

LÉOPOLD II, Roi des Belges.

A tous présents et à venir, Salut.

Sur la proposition de nos Ministres de l'intérieur et de la justice ;

Nous avons arrêté et arrêtons :

Art. 4''. M. Garpentier, E., architecte, membre cor- respondant de la Commission royale des monuments pour la province de Hainaul, est appelé aux fonctions de membre effectif de cette Commission, en remplacement de M. le baron de Roisin, décédé.

Art, 2. Nos Ministres de l'intérieur et de la justice sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté.

Donné à Bruxelles, le 50 mars 1877.

(Signé) Léopold. Par le Roi : Le Ministre de nntérieur, (Signé) Delcour.

Le Ministre de la justice, (Signé) De Laxtsheere.

"JTt.i

RESUME DES PROGES-VERBAUX.

SÉANCES

des 2, 5, 10, m, 17, 23, 24 et 51 mars; des 4, 5, 7, 13, li, 20, 21 et 28 avril 1877.

PEINTURE ET SCULPTURE.

La Commission a approuvé :

r Les plans des travaux de décoration murale à exécuter, j^ p^«{;^î„,,t par M. Dobbelaere, dans le chœur de la nouvelle église de Rochelbrt (Namur) et le placement de verrières peintes;

2" Le devis présenté par M. Bonnefoy pour le parquelage ^gusede et la restauration d'un tableau représentant la Cène, qui '"VMons.

* ' Tableau.

appartient à l'église de Sainte-Waudru, à Mons.

Des délégués se sont rendus à Courtrai pour examiner Hûtei ne viiio

O i do Ci*>ui Irai.

les verrières placées depuis le mois de septembre de l'année dernière dans les fenêtres de la salle gothique du rez-de- chaussée de l'hôtel de ville. Ces verrières, dues à M. Dobbe- laere et représentant la série des écussons des anciennes ghildes et corps de métiers de Courtrai, sont d'une sobriété d'ornementation et d'un goût qu'on voudrait rencontrer dans tous les travaux de ce genre. La coloration, dans sa simpli- cité, en est riche et le caractère parfaitement assorti à l'archi- tecture et à la décoration intérieure de la salle.

Des délégués se sont rendus à Louvain, le 15 mars, dcsaufi'josepi.. pour examiner la chaire à |)rècher exécutée par MM. Goyers cdre'."'

236

et que la fabrique de l'église de Saint-Joseph sollicite l'auto- risation d'acquérir.

11 résulte de leur rapport que cette chaire, qui a figuré à l'exposition universelle de Philadelphie, conviendra parfaite- ment, tant sous le rapport du style que sous celui des pro- portions, à l'église précitée. Établi dans des données simples et pratiques, le meuble est bien conçu au point de vue archi- tectonique. L'auteur n'est pas tombé dans la faute trop fré- quente aujourd'hui qui consiste à surmonter les abat-voix d'une sorte de flèche de cathédrale, que rien à cette place ne motive; il est resté sagement dans la tradition ancienne, en bornant cet ornement à un simple dais, en mémoire du simple dais d'étoffe dont les chaires d'autrefois étaient cou- vertes et qui n'avait d'autre but que d'empêcher la voix du jirédicateur de se perdre dans les profondeurs de l'édifice. Au point de vue sculptural, la chaire de MM. Goyers n'a pas été moins bien traitée. Les bas-reliefs qui décorent la cuve et qui représentent des scènes de la vie de la Vierge, sont d'une exécution pleinement satisfaisante.

CONSTRUCTIONS CIVILES.

Ont été approuvés : Écoles Les plans, dressés par M. l'architecte Blandot, pour la

et justice de paix

de Gcdione. couslruction de bâtiments d'école avec logement pour i msti-

tuteur et locaux pour la justice de paix à Gedinne (Namur);

Hop.tai Le nroiet relatif à la construction d'une glacière à l'hô-

de Ilasselt. ' •' ^

pilai de Hassell; architecte M. Gérard; Hospice 30 Les plans concernant l'agrandissement de l'hospice d'Exaerde et qui sont destinés à remplacer le projet approuvé en 1S73.

d'Exaerde.

257

Des déléûrués se sont rendus à Gourtrai pour inspecter r.mrs du Bioei,

' ' à Courlrai.

la restauration des tours du Broel, aujourd'hui presque en- tièrement terminée. Une dépense de 1,018 francs suffira à compléter les travaux. Ils consistent dans :

La réparation des façades avec fourniture de pierres bleues et blanches;

L'enlèvement et le renouvellement des charpentes et des toitures ;

Le placement d'un paratonnerre;

Le placement d'une cheminée dans la salle du premier étage de la tour sud;

Le pavement et le plafonnage de la salle;

La construction de portes et fenêtres en bois de chêne ;

Le renouvellement d'un escalier,

Et la peinture de la salle du premier.

Les délégués ont constaté que les travaux exécutés le sont d'une façon généralement satisfaisante. La peinture décora- tive de la salle du premier étage de la tour sud, bien que n'ayant pas toute la sévérité désirable, est admissible, et l'ap- propriation qui en sera faite pour recevoir des objets d'art, au premier rang desquels se placent les cartons des peintures des comtes de Flandre, est de nature à rendre des services réels. L'État peut donc mettre en liquidation les subsides afférents à ces travaux.

ÉDIFICES RELIGIEUX.

PRESBYTÈRES.

Des avis favorables ont été donnés sur les travaux d'ap- Réparation

, , . , , et construction

propriation el de réparation a exécuter aux presbytères ''e presbyières. d'Austru\veel(Anvers), Mont-Saint-Aubert, Jamioulx, Saint-

258

Denis (Hainaul), Corbion-Leignon, Celles (Namur), ainsi que sur les plans de preshylères à construire à Rièzes, Baileux (Hainaul) et Habay-la-Neuve (Luxembourg).

ÉGLISES. CONSTRUCTIONS NOUVELLES.

Ont été approuvés : Construction Les plans relatifs à la construction d'églises :

d'ëglises à Goor

et 6 Bouliers. \u haiïioau de Goor, commune de Heyst-op-den-Berg. (Anvers); architecte M. Blomnie;

A Bourlers (Hainaut); architecte M. Tirou;

Église d'Eecioo. T Lc uouveau projet de M. Denoyette pour la tour de

l'église à ériger à Eecloo (Flandre orientale). Ce projet a

reçu les modifications demandées par la Commission.

(V. p. 9) ;

Eglise y Le projet d'une tour à construire à l'église de Fexhe-

de Fexlie-Slins. zt-' \ i- xrirn-

SIms (Liège); architecte M. Halkin ; Eglise de iiaid. Le projet d'agrandissement de l'église de Haid , sous Serinchamps (Namur); architecte M. Michaux; svuagogiie Lcs olaus, dressés par M. l'architecte De Kevser, pour

de Bruxelles. ' "^ .- ' i

l'ornementation intérieure et l'ameublement de la nouvelle synagogue de Bruxelles ; Eglise Les dessins de quatre confessionnaux à placer dans l'église

de SvDzeilIcs.

de Senzeillos (Namur). Église de Des déléffués ont visité, le 28 mars, l'éalise de Flémalle-

Fl.-nK.lleGrunde. ^ ' ' n

Grande. Ils ont constaté, conformément ;i une note ipii a été communiquée au Collège par un de ses membres correspon- dants, que rien dans cet ancien édifice ne semble motiver le projet de reconstruction qui a été soumis en 1 875. L'église, qui a des parties romanes très-anciennes, est d'une conslruc-

^259

lion encore solide et ne deinande guère de réparation que dans sa loiture; sans avoir un caractère nionunicnlal, elle est d'un aspect pittoresque. Il est à remarquer qu'aucun rapport sur l'état de cette église ni aucun dessin de son état actuel n'accompagnait le projet de reconstruction soumis, dont M. l'architecte provincial estimait le devis insulTisant et qui n'a été approuvé qu'avec de sérieuses réserves. On doit se féliciter que ce projet n'ait pas été mis à exécution et, avant d'y donner aucune suite, il conviendrait que l'alîaire fût soumise au comité provincial des membres correspondants de Liège. Il aura à examiner jusqu'à quel point les besoins locaux réclament la reconstruction d'un édifice qu'il suffirait peut-être d'agrandir. On pourrait souhaiter aussi que le nouveau projet fût conçu de façon à permettre de replacer le plafond des basses-nefs, plafond à caissons dont les compartiments représentent une série d'armoiries locales intéressantes pour l'histoire de la com- mune.

TRAVAUX DE RESTAURATION.

La Commission a émis des avis favorables :

Sur les travaux de réparation à effectuer aux églises Réparation de

diverses églises

d'Austruweel, Galfort sous Puers, Schoolen , Eeckeren (Anvers), Haute-Croix, Huldenberg (Brabant), Autreppe, Gaurain-Ramecroix , Saint-Denis (Hainaul) , Bouvignes, Serinchamps, Noville-les-Bois (Namur) ;

'2'^ Sur le devis estimatif des travaux de restauration à^ Êpnsede

Saiiil-llombaiit,

exécuter, dans le cours de 1877, h l'église de Sainl-Rombaut, " *'""""• à Malines; architecte M. Vandewiele ;

Sur les plans et devis, dressés par M. De Curte, pour do(;a*'nd'.''

240

les travaux urgents de restauration à exécuter au vaisseau

de la cathédrale de Saint-Bavon, à Gand;

. Egii'^^' 4" Sur le devis estimatif, dressé par M. De la Ccnserie,

à Bruges. ^^^ Quvrages de consolidation et réparation à effectuer à la

façade de l'église de Sainte- Walburge, à Bruges. Il sera

utile de soumettre des propositions spéciales et notamment

des dessins pour le renouvellement des encadrements des

fenêtres et des niches, la restauration de la porte principale

et les deux statues en pierre ;

Ë^r.sc S" Sur le plan concernant la consolidation de la charpente

d'Harlebekc.

et des voûtes des basses-nefs de l'église d'Harlebeke, archi- tecte M. Groquison;

Église dHowade. 6" Sur Ics plans, dressés par M. Van Assche, pour la restauration de la partie ancienne de l'église d'IIofstade (Flandre orientale) ;

t lise de N.-D. '" Sur les plans relatifs à la restauration des façades laté- \b7uxcucs."' raies et de l'abside de l'église de Notre-Dame de Bon-Se- cours, à Bruxelles; architecte M. Jamaer.

Le Secrétaire Général, J. Rousseau.

Vu en conformité de l'article 2S du règlement.

Le Président,

Wellens.

AD. VAN SOUST DE BORKENFELDT.

Une mort foudroyante a enlevé à l'Administration des Beaux-Arts, le 23 avril dernier, un fonctionnaire qui en avait été longtemps un des soutiens les plus dévoués et les plus intelligents, et auquel la publication du Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie particulièrement est redevable des plus grands services. M. Ad. Van Soust de Borkenfeldt était secrétaire de notre comité de rédaction. A ce titre, il en révisait tous les articles, était chargé de la correspondance avec les sociétés savantes avec lesquelles le comité est en rapports réguliers, et s'occupait de tout ce qui concerne cette publication périodique avec un soin et une conscience qui ne se sont jamais démentis.

Nos lecteurs nous sauront gré de leur donner, d'après le Moniteur, la relation des obsèques de ce fonctionnaire qui a laissé d'universels regrets :

« L'inhumation de M. Ad. Van Soust de Borkenfeldt, directeur des Beaux-Arts, a eu lieu hier matin au cimetière d'Etterbeek. Dès dix heures et demie se réunissait à la maison mortuaire, à Saint- Josse-ten-Noode, une foule consi- dérable où se trouvait M. Bellefroid, secrétaire général, et les fonctionnaires du ministère de l'intérieur. Tout ce que Bruxelles compte d'artistes, peintres, musiciens, lettrés, assistait à la cérémonie. Nous avons remarqué MM. Gevaert, Bellefroid, Emm. Hiel, Henri Conscience, Brassin, Emile

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Waulers, Van Luppen, Paul Devigne, Arsin, Gérard, Vinçotte, De Gosier, Vervoort, président du Gercle artis- tique, etc. Avant la levée du corps, trois discours ont été prononcés : par M. Greyson, directeur au ministère de l'in- térieur, au nom des fonctionnaires du ministère; par M. Jean Rousseau, secrétaire général de la Commission royale des monuments, au nom de l'Administration des Beaux-Arts, enfin par M. Verhoeven-Bal, président de la Section des arts plastiques du Cercle artistique d'Anvers, au nom des artistes anversois.

M. Van Sousl étant chevalier de l'Ordre de Léopold, les honneurs funèbres ont été rendus à sa dépouille par un détachement du régiment des grenadiers.

Voici le discours prononcé ])ar M. Greyson :

« Le fonctionnaire regretté à qui nous venons dire un éternel adieu, a parcouru une carrière longue, difficile, laborieuse, semée d'obstacles nombreux. Il semblait que jamais il ne dût franchir les rangs inférieurs de l'adminis- tration. Il lui a fallu vingt-six années de travail, de patience, d'abnégation, de dévouement pour arriver à un poste un peu en relief.

» Adolphe Van Sousl de Borkenfeldt, à Bruxelles, le 6 juillet 1824, est entré au ministère de l'intérieur au mois d'août 1859; il avait 15 ans à peine. Bien qu'il ne fût que surnuméraire, on lui attribua une rémunération annuelle de ô(JO francs, un franc par jour. Quels services pouvail-il rendre? Son instruction était insuffisante; deux ou trois an- nées d'humanités constituaient toute sa préparation classique.

» Les relations, les nécessités de famille le jetèrent dans

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une administration publique à l'âge il aurait se trouver encore sur les bancs du collège. Après une année de surnu- mérariat, salariée comme nous venons de le voir, il devint expéditionnaire. C'était le premier pas; il avait été rapide. Mais quinze années devaient s'écouler avant qu'il n'en fit un second. Le 6 mars 1855 seulement, Van Soust l'ut nommé commis de troisième classe; il avait alors 51 ans, l'âge des grands faits accomplis, des grands dévouements et des grandes énergies.

» Le 31 octobre 18G5, pour la première fois, Adolphe Van Soust sortit enfin de l'ornière, il entrevoyait le stade; il serait quelque chose, on l'appela aux fonctions d'inspec- teur des Beaux-Arts, avec rang de chef de division.

» Quelle étape !... Il avait fallu plus d'un quart de siècle pour la parcourir. L'enfant, l'ancien surnuméraire, blond, frais et rose, avait vu ses cheveux blanchir.

» Mais dès ce moment les choses prirent soudain une autre allure. Le temps le vengea de ses lenteurs passées. Presque coup sur coup, il obtint, en récompense de ses ser- vices, la croix de chevalier de l'Ordre de Léopold. C'était le 4 juin 1872, et le 30 avril 1875, il fut nommé directeur... Puis il reçut les décorations de la Prusse, de la Saxe, de la Hollande, de l'Autriche...

» Virgile ne recevait pas de démenti : le labor improbus du chantre de l'Enéide opérait ses miracles.

» Ce n'est pas que les facultés de Van Soust avaient été lentes à se former et à se développer. Certes il lui manquait beaucoup, mais il fut le premier à s'en rendre compte, et ses veilles furent consacrées à l'étude. Il acquit, à force de volonté, d'opiniâtreté, de persévérance, celte instruction qui

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lui faisait défaut. Il prit goût au travail ; simple expédition- naire, il publiait des poésies et des comptes rendus de salon qui dénotent des qualités littéraires et un sens artistique incontestables.

» Un jour même il s'avisa d'apprécier les tendances de l'Académie d'Anvers, lui, employé de l'administration à laquelle l'Académie ressortissait. Le Ministre, chef du dépar- tement de l'intérieur, qui aurait pu le rappeler à plus de retenue et de modestie, se donna la peine de discuter la plume à la main, avec verve, avec esprit, les appréciations du critique. Il le traitait donc en homme sérieux, en homme de valeur? Tout le monde se rappelle cette polémique dont la presse a rendu compte...

» Elle honore le Ministre autant qu'elle honore Van Soust lui-même. Elle révèle chez Tun le respect pour le talent naissant qui ose s'affirmer; chez l'autre, une certaine volonté de fixer l'allenlion et de montrer dans l'employé inférieur avec qui on ne comptait pas, un homme ardent et laborieux avec qui on compterait un jour.

« Toujours est-il que rien ne manqua bientôt à Van Soust pour justifier un avancement qui s'obstinait à ne pas venir. Il y eut un concours de circonstances dont on ne peut, dont on ne doit accuser personne. Peut-être vit-on long- temps en lui l'enfant, le surnuméraire peu initié à l'ortho- graphe des premières années.

» On s'aperçut enfin qu'il y avait en lui une force qu'on pouvait mettre en œuvre, et vous savez de quel pas notre ami a marché dés ce moment.

» Parvenant à une pareille destinée, des débuts pareils aux siens sont louables.

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» Van Soust examinait avec un soin scrupuleux les affaires qui lui étaient confiées. Ses notes sont presque des mémoires. Si tard que ce fût, il a eu la satisfaction d'être utile, d'en avoir la conscience, d'être écouté et compris. C'est à son ini- tiative qu'est due, entre autres, la création du musée des échanges, idée qui est en voie de réalisation et qui sera féconde en bons résultats.

» Une autre voix vous dira les mérites de l'écrivain, de l'artiste...

» Oui, le travailleur assidu qui, dans ses dernières années, semblait n'avoir de temps que pour ses fonctions officielles ; dont la vie, tant il y déployait d'activité, de passion, était vouée tout entière, eùt-on dit, à cette besogne lourde et ingrate des bureaux, trouvait encore le moyen de se délas- ser, de se retremper dans des œuvres littéraires. Jamais il ne les a délaissées un moment... La veille du fatal événe- ment qui nous l'enleva, l'heure de la fermeture des bureaux était venue; il était encore tout animé de la discussion d'une affaire difficile; il prit la plume et allègrement il écrivit une sorte de madrigal en vers gracieux et finement tournés. Je les ai lus. L'encre est à peine séchée et il est mort, lui... Est- ce croyable?

» Et de quelle mort! Frappé, foudroyé à son pupitre, à son poste de combat, au milieu de ses dossiers, dans ce cabinet de travail il a à peine joui de quelques années d'autorité. C'est quand tout lui promettait le fruit de ses efforts qu'il est abattu. .

» Quelle mort, surtout pour les siens ! . . Mais écartons cette pensée navrante.

» Fonctionnaire capable, intelligent, dévoué, il n'a pas

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été ingrat envers la nature, qui l'avait si bien doué ; il sem- blait avoir pris pour précepte ce mot du philosophe à son disciple : « Tu n'as qu'un moyen de l'acquitter envers Dieu; il ta prêté de l'intelligence, rends-lui la vertu ; il t'a donné du talent, sois honnête!... »

Voici le discours de M. Rousseau :

« Messieurs,

» Un des collègues les j)lus autorisés d'Adolphe Van Soust de Borkenfeldt vient de vous retracer sa carrière ad- ministrative, si laborieuse et si longue dans une vie relati- vement si courte. Permettez- moi d'ajouter, au nom de l'Administration des Beaux-Arts, quelques mots sur les |)rin- cipaux actes du fonctionnaire et sur le caractère de l'homme.

» On connaît les dilïicultés spéciales du service qui lui était confié. Obligée de traiter des (juestions d'organisation et de systèmes dont plusieurs resteront toujours contro- versées, fonctionnant au milieu des rivalités des talents et du conflit des amours-propres, l'Administration des Beaux- Arts constitue une tâche d'une nature particulièrement déli- cate. On ne saurait espérer d'y rallier toutes les sympathies. On ne peul (jue lâcher, à force de bonne foi et de bon vouloir, de forcer au moins l'estime de tous.

» Van Soust y a certainement réussi. Au milieu de la lutte éternelle des écoles, il accueillait impartialement le talent, de ({uelque part qu'il vint. Il savait tout ce qu'on doit de respect et de reconnaissance aux glorieux vétérans de l'art contemporain, et aussi tout ce qu'il l'auL d'encouragement aux jeunes talents qui auront à maintenir, après eux, notre vjfille renommer artisli(|ue. Il n'ignorait pas non plus com-

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bien sont vaines parfois les querelles de systèmes auxquelles le temps apport(ï naturellement tant de correctifs et de transactions.

» Il ne songeait, dans la sphère de ses attributions, qu'à réaliser tout le bien réalisable. Aussi, en fonctionnaire intel- ligent, ne bornait-il pas son activité à l'expédition routinière des affaires courantes; il étudiait constamment les moyens d'améliorer le service dont il était chargé, s'enquérant de toutes les réformes utiles, de tous les progrès possibles, attentif à tout ce qui se faisait ou s'essayait à l'étranger, et jaloux, comme tout cœur élevé et patriote, de ne nous laisser dépasser par aucun de nos voisins ni de nos rivaux.

» Beaucoup de mesures importantes ont été prises dans ces dernières années par l'Administration des Beaux-Arts. Presque toutes ont été réalisées avec son concours, beau- coup sur son initiative.

» Secrétaire général de la commission internationale des échanges, il avait contribué puissamment à l'organisation de ce service nouveau qui doit donner un jour d'immenses résultats, qui mettra sous les yeux de nos artistes tous les chefs-d'œuvre de la sculpture étrangère et qui, en même temps, révélera et popularisera à l'étranger les trésors, encore si peu connus, même parmi nous, de notre vieille statuaire flamande.

» Van Soust s'est dévoué avec le même zèle au dévelop- pement de toutes les branches de notre enseignemeni artistique.

» Dans l'art musical, ses efforts comptent pour beaucoup dans l'organisation des grands festivals de musique classique inaugurés si brillamment à la gare du Midi en 18(31), dans

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la création des importantes écoles de musique d'Anvers, de Bruges et de Mons, dans la propagation des petites écoles de chant qui ont remplacé avantageusement, sur tous les points du pays, tant d'insignilianles sociétés d'amateurs jadis subsidiées par l'État.

» Van Soust a de même attaché son nom à la plupart des mesures prises pour réorganiser notre Académie et nos écoles d'art. La tâche que s'est donnée l'administration est vaste. Il s'agit d'imprimer une direction pratique à l'étude du dessin par l'enseignement de toutes ses applications indus- trielles. Il faut en même temps compléter, agrandir l'ensei- gnement artistique par ces études théoriques, historiques, lit- téraires, qui élèvent et élargissent à la fois les vues de l'artiste. Il faut bien plus: il faut universaliser le sens artistique, mêler l'art à tous les degrés de l'éducation ordinaire, assurer ainsi aux artistes un public qui les comprenne, et donner aux arts l'immense stimulani du goût général. Van Soust avait com- |)ris toutes ces grandes entreprises et s'y était voué avec l'ardeur de l'apostolat. Il avait mesuré, avec tous les esprits élevés, l'importance capitale de cette production artistique qui n'est pas seulement un puissant agent de civilisation, mais (jui, bien dirigée, intelligemment développée, doit redevenir, comme dans notre passé, une des grandes sources de la fortune publique aussi bien (pie la gloire nationale.

» Voilà, Messieurs, pour le fonctionnaire.

» L'iiomme était une nature droite, rendue parfois un peu inquiète et ombrageuse j)ar le souvenir d'un long stage dans les rangs secondaires, mais qui ne se souvenait de ses peines ipie pour I.'K'Ikt de les épargner aux aulres. Tout

^40

talent, si ignoré qu'il fût, était sûr de l'appui de Van Soust; et je n'entends pas par un appui siniplonient adminis- (ratif ; il y ajoutait son dévouement personnel, celui de ses proches, ouvrait sa maison comme son bureau, et de son protégé faisait son ami. On pourrait citer plus d'une célé- brité artistique du moment que sa main est allée chercher dans l'obscurité. Il faisait des mécontents : quel fontionnaire n'en fait pas? La vivacité naturelle de son caraclèrc, con- tenue par beaucoup de discrétion et de réserve, avait ses échappées et eût pu lui créer des ennemis; sa bonne foi évidente les ramenait. Il était la loyauté, la conscience même; on le savait. Ses scrupules délicats auraient craint à un égal degré de favoriser ceux qu'il aimait et de léser ceux qu'il n'aimait pas.

» Je ne pénétrerai pas. Messieurs, dans l'intérieur de Van Soust. La plupart d'entre nous ont connu cette maison aimable et hospitalière, les artistes étaient si fêtés, la famille formait un faisceau si uni. Je craindrais d'effleurer même les blessures qui viennent de s'ouvrir si subitement et qui saigneront si longtemps et si cruellement.

» Pour Van Soust, il a passé sa vie à chercher le bien et à vouloir le juste. Une vie, si courte qu'elle soit, est pleine quand elle est remplie ainsi. »

Qu'on nous permette d'ajouter quelques mots au sujet de sa carrière littéraire.

Jaloux de se créer une valeur personnelle à côté de l'im- portance qu'il pouvait emprunter à ses fonctions, Van Soust a laissé de nombreux opuscules en vers et en prose, des comptes rendus de salon, des poèmes, CÉpitre à Wierlz,

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It Discours au roi, Lucifer et l'Escauf, traduits des grands poëmcs de ses amis Hiel et Benoît, et enfin de belles inspi- rations toutes personnelles, te Chant lyrique, rAmiée san- glante. Il s'était fait à la longue un vrai talent d'écrivain et de poète, et l'on n'aurait pu prononcer sur sa tombe des paroles plus nobles ni qui le louent plus dignement que quel- ques-unes de ses dernières strophes. C'est l'affirmation, au lendemain de la gueri-e de 1870, de ce progrès humain que la guerre elle-même ne saurait enrayer :

Un empire s'écroule ; un empire s'élève, Un grand peuple apparaît avec le sceptre en main ; Un grand destin commence, un grand destin s'achève; L'humanité toujours se retrouve en chemin.

Mais plus d'un la conduit vers la terre promise; Chaque groupe choisit son guide et son pasteur; Si quelque grande race à l'ombre reste assise, Une autre la devance à la tète du chœur.

L'orgueil suscite alors les conflits de la guerre, Mais l'ordre se refait par la bonté de Dieu, L'humanité reprend sa marche sur la terre Et suit par les déserts la colonne de feu.

Et la route toujours s'ouvre plus spacieuse, Elle monte, descend, puis reprend son niveau; La flamme a disparu ?... pauvre âme soucieuse, Regarde! et vois plus loin renaître le flambeau!

231 -^

Ce sont évidemment les vers et les sentiments d'un noble esprit et d'un honnête homme. C'est la double réputa- tion que laissera i)armi ceux qui l'ont connu Adolphe Van Soust deBorkenfeldt.

Jean Rousseau.

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ESSAI IIISTOPJQUK

SUli

LES TAPISSERIES

ET

LES TAPISSIERS DE HAUTE ET DE BASSE-LICE DE BRUXELLES.

(Stille.)

VII.

Les provinces des Pays-Bas qui étaienl retombées sous la domination espagnole virent s'opérer une double réaction. D'une part, le goût du luxe se ranima avec une ardeur fiévreuse et prit des développements considérables, malgré les misères dont les guerres avaient accablé et accablaient encore le pays ; d'autre part, le clergé s'éleva avec véhé- mence contre les nudités et les reproductions de scènes mythologiques, que la première Renaissance avait mises à la mode.

C'est alors que l'on proscrivit, détruisit ou fit recouvrir de chaux, dans les églises, une foule de peintures murales dont le seul défaut était de représenter des personnages trop peu vêtus. Un rigorisme farouche poursuivit avec persistance ces innocentes décorations, dont ne s'accommodait plus une rigidité atrabilaire. Les tapisseries ne pouvaient échapper aux sévérités, apparentes ou réelles, des nouvelles mœurs. A cet ordre d'idées appartient une ordonnance par laquelle les magistrats de Bruxelles défendirent, le 50 mai 1599,

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sous peine de o florins d'amende et de confiscation, de pendre dorénavant, devant les maisons et lors des sorties de processions, des représentations ou scènes scandaleuses ou inconvenantes. Pour qu'aucun art n'échappât à la cen- sure, on déclara que lorsque le saint sacrement accompa- gnerait la procession, on ne pourrait jouer des airs peu graves (onstichtige), sous peine de la même amende (i).

Cette mesure parait n'avoir pas eu de bien graves consé- quences. Nos ancêtres, joyeux compères qui ont toujours eu un culte particulier pour les banquets, les drôleries, les ca- valcades et les kermesses, n'ont jamais su renoncer à leurs habitudes de festoyer et de bien vivre. Les bonnes tentures, bien chaudes, dont ils aimaient à couvrir les parois de leurs demeures, restèrent de leur goût pendant longtemps encore. A cette époque la ville prit l'habitude d'en offrir comme cadeau, soit aux princes en souvenir d'un événement agréable ou heureux, soit aux personnes dont on désirait reconnaître les services ou conserver la protection.

Ainsi, lorsque le chancelier de Brabant Damant fut appelé en Espagne pour y remplacer le président Fonck, les magistrats de Bruxelles résolurent de lui offrir un présent en joyaux, tapisseries ou autres objets , valant GOO florins (2 avril 1587). Le 29 mars 1589, ils décidèrent de présenter au prince de Parme des tapisseries valant G à 7,000 florins. Le comte de Mansfeld ayant été remplacé dans ses fonctions de gouverneur général des Pays-Bas, la ville voulut lui témoigner sa reconnaissance de ce qu'il l'avait exemptée de loger des troupes et déclara, le 5 février 159/i., qu'elle don-

(i) Groen corredie boeck, f 47 v" (Archives di' la villf).

noi'ail 1,000 florins aux tapissiers qui confeclionnaicnl une tenture pour lui. Lorsque l'infante Isabelle abattit l'oiseau au tir de l'arbalète, les magistrats décidèrent d'abord, le 2 mai ICI 5, de lui faire ))résent d'une cbambre de tapisseries de prix (coslelycke tapisseryeii), mais on substitua à ce don celui d'une somme de 25,000 florins, dont l'infante employa une partie à instituer la fondation dite des Pucelles duSahlon. En 1659, un fds étant au gouverneur général, marquis de Caracena, le magistrat et le large-conseil votèrent à celui-ci, les 14 et 18 août, le don d'une chambre de tapisseries de la valeur de 12,000 florins. A l'occasion du mariage du gouverneur général, marquis de Grana, avec une princesse d'Aremberg et d'Aerschot, et en mémoire de cet événe- ment, unique en son genre dans nos annales, le don d'une tapisserie du prix de 12,000 florins lui fut volé par le magistral le 15, par le large conseil le 17 mai 1685. Enfin citons encore un dernier fait. Après la mort du marquis, son successeur Agurto, à son entrée en fonctions, en 1685, fut également gratifié d'une chambre de tapisseries, valant 10,000 florins. Un vole favorable fut émis à ce sujet : par le premier membre le 20 juillet, par le deuxième membre le 23 du même mois, et, après deux refus successifs, par le troisième membre ou les nations les 27 et 28. La coutume de donner de la sorte une chambre de tapisseries, c'est-à-dire une tenture complète, était donc entrée dans les mœurs (i).

{i) Registre intitulé Wynvereeringen (Ibidem), passim.

La même coutume régnait dans les villes de deuxième ordre. En 1609, le magistrat de bréda dépensa la somme de 6,109 florins pour acheter huit pièces de tapisseries de VHistoire de Roland (aciil stuckeii tapyten van Orlanda) et les offrir à son seigneur, Guillaume d'Orange-Nassau, le lils aine du Taciturne, lors de son arrivée. Comptes de lu ville de Bréda pour 1609, ill.

256

On sait que de temps immémorial les princes de la maison de Bourgogne avaient à leur service un spécialiste qui portait le titre de garde de la tapisserie ou tapissier-major et veillait à l'entretien et à la conservation des belles tentures suspen- dues dans les palais ou les châteaux du domaine ou con- servées dans leur garde-meuble, en surveillait la réparation, présidait à leurs déplacements, etc. L'un d'eux, Jacques T'Seraerts, fut exempté de l'obligation de monter la garde avec les autres bourgeois, le 0 novembre 1592 (i). Dans la suite on affranchit ses successeurs, en outre, des assises sur la bière et le vin, sur le même pied que les fabricants de tapisseries le furent à partir de 1613. Citons parmi ceux qui furent à ce titre favorisés de la sorte, François Van den llecke, en 1G57; Nicolas Binon, à partir de 1699; Jean De Neve, à partir de 1 727, etc.

Les avantages considérables dont Henri IV gratifia les artisans attirés par lui à Paris inspirèrent aux archiducs Albert et Isabelle et à leurs ministres la pensée de retenir ceux-ci en Belgique en leur assurant également des privilèges et, en particulier, cette exemption de monter la garde dont le tapissier de la cour jouissait déjà et celle de payer les assises sur la bière, sinon pour la totalité, du moins pour une partie. Le pays renaissant insensiblement à la prospé- rité et l'industrie recommençant à fleurir, les archiducs et les particuliers achetèrent à l'envi des tentures. Gomme une faveur toute spéciale s'attachait à ce genre de décoration, ainsi que l'attestaient les nombreuses tentatives qui se fai- saient à l'étranger afin d'y organiser des manufactures de

(0 Papiers d'état cl de l'audience, liasse 304.

257

tapisseries, des mesures de proleclion parurent indispen- sables pour maintenir en activité celles de Bruxelles.

Certains de voir leur requête favorablement accueillie, les doyens, anciens et autres du métier des tapissiers, avec l'approbation des bourgmestres, échevins et conseil de la ville, s'adressèrent aux archiducs Albert et Isabelle. Après avoir rappelé l'antique splendeur de leur industrie et l'édit de l'empereur Gliarles-Quint de l'année 1544, ils signalèrent différents abus qui se commettaient à leur pré- judice. Ainsi la défense de faire travailler, sous peine d'une amende d'un demi-réal, un ouvrier n'ayant pas accompli ses trois années d'apprentissage et satisfait son dernier maître, n'était pas observée, à cause de la modicité de cette amende. L'obligation imposée à chaque ville d'avoir sa marque spéciale n'était pas respectée, et parfois l'on employait abu- sivement dans d'autres localités la marque usitée à Bruxelles depuis plus de 200 ans (ce chiffre de 200 constitue une erreur) et composée d'un petit écusson entre deux B, dési- gnant le premier le duché de Brabant, le second Bruxelles. Parfois on s'avisait de montrer aux amateurs une pièce réel- lement fabriquée dans cette ville et de la leur vendre avec d'autres provenant d'ailleurs (i). Ces fraudes, disaient les doyens, étaient de nature à engager les artistes maîtres en tapisseries, qui habitaient en grand nombre Bruxelles (2),

(1) En effet, des poursuites furent encore dirigées en 1626 contre un nommé De Wilde, parce qu'il avait vendu des tapisseries du dehors pour « de l'ouvrage de Bruxelles » (om dat hij vremde tapijlen voor P.russcls werck vercocht hadde). Archives de l'ancien conseil de Brahant. Papiers de rofTiee fiscal.

(2) Ende sotiden aile de constenaers meesters tappissiers (die) met groote menichte ende getal binnen onser voirseide sladl z-ijn woonende

-2o8

à la quiller, au grand préjudice de son induslrie. Enliii ils réclamaient aussi contre l'exporlalion des fils, de la sayette. des couleurs préparées ou brutes, et ils demandaient qu'on portai le (aux de l'amende d'un réal à dix llorins et qu'on punit d'une amende de lOO florins les contraventions aux dispositions relatives à la marque légale.

Albert et Isabelle confirmèrent alors, à la demande des doyens des tapissiers de Bruxelles, d'Audenarde et d'En- ghicn, un édit du roi Phili|)pe II qui avait sanctionné celui de Cliaries-Quint (i) cl, de plus, accordèrent aux tapissiers de la capitale des lettres patentes par lesquelles ils étaient déclarés exempts de l'obligation de monter la garde et, par conséquent, de faire partie, soit des gildes ou serments, soit des luycken ou sections. La résolution prise à cet égard au Conseil privé et qui provoqua l'émanation de lettres pa- tentes datées du 18 septembre 1606, est formulée en ces termes :

« Dudil vingt et trois d'aoust 1(300.

» Les doyens et supposts du mestier des tapissiers de la » ville de Bruxelles ....

» Son Alteze, ayant eu rapport de ccste requête et de » l'advis rendu sur icelle par ceux du magistrat de cette » ville de Bruxelles, désirant gratifier aux suppliants en ce » que pourra servir au redressement de leur mestier, or- » donne que les placcaris par cy devant publiez sur la

()) Rootbock , C' 79 et suivants, aux Archives de la ville. La fin des actes émanés de Philippe II et des archiducs manque dans le Rootboek, mais il est facile d'établir que le dernier devait dater de IGOiî; il suflit pour cela de lire attentivement le texte que nous citons ensuite.

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» bonne conduiKo de police d'iceliiy, soient irnouvcllez, el » pour l'avenir cstroilenienl observez, y adjoutlanl la dé- » tence et interdiction expresse de la revente et transport » hors du pays des laines, tilets et autres estolTes requis » pour la manufacture de tapisseries, et pour de lout plus » les obliger de faire lout devoir pour la remettre en son » ancien et fleurissant estât. Sa dicte Alteze leur accorde » de grâce la franchise du guet et garde par eux requise, » et quant à ceux des assises et maltottes compétants à la » ditte ville, les suppliants se pourront adresser aux dils » du magistrat pour par eux y estre dispose comme pour » leur bien et avancement dudit mesticr ils trouveront » convenir. Fait à Bruxelles, etc. » (i).

Cette exemption de l'obligation de participer aux charges de la garde bourgeoise donna lieu à plusieurs contestations. En 1645, le chef-doyen du grand serment de l'arbalète somma Pierre Raes d'entrer dans ce corps, et comme Raes faisait valoir sa qualité de tapissier, on lui objecta qu'il était aussi épicier. Condamné à deux reprises successives : par le magistrat, le 25 mars 1645, et par le Conseil de Brabant, le 17 mars 1644, Pierre Raes fut obligé, pour conserver ses droits à l'exemption, de renoncer, le 25 octobre suivant, au métier des merciers, dont il faisait partie comme s'occupant du « travail en cire et bancquetterie » .

Quelques années après, lorsque les progrès des Français dans le pays inspirèrent des craintes pour la sécurité de

(i) Extrait (Ui registre aux appointements liii Conseil privé du Roy, en copie anx Arcliives de !a ville.

260

Bruxelles, les magistrats publièrenr, le 27 août 1649, un nouveau règlement il était stipulé qu'en cas de nécessité, affranchiset non affranchis seraient tenus de monterlagarde. Les doyens du métier ayant réclamé à ce sujet, le Conseil de Brabant les déclara non-recevables, les magistrats com- munaux ayant préalablement protesté qu'il ne s'agissait nul- lement des gardes ordinaires; que, de plus, on n'avait en aucune façon l'intention de porter atteinte aux immunités des tapissiers (18 décembre 1649) (i). Dix ans plus tard, on stipula de nouveau que ces dernières cesseraient de droit en cas de nécessité urgente, et notamment quand le maintien de la tranquillité réclamerait l'établissement de patrouilles.

L'exemption d'assises octroyée au métier fit l'objet de résolutions du magistrat en dates du 24 juillet 1606 et du 22 juin 1607; cette dernière augmentait les faveurs oc- troyées à la corporation par la première, mais j'en ai vainement recherché le texte ; je sais seulement que cette exemption était limitée pour tout le métier à 200 aimes de bière d'un sou (2). La guerre ayant cessé vers 1010 et avec elle la perception du plus fort impôt sur la bière, la taxe de 9 mites par pot, les avantages faits aux tapissiers se trouvèrent en réalité réduits à peu de chose. Ils avaient néanmoins produit un bon effet. Le nombre des ouvriers avait augmenté ; quelques-uns étaient venus de l'étranger se fixer à Bruxelles; les tapisseries faites dans cette ville sou-

(i) Registre intitulé Requesten, vonnissen, enz., 16l9-16ijl, f- 58. (2) Voir pins Idin l'acte de -IGl.".

î2Gl

tenaient d'ailleurs leur antique réputation, comme on le vit alors, en les comparant avec des pièces fabriquées à Délit par un maître très-habile. Ce qui militait particulièrement en faveur des neuf fabricants de tentures les plus importants, c'est que, d'une part, ils donnaient de l'ouvrage à plus de 600 ouvriers, non compris les femmes et les enfants de ceux-ci, et qu'ils devaient souvent recevoir et régaler leurs facteurs ou commissionnaires d'Anvers, et que, d'autre part, afin de donner plus d'éclat à leur travaux, quelques-uns d'entre eux avaient, depuis six ans, dépensé pour la confection de cartons seulement plus de 50,000 flo- rins. Ainsi, d'un côté, ils contribuaient considérablement à augmenter en ville la consommation des boissons et, par contre-coup, le produit des assises perçues au profit de la commune, et, d'un autre côté, ils s'imposaient de lourds sacrifices pour maintenir la réputation dont leurs tentures jouissaient. C'est ce que firent remarquer au magistrat, en 1615, Martin Reymbouts, Catherine Vanden Eynde, veuve de Jacques Geubels, Corneille T'Seraerts, Nicaise Aerls, Jean Raes, Jean Mattens, Pierre de Goddere, François Tons et Gérard Bernaerts le vieux.

Après avoir consulté les trésoriers et les receveurs , les magistrats prirent, le 27 juin 1615, la décision suivante : les neuf pétitionnaires furent autorisés à faire brasser pour eux et mettre en cave de la bière, à défalquer sur la quantité de 200 aimes par an citée plus haut et sans préjudice de la part revenant dans cette quantité aux autres maîtres et ouvriers. Eux seuls furent, en outre, déclarés exempts de payer les assises, pour une aime de vin du Rhin ou un poinçon de vin de France chacun,

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à charge de n'encaver ce vin que par aime, demi-aime ou quart d'aimo (i). Celle mesure, qui fut renouvelée le

(i) Aen myn Eer. Heeren

Geven oulmoidelyok te kennen Martyn Rymbouts, joffrouwe Catherina Van den Eynde, weduwe wylen Jacques Geiibels; Cornelis Tseraerts, Nicasius Aerts, Jan Raes, Jan Mattens, Peeter De Godderâ, Franchois Tons ende Geeraert Bernaerts d'oude, aile coopliedcn van tappisseryon, houderidc aile d'andere meesters ende wcrckgesellen, hoe dat hen supplianlen by henné Hoocheden, in regarde van de rodene begrepen in henné requeslen aen de selve gepresentcert, is gegundt die vrydicheit van wakene ende braken, ende by uwe Eer. die vrydichcit van de accyssen ende deser stadt lasten voor twce hondert amen ' stuivers hier, van welcke Iwee pointen zy nu lultel zyn gonietende deur die ccsseringe van den oirloige ende van de negen myten op elcken pot hiers, ende alzoe zy supplianlen cvenwel bevinden by experiencie dat tzedert die voers. gunsle die gemeyno werckgesellen ewat meer zyn gencourageert ende hen getal vermeerdert endo eenige van biiyten dlants alhier overgecoraraen ende verkoescn henné woenstcde binncn deser stadt , soe is apparent dat verscheyde affgeweken vuyt andere provincien ende coninckrycken wederomtne alhier souden wederkceren, behalven dat die van den ambachte mochten ewat meerder voirdeels genieten, dwelck terstont wordt verbreydt van d'een landt in d'ander, ende gheraerckt dese heerlycke consle is nul en oirboirlyck voer aile heeren, princen ende potentatcn van den werelt, ende dat die tappisserien binnen dese stadt gemaect altyt over memorie van menschen, ton oordeele van aile oniparlydige rechters endeliefhebbers dcr conste, hebben gehadt ende behouden de prys boven aile d'andere die naer gemaect wordden in eenige andere steden ende landen, gelyck oyck onlancx by de lappisschiers van den hove ende aile andere is verconden, by conferentie van sekere stucken gemaect tôt Delffi by eenen seer experten meester aldaer, teghen eenige stucken binnen deser stadt gemaect; dat oyck alhier meer camers tappisseryen jaerlycx wordden gemaect dan in eenige andere steden, veroer- saeckende onder die gemeynte groote neeringe, sleet ende consomptie, ende dat daer by vuyt andere landen groot gelt ende goet herwaerts wirdt getrocken, tegens tgene van het (dat) vuyten landen gaet, ende dat zy supplianten zyn die princi- paelstc binnen deser sladt, die jairlycx onder hen allen zyn onderhoudende over de ses hondert meesters ende werckgesellen, lydsnde groote ontcosten, tôt ophulpe van de selve meesters ende werckgesellen met hen huysvrouwe ende kinderen, ende boven dyen dat zy tôt continuatie ende vermeerderinge van henné neeringe hen facteurs van Anlwerpen ende van aile andere canten arriverende moelen beschinken raelten wyn, onder hen dienende voer eene spécieuse lock- meese, ende dat zy supplianten ende el ;ken van hen genoech op crych anders nyet en lenderen dat om dese conste te hulpen bringen binnen deser stadt in haeren oiiden fleur, jae meer te doen verm^nichfuldigen ende florcrcn dan oyt le

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15 mars Ki^U en l'avour de sepl aiilres tapissiers et ensuite pour tous ceux qui justifièrent d'une certaine importance comme fabricants ou marchands de tentures, se perpétua.

voeren, daer toe ccnige van lien supplianten die mintste zyn in gelaie hebben geemployeert in het doen schilderen van nyeuwe patroonen over de derlich duysent Kinsgullenen binnen sesse jaeren herwaerls, gelycli by particulière rekeningbe soude blyoken, waert noot. Soe bidden die supplianten seer oidtmoc- delyciv dat de goede geliefTte van uwen Eer. zy tôt meerder animeringe van hen supplianten, eicken van hen jaerlycx toe te vuegen by vereeringe die vrydicheyt van accyssen onde andere deser stadts lasten, voer twee amen Rinscben ende Franschen wyn, ordonnerende mot eenen den pachters ofi collecteurs, nu ofl naemaels zynde, hen hier naer le reguleren, endc heu de selve vrydicheyt van accyssen ende andere laslen op de biercn, weder zy selve brouwen oft henné bieren inneleggen vuyt eenige brouweryen, ende dat toile voerseyde quaniitcyl van twee hondert amen; dwelck doende, enz.

Op (le marge stonl gescreven : Sy gestell in handen van de Rentmeesters deser stadt om hen advys daer op gehoert, voirls recht gedaen te wordden naer behoeren. Actum unjuinj 1615. Ondergeteeckenl : F. Van Asbroeck.

Noch op de selve marge stonl gescreven : Myne Heeren andermael geleden hebben op dese requeste, metten advyse van de Rentmeesters deser stadt, consenteren den supplianten te moghen brouwen henné eyghene bieren ende die inneleggen vrye van dese stadts lasten, in den verstande nochtans dat zy inl' brouwen suUen moeten houden sulcken ordre, dat die repartitie van twee hondert amen biers alhier geruert, soe sal gemaect wordden dat d'andere suppoesten van hel ambachte der supplianten in hen aendeel daer by nyet en wordde vercorl, ende voirls raeer dat aile die bieren die zy vuyt sulcke brouwten met eenen roeck sullen maecken, tzy goede, middele ofl cleyne, métier aemen sullen moeten gereekent wordden ende comraen alsoe in deminuiie van voerseyde ii^ aemen, van welcke brouwten zy den biercomptoere van der stadt sullen schuldich syn, elcke reyse dat zy sullen brouwen, te moeten adverteren, om by de waerdeerders ende toesienders, naer d'opteeckeninge daer van ten comptoire, rapport te doene len eynde als boven, ende nopende de geheysschte vrydicheyt van wynen, gunnen den supplianten met seclusie van aile andere, vrydicheyt van deser stadts lasten elcke lot een arae Rinschen ofl een ponchoen Franschen wyn Isjaers, sonder meer, ende sullen den voerseyden wyn moeten inneleggen metten aemen, hallf aemen ofl vierendeel, ende n-yel daer oader. Actim XXVII juruj 1615. Ende geteeckent : F. Van Asbroeck.

GecoUalionneerl legens de originaele requeste, metle Iwee appostiUen in dalen respective als boven daer op slaende, is dese dacrraede bevonden accorderen by my ondergeteeckenl, De Pape.

Het Grool swerlboeck ab anno '1612.., f ô05.

2C4

comme nous le verrons, presque jusqu'à la fin du xviii'siècle. Combinée avec rexoinplion de l'obligation de monter la garde, elle constituait un privilège que l'on réclamait volontiers et, ajoutons-le, dont on abusa parfois en faveur de gens qui n'y avaient pas droit.

Les teinturiers aussi jouirent souvent de l'exemption de payer l'assise. Enfin on attribua encore l'affranchissement du guet à l'apprèteur qui faisait sécher les tapisseries (droogscheerder), et, entre autres, à Nicolas De Smet, qui, devenu septuagénaire, résigna cet emploi à son successeur Antoine De Neck (10 juillet 1051)); à Antoine Steemans, en faveur de qui De Neck renonça à ses fonctions, et qui fut en même temps nommé par le magistrat gardien ou concierge de la porte de Laeken (17 décembre 1678); à Guil- laume Corbie, Jean-Baptiste Stroobants, qui remplaça Corbie le 25 mars 1688 (30 mars 1689), etc. C'étaient les doyens et anciens du métier qui choisissaient cet apprèteur privilégié.

De ce temps datent un grand nombre de mesures nou- velles, qui furent adoptées par le métier, Fnais sur lesquelles, faute d'archives, nous ne possédons que des données in- complètes. La corporation n'avait plus de maison; l'Arbre d'or, Grand'Place, était devenu la propriété des brasseurs. Pour local les tapissiers se contentèrent d'une chambre prise en location et qui occupait l'un des étages de la maison le Loup ou la Louve, celle même s'imprime mon tra- vail. N'ayant pas de revenus pour payer leurs dépenses habituelles, ils établirent en 1621 une taxe hebdomadaire consistant en un demi-sou payé par chaque maître (réso- lution prise par le métier le 20 juillet 1()54, pour en pro-

20?)

longer la levée pendant trois ans encore; décision confornriG des nfiagistrats, du 7 décembre 1635) (i).

Au nombre des prescriptions contenues dans l'édit de 1544, il y en avait une qui interdisait à toute personne étran- gère au métier et n'étant pas autorisée par lui, à vendre du lil d'or, d'argent ou de soie, de la sayette, de la laine et d'autres objets servant à la fabrication des tapisseries. Comme elle était mal observée et que les fabricants étaient souvent trompés lorsqu'ils achetaient des matières premières, les magistrats, de l'avis de la gilde de la draperie, comminèrent une amende de 18 florins carolus contre tout contravenant, qu'il fût vendeur ou acheteur, et sans exception pour qui que ce fût. La vente des objets indiqués ci-dessus fut réservée à deux personnes de bonne réputation, hommes ou femmes (27 août 1614) (2).

A cette époque, on désignait tous les ans deux maîtres qui, sous le nom de scelleurs des tapisseries {segelaers van de tapitserijen), étaient chargés d'examiner toutes les ten- tures et pouvaient les refuser si elles étaient tissues avec de mauvaises étoffes et si elles n'étaient pas quadrilatérales, sauf qu'on admettait une différence de mesure d'un demi- quart (ou huitième). Ces scelleurs devaient être présents pour remphr leur office à la chambre du métier trois fois par semaine, le mardi, le jeudi et le samedi, de 10 à 11 heures, ou, suivant une ordonnance portée à leur demande, le 5 août 1624, de 11 à 12. On nomma à cet office : le 11) avril 1622, Roland Van den Daele et Martin Roelants ; le 5 août

(1) Register van (1er sladi van Brussel sub De Condé, U2.

(2) Het Groot swertboeck, l. c, f" 5-45.

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16:24, Nicolas Montcornet cl Henri Maliens; le 14aoùl 1625, Daniel Leyniers cl Jean Rael; le 14 seplembrc 1626, Ber- nard Van Brustom et François Van den Hecke; le H juin 1G45, les doyens sorlanl de fonctions Conrad cl Gaspar Van der Bruggen. Les niembres les plus considérables de la cor- poration ne refusaienl pas, on le voit, cet emploi difficile.

Les tapisseries achevées étaient remises à des ouvriers appelés afselters ou verlichters, et qui avaient pour mission de gommer les tentures, c'est-à-dire de leur donner une sorte d'enduit ou de vernis. On leur payait pour cela deux blancs par aune d'étoffe ordinaire dite leperoliverck, et trois sous par aune d'ouvrage en soie (grael ou zydciverck). Celte manipulation avait été adoptée et prescrite afin que les tapisseries ne fussent pas détériorées ailleurs et afin de conserver à celte fabrication sa bonne renommée (i). Les règlements faits à ce sujet furent confirmés le 11 décembre 1627. Quand une pièce était jugée de trop peu de valeur pour la subir, on devait donner une caution (montant à douze sous par aune) qu'on ne fenverrait pas dans ce but à Anvers ou ailleurs, et le contrevenant à cette défense était puni d'une amende à partager par tiers entre la ville, l'oflicier du j)rince et les afsetters. Ceux-ci ne pouvaient, sous peine de privation de leur oJ'Iice ou autre peine arbi- traire, transiger avec les marchands ou fabricants, et leur laisser exporter des tapisseries n'ayant pas passé par leurs mains. A leur demande, on leur délivra, le 22 mars 1628,

(<) De selvc aflfsettinge innegebrocht cnde bevolen is, op dat die tapitseryt- elders en nyet soude veiurgcrt oft vtTvalstht wordeii loi desrepiilalie van dcse stadl ende van de traficke ende conste deser lapitserye. Ueijister van der ntadt van Brussel .lub De (lande, f"" 49 v" fl JiG.

2G7

des lettres cxécu(oriaIes les aulorisaiU à sévir conlre les contrevenants.

Les archiducs Albert et Isabelle tirent aux tapissiers de Bruxelles de nombreuses et fortes commandes, dont nous parlerons plus loin en énumérant ceux qui furent leurs fournisseurs. Npus citons ici, faute de connaître les noms des vendeurs, l'achat opéré, en 1607, d'une série de 29 pièces mesurant 990 3/4 aunes et contenant l'Histoire de Pomone, celle de Paris et d'Hélène, celle des Travaux de Troie et celle de Jardinage, qui fut payée 8,987 livres ou 9 livres l'aune (i). Indépendamment des privilèges qu'ils leur assurèrent ou confirmèrent, ils manifestèrent encore leur sympathie pour leurs travaux par des dons considérables en argent. Suivant le pensionnaire Tax, ils leur accordèrent pendant quelques années des subventions qui s'élevèrent jusqu'à 13,000 florins par an (2). II est plus certain qu'en vertu de lettres patentes en date du G août 1620, les tapissiers furent autorisés à emprunter 50,000 florins ou livres de 4-0 gros, dont l'intérêt, à G 1/4 pour cent, soit 3,125 llorins, était payé par le domaine. Cette faveur, octroyée d'abord pour trois ans, fut renouvelée à plusieurs reprises, notamment le 1 1 octobre 1635, le 3 octobre 1631), pour trois ans , mais réduite alors à 2,400 livres par an, dont la moitié fut mise à charge de la ville; en 1658 (ôj, etc.

Quel but voulut -on atteindre en empruntant ces

()) HouDOY, Les tapisseries de hauie-lisse, p. 1-49, à qui nous devons aussi la mention des autres acquisitions faites par les archiducs. (2) Volume aux Archives de la ville, intitulé : Tnx, Aggregala. (5) Voyez HouDOY, /. c, p. dSl.

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50,000 florins? Il eût été sage de les employer en achats de carions, alors que l'école flamande, vivifiée par le talent de Rubens, de Jordaens, de Van Dyck, de tant d'autres, bril- lait d'un éclat prodigieux. On semble s'être borné à une levée fictive, dont les intérêts annuels étaient répartis entre les membres. Il y eut à ce sujet une discussion entre les marchands et maîtres, d'une part, les compagnons ordi- naires et ouvriers, d'autre part. L'affaire parut assez grave pour être renvoyée à l'examen du i)ensionnaire de la ville Mestraeten, qui soumit un projet d'accord au chef-président du conseil jirivé, le célèbre Roose, et cet accord fut accepté dans une réunion tenue en la salle du métier le iiô février 1656 et à laquelle assistèrent Mestraeten, les doyens, les anciens, les marchands et maîtres et deux délégués des ouvriers, iMichel Perclaes et Antoine Herdersem.

La somme de 5,125 florins fut partagée comme suit : 1,125 florins furent adjugés aux maîtres, 2,000 florins aux ouvriers. Sur le premier chiffre on allouait 50 florins à chaque tapissier qui, pendant l'année, fabriquerait ou ferait fabriquer trois chambres (ou garnitures de chambres); le restant serait partagé entre ceux ayant exécuté du travail (lit de chambre (camerwerck), les teinturiers travaillant j)our le métier et les affsetters. La seconde fraction était distribuée entre les ouvriers travaillant chez un maître depuis trois ans (non compris les trois ans d'apprentissage) et y compris ceux venus du dehors, les huyten gesellen, comme on les appelait. Dans le cas pendant l'année la mort frapperait un ouvrier, sa veuve recevait sa part; si le défunt était céliba- taire, cette dernière était employée à payer les funérailles. L'administration de la somme entière était confiée aux deux

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doyens les plus anciens, qui, moyennant une allocation annuelle de îiO florins pour chacun, en annotaient remploi dans un registre spécial et en rendaient compte (i).

(i) Alsoo différent was geresen Uisschen die gemeyne supposlen van den Tappessiers ambachte doser stadt Bruessele, ter eenre, ende die cooplieden endc meeslers van den selven ambaohln, ter andcre sydcn, aengacnde die verdeylinghe van dry diisent hondcrt ende vyffvcntvvinticii guklens, die Haerc doorluchlichslc Hoocheyl aen het selven ambaclit tôt onderstandt van bot selve ende om die manufacture van den conste der Tapisscrye albier te boudcn, jaerelycx is vergun- nende, soo ist dat om aile voorder dispuet dycn aengacnde te verhueden, die selve cooplieden ende meeslers mette voorseyde gemeyne supposlen van den Tapessiers ambacble by lusschenspreken van den heere pensionaris Meslraelen, daer loe by den beere Hoofl président van den Secretcn ende Raedt van Stale gecommiltcert, ende op het rapport aen den selven heere Hoofl président gedaen, syn veraccor- deert in der manieren naervolgende :

Te weten dat de voorseide cooplieden ende meesters Tapessiers sullen hebben ende proufficteren vnyt die voorseide somme van dry dusent hondert ende vyffventwintich guldens de somme van duysent hondert ende vyffvenlwintich guldens, ende (aengaende) die reslerende twee duysent guldens dat de selve sullen verdeylt ende voorlaen geproufficteerl worden by de voerseide gemeyne supposlen in den verstande ende manière naervolgende, le vvetcn, len regarde van de coop- lieden ende meeslers dat van die voorseide somme van duysent hondert ende vylTvenhvinlich guldens aile cooplieden die dry caemers lappisseryen aile jaere, tsy in commissie oftvoorhunne eygene rekeninghe, sullen maecken, sullen genyeten die somme van vyfftich Rinsgulden. ende dat die reste, soo onder die voorseide cooplieden ende meeslers camerwerck maeckende als die verwers endc affsetters van den voorseyden ambacble, sal worden verdeylt egalyck ende hooffdegelyck, ende len regarde van de voorseyde gemeyne supposlen, dat onder hunliedcn, midtsgaders oock onder die ■\verckgesellen, die voorseyde somme van hvce duysent guldens eensgelycx sal worden egalyck verdeylt, wel verstaende dat alleen voor supposlen ende werckgesellen sullen worden gehouden ende gerckent die gène die boven die drye jaeren van hunne leeringhe noch andere dryo jaeren by eenen vryen nieester sullen hebben geleert ende als huerlinck gewrocht. ende dat do selve oock maer en sullen commen van het voorseyd bénéficie te genieten van den maent van augusto aff dat sy hunnen tydt le voorcns sullen hebben voldaen, gelyck oock aile vrempdelingen die van buylen alhier sullen comen die men is noemende buylen gesellen oft andere werckgesellen van het voorseyt bénéficie oeck sullen comen te genieten van don maent van augusto aff dat sy te vorcns te boecke van den ambachte sullen wesen aengeteeckcnl ende bekendt, sonder hier onder le begrypen eenigbe supposlen oft werckgesellen die geen leecken by eenen vryen meester en syn houdende, ende aengacnde de persoonen die binnen sjaers sullen

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On a récemment public des renseignements du plus haut intérêt sur la manière dont se fabri(juaicnt les tapisseries en France etaux Pays-Bas vers l'année 1G30. Le cardinal Rarbe- rini, qui établit à ses frais un atelier à Rome, tit demander dans ces pays des renseignements que les légats du pape et d'autres personnes s'empressèrent de lui transmettre. La

commcn aillyvich te worden, indycn het gehoudc mans syn, sullen die ^YedlI^ven hun paerl genieten van het jaer daerinne sy sullen gestorven syn, ende indyen het jongmans syn, sal l'selve paert geemployeert wordon tôt hunne begraelTe- nisse. ende aengacnde het bewindt ende administratie van de voorseyde somme van 312oi''^'> guldens, sal de selve blyven by de Iwee oiidsle dekens van den voorseyden ambachte, die welcke van de vuytreckinghe ende verdeylinghe van de voorseyde somme sullen moeten houdcn pert'nenten bocck van de naenien ende toenamcn, soo van de cooplieden, meesters als gcmeyne siipposlcn ende werck- lieden die daer inné sullen moelen parliciperen, ende daervan jaerlycx doen pertinente rekeninghe, ten overstaen van tvvec gedeputeerde van de meesters ende werckgcsellen oft supposten, op den loon ende salaris elck van vyfiich guldens tsjaers, die vvclcke midlsgaders die voordere costen dier sullen commen W geresen, soo tôt het vervolch van betaelinghe als anderssints sullen gcdraegcn ^vorden halff by de voorseyde cooplieden ende meesters, ende halIThy de voorseyde supp&sten ende werckgesellen,

Op aile v.'clcke besprecken ende conditicn de voorseyde respective partyen vercleren op heden, date deser, met malcanderen provisionelyck ende lot dat het anders by Haerc Doorluchtichste Hoocheyt ol'l synen raede sal wesen geordon- noert, veraccordeert ende gelransigeert te wesen ende dit accordt allydt te onderhouden, onder verbintenisse van hunne respective persoonen ende goederen, renoncierende aile beneficien van redite dese eenichsinls contrarierende.

Aldus gedaen binnen der stadt van Bruessele, op de camere van den voorseyden ambachte, op den XXHI februaril 1636, 1er prescnlie ende intervenlie van de voorseyde heere penslonaris, die dekens, oudcrmans, cooplieden ende meesters van den voorseyden ambachte, ende Michiels Perclaes ende Anlhoon Herdcrsom, als gemachlicht ende reprcscnterende die gcmeyne supposten ende werckgesellen van den voorseyden ambachte, volgens die procuratie daervan gopasseert op den XXX januarii leslleden voor den notaris J. Van Beveren, ende in kennisse der waerheyt hebben partyen dese transactie ondertccckent ende daervan twee instrumenlcn doen depeschcrcn. Knde was onderteeckent J. Van Mestraelen ; nedcrwaerts was noch onderteeckent : Jan Rael, Everaert Lcyniers ende I3crnaert Van Brustom.

Registre intitulé Tax, 166^2, 258.

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correspondance relative à celle affaire se consei-ve dans la bibliothèque Barberini cl a été coinniuniquéepar M. Eugène Munlz à la Revue des sociétés savantes des Départements de France ; comme le remarque cet auteur, l'étude des procédés techniques y tient plus de place que les considérations artistiques. C'est que ces dernières auraient été à peu près inutiles au cardinal, tandis que la première répondait aux exigences môme résultant de ses projets. On y trouve, notam- ment, le questionnaire adressé à l'archevêque de Consa, nonce apostolique à Bruxelles, et les réponses de ce dernier, réponses dont nous donnons ici la traduction de l'italien.

« La laine (employée par les tapissiers) vient de Lille et de Tournai, de Mons et cl'Arras, et vaut 1:20 florins les cent livres; mais la meilleure est celle du pays de Liège et de Uiomont (sans doute Beaumont, la petite ville du Hainaut ainsi nommée). On ne se sert pas de laines d'Espagne et d'Angleterre à cause de leur prix et parce qu'elles ne pren- nent pas la teinture aussi bien que celles du pays (t).

» Pour peigner la laine, on emploie l'huile dit rapesmauf, ou huile de colza, provenant d'une semence qui se met en terre, puis se recueille pour fabriquer de l'huile; quelques- uns en opèrent le mélange avec de l'huile d'olive, quand ils

(i) H y avait une raison particulière qui ne permettait pas de se servir de la laine d'Espagne pour les tapisseries. L'Encyclopédie (t. IX, col. 178) nous la fait connaître en ces termes : « Malgré son extrême finesse, la laine d'Espagne » n'est pas propre à toutes sortes d'ouvrages: il en est qui demandent de la » longueur dans la laine; par exemple, il serait imprudent d'employer la magni- » fique laine d'Espagne à former les chaînes des tapisseries que l'on fait aux » Gobelins. La perfection de l'ouvrage exige que les chaînes avec beaucoup île » portée soient fortement tendues et que leur tissu, sans èlre épais, soit assez » ferme, assez élastique pour résister aux coups et au maniement des ouvriers » qui sans cesse les tirent, les frappent et les allongent. »

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en Irouvcnl à bas prix, ou avec du beurre à moitié gâté.

« On file la laine à Mons, dans les pays d'Artois et de Hainaut, à Lille et à Tournai; la meilleure se file à Mons, plus au moulinet qu'au conecchio (?).

)) On nettoie la laine au moyen du savon qui se fabrique à Anvers et à Bruxelles; il est semblable à celui d'Italie et vaut 5 (florins?) la livre.

» La meilleure teinture esl celle d'Anvers ou de Bruxelles.

» On attribue la bonté de la teinture au mode d'opérer seul et non à l'action de l'eau ou de l'air.

» On estime plus la teinture d'Anvers et de Bruxelles que celle de France, d'où on ne fait venir de la laine teinte qu'en secret et rarement. De Cambrai et de Mons on envoie à Paris de la slama blanche non teinte, mais on ne fait rien venir de Paris.

» Les meilleurs maîtres en arazzeria (tapisserie) sont Jean Raes, François Vannsnaeken (Van Cotthem), Jean Rot (Raet), la veuve Geubles (Geubels), Bernard Brus- tun (Van Bruslom). Le premier teinturier en laines est Daniel Levis (Leyniers) ; quant à la soie, elle se teint à An- vers où les teinturiers sont nombreux et ceux, qui teignent la soie ne teignent pas la laine et réciproquement; tous les teinturiers sont des Flamands.

» Ceux qui confectionnent des tapisseries ne teignent pas et c'est une profession différente.

» Illustre Seigneur, je n'envoie pas à Votre Seigneurie l'indication de leur manière de teindre, parce que j'ai faiten vain toutes les diligences possibles pour l'obtenir. Comme je l'ai enfin découvert, les teinturiers ont décidé de ne pas la

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donner afin de ne pas faire tort à leur- industrie. Je l'ai inu- tilement réclamée avccla plus grande adresse, en employant des tierces personnes; je n'ai pu savoir d'eux la moindre chose ; je ne renonce pourtant en aucune façon à l'espoir de l'obtenir, afin de remplir mes obligations, et, dès que nous aurons réussi, nous l'enverrons immédiatement à Votre Seigneurie, et à ce prix nous serons tout à fait contents. »

Bruxelles, :25 août 1()!27 (date à laquelle il faut,ye crois, substituer celle de 165!2).

Dans le même registre se trouve une autre lettre datée également de Bruxelles, mais écrite le 17 mai 1()55. Elle contient ce qui suit :

« Très-illustre Seigneur,

» J'ai satisfait en partie à ce que Votre Seigneurie m'a » ordonné au nom du Seigneur Cardinal patron. Il me reste » à répondre à votre 10" question. Et comme pas un tein- » turier ne m'a promis une note sur l'exercice de sa profes- » sion, dans la crainte de causer quelque tort en » communiquant les secrets de la teinture, je m'informerai » à Anvers et vous instruirai par l'ordinaire pro- » chain.... (i). »

D'autres rapports concernent de préférence les fabriques françaises, mais renferment aussi des données sur ce qui se pratiquait aux Pays-Bas. En Flandre, à Audenarde, on em- ploie, y est-il dit, les laines du pays, tandis qu'à Bruxelles, outre celles d'Allemagne, dites vulgairement de Bavière et de Beaumont (?j, on utilise celles d'Angleterre. Ceci ne

(i) Bévue des Sociétés savantes, série, t. VIII, p. 518.

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cadre pas avec le rapport envoyé de Bruxelles, mais la contradiction pourrait n'élre qu'apparente. A cette époque, il y eut des négociations entre l'Angleterre et les Pays-Bas, et les usages du commerce peuvent s'en être ressentis. Les tapissiers d'Audenarde employaient pour leurs tentures une soie ûlicorgantine, dont la meilleure espèce venait de Vérone. On entre ensuite dans de grands détails sur la teinture et surtout la teinture en bleu ; les rouges à l'alkermès et les jaunes à la gaude donnaient, en elfet, des couleurs solides, tandis que le bleu et les violets de certains tons étaient fu- gitifs et le sont encore (i). Dès ce temps on se plaignait que les couleurs n'avaient plus la solidité de celles qu'on voyait aux vieilles tapisseries cent ans auparavant. On explique le peu de solidité des couleurs employées depuis une dizaine d'années par ce fait que, le pastel étant coûteux et tout le monde voulant avoir des tapisseries à bon marché, tandis que les grands seuls en achetaient jadis, on avait trouvé un certain bleu des Indes (c'est ce qu'on appelait turchin ou turquin), qui était de peu de durée et dont la teinture se faisait en une seule fois, au lieu de se faire par gradations comme jadis (2).

Ces dernières observations s'appliquent plus particuliè- rement à ce qui se pratiquait à Paris; dans les Pays-Bas, et surtout à Anvers et à Bruxelles, la teinturerie passait pour cire meilleure. Chez nous aussi, la lurquinc avait fait invasion, mais la manij)ulation de ce produit était de- venue l'objet d'un monopole qui avait été concédé par les

(1) ÏUvue des Sociétés savantes, l. c, p. 510.

(2) Ibidem, p. tiOO.

TiW

archiducs Albert cl Isabelle, pour un lernie de vingt ans, au comte de Bucquoy (i), de même qu'ils avaient abandonné le commerce et l'emploi du bleu d'Espagne à Jean Van Peborcli (2). A Bruxelles on continuait à accorder des faveurs particulières à ceux qui exerçaient la profession de teintu- rier. Ainsi Ferdinand De^'ergara, qui l'avait apprise en Espagne, à Dantzick, puis à Anvers, fut retenu à Bruxelles, on lui accorda, le 14 novembre 1605, pour un terme de six ans, qui fut continutî pour le même terme le 19 janvier 1609, une allocation annuelle de 60 florins et la jouissance des cuves et des chaudrons appartenant à la ville, à condition de faire dresser un inventaire du mobilier qu'on lui cédait à titre temporaire et de donner caution pour la valeur. Cette caution fut : d'abord Jeanne Wouwermans, veuve de Laurent Van den Kerckhoven , belle-mère de Vergara (acte du \" décembre 1604), puis Evrard Tymmermans, graissier et charpentier (acte du 9 décembre 1610 (3).

Mais aucune famille ne se distingua dans la même car- rière plus que celle des Leyniers, qui donna également à Bruxelles plusieurs tapissiers distingués. L'histoire des deux industries étant pour ainsi dire inséparable, c'est ici le lieu d'entrer dans quelques détails sur une lignée qui a fait honneur à notre pays et à la ville de Bruxelles. Dans ces temps les fils tenaient à honneur d'embrasser la même carrière. que leurs parents, les [)rocédés de toute espèce, de même que les principes de probité, d'exactitude,

(1) LeUres patentes en date du 25 février et du 7 octobre ICI I . Registres aux chartes de Brabant, t. XX, f' 155 et 175. (î) Ibidem, (" loi. (3) Rootboeck, l. c, f' 6i et 225.

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se transmettaient comme une part de l'héritage paternel, et l'industrie, appuyée sur ces bases solides, traversait des crises qu'elle ne supporterait peut-être plus.

Dès le xvi^ siècle, les Leyniers constituaient à Bruxelles l'une des plus notables des familles plébéiennes. Le tapissier Antoine Leyniers fat conseiller communal en 1552, et nous le voyons, au mois de septembre 1562, fournir des tapisseries pourorner l'église Saint-Pierre, de Louvain (i). Jacques Ley- niers, à son tour, fut conseiller en 1 579 et 1 582, et receveur en 1585 et 1584; il était donc du parti qui repoussait le joug espagnol. Un de ses parents, dont le prénom était Everard, se fit affilier au métier des teinturiers, ainsi que son fils du même nom, qui mourut le 25 juin 1595, laissant, entre autres enfants, trois fils : Gaspar et Gilles, nés d'un premier mariage; Daniel, d'une seconde union. Le passage du rapport de l'archevêque de Gonsa cité plus haut suffit pour prouver à quel point celui-ci réussit dans ses travaux, puisqu'il était alors le plus célèbre teinturier du pays. Il avait été reçu dans le métier en 1051-1652, pour le vin seu- lement, en qualité de fils de maitre, ce qui ne lui coûta que 2 florins 10 sous, et il mourut le 50 juillet 1658, après avoir exercé sa profession pendant 27 ans et plusieurs fois fait partie de la magistrature communale (2), Sa veuve, Jeanne Van den Broeck, continua ses travaux, avec l'aide d'un des parents de son mari, qui les avait déjà dirigés pendant la maladie de celui-ci.

(i) Van Even, Louvain monunlenlal, p. 181.

(i) Il fut nommé: conseiller en 1G45, Idbl, 16u8; receveur communal en 1644- et 1649 et receveur du canal en 16S3.

277

Des fils de son frère aîné Gaspar, (lui fui tapissier et, si l'on en croit un manuscrit de faniilie, « tapissier célèbre (i) » , le plus jeune, Nicolas, marcha sur les traces de son oncle. « Afin de venir en aide à ses frères, dit le codex dont » nous venons de parler, il renonça à la fabrication des » tapisseries pour se livrer entièrement et suivant ses » inclinations naturelles à l'art de la teinture, que son père » lui avait enseigné. Il y réussit si parfaitement qu'il » devint le premier pour teindre en couleurs vertes et » bleues, de toutes nuances, couleurs que les tapissiers de- » valent auparavant demander à Anvers ou ailleurs. Il » inventa, en outre, un procédé pour tenir constamment les » cuves prêtes. » Avant lui, d'autres teinturiers en bleu (blamuervers) , tels que Ferdinand de Vergara, Jean Huyge, Pierre Huybrechts, avaient joui d'une pension de 100 llo- rins par an, que la ville leur payait; le dernier y ayant renoncé, on fut obligé à Bruxelles d'envoyer teindre en bleu les étoffes au dehors et notamment à Anvers, Ce fut alors que Nicolas Leuniers ou Leyniers entreprit le môme genre d'opérations et y réussit, grâce aux conseils d'indus- triels anglais, hollandais et autres. Il obtint une nouvelle exemption d'assises, semblable à celle que l'on avait octroyée à son oncle Daniel (25 septembre 1G42).

Après la mort de Nicolas Leyniers (qui arriva le 20 juillet 1658), son fils Gaspar obtint la continuation des avantages dont il avait joui (4 mars 1659). On favorisa également le

(i) Mémoires pour mettre à la suite d'un livre touchant l'origine de la famille des Leyniers dans les arts de la teinture et de la tapisserie, Ms. in-Paux Archives de la ville. Il existe une bonne généalogie de cette famille dans le volume coté V, t. VI, f 355, de la bibliotliéque du ministère des affaires étrangères.

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frèro de celui-ci, Michel, après la iiiorl du receveur Ley- niers, qui ne laissa pas d'enfanls (avis des trésoriers et des receveurs, en date du 19 mai 1(375), et des étrangers à celte famille, comme Josse Wasch, qui embrassa la môme car- l'ière, vers 1651 ou 1652 (résoluliuii du 15 février 1658), et Gaspar Montaigne (avis des trésoriers et receveurs de Bruxelles, du 11 avril 1699). Ainsi que Wasch le dit dans sa requête, les tapissiers n'avaient jamais eu tant d'assorti- ments de couleurs et il ne leur arrivait plus de devoir, faute de pouvoir se procurer les lils nécessaires, suspendre leurs travaux et faire attendre leurs clients, (jui étaient parfois des rois ou des princes. Il y avait donc, pour ce qui concernait les travaux de teinture, une amélioration notable et incon- testée. Micliel Leyniers, qui mourut le 19 septembre 1705, et un troisième fils des mêmes parents, Daniel, qui mourut le 27 août 1710, travaillèrent de préférence pour les drapiers. La teinturerie de Michel était située au Coin des Teinturiers (m H Verwcrshoeck), près de l'église Notre-Dame de Bon- Secours, son second fils, François ou Daniel-François, continuait, en 1709, la profession de son père.

La fabrication des tapisseries traversa une brillante période pcnd.iiil le |)remier tiers du xvii" siècle, alors que le métier comptait 105 mailres, ainsi qu'on le voit sur l'un des tableaux de Sallaerts, au Musée de Bruxelles, et 1,100 à 1,500 ou- vriers, comme le porte une pièce datée de l'an 1708. Mais elle subit un temi)s d'arrêt après la mort de l'infante Isabelle et lorsque les provinces belges sévirent à la fois attaquées au nord et au sud. Déjà vers la lin d(^ la trêve de douze ans avec les Provinces-Unies (en 1021), plusieurs princes étran- ii'ors avaient attiré dans leurs états cl maîtres et ouvriers; la

^27î)

nij)tin'e eiUre la France cl rEspagiie, en 1G54, un an après la mort dTsabelIc, aggrava la situation en inlerrompant les relations commerciales de Bruxelles et de Paris. On vit même Jean Zegers, (ils de Jacques, (lui était également maître tapissier, et mari de Madeleine Vervoel, lilie de Jean Vervoet, maître tapissier des archiducs, abandonner la pre- mière de ces villes pour la seconde, il habita i)lusieurs années. Mais il n'y resta pas et revint travailler à Bruxelles pendant 56 ou 37 ans. Deux de ses enfants, Jacques et Mat- thieu, qui y étaient nés, purent y continuer la même profes- sion, tandis que le troisième, Vincent, étant venu au monde pendant que son père séjournait à Paris, fut considéré comme étranger; voulant faire cesser cette situation, il sollicita, en qualité d'artisan habile et issu d'anciens maîtres, son admission gratuite dans la bourgeoisie bruxelloise; il ne put, toutefois, oblenirqu'une réduction du droit d'entréeà 100 flo- rins (25 juillet 1685) (i).

Les diminutions partielles d'assises accordées aux princi- paux maîtres tapissiers donnant lieu à quelques abus, on astreignit d'abord ceux-ci (notamment en 1657) à produire, s'ils voulaient jouir de ce privilège, la preuve qu'ils travail- laient réellement; puis on prescrivit, le 10 février 1640, que tous les six mois, à partir de la Saint-Jean (24 juin) sui- vante, le métier fournirait aux trésoriers et receveurs com- munaux une liste des marchands qui avaient été affranchis en 1615, 1629 et 1658, et combien de pièces ils fabriquaient par an ("i). Il fut ensuite sti|)ulé que pour continuer à avoir droit aux exemptions, il fallait exécuter deux chambres

(i) J/« registre ter Tresorye gehouden, i" 243. (i) l^ registre ter tresorye gehouden, f" 130.

280

(Iwee cameren wercx) pur an c( en produire une attestation certifiée par les doyens (50 août 164-7). L'année suivante, tous ceux qui, comme fabricants, jouissaient de quelque franchise, tapissiers, drapiers, etc., furent astreints à pro- duire dorénavant, tous les ans ou tous les six mois, une liste de ce qu'ils avaient conlcctionné pendant l'année ou le semestre écoulé; ils devaient, en outre, déclarer, sous la foi du serment, que leurs produits n'avaient pas été exécutés avec l'aide d'autrui QHd août ■1648). Des serments de ce genre furent prêtés par plusieurs tapissiers et, entre autres, par Léonard Wyns le 28 février 1651, et par Pierre Vanden Berge le 26 septembre de la même année. Enfin, comme mesure du même genre, citons encore l'ordre donné aux doyens du métier, le 7 mars 4650, de présenter tous les ans une liste des affranchis ou exempts.

Le cardinal Mazarin, qui gouverna la France sous le nom de la reine-mère, Anne d'Autriche, pendant la minorité de Louis XIV, était un amateur passionné de tapisseries, comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire. 11 employait à cet clTet un valet de chambre du commandeur de Souvré, homme très-expert en la matière. Tel était, au surplus, l'engouement général de l'époque pour les tapisseries histo- riées que dans l'inventaire des richesses mobilières de Mazarin on évalua certaines tentures à 100,000 livres, tandis que l'on ne cote que de 500 à 2,000 livres des peintures dues à Raphaël. Le cardinal possédait 71 tapis- series, dont 33 de Flandre, 22 d'Angleterre, 10 du Portugal et 6 de France (i).

(0 Le baron de Sainte-Suzanne, Noies d'un curieux sur les tapisseries tissées de liante ou basse lice, pp. 62 h. (îi.

281

Malgré la décadence de notre école de peinture, malgré la triste situation qui était faite au j)ays par les victoires de Condé et de Turenne sur les armées espagnoles, l'industrie des tapisseries conservait donc de l'activité àBruxelles, et ceux qui s'y adonnaient ne cessaient de rechercher les moyens de maintenir sa splendeur. Dans ce but ils résolurent d'imiter ce qui se pratiquait à Anvers et d'ouvrii- un pcmt ou galerie ; on dirait aujourd'hui une exposition permanente. Les fabricants et les marchands ayant un grand nombre de pièces à vendre, étaient forcés de les garder longtemps chez eux, en perdant les intérêts du capital représenté par leurs fabri- cats, ou de les envoyer à Anvers. Dans ce dernier cas, si quelque grand personnage, habitant aux Pays-Bas ou y arrivant, et attiré par la réputation des « tapisseries de Bruxelles », désirait en acheter, on devait l'accompagnera Anvers pour lui en montrer, si l'on ne voulait manquer des occasions de vente. Les tapissiers bruxellois désiraient ou- vrir également une galerie d'exposition, non avec le dessoin de déserter celle d'Anvers, mais afin d'avoir deux chances d'écouler leurs produits; déplus, ils espéraient obtenir du facteur de la galerie, comme cela se pratiquait dans la cité anversoise, des avances sur le prix de leurs fabricats, en payant un intérêt peu élevé. On offrait de leur procurer celte facilité moyennant 8 pour cent. A certains points de vue, les Anversois jouissaient encore d'autres avantages. Chez eux les tapissiers ne formaient pas de corporation et ne reconnaissaient pas de règlements particuliers. Ils n'avaient pas à subir des visites semblables à celles qui se pratiquaient à Bruxelles toutes les six semaines par les quatre doyens, et l'on ne brûlait pas les tentures jugées

282

mauvaises. L'affaire n'iiilérossaiU ])as sculemenl Bruxelles, le Conseil de Brabant en fut saisi et demanda l'avis de l'ofiice fiscal, du magistrat de Bruxelles et de celui d'Anvers; ce dernier étant resté en défaut de répondre et les autres autorités consultées ayant envoyé un avis approbatif, le conseil donna sa sanction à la proposition (jui lui était soumise (17 août 16S5) 0).

Il fallait un local. Le magistrat concéda au métier une partie des salles de l'Hôtel de Ville appelées de Schermers scliole, t Ecole des escrimeurs, salles auxquelles on arrivait par une entrée faisant face à la Fonlaine bleue (aujourd'hui le Cracheu'), mais en lui imposant l'obligation de les clô- turer pour les séparer du restant de ces salles, d'y ouvrir des fenêtres, etc., aux frais de la corporation (10 juil- let IGoG) (2). Ces travaux s'effectuèrent dans les années sui- vantes; mais, faute d'avoir retrouvé les archives du métier, on ne sait pas en quoi ils consistèrent, d'autant plus que cette ])arlic de l'hôtel de ville et tout ce qu'elle renfermait périrent dans le fatal bombardement de l'an 1695.

Afin de donner de l'animation à ce Pant ou galerie, qu'on appela de Tapissiers pandl ou Galerie des tapissiers, le magistrat adopta quelques mesures qu'il motiva sur la né- cessité de maintenir dans son lustre la fabrication et l'in- dustrie de Bruxelles, « (pii était en si grande estime dans » d'autres pays » . Sous peine d'une amende de 100 florins, toutes les tapisseries fabriquées dans la ville et sa franchise (ou banlieue) devaient dorénavant y être portées pour y

(0 V" ri'fjislre 1er Tresonjc ychoudcn , 1" I"2ii. Copi/e hoek vaii KirU tôt 1657, p. 9-2.

(o) V ri'iiislrt' ter Tresoriie tjelinntlen, f" 1i4.

28r,

être contrôlées et scellées, sauf (|ii'il sorail encore pei'nn's d'en exposer au palais (m ket Princelyck ho/f) et chez les marchands ou fabricants mômes ; ceux qui voulaient em- prunter sur ces objets étaient tenus de les laisser au Pant jusqu'au remboursement des sommes qui leur avaient été avancées sur ces gages. Il fut, en outre, défendu aux mar- chands ou facteurs de tapisseries ne faisant pas partie de la corporation de donner la môme tenture à exécuter à plus de deux maîtres, qui devaient apposer chacun leur marque aux pièces qu'ils confectionneraient, sans pouvoir y placer celle du marchand. Les amendes pour contravention à ces règles, toutes fixées à 100 florins, devaient se partager par tiers, entre le prince (ou duc de Brabant), la ville et le dénon- ciateur; les accusés n'étaient admis à faire opposition à la sentence qui les frappait qu'après avoir consigné le mon- tant de l'amende (15 mars 1657) (i). Sur les réclamations des « communs suppôts du métier », on apporta quelques modifications à celte ordonnance le 24 mai de l'année sui- vante. L'exhibition des cartons et des tapisseries chez les fabricants mêmes, conformément à l'usage suivi de temps immémorial, fut sanctionnée d'une manière formelle, mais après que les pièces exécutées auraient été portées au Pant pour y subir l'inspection requise. On devait s'y assurer qu'elles étaient carrées ou plutôt quadrilatérales, sauf que vers le haut on admettait une différence qui pouvait s'élever à un demi- quart ou huitième. Les fabricants furent, en outre, autorisés à donner leurs fabricats en garantie au Mont-de-pié(é (2).

(1) V" Registre ter Tresonje gelwitden, 205. (i) Publicatie boeck, I. MF, f" 408.

284

Les marchands et fabricants ne manquèrent pas d'affluer dans la capitale des Pays-Bas espagnols et de se servir de la nouvelle galerie d'exposition. Us se virent l'objet de quelques prescriptions, l'on remarque une tendance louable à ne pas abuser de leur concours. Si, dès le 28 mars 1G37, on rendit obligatoire, également sous peine de 100 florins d'amende, l'exhibition au Pant, après examen et scellage, de toutes les tapisseries qui seraient importées dans Bruxelles pour y être vendues ou placées (i), on déclara, le 24 mai de l'année suivante, que l'étranger pourrait, s'il le voulait, exposer ses tapisseries dans l'auberge il logeait. Lorsque le métier, pour s'indemniser des dépenses que l'appropria- tion de la Schermers schole lui avait coulé, voulut imposer '1 oorden ou liards sur chaque aune de tai)isserio étrangère qui y serai! vendue, il eul beau alléguer que les fabricants de Gand, d'Audenarde, d'Enghien et même d'Anvers avaient pris l'habitude d'y envoyer les produits de leurs ateliers, et qu'il n'était pas juste que ceux qui n'avaient pas participé à une dépense pussent jouir des avantages résultant de cette dernière, le magistrat refusa d'entrer dans cette voie. Il établit une taxe d'une oort par aune de tapisserie exposée au Pant, mais sans établir de distinction entre ce qui provenait de la ville môme et ce qui pro- venait du dehors (2ô novembre 16G1) (2).

Tout un système d'avances ou préis sur les marchandises exposées fut alors adopté. Les doyens et anciens du mé-

(1) V register ter Tresorye gehoiukii, f" 201.

(2) YP register 1er Tresorge gelioiakii, f 237.

^2m

lier : (îaspar Vanden Brugge, Jean Van Loefdael, .losse Aerls, Charles VandcMiGucht, ClirélienVan Brusloni, Conrad Vanden Briigge, Philippe Slreyckmans, Daniel Lcyniers, André Vanden Dries, Henri Rydanis, Jacques Van der Meeren, Gérard Van der Slrecken , Jean Cordys, Malliieu Roelanls et Georges Lcemans, après avoir résoUi de nommer un facteur général des tapisseries du Pant, appelèrent à ces fonctions Jean-François de Grouseliers et conclurent avec lui, le 28 août 1057 et par-d(!vant notaire, l'accord suivant. Le facteur devait payer un loyer de 30 florins par an, se procurer un capital de 20,000 florins afin de prendre des tapisseries en gage, effectuer ces avances, comme cela se pratiquait à Anvers, à raison des deux tiers du prix et de 6 1/2 pour cent; être présent au Pant (sauf à se faire représenter par un délégué) tous les jours : du 1" mars au 51 octobre, le matin de 9 heures à 12 et l'après-midi de 2 à 5, et le restant de l'année de 10 heures à 12 et de 2 à 4. Pour le dédommager de ses peines, il lui était alloué 2 sous par florin de tenture vendue, sauf, s'il employait pour une vente l'intervention d'un courtier, déduction d'un tiers au profit de celui-ci ; quand une tapis- serie ou une chambre était en partie au PaJit et en partie chez le fabricant, le facteur général n'avait droit qu'à une moitié de l'allocation précitée. Les tapissiers d'Anvers devaient payer 2 pour cent et ceux d'Audenarde 5 pour cent du prix des tapisseries vendues par eux pour couvrir les frais de toute espèce occasionnés par l'établissement du Pant. De Grouselliers et sou beau-père François Van Coppenhole donnèrent leurs biens en garantie de l'exécution de cet accord, qui fit l'objet d'un acte de condamnation

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volontaire passé en Conseil de lirabant, le 28 août (i).

Au bout d'un an (^27 juin 1058), de Grouselliers de- manda et obtint l'exemption de jnonter la garde et une exemption partielle de payer l'assise de la bière et du vin. En acceptant la place de facteur, il avait dû, disait-il, renoncer à celle d'archer du gouverneur général et vendre plus de ^0,000 ilorins de biens. A ce qu'il assurait, le Pant contenait déjà pour plus de 150,000 florins de tapisseries de Bruxelles, d'Anvers et d'Audenarde (2).

Si l'on acceptait les termes d'une requête que les doyens, les marchands et les maîtres du métier des tapissiers sou- mirent alors au magistrat, tous ces eflforts n'auraient pas été inutiles, « l'industrie de la tapisserie fleurissant de plus en » plus ». Us prétendirent alors avoir joui de l'exemption de l'assise sur la bière à raison de li2 aimes, l'aime évaluée à 2 seliers de braie ou drèche, tandis que les fermiers de l'assise ne voulaient leur décompter l'assise que pour 18 seliers, ce qui les aurait réduits, disaient-ils, à ne boire que de la petite bière. Le magistrat leur donna gain de cause (il février IGGI) (z), mais profita de ces contestations pour diminuer dans la suite le taux des exemptions.

Nous avons plus haut accepté, avec une formule légè- rement dubitative, le fait du maintien de la prospérité du

(i) Registre intitulé Tax, Index van si/ne boecken, 18 t.

(s) V* regisler ter Trésor ye gehouden, {" 5:25.

(ô) VI' register ter Tresorye gehouden, f" lit.

Pour apprécier la portée de cette réclamation, il faut renianiuer que Vaime de bière, mesure de Bruxelles, équivalait à 100 pots ou, en suivant le calcul métrique, à iôO litres; quant à la rasièrc de drèche, elle correspondait à 5 litres 28:2 niijlililrcs. Pour ce qui est de l'aime de vin, elle se divisait en 90 pots et valait é^'alement 150 litres. En France, on appelait poinçon une mesure contenant les deux tiers d'un luuid, soit environ 100 litres (le muid contenait 2G0 litres).

l>87

mélier; en efl'el, nous voyoDs, (\im<> un autre docunieiil du même temps, la corporation rccouiir à la bienveillance du magistral, et lui demander de prendre à la charge de la ville la faible somme de 205 florins qu'elle devait pour Trais d'un procès. Le magistrat consentit à payer, avec une réserve de non-préjudice (14 janvier 16GI) (i). Il est assez singulier d'entendre les doyens et anciens de la corporation alléguer, d'une part : c que la plupart des suppôts ou mem- » bres, se trouvant dépourvus de moyens d'existence, abaur » donnent la ville » , et, d'autre part, se vanter de la grande consommation occasionnée par les maîtres et les ouvriers du métier. Cette contradiction évidente prouve qu'on ne doit pas toujours prendre à la lettre les expressions qui se rencontrent dans les documents.

En réalité, les temps devenaient de plus en plus dilïiciles pour la Belgique. Si la conclusion du traité de Munster, en 1048, et celle de la paix avec la France, en 16G0, luiper- mirent de respirer pendant quelques années, l'ambition de Louis XIV ne tarda pas à la replonger dans la désolation. Quatre guerres entreprises à de courts intervalles, en 1067, en 1075, en 1684 et en 1689, eurent ce double résultat de remplir le pays de deuil et de carnage, et de l'affaiblir de plus en plus par des pertes de territoire. Un roi débile, un gouvernement sans énergie ne pouvaient lutter contre un monarque entreprenant, secondé par de grands capitaines et des ministres habiles. Les Pays-Bas espagnols déclinèrent donc rapidement et tous les arts et industries y marchèrent vers la décadence.

(i) Vl" register ter Tresorye gehoitdeu, i" loi.

^288

L'industrie de la tapisserie historiée sévit alors plus me- nacée que jamais. Elle avait à compter, non-seulement avec l'appauvrissement de nos provinces, mais avec les efforts tentés en France, dans les établissements des Gobelins et de Beauvais, pour lui (Milrvcr la fleur de son personnel et le premier rang comme fabrication. Mais avant de parler de ces tentatives et de leurs conséquences, nous avons un double travail à présenter : le premier concernant les pein- tres qui exécutèrent des carions pour les tapissiers aux XVII'' et xviif siècles et le second concernant ces tapissiers eux-mêmes.

VIII.

Quel intérétoffriraientde bonnes indications sur les artistes auxquels sont dus les cartons des belles et nombreuses ten- tures que l'induslfie bruxelloise produisit au xvii" siècle? Hélas, nous ne possédons à cet égard que des données incomplètes, parce que les biographes se sont presque tou- jours contentés de citer les tableaux ou les gravures des peintres dont ils écrivaient la biographie ; à leurs yeux, les cartons pour tapisseries constituaient une série d'œuvres d'un rang inférieur, jugées indignes d'être mentionnées. Cette lacune, il est aujourd'hui difficile de la combler.

Ainsi, lorsqu'on remonte aux premières années du règne des archiducs Albert et Isabelle, à cette époque qui vit refleurir chez nous l'art de la tapisserie, on ne recueille que peu de chose sur et; sujet intéressant. Bol, Momper, les Van AIsloot sont seuls désignés comme ayant travaillé pour les fabricants de Bruxelles. C'est Félibien qui nous a con-

- 289

serve ce renseignement à propos de Jean Bol, de Malines, qui mourut, dit-il, âgé de 00 ans, un an après Coxic, en 1593 par conséquent. Il peignait très-bien le |)aysage, par- ticulièrement à la détrempe et en miniature; les tapissiers de Bruxelles, ajoute Félibien, l'employaient d'ordinaire à faire des dessins pour tapisseries (i). Josse DeMomper, qui naquit à Anvers vers 1559 et mourut en 1034 ou 1055, et dont il existe de beaux paysages dans les musées de Dresde, de Vienne et de Madrid, a vécu aussi à Bruxelles, il fut chargé par la ville de diriger la décoration des rues et des places publiques lors de l'entrée de l'archiduc Ernest, en 1594; il reçut, le 1" février 1595, 10 florins pour avoir peint les dessins de tapis destinés à l'archiduc Albert (2). Quant aux Van AIsloot, qui étaient également paysagistes, ils mirent aussi leur talent au service des archiducs, qui payèrent, en 1603, 90 livres à Denis Van AIsloot, pour des cartons de tapisseries de savette appelées brotesques, semées de quelques tleurs de soie, et, en 1604, 555 livres à Louis Van AIsloot, tant pour deux pièces et demie de tapisseries grotesco que pour des cartons (3). Denis, et non Daniel, que l'on dit être à Bruxelles en 1550 et être mort dans cette ville en 1608, ne nous est connu que par ses œuvres, qui sont dispersées un peu partout. Le Musée de Bruxelles possède de lui une représentation lopographique de l'ancien parc et château de Marimont; celui de Vienne, un paysage avec figures, signé D. Ab. Asloot S. A. pict. 1008; celui de

(0 T. I, p. 715.

(-2) Commission royale d'histoire, 1" série, t. XIII, p. 120.

(r) HoiJDOY. Les tapisseries de haute-lisse, pp. 148 et 149.

290

Madrid, une mascarade de patineurs, une chasse aux canards, une procession des corps de métiers d'Anvers, une proces- sion dans la même ville, le jour de la fête du Rosaire; la National Gallery de Londres, une procession des corps de métiers de Bruxelles.

Toutes ces individualités, qui brillaient d'un certain' éclat, s'éclipsèrent lorsque se leva sur l'école d'Anvers ce glorieux soleil qui avait nom Rubens. Le prince des artistes fla- mands ne se contenta pas de produire sans relâche des tableaux de tout genre, de graver, de s'occuper tour à tour des affaires publiques, de littérature, et de l'étude des anti- quités, il exécuta un nombre considérable de dessins pour les tapissiers, en particulier pour ceux de Bruxelles. Le fait, qui n'est pas contesté d'ailleurs, est mis hors de doute par la correspondance même du peintre.

Essayer d'énumérer toutes les tentures dont les cartons sont de Rubens ou lui ont été attribués, serait tenter une entreprise fatigante et fastidieuse. Bornons-nous à en citer quelques-unes, telles que l'Histoire d'Achille, l'Histoire d'Ulysse, le Triomphe de l'Eglise, l'Histoire de Décius, l Histoire de Constantin.

La première fut exécutée, dit-on, sur des cartons que Rubens peignit pour le roi d'Angleterre Charles V\ cartons qui sont dispersés, probablement depuis la vente de la collection du monarque anglais (i). Elle se compose de huit pièces et a été gravée à l'eau forte à Anvers, en 1079, par François Ertingcr, et à Londres, en 1724, par Bernard Baron. Les esquisses se trouvaient, en 1798, nu Musée

(0 iSMiTH, Catalogue raixonné, W" partie, p. 250.

'■29\

Barbcrini, de Rome, et en 18i8 (au nombre de sept), chez M. J.-F. Gallot, à Paris, qui leur consacra une notice spéciale (i). Cependant, d'après l'inventaire des tapisseries délaissées par Rubens lui-même, la Vie dWcliille qu'il possédait comprenait dix pièces, encore inachevées à sa mort (2). Il est évident que Rubens a traité plusieurs fois

(i) Paris, Didot, in-S» de 49 pages, sans date.

(2) Voici cet inventaire, qui a été dressé en I6i3 et dont nous devons une copie ^ notre confrère Génard :

Audenaerdsche tapijten.

Een caeiner Aiidenaerdsclie lapitserye 4^ 1/2 el diep, van sesse stucken, de Historié van Camillus, lioudende tsaemen hondert acht en viertich ellen.

Een caemcr Audenaerts van een Romanische historié, vylT stucken , 5 1/2 el diep, hûudende hondert tweeentdcrtich cilen endc dry quaert.

Een ander caemer van Audenaertsche tapitserye van een Romanische historié, vyff stucken, i i/2 ei diep, houdende tsaemen hondert tweendertich ellen ende dry quaert.

Een caemer Audenaerts van MarcusAntonius cnde Cleopatra, vyfî stucken, i 1/2 el diep, houdende tsaemen hondert ende vyffentdertich ellen.

Een ander caemer de Historié van Troyen, acht stucken vyff ellen diep, tsaemen twee hondert vyffentwintich ellen.

Brusselsche tapyten.

Een caemer Bruessels tapilseryen Historié van David, acht stucken scsse ellen diep, houdende saemen dry hondert twintich ellen ende een halff.

Een ander caemer Bruessels van de Historié van Diana, sesse stucken sesse ellen diep, houdende tsaemen 252 ellen.

Twee camers Brussels werck wesende tweiff stucken vyff ellen diep, de Historié van Diana ende poésie, houdende tsaemen 5G0 ellen.

Een caemer tapitserye de Historié van Achilles, wesende thien stucken, sesse

ellen diep, houdende tsaemen eilen, die noch ter tyt niet te werck en staet

overmits men metten tapitsier daeraff noch niet afgerekent en heefl. Antwerpsche tapyten.

Een camer Antwerps werck sesse stucken de Historié van der Amasonen, vyff ellen diep, groet tsaemen I80 ellen, die welcke noch niet te werck en staet.

Een ander caemer Antwerps werck wesende tweiff stucken, de Historié van Tarqiiinus snperbiis ende Lncretia, vyff ellen diep, houdende tsaemen dry hondert ende Isestich ellen, die noch niet te werck en staet mils de voorgaende redcnen. Urugsche tapyten.

Een Brugxe tapitserye op brocterye, de Historié van Céladon, wesende acht stucken, vyff ellen diep, houdende tsaemen 223 ellen 1)2.

2i)!2

ie même sujet d'une manière ])lus ou moins détaillée. Une troisième série, cette fois composée de cinq pièces, a été exécutée au moins deux fois. D'abord pour Lille, l'on conservait au Gouvernement, dans la grande salle, une tenture ayant six aunes de haut, avec bordures formées de fruits et de fleurs en festons, et attribuée à Rubens. Elle appartenait à la famille Taviel , qui la confia au magistrat de la ville vers 17j(), à condition, en cas de destruction ou de détérioration, d'en payer la valeur, fixée à 6,000 florins. Les cinq pièces représentaient : Achille plongé dans les eaux du Styx par Thétis, sa mère ; Achille se trouvant dans le palais du roi Lycomède, avec ses filles, et reconnu par Ulysse ;

Achille en présence d'Agamemnon et inspiré par Minerve, qui l'exhorte à se calmer;

Paris blessant Achille au talon, au moment le héros grec offre un sacrifice;

Achille mourant, au moment de l'arrivée de la princese Déidamie, sa fiancée;

Plus, un trumeau, de deux aunes seulement, représentant le combat d'Achille et d'Hector (i).

Au mois de janvier 1875, le Gouvernement belge a acheté cinq pièces de tapisseries qui furent fabriquées, en l'année I60G ou postérieurement, pour orner la grande salle de l'hôtel de Jacques-Antoine Carenna et de sa femme, Isabelle Roelants (depuis de M. Van Susteren-Dubois), situé à Anvers, place de Meir. Le dessin de ces compositions porte le cachet indéniable de l'école flamande du xvii* siècle.

(i) HouDOY, /. c, p. 77.

29r,

Les ensembles sont disposes avec art. Les personnages pré- sentent : chez les vieillards, de beaux types pleins de cachet et de variété; chez les jeunes gens et en particulier ciiez Achille et Paris, des types de gentilshommes flamands vêtus du costume antique. Les femmes étalent plutôt les formes corpulentes de notre race que la grâce des beautés du Midi. Le tout nous semble avoir un cachet d'afféterie que Rubens n'a jamais connu; il est probable que l'on a imité ses com- positions, mais en en altérant le caractère. Les cinq pièces ont été reproduites en photographie et représentent les sujets suivants, qui correspondent à peu près à ce que l'on nous dit des tapisseries de Lille :

Tliétys plonge Achille dans le Shjx. La déesse, vue de profil et suivie de sa nourrice, baigne dans l'eau le corps de l'enfant. Sur le fleuve infernal. Cerbère couché, la barque de Caron ; au fond, l'enfer;

2" Éducation d'Achille. Celui-ci galope, assis sur le dos du centaure Chiron, dont il semble écouter les leçons;

5" Colère d'Achille. Âgamemnon semble se lever du trône sur lequel il est assis et fixe avec fureur le jeune héros. Achille veut tirer son épée, mais se détourne pour regarder Minerve, qui passe la main dans sa chevelure blonde. Du côté opposé, Nestor, Ulysse et un troisième personnage, dont on ne voit que la tète, regardent, pleins d'émotion, cette scène ;

4" Mort d'Achille. Pendant que le héros grec sacrifie aux Dieux, une flèche lui perce le pied et il tombe devant l'autel. Près de lui, deux prêtres et un guerrier. Au fond, à l'entrée du temple dans lequel se passe cette scène, Paris tient encore son arme en main et Vénus, soutenue par un nuage, lui montre la victime vouée à ses coups;

294

5" l'arrivée de Déidamie. D'un côté, une lente entr'ou verte laisse voir un malade couche sur un lit cl entouré de soins. Ulysse amène Déidamie, qui est accompagnée de serviteurs des deux sexes portant des objets de toute espèce. Au fond, des vaisseaux chargés de voiles.

La bordure qui entoure ces cinq sujets est composée de fleurs et de fruits, au milieu desquels on aperçoit des écus- sons et des animaux. « Elle est large, très-chargée dans son ornementation et travaillée dans une gamme de tons forts et sombres contrastant avec la tonalité des grands sujets, qui est vive et claire. Le cadre relève le tableau et le tableau donne un relief extraordinaire au cadre. » La lisière porte la marque de Bruxelles (l'écusson rouge entre deux B). Les mêmes sujets, sauf le n^ 3, qui est remplacé par le sui- vant : Thélys demandanl à Vulcain des armes pour Achille, se trouvent chez MM. Braquenié (i).

En réalité, X Histoire d'Achille se compose de huit pièces : les cinq dont une reproduction est devenue la propriété de l'État belge, plus celle l'on voit Achille chez Lycomède, Thétys chez Vulcain et le combat contre Hector. Mais la tenture dessinée par Rubens pour le roi Charles I" présentait cette particularité qu'elle offrait sur les côtés, dans presque toutes les pièces, des divinités païennes posées comme des termes et supportant une corniche ornée de festons et de fleurs.

0) Ces détails sont empruntés a une publication spéciale intitulée : î^otice sur les riches tapisseries flamandes provenant de Vhôtel Van Susteren-Du Bois, d'Anvers. I.ouvain, Pceters, 1875, in-8" de 19 pages, accompagné de cinq photographies.

295

UHisioire if Ulysse, avec les carions ayant servi de mo- dèles, fut, dit-on, envoyée en Espagne par ordre du comte de Monterey, gouverneur général des Pays-Bas, et disparut dans une tempête (i).

La série de tableaux dite le Triomphe de l'Eglise avait été peinte par Rubons pour le palais de Bruxelles, elle périt dans l'incendie de 1751, et il existait aux Petits-Carmes de la même ville une copie dont nous avons raconté ailleurs les dernières destinées (2). On la voyait également, soit en copie, soit en tapisseries, dans l'église du couvent de Loeches, en Espagne, fondé par le comte-duc d'Olivarez. Sept pièces la composaient :

La lumière de l'Évangile dissipant les ténèbres du paga- nisme;

La Loi nouvelle triomphant de l'Erreur et de la fausse Sagesse des philosophes païens ;

Le Triomphe de l'Eucharistie;

Les quatre Évangélistes ;

Saint Thomas d'Aquin et d'autres saints ayant défendu la présence réelle dans l'Eucharistie;

Le Temps retirant la Vérité des bras de l'Erreur;

Le Triomphe de l'Amour divin.

Une autre série sur le même sujet, de quinze toiles, fut peinte par Rubens à la demande de l'archiduc infant don Ferdinand, qui la fit exécuter en tenture pour les Carmélites déchaussées dites de l'Impératrice, à Madrid. Les cartons restèrent à Bruxelles, on les conservait au palais, dans

(0 Ms. de la Bibliotlièqiie royale, intitulé Rnheninna, par Mols, t. H, f" 151. (?) Histoire des environs de Bruxelles, 1. 1, p. 204.

296

la galerie dos Empereurs; mais le roi Philippe IV, par une lettre adressée à l'archiduc Léopold-Guillaume, en date du 6 janvier KMS, enjoignit de les envoyer en Espagne (i). Il est probable que ce sont ces tableaux que le Catalogue de Smith considère comme ayant été peints ])our le couvent de Locches, par ordre de Philippe IV, qui en aurait fait don à d'Olivarez. Deux furent enlevés par les Français en 1808 et ont été acquis du général Sébastiani pour le Musée du Louvre. Quatre passèrent entre les mains de M. de Bourke, envoyé de Danemark en Espagne, (}ui les emporta en Angleterre; les autres subirent un sort analogue et sont aujourd'hui dispersés. Outre les sujets indiqués plus haut, ils représentaient : les Israélites recueillant la Manne dans le désert , Abraham recevant de Melchisédech le pain et le vin, Elle visité par un ange, etc.

Nous reparlerons plus loin de l'Histoire de Décius. De l'Histoire de Constantin, les rois de France possédaient trois pièces; Constantin combattant le tyran Maxence, Maxence tombant dans le Tibre et Constantin couronné par la Victoire auprès des trophées qu'on lui a élevés (^2). Elles ont fait l'objet de gravures signées : Balthazar Moncornet excudit et dédiées « au sieur Hipolite de Comans, chevalliers de l'ordre » de Saint-Mars, seigneur de la Petite-Flandre ». On y voit l'écusson de M. de Comans, (|ui portait « d'azur à trois fasces ondées d'argent, au chef de gueules chargé de trois besans d'argent. » Les esquisses de cette série, composée de

(1) Messager des sciences historiques de Belgique, année 1868, p. 559. (4) Maiuette, Ahecedarifl, t. V, p. 110.

207

douze sujets, se voyaient jadis dans la Galerie d'Orlrans, à Paris; elles sont aujourd'hui dispersées (i).

Le célèbre Van Dyck ne fut jamais, à ce qu'il scndjie, en rapport avec nos tapissiers, mais Jordaens travailla maintes fois pour eux et entre autres pour Baudouin Van Bevercn et Jean Cordeys (2). Le premier dépensa plus de 1,GOO flonns pour obtenir de lui un carton qui fut exposé aux regards du public dans l'église Sainte-Catherine.

La mort de Rubens porta un coup fatal à l'école anver- soise, dont l'importance déclina alors considérablement, non qu'Anvers ait cessé d'être une pépinière féconde de bons peintres, mais celte ville, qui depuis le temps de'Quentin Metzys pouvait se considérer comme le centre des arts en Belgique, fut alors éclipsée par Bruxelles, plus d'un artiste de talent alla se fixer. Van Dyck était parti pour l'Angleterre; Jordaens presque seul occupait une de ces grandes positions la foule n'arrive jamais; Teniers et Van Uden rejoignirent dans la capitale Crayer, De Vaddere et Ghampaigne. Si l'on en excepte Crayer, qui ne tarda pas à partir pour Gand, tous ont travaillé pour les tapissiers : les premiers aux Pays-Bas, le dernier ta Paris. Nul doute que cette célèbre industrie n'ait réagi sur eux et contribué à leurs changements de résidence.

Dans cette brillante pléiade, encore tout imprégnée de l'ardeur que le génie de Rubens avait inoculée à l'école flamande, Lodewyck ou Louis De Vaddere occupait le pre-

(i) Smith, /. c, p. 202.

(2) Requêtes annexées à des résolutions du magistrat en date du lôjuiiUtt 16i5 et du 7 mars 1650.

298

mier rang. A peine connu de nos jours, De Vaddere était renommé surtout pour ses paysages, l'on retrouve quel- ques-unes des qualités do Rubens : la clarté et la puissance du coloris, la distribution de la lumière et le procédé large et moelleux. On connaît aussi deluionze eaux-fortes, animées d'un sentiment vrai de la nature, mais d'une touche assez rude et dépourvue de goût (i). Un nommé Jean De Paige, qui n'était jusqu'ici jamais sorti du néant et jouissait des exemptions accordées aux peintres de carions pour les tapissiers, était mort depuis quelques jours, lorsque De Vaddere en obtint la jouissance, en faisant valoir que depuis longtemps il exécutait aussi des cartons ( résolution du magistrat de Bruxelles du 27 février iG44) (2).

De Vaddere a peint peu de tableaux, ou plutôt il ne nous en reste qu'un petit nombre; il n'en a pas moins exercé une inlUience considérable, car il peut être regardé comme le chef, le maître des paysagistes brabançons. Van Artois et Achtschellinck ont, si non étudié chez lui, du moins imité jusqu'à un certain point ses procédés et sa manière. Dans une requête présentée au magistrat en 1645, le ta- pissier Baudouin Van Beveren qualifie de « meilleur artiste du ])ays (de voornaemsle schilder van den lande) maître Louis DeVadder, à qui il avait payé plus de 1,000 florins pour peindre [Histoire de Diane et de Pan. Jean Gourdys eut aussi recours à ses talents, vers l'an 1C50. On a dit

(0 Waagen, t. II, p. 286. Voyez Nacler, Kramm, p. 1665, etc.

(2) l" regi.ster 1er Tresorye gchoiiden in gevolge van den niemven réglemente van 1039, f" 516. Ce Hans ou Jeun De Paige, que l'on surnomme quelquefois le Jeune, parce que son père portait le même prénom, l'ut reçu maitre le 15 novembre 1615.

200

que De Vaddere ctail vers loGO et mort en 10:28; ce sont des erreurs considérables, car notre peintre l'ut reçu maître le 15 mai 1G28 et mourut en 1055. Il était fils d'un Gilles De Vaddere et avait déjà pris femme lors de sa réception à la maîtrise.

Luc Van Uden, fils d'un peintre du mémo nom cl à Anvers le 18 octobre 1595, travailla longtemps dans cette ville, il fut reçu en qualité de maître peintre dans la gilde de Saint-Luc, en 1020-1027. Les meilleures critiques l'ont jugé avec bienveillance. « Toujours on trouve dans ses » œuvres, dit Waagen (i), un sentiment pur et profond de » la nature, un dessin correct, une distribution savante de » la lumière, des détails parfaitement accentués, un coloris » transparent et vigoureux, quelquefois trop vert, et un soin i> minutieux. Il comprend à merveille la façon de traiter » les grandes surfaces et le détail des petits tableaux. » Les Musées de Dresde, de Munich, de Madrid, d'Anvers pos- sèdent de belles toiles de ce maître, qui a, en outre, gravé 02 pièces, le procédé est vigoureux, sans exclure la douceur, mais parfois inégal. On nous a appris que Van Uden se fit enregistrer à Anvers le 51 décembre IGiO, parmi les bourgeois forains; ce fut à Bruxelles qu'il vint se fixer et il termina sa carrière, vers 1662. Van Uden, lié avec Rubens et Van Dyck, était si renommé comme paysagiste, que Rubens lui demanda souvent d'exécuter les fonds de ses tableaux.

L'un des artistes qui participèrent le plus activement aux

(i) T. Il, pp. 2:28-250. Voyez aussi Catalogue du Musée d'Anvers, p. 257. iNaglek, t. XIV, p. 05. Kramm, p. 1G54.

500

travaux des tapissiers de l'époque fut Antoine Sallaerts, bourgeois de Bruxelles et natif de celle ville, il fut reçu apprenti le 14 avril 1606, comme élève de Michel de Bordeaux, admis comme maître le 20 août 1613 et élu doyen du métier à plusieurs reprises. Nous devons juger son talent, non \)'dv les représentations de cérémonies ou de fêtes qui se trouvent au Musée de l'ruxelles, et le nombre, le costume et l'arrangement des personnages lui étaient im- posés, mais par les toiles il a pu déployer avec plus de liberté ses qualités de coloriste et de dessinateur. De ce nombre sont les Trois personnages à genoux devant In Viei-ge, œuvre remarquable qui orne la grande galerie de l'Hôlel de Ville, au premier étage, et l'on voit la date 1654, avec des écussons encore inexpliqués. Au Musée, il y a de lui une Allégorie de la passion du Christ, qui provient de l'église de la Chapelle. Jadis on trouvait aux Riches-Claires de Bruxelles, aux Pauvres-Claires de la même ville, aux Chartreux de Gand et aux Guillelmites d'Alost, un grand nombre de compositions qui ont été vendues par le gouver- nement autrichien en 1785 et dispersées. Celles qui exis- taient à Gand provenaient de l'ordre dos Jésuites et repré- sentaient pour la plupart des paysages l'on voyait, tantôt des sujets i-eligieux, tantôt des saints ou des personnages de la compagnie; plusieurs de ces personnages avaient été, après la suppression de l'ordre, transformés en chartreux. Ses Assomptions de Bruxelles présentaient de grandes quali- tés. Celle des Riches-Claires était à la fois bien composée et bien jx'inte; celle dos Pauvres-Claires était vigoureuse, d'une couleur transparente et vive; les attitudes y étaient variées, ainsi que les tètes des apôtres.

501

Sallacrls descendait d'une famille noble donl les membres possédèrent des seigneuries et occupèrent des charges importantes, telles que celles de bailli de Termonde et de Gand et d'écoutète de Malines (i); l'un de ses ancêtres, Gaspar Sallaerts, dit De Doncker, était petit- fds de Charles, qui fut doyen de la gilde de la draperie à I^ruxelles en 14S5 et petit-fils d'Olivier De Doncker, éclievin de la même ville en 4484. De Gaspar et de Catherine De Doncker naquirent Philippe, Antoine et Charles Sallaerts, qui partagèrent, le 5 mars IGl 1 , les biens de leurs parents, de leur tante Jeanne, femme de Charles de Baude, et de leur autre tante Anne, femme de Nicolas De Bosschere. De Philippe (et non de Gaspar, comme le dit une généalogie,) naquirent, entre autres enfants, deux peintres : Antoine et Melchior. Le premier épousa AnneVerbrugge. Il habitait rue Terre-Neuve, dans la paroisse de la Chapelle, et donna à l'église de ce nom, le 8 décembre 1625, 2GG florins afin de constituer des anniversaires pour lui, sa femme et leur fille Marie, anniversaires qui devaient se dire le 4 septembre, le 1" dé- cembre et le 10 novembre. Il était très-lié avec les jésuites de Bruxelles, son fils Antoine fut conseiller de la sodalilé des célibataires en 1625, et son petit-fils Jean-Antoine membre de la même confrérie, dont il fut nommé le lecteur en 107G, 1G77 et 4681, le greffier le M décembre 1G78 et le secrétaire le 15 décembre 1G79. Outre Antoine, qui devint prêtre et Tun des chapelains de l'église de la Chapelle, et qui laissa, le 24 février iG64, 140 llorins pour k; salut de son âme et lOW florins pour des distributions aux j)auvres,

(0 Voyez YHistoire des environs de Bruxelles, t. I, p. 364.

302

Sallaerts cul un aulre fils appelé Jean-Baptiste, qui fut baptisé le 14 février 1612," admis dans le métier des peintres comme élève de son père le 28 avril 1G2Î) et comme maitre le 22 décembre i(344, et laissa de Monique Du Bois ce Jean- Antoine cité plus haut, donl le baptême se célébra le 21 janvier IGo-i et qui fui admis dans le lignage de T'Ser- roelofs en IGDG (i).

Ami des plus grands artistes du temps, Sallaerts était considéré et méritait de l'être, si l'on en juge par les témoi- gnages d'estime dont ils l'ont honoré. Seghers a peint les paysages de plusieurs de ses compositions. Rubens ne le jugeait pas indigne d'être son collaborateur, puisqu'il le

) Rt'sumuus dans un croquis généalogique les détails qui précèdent : Olivier Salaert dit de Doncker.

Charles, ép. Passchine ou l'aschasie d'Ursene, avec qui il est cité à la date du 15 mars 1470-1471.

Philippe, ép. d'abord Catherine Medy ; sa veuve Barbe Margot renonça, en 1569, a ses droits d'usufruit au piotit des enlants du premier lit de son mari.

Gaspar,

Anne,

Jeanne,

cité avec ses sœurs

femme de Nicolas

femme de Chailes

le 31 octobre 1565,

De Bussthere.

de Baudo.

ép. Catherine

De Doncker.

Phiiijtpe.

Antoine.

Char

les épouse Anne Ve

Antoine,

Melchior.

ép.

Anne Verbrugge ou Vander

Bruggen.

_^

Jean-Baptiste, Antoine, Marie,

baptisé en 1612, ép. Monicpie Du liois. prélie.

Jean-Antoine, baptisé en 1654.

Jean,

baptisé it Sainte-

Gudule le

17 novembre

1611.

û05

chargea d'cxéculcr avec lui [lUèvalion de la croix, de l'église Notre-Dame d'Anvers, dont les volets sont enlière- remenl de Sallaerts, si l'on en croit Kramni (i). Parfois Van Dyck eut aussi recours au talent de notre compatriote; appréciant l'art avec lequel il savait disposer les person- nages d'une composition, il lui demanda de faire l'esquisse du tableau sur lequel devaient figurer les membres du magis- trat de Bruxelles, et il en fut si content qu'il donna un sou- verain d'or à l'apprenti qui la lui apporta (2).

Sallaerls a beaucoup gravé, et, si l'on en juge par la nature des sujets sur lesquels son burin s'exerça, il fut, du moins dans sa vieillesse, enclin à la piété (3). En outre, il travailla considérablement pour les tapissiers de Bruxelles. En I64C, il avait déjà exécuté pour eux 24 chambres, c'est-à-dire 24 tentures complètes, et il pouvait, disait-il, se flatter d'être une des causes de la faveur qui s'attachait alors aux « cé- lèbres tapisseries de Bruxelles. » Il y avait introduit, ajou- tait-il, un nouveau style, ou si l'on veut une nouvelle manière, et c'était une des causes pour lesquelles ces tapisseries étaient recherchées. Les doyens François Vanden Hecke et Henri Rydams, Gaspar Vander Bruggen, Josse Van Zeunen, Jean Van Leefdael et Everard Leyniers apostillèrent sa requête pour l'obtention de l'exemption d'assises, exemption qui lui fut accordée le 15 décembre 164G. La signature de Van Zeunen est suivie de cette phrase : hebbende diversche patroonen door den vrindt gedaen ayant différents cartons

(i) P. 1439.

(2) Mensaert, Le peintre amateur et curieux, t. 1, p. lâîâ. (r,) Voyez Kramm, /. c.

504

exécutés par l'ami »), expression d'iiiie bonhomie singulière et qui est tout à fait dans le génie de la langue flamande (i).

Un de ses contemporains, dont l'existence s'est écoulée sans avoir laissé de traces, avait également peint depuis sa jeunesse des cartons pour tapisseries. Je veux parler de maître Lancelot Lefebui-e, qui lut peut-être le |)ère du Bruxellois Valentin Lefebvre ou Lefebure, célèbre pour avoir gravé à Venise, en 1682, une suite de planches d'après les plus beaux tableaux des maîtres de celte ville. Lancelot, fils de Charles Lefeever ou Lefebure, naquit en 1585 à Malines, devint bourgeois et maître peintre à Bruxelles le 15 avril d609, et peignit beaucoup pour les tapissiers, à leur grand contentement et à leur grand profit (2). Arrivé à l'âge de 05 ans, il obtint du magistrat de Bruxelles, en récompense des services qu'il avait rendus à l'industrie, l'exemption ordinaire de la garde et des assises (21 juillet 1650).

A la date du 7 mars 1G50, Bruxelles avait perdu un de ses habitants dont l'existence était complètement restée dans l'obscurité, lorsque M. Fétis la révéla dans son Catalogue du Musée de Bruœellts (5), et dont les talents avaient également été utilisés par le tapissier Gordys. Il s'appelait Pierre Vanden Plassche ou Vander Plassen, fils de Corneille, d'Alcmaer (4),

(1) //' register ter Tresonje gehouden, 251 .

(2) Tôt sulcken contentement ende satisfactie van de coopliiyden ciide van tiet lieel tapitsiers ambacht dat de eere ende reputatie van t'selve by aile vremde natien daer die waeren buyten landts gesonden, tôt hooger acht wedergenomeri ende de policie van den haudel alhier noloirlyck weide verbetert. ///« register ter Tresorye geltoiiden, 567.

(s) P. 565.

(•i) Et non Fian(;ois, lils de Jean Vanden Plas, de Bruxelles, qui fut reçu, le ^2H mars 1G10, comme apprenti de FeniaLd De Uerdl, et, le 7 janvier 1619, comme mnitie.

505

et fit partie du mét-cr des peintres, il fut reçu comme mailre le 22 septembre 165(3; il |)eignit,en 1017, une Vierfje avec L'Enfant Jésus, qui se voit actuellement au Musée. Ce tableau, ainsi qu'un autre, dont on ignore la destinée, avait été exécuté pour les métiers des boulangers et des merciers. Vanden Plassche a aussi gravé et sculpté, comme le dit Nagler.

Michel Sweerts ne nous est guère mieux connu. Il compta cependant, à en croire une requête adressée par lui au ma- gistrat, de nombreux succès. Après de longs voyages en Italie et dans d'autres contrées, après avoir reçu du pape différentes marques de distinction et, en particulier, le titre de chevalier, il revint dans sa patrie. Usant d'une initiative qu'il jugea, avec raison, devoir produire d'excellents résul- tats, il organisa et tint ouverte pendant longtemps, à grands frais, une académie pour l'élude d'après le modèle vivant, qui fut fréquentée par de nombreux élèves (i). Comme il en exprima l'espoii', il pouvait en sortir beaucoup d'hommes de talent, et l'art de la tapisserie, qu'il prétendait être en ruine et en décadence (versleglit ende verargert), devait reprendre son ancien lustre. Si les vœux du chevalier Sweerts ne se réalisèrent pas, si la lignée des grands artistes s'appauvrit en Belgique, plutôt qu'elle ne s'accrût, la faute n'en fut pas à lui; loin de là, l'institution qu'il fonda réalisa une amélioration importante. Aussi ce ne fut pas en vain qu'il pria le magistrat de Bruxelles de lui

(i) Hy hoeft alhier in de selve (syne gla-boorte stadt), met grooten kost opgericht ende nu langen tyt ondeiiioiulen d'académie van die teeckeninge naer het ieven, tôt dieweU'ke veele jongelingen jaciiycx syii frequenterende. regisler ter Tresorye gehoiiden, C 117.

5()()

octroyer les faveurs dispensées d'ordinaire à ceux qui culti- vaient les beaux-arts, et la franchise du service de la garde bourgeoise, ainsi qu'une exemption d'assises pour ISsetiers de drèche et une pièce de vin mesurant 7 quartauts, par an, lui furent accordées le 5 avril 16o6. Sweerts fut admis dans le métier des peintres en lGo9. En 1060, la corporation reçut son portrait peint par lui-même, qu'il lui avait légué en souvenir. D'après mes notes, ce Michel Sweerts ou De Weert était le deuxième fils de Gilles Sweerts, qui naquit le 1 5 mars \ 582 et mourut le 19 octobre 1629, laissant quelque fortune et plusieurs enfants encore mineurs. Aurait-il été le parent d'un autre Bruxellois , le paysagiste Adrien De Weerdt, qui vécut au xvi" siècle et dont le cardinal Granvelle posséda quelques tableaux.

Une autre personnalité dont nous ne pouvons omettre de parler et qui est restée inconnue comme Lefebure, c'est le peintre Daniel Leyriiers, fils de Gilles et de Madeleine Wel- lems. le 8 mai lOlS, il héi-ila, le 25 février IGii, de l'exemption d'assises dont avait joui Jean De Paige, mort peu de temps auparavant. Il était considéré comme le plus utile et le plus capable de bien servir le métier des tapissiers en qualité de producteur de cartons (tôt liet voorseide pa- troonschilderen luas den mitsten ende den bequaemslen om Iiet voorseid amhachte te gerieven ende le dienen) ; c'est au moins ce qu'il dit lui-même dans une pétition qui fut con- tresignée par quinze fabricants de tapisseries, dont plu- sieurs étaient ses proches parents : Jean Raes, Jean Raedt, François Vanden Ilccke, Daniel Leniers (son oncle), Conrad et Gaspar Vander Bruggen, Henri Reydams, Evorard et Gaspar Loyniers (.ses cousins), Jean Van Leeffdael,

007

Gérard Vander Strcken, Léonard Wyns, André Vandcn Drics, Philippe SlrN'ckwans cl Charles Vander Gucht; seule- ment il l'ut astreint à fournir tous les ans, à la Saint-Jean, une attestation qu'il persévérait dans les mêmes travaux (i). On ne connait aucun tahlcau de Daniel. Cet artiste é|)ousa, le 2 janvier IGi8, Marie De Bray, qui le laissa veuf le 27octohrc 1675 et ne lui donna que deux filles : Jcaime-Marie et Jeanne-Catherine, cette dernière femme de Henri Rydams, maître tapissier. Leyniers expiraàson tour le 27octohrelG88 et en lui s'éteignit la descendance masculine de Gilles Ley- niers, dont les autres fils, Bernard et Gaspar, élaient restés célibataires. Gilles et Daniel firent successivement partie du métier des peintres : Gilles, qui était élève de Guillaume Worms, devint maître le 25 juillet 1018; son lils acquit la maîtrise à son tour le 12 juin 1645.

Parmi les artistes belges dont nous avons cité le nom plus haut, David Téniers est celui qui a joué en Belgique le rôle le plus considérable vers le milieu et pendant la seconde moitié du xvif siècle; c'est lui aussi qui eut le talent le plus original et le moins contestable et dont le pinceau fut le plus fécond. Ce n'est pas le moment- d'écrire sa biographie. Il nous suffira d'en signaler quelques particularités peu con- nues.

Après avoir vu grandir son talent sous l'influence bienfai- sante de l'amitié et du voisinage de Rubens, Téniers quitta Anvers vers 1648 et se fixa à Bruxelles, il passa dès lors presque toute son existence, sauf qu'il séjourna souvent à Perck, village à une lieue à l'est de VilvorJo, il acquit

(') reghter 1er Tresorj/e gchoiiden, 315.

508

un castel appelé de Drye Torens (les Trois Tours). Dans la capitale, il se fil hàlir une habitation splendide, rue des Juifs {Jodenstraet , aujourd'hui Escaliers des Juifs; c'était le premier de ces escaliers ou rue Villa Hermosa), sur un emplacement il n'y avait que des écuries (slallinge) et qui dépendait auparavant de riiùtcl Ravenstein, rue Terar- ken. Celte construction lui atiira une légère discussion avec la ville, sous prétexte qu'il avait fait profiter les ouvriers employés par lui de la franchise de l'assise sur la bière dont il jouissait en qualité de « peintre de la chambre de » Son Altesse le Gouverneur général » , mais ce différend se termina à l'amiable par une confirmation de cette fran- chise (le 9 janvier 1057) (i). Ajoutons qu'afin d'éviter toute contestation, cette dernière fut, le 2o janvier 1670, fixée à oO aimes de bière et 4- pièces de vin de France par an, à condition que Téniers ne s'occuperait d'aucun travail in- dustriel, c'est-à-dire qu'il ne fit (pic de l'art (2).

(1) V' regisfer ter Tresorye gelionden, 189.

(2) Voici cette résolution :

Schilder Teniers, vrydom op seiieren taux ende C(jndilieii.

Op den ellTsten januarii XYT tseventich, hebben Myne Heeren die Wethouderen der sladt Brussele goetgevondcn ende geresolveert, op de requesle gepresenteerl van wegens s"" Teniers, als schilder ende domesticq van Syne Exccllencie, dcn selvon, by provisie ende toi naerder ordre vry te laeten by eenen gemodereerden taux, met hesprecksel ende precaulie dat soo verre den seiven bevonden wierde te doen eenige neringe ende borgelycke exercitie, den selvcn vrydom sal cesseren. Aldus gedaen ten dage, maende ende jare voors. Onderteeckent : H. Eugen. Tax.

Die Heeren Trésoriers ende Rentmeesteren deser sladt, in gevolge van den bovenstaende resolutie, hebben op condilien daer inné geruert, ter interventie van de pachters van de middelen op de bieren ende wynen, gemodereert ende getaxeerl den vrydom van s"" Teniers, als schilder endo domesticq van Syne Excelloncic, toi vyflich amen bicrs ende vier stucken Franschen wyn s'jaers, ende dat by provisic ende tôt naerJer ordre. Aclum 25 januarii 1670. Geregistrecrt 2î) januarii ■16T0. Alf. Van Nuevele.

17/' rcf/isler 1er Tresorye (jchoitden, 1" 'Ji.

Ô09

Honoré de l'amiliô de l'archiduc Léopold-Guilluumo cl do celle de don Juan d'Aulriche, Téniers était accablé do com- mandes. Malgré ranatlième lancé contre ses œuvres par Louis XIV, elles se sont répandues partout, et les Musées, comme les collections particulières, se les disputent, mais nulle part elles ne sont aussi nombreuses ni aussi importantes qu'à Madrid, l'on peut en admirer, beaucoup, dont plu- sieurs do premier ordre. Téniers eut de longues contestations avec ses confrères de Bruxelles au sujet des ventes de tableaux qu'il faisait opérer de temps à autre et que le métier prétendait être contraires à ses lois et usages. Ainsi que l'a établi M. Galesloot, chef de section aux Archives du royaume à Bruxelles, l'âge affaiblit les facultés du grand artiste, qui termina enfin sa glorieuse carrière à Bruxelles, dans sa demeure de la rue des Juifs, pendant les premiers mois de l'année 1690 (i).

Téniers étant exempté de payer l'assise sur la bière et le vin, on qualité de « peintre et domestique du gouverneur » général », il ne reçut jamais de faveur de ce genre en qualité d'auteur de cartons ou dessins do tapisseries. Il en lit néanmoins un grand nombre, surtout dans le genre des Audenardes, c'est-à-dire représentant des paysages, peuplés de figures et d'animaux; c'est ce qu'on appela, d'après lui, des Téniers, oa, comme les Français le disaient, des Tenièrcx. Mais il faut, sans doute, en attribuer beaucoup aux artistes ses contemporains; ceux-ci, en voyant la faveur avec laquelle

(i) Quelques recherches concernant la famille de Huhens et le décès de Téniers (Annales de l'Académie d'archéologie d'Anvers, 2" série, t. III).

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on accueillait ses œuvres, s'empressèrent d'adopter sa ma- nière.

Que de Teniéres n'y a t-il pas en Euroj)e. Le Mayeur a cité celle qui existait au château d'Auguslcnbourg, près de Cologne, et qui était, dil-il, d'iiii Iravail exquis et sortie des ateliers de Bruxelles (i). A l'exposition de Paris de 1H76, iJ y en avait cinq en laine et soie, représentant : la Danse, le Repas, le Jeu de quilles, des Paysannes trayant des vaches et d\iHtres paysannes filant au rouet. Cette tenture appar- tient au docleur Fraigniaud. Les trois premières pièces ont des bordures formées de guirlandes de fleurs, tandis que les deux autres sont entourées d'un fond bleu, à feuilles jaunes, imitant l'or. Trois mesurent 2'"85 de haut sur des larc:eurs variant de 2"' 10 à 4"'Ki et deux ô'"0o de haut sur '2"'A0 ou 3"^2;) (-2).

Qu'on nous permette, puisqu'il est ici question de Téniers, de reclificr quelques fragments de la généalogie de cette fa- mille, non pas en ce qui concerne ce peintre et ses parents et ses femmes, mais ses enfants et leur postérité. Téniers eut non pas huit, mais dix enfants : huit d'Anne Breugel, deux d'Isabelle De Fren. De la première naquirent : Isabelle, femme du célèbre Erasme Quellyn ; David (III), Cornélie, Anne-Marie, Claire, Antoine, Justin-Léopold. Catherine, baptisée dans l'église de Saint-Jacques-sur-Coudcnberg le 24 février IG-'io; de la seconde, N. (probablement le Louis des généalogies) et Marie-Isabelle, baptisée le G août 1657, rciiiine de l'avocat François Engrand et mère de Louise, qui

(1) T. I, |.. Î07.

(î) CalalogKC (le l'Union des aris, p. 231.

ÔM

épousa à Malinos, on 17 li, un Mosscvcldc. Les Irois fils laissèrent chacun une postérité. David (III), qui fut aussi |)eintre et même peintre renommé à Bruxelles, s'allia en août 1()7I (le 4, selon le Catalogue du Musée cT Anvers, le 7, selon Piron, dans la revue Oud en IMeuw, p. 205), à Anne- Marie Bonnarens, dont il eut quatre enfants : David (IV), le 18 octobre 1G72, mort célibataire en Portugal; Inachus- Mclcbior, le I" juillet 1G74, chanoine de Termonde; Claire-Eugénie, née le 13 septembre 167G, béguine à Matines, et Isabelle, née le 8 mars 1679, femme de Jean Aelbrecht, dont les deux fils, Théodore-Joseph et Antoine, moururent célibataires, le premier à Saint-Gilles, dans le pays de Waes, le second en Portugal, ainsi que son oncle David. C'est David III, et non son père, qui mourut rue Haute, à côté de la Porte-Rouge, en 1085, et fut enterré dans l'égîise de Coudenberg le 11 février de cette année (i). C'est lui aussi, et non son père, qui adopta comme surnom la qualification (\e junior ou le jeune, sous lequel il fut admis dans la cor- poration bruxelloise le 28 juillet 1075 (a). On doit donc lui attribuer quelques tableaux et tapisseries portant cette signa- ture; ces dernières se trouvent les unes à Paris, les autres à Madrid. Au palais du duc d'Aremberg à Bruxelles, il en existe aussi qui représentent le Temps enchaîné par l'Amour et plus haut des amours ou génies tenant des écussons aux armes des d'Aremberg et des Grana , avec la devise hàc duce. Particularité curieuse, ces lapis nous apprennent non-

(i) Voyez le Bulletin des CommisxionR royales d'arl et d'archéologie.

(2) Oiitfangen als nieestcr 1675 den 2<S july myiihpcr Davil Teniers junior alias Den Jonghen. Registre d'admission dans le métier des peintres, aux Archives du rovaume.

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sculemenlles noms de ceux qui les (Vibriquèrenl : I. Leclerc et G. Peemans, mais encore celui de l'arliste qui en donna le dessin. En effet, ils portent tous cette inscription :

D. TeNIERS JUNIOR PINXIT 1()8Ô.

Jusiin-Léopold Téniers fut baptisé à Bruxelles, dans l'église de Coudenberg, le o févrfer ÎGoô, et eut pour parrain et marraine sire Jean de Vallasco ou Vélasco, comte de Salazar, représentant le gouverneur général l'archiduc Léopold-Guillaume, et dame Justine-Marie, comtesse de Swassenberg ou Schwartzenbergh. Il se Ht recevoir licencié en droit et en théologie à l'Université de Louvain et fut pen- dant quelque temps secrétaire de la ville de Vilvordc. Tl épousa, à Perck, le 17 mai IG81 , Thérèse de Prenne, qui le rendit père de Léopold-Joscph et de David-Antoine, nés tous les deux à Vilvorde, ils furent baptisés, celui-là le 10 mars ir)8'2, celui-ci le 7 mars 1685. Ils eurent tous deux pour parrain leur aïeul, David, le grand peintre; la marraine du premier fut Anne-Catherine De Prenne, celle du second Anne-Marie Bonnarens, femme de David III. David- Antoine n'eut de Marie-Catherine Ilellemans qu'une lille, Marie-Isabelle-Norbcrtine Téniers; de même Louis Téniers et sa femme Barbe-Josèphe De Hennin, (pii vivai(Mil h Atli en 1690, ne laissèrent, outre Louis, mort jeune, que deux filles : Marie-Madeleine, femme de N. Piérart, et Anne- Charlotte, femme de N. de Cassaignard . Marie-.Madeleine n'eut pas d'jmfants; Anne-Cbarlotte n'eut qu'une fille, alliée à un M. Taintenier. Ainsi s'éteignit dans la première moitié du xvni siècle la |H)sl('rité directe du célèbre peintre de ker- messes. Peut-être est-ce en Portugal (|iril faudrait chorclier les |)api('rs do cette lignée, dotit le nom est devenu européen.

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Pendanl que Téniers et quelques paysagistes entretenaient en Belgique le culte de l'art, envisagé surtout au point de vue réaliste et populaire, la grande peinture éniigrail en quelque sorte en France, avec deux Bruxellois de talent : Philippe de Ghampaigne, le peintre austère de sujets reli- gieux, et Vander Meulen, qui a si habilement retracé les campements et les sièges ordonnés par Louis XIV. Vander Meulen surtout contribua considérablement à alimenter de modèles la célèbre fabrique des Gobelins, dont le directeur, Lebrun, avait la plus grande opinion de ses talents.

A propos de Vander Meulen, qui ('tait déjà au service du roi Louis XIV en 1665 et dont on ne savait pas encore en quelle année il naquit, disons ici qu'il fut baptisé dans l'église Saint-Nicolas, de Bruxelles, le 11 janvier 1652, sous le nom d'Adam (et non d'Anloine-François), et que son frère Pierre fut baptisé dans la même église le 28 janvier 1658. Ils étaient fils de Pierre et de Marie Van Sleenwege (i) et entrèrent dans le métier des peintres : Adam-François, le 18 mai 16'i6, comme élève de Pierre SJiaers ou Snyders; Pierre, le 15 août 1655, comme apprenti de son frère. L'ainé des deux frères mourut aux Gobelins, le 15 octobre 1 690, à l'âge d'en- viron 60 ans, après avoir été marié trois fois : à Bruxelles, avec Catherine Huseweel, morte le 10 janvier 1677; à Paris, avec Catherine de Lobri , morte le o octobre 1680, puis

(i) Voici les extraits des anciens registres de la paroisse de Saint-Nicolas établissant ces faits :

il januaru (165:2) baplisatiis est Aditm fiiiits Pétri Vandermeiilen et Marie Van Steeiiwege; siisceptores : Adam Slocmane et Elisabeth \an Steenwege.

28 aprilis (1658) baptisa tus est Petrus, filius Pétri Vander Meulen et Marie Van Sleenwegen; susceptores : Judocus Van Bevere et Anna Van Sieenwegen.

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avec Marie de By, cousine de Lebrun, le 12 janvier 1G8I. Il eut de sa première el de sa troisième femmes un grand nombre d'enfants, comme on peut le voir dans un excellent ouvrage de M. Jal (i).

Une sœur de Vander Meulen, Barbe, s'allia le 12 janvier 1670 à un autre artiste, Adrien-François (et non Antoine- François) Boudewyns (en France Bauduin), qui fut baptisé le 3 octobre 1G44, également dans l'église Saint-Nicolas de Bruxelles, el qui, après avoir été reçu parmi les peintres, le 22 novembre 4665, comme apprenti d'un nommé Vanden Stock, exécuta dans cette ville beaucoup de cartons j)our tapisseries; c'est de lui que sont les paysages de celles intitulées les Mois, dont les figures ont été peintes par Lebrun (2). D'après une note très-curieuse de Baerl, dont nous reproduisons ici le texte, il travailla pendant 13 ans près de Vander Meulen, tant en ce genre qu'à graver à l'eau-forte. Après avoir quitté Paris pour se fixer à Lille, il abandonna celte dernière ville el revint à Bruxelles, il fit les paysages des tapisseries dites les Quatre Saisons. Il perdit sa femme le 2 mars 1674, après en avoir eu un fils, François, le 31 janvier 1671, et une fille, Catherine, née le 6 mai 1673. Il mourut à Bruxelles, en 1711, laissant pour élèves Mathieu Schoevaerts (0) et François Bauduin

(1) L. c.,]). 8GO.

(■2) Jal, /. c, p. i-2T, d'après les papiers de la fabrique des Gobelins.

(3) N'est ce pas Pierre Sclioevaerls, chevalier de Valcour, membre d'une des familles patriciennes de Bruxelles, peintre et gentilhomme de l'archiduchesse Marie-Klisabclh. Jal, /. c, p. 11Ô9. Ce Pierre fut reçu maître peintre le S oc- tobre 17Ô1.

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cité plus haut, qui mourut en 1766 (i). Celui-ci fui reçu dans le métier comme maître, le 27 novembre 17i20.

La Belgique, Jordaens et Crayer achevaient leur car- rière, ne possédait plus de peintre d'histoire de premier ordre. Ce n'étaient pas Van Kessel (2), Herp, Jérôme De Potter, etc., qui pouvaient entretenir l'éclat dont avait brillé l'école flamande, et, par contre-coup, la fabrication des tapis- series. Van Kessel et Herp ont fourni à Albert Auwercx, en 1665, les modèles de la tenture faite pour le comte de Moncade ; De Potter fit des cartons pour Gilles Leyniers. Il promettait à notre pays un artiste de talent, mais une mort prématurée l'enleva à l'art de la peinture , ainsi que nous l'apprennent des vers latins qu'un religieux de l'abbaye de Saint-Nicaise , de Reims, Grégoire Legrand, adressa à son confrère, l'historien de cette ville, Marlot.

(i) Bauduin, Adrianus-Franciscus, is geboren tôt Brussel int jaer ■1647 ende gestorven in syne geborte plaetse inl jaer 1711, heeft negenlhien jaeren geschil- dert by den vermaerden konstschilder Adam-Franciscus Vander Meulen, te weten -13 jaeren Linnen en buyten Parys, alwaer hy door zyn meester loffelyk beloont wird, soo voor het schilderen als voor het etsen met sterk water, waer van de printen ons tôt getuigen dienen. Heeft getrout geweest in eerste houwelyk met de zuster van zyn meester.

Hy heeft geschildert tôt Ryssel door ordre van Lodewyk de XJIII aen de tapytpatroonen die hy aldaer dede in tapyten maeken, heeft ook geschildert tôt Brussel de gronden van de Vier saisoenen, die aldaer in tapyt zyn verbeeidt geweest, en heeft- voir discipel naergelaeten Malheus Schovaerts, als niede synen soone Franciscus Bauduin, is gestorven 1706.

Baert , Matériaux pour l'histoire des arts dans les Pays-Bas , Ôi25 ; Ms. de la Bibliothèque royale de Bruxelles. La Biographie nationale (t. II, col. 788-795) contient un article de M. Siret plein de détails curieux sur Boudewyns.

(2) Jean Van Kessel, à Anvers en 1620, Voyez le Catalogue du Mush' d'Anvers, p. 56.3.

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Celui-ci avait acheté en Belgique, en 1665, deux tableaux qu'il donna ensuite à son monastère. Le premier, qui repré- sentait la Vierge, dont il ornait l'autel, était de Van Eyck, l'inventeur de la peinture à l'huile; l'autre, l'on voyait Jésus-Christ ordonnant de rendre à César ce qui appartient à César, était l'une des rares œuvres d'un peintre bi'uxellois nommé De Polter, qui, à peine revenu d'Italie, se noya pendant la nuit dans la Senne, au grand regret de ces conci- toyens (i). De Potter, dit Marlot (2), était réellement bien doué et ne pu! peindre qu'un ou deux tableaux.

Le groupe des paysagistes se maintint mieux, malgré la mort de De Vaddere et de Van Uden. Lorsque le premier mourut, son titre de peintre de cartons avantagé fut sollicité à la l'ois par Guillaume Van Schore, Jean Claessens, Daniel Van Heyl ou Van Heil, Luc Achtschellinck et Jacques Arlhoys ou d'Arthoys, qui tous, sauf Claessens, dont le nom est resté dans l'oubli, cultivaient le même genre. D'Arthoys fut préféré, à cause de l'habileté et de l'expé- rience qu'on lui reconnaissait; on le déclara exempt du service de la garde bourgeoise et de l'obligation de payer l'assise i)Our 1*2 aimes de bière et une aime de vin, mais,

{\) Prima Van Eki

(Gandavus héros, quique olerum pinguia, primus fusa colori iniseuit) aram

.\ltera Cliristus Caesai'is aéra redderc dictans : ars miserandi rara Polcri, Ijruxella quem flet,

Virginis, ipsa moenibus ipsis,

Virgo-mel ornât. | flumine mcr.';i.

Melropolis licmensis historia, t. I, p. 667. (i) Uinc rara cjus opéra, quae el praeslaiilissima. Marlot, /, e.

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sous peine d'annulation de celle IVancliise, il devait produire tous les ans, quatorze jours avant la Saint-Jean, une décla- ration des doyens du métier des tapissiers attestant qu'il avait servi la corporation et les marchands de tapisseries à leur entière satisfaction (25 novembre 1055) (i).

Jacques d"Arlhoys ou plutôt d'Arlliois était à Bruxelles de Henri d'Arlliois et de Jeanne Geeraerls et fui baptisé à Sainte-Gudule le 12 octobre 1013. Il apprit son art, non de Wildens, comme le dit Descamps, ou de De Vaddere, comme le prétend Waagen, mais d'un nommé Jean Merlens, chez qui il entra comme apprenti le 11 janvier 1C2o. Il devint maître le 5 mai 1654 et mourut, dit-on, en 1665, Cet excellent artiste était à la fois un observateur attentif de la nature et un grand amoureux de la solilude. Habitant souvent BoitsforI, il possédait un petit domaine avec étangs, dans la partie dite le Haut-Boits[orl{j>), il aimait à parcourir les pittoresques environs de Rouge-Gloîlre. « On « reconnaît dans ses compositions, dit l'auteur du Catalogue » de la vente de 1785 (r>), différents sites qu'il saisissait » heureusement et savait embellir. Le sombre imposant des » forêts se retrace avec un plaisir infini dans les tableaux » d'Arthois; on y distingue les différentes espèces d'arbres » et leur feuillage varié. Cet artiste se plaisait aussi à « peindre les pièces d'eau que l'on trouve en grand nombre » dans la forêt de Soignes; il tirait parti de tout,- même

(i) V regisler ter Tresonje gehouden, F y".

(s) Opperste Boitsfort. Le 19 septembre 1669 , Jacques d'Arthois céda an domaine deux petits étangs situés en cet endroit. (:.) P. 3.

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» d'une terrasse de sable; elle lui servait de fonds pour » étaler la richesse d'une foule de plantes sauvages , » distribuées avec autant de goût que de variété.... » Plusieurs historiens de l'école flamande ont fait de lui un grand éloge. M. Alfred Michiels le classe au rang des meilleurs paysagistes du monde, et Waagen déclare (jue ses compositions sont empreintes d'un caractère grandiose. Plusieurs des principaux musées de l'Europe, Bruxelles notamment, possèdent de belles toiles de ce maître, qui, nulle part, n'est mieux représenté qu'à Madrid, il y en a quinze. Celle qui se trouve à Matines, derrière le maître- autel de l'église Notre-Dame, passe pour son chef-d'œuvre. Que devint-il, quant mourut-il? On n'en sait rien. Fut-il réduit à la pauvreté, faute d'économie, comme le dit Descamps? Il n'existe rien de positif à cet égard. Les paysages d'Arthois étaient ordinairement étofiës par de bons artistes, tels (|ue Téniers, De Clerck, P. Houl, Van Herp, etc. Ce peintre a laissé un lils n|)pelé .Jean, qui était également paysagiste et fut reçu maitre le 26 avril 1G57.

La famille des VanHeil mérite de nous arrêter un instant. Formée de |)lusieurs frères, dont trois étaient artistes : Daniel, Léon et Jean-Baptiste, nés d'un nommé Léon, le premier en IGOi, le deuxième en IGOo et le troisième en 1609, elle se partagea en quelque sorte le domaine de l'art. Daniel, 'qui était élève de Crayer et fut reçu maître le 5 août 1626, peignait de préférence les sujets effrayants et surtout les incendies; tantôt il composait des épisodes empruntés aux temps passés, comme la destruction de Sodome et rincendie de Tj-oie ; tanlul il reproduisait les désastres ([ui aflligeaienl sa |)a!rie, tels (|ue l'incendie de la

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maison le Sac, à Bruxelles, cl le grand incendie d'Anvers. Il y a de lui au Palais de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg, un Hiver que l'on dit être d'une rare beauté. Jean- Baptiste Van Heil devint maître le 22 octobre 4(34-5 et peignit surtout des portraits et des tableaux d'autel, qui sont plus estimés, dit-on, que les œuvres de son frère. Léon Van Heil fut à la fois arcbitecte, pcinlie et graveur; nommé architecte de l'archiduc Léopold d'Autriche, il construisit à Bruxelles plusieurs édifices et, dans le nombre, le nouvel étage du beffroi ou tour de l'église Saint-Nicolas, bâti en 1005. Il fut admis dans la corporation à laquelle ses frères appar- tinrent aussi , le Ti août 1G27. Il aimait à reproduire par le pinceau les fleurs et les insectes, et on lui doit quelques gravures, notamment une Danse de paysans, d'après Rubens, et une parodie d'après ce grand artiste, les personnages sont remplacés par des singes; il a signé celte dernière j)roduclion du pseudonyme de J. Hilarides.

La date de la mort des Van Heil n'est pas connue avec exac- titude. Jean-Baptiste et Léon paraissent être restés céliba- taires et figurent comme tels dans une sodalité de l'église des Jésuites, ils furent nommés : Jean-Baptiste, conseiller, le IG juin 1G4] et le 11 décembre 1G72, et préfet le 14 dé- cembre 1670, et Léon, lecteur à plusieurs reprises, de 1665 à 1695, assistant le 10 décembre 1()75, préfet le 20 décembre 1676 et conseiller le 11 décembre 1678 et en décembre 1700. Pour ce qui est de Daniel, il épousa, le 1" octobre 1656, Marie T'Serraets, fille de Thierri T'Serraets et d'Anne Van Heymbeeck et petit-fils de Jean ï'Serraels et de Marie Kops. Il en eut plusieurs enfants, outre Daniel, mort au berceau: Théodore, le 2 mars 1658; Marie,

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née le 29 juillel 1G42, el Pauline, née le 21 juillet lOiG (i). Nous avons dit que Glaessens n'était pas sorti de l'obscu- rité. Je ne sais de lui qu'une chose, c'est que son père s'appelait aussi Jean, qu'il était à Bruxelles et que, élève de Louis De Vaddere, il devint maître le 12 juin 1645. Van Schoor, qui fui inscrit en la même qualité dans la corpora- tion en l()o4-1Cj;i, ne fut jamais célèbre, mais du moins nous savons qu'il exécutait surtout des cartons pour tapis- series représentant des paysages et qu'il vivait encore en JGo9; il obtint alors, le 22 septembre, l'exemption du service de la garde bourgeoise (2). Quant à Luc Achtschel-

(i) Nous empruntons ces derniers détails à une note manuscrite que nous avons copiée au verso d'un dessin appartenant à M. le comte Cornet el conçue en ces termes :

1656 is ghetrouwt Daniel Van Heil met Mari Tserraets op enen dynsdach,den eersten octliober.

1658 den 2 meerl op eenen vrydach vier uren naer noen is gheboren onsen eersien sone ende kersten glicdaen in Sinte Nicolaes kerke op den solven dacli naer bel lof. Syn pclers waeren synen gliroot vaeder Dirick Tserraes ende syncn oom Léo Van Heil; de meter syn ouwt ghroot moeder Mari Kops, liuy&vrouw van Jan Tserraets saligher, ende ghenoemt Theodorus.

4640 is gheboren onsen 2»" sone, den dertiensten merl, smorghens vier uren op den selven dach naer noen kersten ghedaen in Sinte Nicolaes kerke. Synen peter was Gbuliam Van Heil, synen oom; die meter syn ghroot moeder Anna Van Heymbeeck, huysvrouwe van Dicrick Tserraes, ende is ghestorven den 2G der selvcr maent. Was ghenoemt Daniel.

(I64-2J Onse eerste dochtcr is gheboren op eenen dynsdacli den neghen en Iwinlichsten dach van julius, op een dynsdach, ten -4 uren en een kwarlier naer noen, ende kersten ghedaen in Sinte Mcolaes kerke naer het lof, op de selve dach. Ifaren peter was Henderick Jacops ende haer oom ghehouwd synde aen Marghriele Tserraes; baer mêler was Kristina Val (Van) Heil, huysvrouw van Peeter Hel linck, haer moeyken, ende wert ghenoemt Mari int jaer 16 ende twee ende vecrlich,

(1616) Onse tweede dochter is geboren den 21 dach van julius op enen sater- dach, een kwartier naer twelf uren te middach, en kersten ghedaen in Sinle Katelynen kercke. r.henoenipt naer métier Pauwelina huysvrouw van Dirick Tserraerls. Peler Jan Baptisia Van Heil, haer vaders broeder

lî) V" register ter Tresorye qehouden, f" 410.

.VJI

liiick, il rio travaillait que depuis peu pour les tapissiers quand il fut avantagé par la ville, le 50 avril 1689; à la suite d'un rapport oral des trésoriers et des receveurs au magistrat, sa franchise fut portée à l'exemption d'assises pour huit aimes de bière et sept quartauts de vin, après qu'on lui eut d'abord (le 50 mars de la même année) accordé cette exemption pour 12 aimes de bière seule- ment (i). de Jean Achtscbellinck et d'Anne Van Onckel, maître Luc fut baptisé h Sainte-Gudule le 16 janvier 1616 et ne mourut qu'en 1704, ainsi que le porte le Catalogue du Musée de Dresde (2). Il fut inscrit dans le métier des peintres le 29 octobre 1659 comme apprenti, le 17 décembre 1657 comme maître, et en 1681 comme recoynu ou reconnu, c'est-à-dire avec exemption de certaines charges du métier, mais aussi à condition de ne pouvoir se livrer qu'à des travaux artistiques. Élève de Pierre Van der Beurght, et non de De Vadderc auquel il survécut près d'un demi-siècle, il le surpassa dans l'imitation exacte de la nature. Largement dessinés, d'une variété surprenante, d'un coloris transparent, ses paysages figurent avec honneur dans les Musées et ne sont pas rares dans les églises et notamment dans celles de Bruxelles. On en connaît un daté de 1692 et l'on sait qu'en 1685 il en exécuta, pour l'Hôtel de Ville de Bruxelles, un autre il avait représenté le village d'Anderlecht {het quartier van Anderlecht) ; ce travail lui fut payé 24 florins. Trois autres peintres ont, vers ce temps, obtenu des

(1) XII" register 1er Tresorye gehoiideti, f- 7.

(•2) On a, à tort, placé la date de sa naissance en 1570 et celle de sa raort tantôt en 16-20, comme le dit Fussly; tantôt en 1631 (Nagler, t. [, p. o, Ton dit qu'Achischellinck mourut à Yeis?).

Ô22

avantages c!u magistral, parce qu'ils travaillaient pour les tapissiers. Je veux parler de Jacques Vander Ileyden, de Lambert De Ilondt et de Pierre Rysbrack. Les deux premiers entrèrent dans le métier des peintres en qualité de reconnus, le premier le 15 novembre 1(378, le second le 10 mars 1679. Vander Ileyden était d'Arnliem, en Gueldre, et peintre d'iiistoire. Il avait déjà été employé par le Gou- verneur général des Pays-Bas lorsqu'il obtint l'exemption ordinaire du paiement des assises, le 20 juin 1G86 (i). Ce fut lui qui fit pour le tapissier Jean Leyniers les figures d'une tenture de six pièces, dont les paysages furent dessinés par Achtschellinck. Il alla ensuite travailler en Angleterre, Pierre Van der Faes, appelé d'ordinaire le chevalier Lely, se servit de lui |)Our exécuter les draperies de ses toiles et il mourut en 1607, à Staplelbrt , dans le comté de Northampton (^i).

Lambert De Ilondt, de Malines, avait appris son art de Téniers et se fît remarquer comme paysagiste et peintre de batailles. Quelques tableaux de lui représentant des sujets de cette dernière catégorie ont été vendus dans sa ville natale, en 1756 (3). Peut-être n'était-il autre qu'un Jean De Hondt, fils de Guy, qui mourut fort jeune, atteint de phthisie, alors qu'il donnait beaucoup d'espérances, cl qui aimait aussi à reproduire des scènes militaires. De Ilondt a aussi peint des sujets religieux, tels (pie la Fuile en Egypte et un Saint Léonard à qui une reine de France présente son enfant,

(<) .17' registe-r ter Tresorye gehouden, t" 223. (î) Nagler, t. VI, p. 470. (ô) Kbamm, |). 722.

525

qui ornaient deux aulels de l'église de rhùpilal Saint-Jean, mais ce fut surtout pour les tapissiers qu'il travailla. En 1 709, un De Hondt avait joui à ce titre d'exem|)tions d'assises, qui furent attribuées à un autre artiste du même nom portant le prénom de Philippe, le 15 avril 171 i.

Pour ce qui est de Rysbrack , dont l'exemption était encore en vigueur en 1709, il naquit à Anvers le 25 avril 1655 et mourut à Bruxelles en 1729. Après avoir été reçu dans la gilde de Saint-Luc de la première de ces villes comme apprenti, en 1672, et comme maître l'année suivante, il s'établit à Paris, il étudia sous François Millet, dit Francisque, et il épousa la veuve du sculpteur Philippe Buyster, Geneviève Compagnon, morte en octobre 1719. Rysbrack avait, à ce que l'on prétend, peu d'imagination. Il y a de lui au Musée de Berlin un paysage boisé et à Anvers un tableau représentant un site montueux. Il a aussi gravé, et ses fils ont, comme lui, cultivé l'art de la peinture; mais nous ne dirons rien d'eux, car ils naquirent, l'un à Paris, l'autre à Anvers, et paraissent avoir toujours vécu loin de leur père.

C'est ici le lieu de parler d'un autre artiste sur lequel on ne possède que des données très-confuses, car des notes qui m'ont été communiquées par feu M. le chevalier Cam- berlyn d'Amougies disent, d'une part, qu'il mourut en 1670, et, d'autre part, qu'il travaillait encore en 1720. Il s'appelait Jean Lottin et prenait les titres de peintre du roi de la Grande-Bretagne Guillaume III et de contrôleur du palais de ce prince, à Bruxelles (aujourd'hui le Musée). Le Reyislre aux admissions de la corporation le mentionne sous le nom de Jean-Christophe Lotin et comme étant entré, en 1660,

ôl>4

en qualité d'ajjprcnti, chez maître Luc Aclitschcllincx. Pen- dant dix ans environ, de 1(31)0 à \ 700, comme l'attestèrent les fabricants de tapisseries Jérônie Le Clercq, Jean-François Van den Hecke, J. Van der Borclil, Josse De Vos et Jacques Van den RcurchI , ouiro (ju'il peignit constamment des cartons, il s'occupa activement du commerce des tentures, dont il envoya un grand nombre en Hollande et en Alie- magne.Voici notamment une liste de ce qu'il fit confectionner pour le roi Guillaume :

Deux chambres de pièces à armoiries, mêlées d'or et argent, formant ensemble huit pièces, du prix de 24 flo- rins l'aune, et qui furent évaluées par les tapissiers De Clerck, Vander Borciit,. Gobus et Gnot (ou Goenot), en- semble I] 5^7(^0.00

Trois chambres de tapisseries acquises de De Glerck et représentant : la première, l'Art de la Guerre (d'Exercitie van den Oorloyhe), d'après une peinture de De Hondt; la deuxième, un sujet d'après David Teniers; la troisième, le Doux Baiser (het Zoet Kmje), avec paysage d'Achler- schellinckx, au prix de . . . . » 17 OGO-IT

Une grande chambre de tapisseries repré- sentant les Quatre Saisrms de l'Armée {de Vier Tyden van het Jaer), achetées de Van den Hecke et peinte \mv Van Schoor, pour le seigneur Van Dyckveldt, moyennant . » 4,800-00

A reporter. . 11. 28,520-17

- ÔT6

Reporl. . n. 28,520- 17

Une (cnlure trùs-coûlousc, excculéc pnr De Clcrck, Vander Borclil, Do Vos cl Cobiis, et consistant en trois pièces, représentant : la j)rcmicre, la Bataille de Bresgate (de Ba- talie van Bresgale); la (leuxièaïc, la Descente de Turbay, cl la troisième, la Bataille de la Boine en Irlande, au prix de 55 Horins l'aune, soit » 5,148-00

Une cliambrc de tapisseries achetée pour le comte Kaunilz, de De Vos, pour . . » 5,7()0-00

Total fl. 59,428-17

Dans cette somme n'étaient pas compris les émoluments procurés à des peintres pour exécution de cartons (i). Le roi de la Grande-Bretagne avait accordé à Lottin le droit do loger dans son hôlel. La ville, en considération de ce qu'il faisait en faveur du commerce des tapisseries, lui octroya la franchise de la garde bourgeoise et l'exemption d'assises pour 12 aimes de double bière, mais en stipulant, confor- mément à l'ordonnance de 1647, qu'il ferait confectionner au moins deux chambres par an (tj).

La lignée des Van Orley n'avait jamais cessé de s'adonner à la peinture. Elle avait pour chef, à la hn du xvii' siècle, Pierre Van Orley, moins célèbre par ses travaux que par ceux de son frère Jérôme et de ses enfanis Jean et Richard,

(i) Déclaration originale, en date cl;-. îo juin 1700, portant les signatures des cinq fabricants cités dans le texte (Archives de la ville).

(2) Nous n'avons pas retrouvé la décision du magistrat, mais seulement l'avis qui leur fut donné par les trésoriers et les receveurs, en date du 5 juillet 1700.

52G

qu'il eut do Josine Cricx. Cet arlisic élait fils de François Van Orley et fui reçu niailre le 15 février 1661 . Après avoir Iravaillé pendant quelques années pour les tapissiers et les marchands de tapisseries, Pierre obtint de la ville, le 4 août 1679, l'exemption du service de la garde bourgeoise et celle de l'assise pour 12 aimes de bière et une aime de vin (i). Cet artiste possédait encore les dessins de son célèbre aïeul, Bernard, le peintre de Marguerite d'Autriche. Lors du bombardement de 1695, il craignit pour ce précieux héritage et le confia, avec ses meubles, à l'un de ses amis dont il croyait la maison à l'abri du feu des Français; mais sa prévoyance fut trompée. Celte maison périt dans l'embra- sement allumé par les mortiers du maréchal de Villeroy, tandis que celle de Pierre Van Orley fut épargnée (2).

Jean Van Orley, le fils de Pierre, parcourut une longue et brillante carrière. à Bruxelles le 4 janvier 1065, il mourut le 22 février 1735, dans cette ville, après l'avoir remplie des productions de son pinceau. Il prit des leçons de son père cl de son oncle Jérôme, qui était récollel et dont on voyait trois tableaux assez bons au-dessus du por- tail de l'église du couvent il élait religieux. Dans le principe, Jean s'appliqua à peindre la miniature et fit dans ce genre de grands progrès; plus lard, il s'adonna de préfé- rence à la peinture historique. Par sa manière, suivant Immerzeel, il se rapprocbe tant de l'Albane, de Pierre de Cortone et quelquefois du Poussin, qu'on pourrait croire qu'il a passé sa vie en Italie. Ses fonds sont décorés de beaux

(i) IX'' Regisler ter Tresonje gehouden, P' 489.

(i) GoETiiALs, Histoire des lettres, des sciences et des arts, l. III, p. o2.

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bâtiments et de riantes perspectives, et ses personnages groupés de la manière la plus heureuse; il dessinait bien et gravait comme il dessinait. Mais le coloris de Van Orley offre les défauts de celui de la plupart de ses contemporains : il pousse au noir, les ombres paraissent opaques et les clairs affectent une crudité peu agréable.

Après les désastres du bombardement de 1G05, Van Orley travailla, avec une ardeur que l'on pourrait qualifier de fiévreuse, à remplacer les toiles dont l'hôtel de ville, les maisons des métiers et les chambres des Serments étaient remplis; une Adoration des Mages placée dans la salle chapitrale de l'abbaye d'Afflighem passait pour son chef- d'œuvre. Il a exécuté aussi de bon portraits et un grand nombre de dessins; de plus, bien qu'il fût accablé de com- mandes, il fournil beaucoup de cartons aux tapissiers, sur- tout aux Vandcr Borght, et, dans le nombre, le Triomphe d'Ampliitrile, dont la tenture appartient à M. le vicomte de Spoelberg, œuvre se révèle ses grandes qualités de des- sinateur, et six Scènes de la vie du Christ conservées à Saint-Sauveur, de Bruges. C'est lui qui a peint les cartons de la tenture des Amours de Vénus et d'Adonis, qui est conservée à l'hôtel d'Aremberg, celle de Y Histoire de Psyché, que Pierre Vanden Hecke exécuta pour l'impératrice Marie- Thérèse, etc. C'est à ce titre qu'il fut à plusieurs reprises privilégié par la ville, notamment le 14 décembre 1709. Ses travaux en ce genre exercèrent sur son talent une influence fâcheuse, si l'on en croit Mensaort : « Les tapis- » siers, dit celui-ci, lui demandant de*; couleurs hautes et » brillantes, il prit une manière de |)eindre et un Coloris tout » à fait idéal, l'on ne retrouve plus ces tons doux et

0^28

» agréables (ju'il avoit mis dans ses premiers tableaux (i). » Il y aurait tout une étude à faire à propos de cette observa- tion de Mensaerl, mais l'entreprendre, ce serait nous lancer dans des considérations qui nous entraîneraient trop loin. Notons ici que notre peinire ne fut inscrit dans la corporation en (jualilé de mailre que le 24 juin 1710.

Les deux fils de Pierre Van Orley passèrent, comme son oncle Jérôme, leur vie dans le célibat. Tous ces Van Orley, remarquons-le, firent partie de la sodalité des célibataires établie aux Jésuites et en furent dignitaires. Jérôme fut nommé conseiller le 50 juin 1G58, Jean y devint lecteur en décembre 1088 et le 12 décembre 1694, greffier le 9 dé- cembre 1G91 et secrétaire le 15 décembre 1692, et Richard y remplit des fonctions de toute espèce de 1G88 à 1699. Ces dates ne sont pas inutiles à signaler, parce qu'elles nous indiquent l'époque vers laquelle l'éducation de ces artistes se termina; en nous disant aussi ils firent leurs huma- nités, elles nous apprennent ils puisèrent celte connais- sance de l'antiquité qui se révèle dans leurs œuvres et qui contribua évidemment à les attirer vers les écoles italiennes. Si Jérôme ne marque i)as dans l'histoire de l'art, Richard, son neveu, y occupe une place importante. Il peignit surtout à la miniature et à la gouache et fit beaucoup de dessins lavés à l'encre de Chine; il a, en outre, beaucoup gravé, mais ses tableaux se rencontrent rarement, et nous ne con- naissons de lui que la Renlrce du pape Innocent II à Home, peinture provenant de l'abbaye de Tongerloo, actuellement au Musée d'Anvers. en 1602, Richard Van Uricy niou-

(0 T. 1, p. 7^0.

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rut subitement peu de temps avant son IVùi-o, le (> juin 1752. II fut enterré avec pompe dans l'église de Saint-Géry, l'on déposa également les resles mortels de son frère. En eux s'éteignit une lignée féconde, l'une des gloires de la cité bruxelloise.

Contemporains des derniers Van Orley, Viclor-Honoré Janssens se montra leur digne émule. en IG()4 d'un bour- geois de Bruxelles qui était (ailleur, il vécut jusqu'en 175G. D'après Luc Mensaert, qui fut son élève et l'un des admira- teurs de son talent, il étudia pendant huit ans chez Lancelot Volders, qui lui-même était élève de Grayer. Il se fit remar- quer par son assiduité au travail et accompagna dans ses voyages le duc de Holstein, qui l'avait pris en affection et lui fit, pendant quatre ans, une pension annuelle de HOO florins.

11 se rendit ensuite en Italie, il se lia avec Pierre de Molyn, surnommé Temp€sla,\)rès duquel il travailla quelque temps. De retour à Bruxelles, il épousa la fille d'un receveur du domaine nommé De Potier, de laquelle il n'eut pas moins de onze enfants, et se fit recevoir comme maitre, le

12 août 1G89, dans le métier des peintres, il était entré en qualité d'apprcnli le 2 septembre 167.^.

Dans la requête par laquelle Janssens demande l'exemp- tion accordée d'ordinaire aux peintres de carions pour tapis- series, il se qualifie de figuerschilder ou peintre de person- nages. 11 s'y exprime avec beaucoup de modestie, se bornant à dire qu'il se croyait toute la capacité nécessaire pour entreprendre des œuvres de ce genre. Il avait, dit-il, passé neuf à dix années à étudier dans les différentes villes de l'Italie, sous les meilleurs maîtres; cette assertion, que l'un doit supposer exacte, ne permet pas d'admettre les huit

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années d'cludes chez Yolders, que Mensaert et les autres biographes kii attribuent. Janssens, étant en 1664 et étant revenu d'Italie en IG89, a quitter Volders et sa patrie vers 1680, à l'âge de seize ans au plus. Il semble que de .son temps on avait perdu l'habitude d'excmpicr les peintres du service de la garde bourgeoise, car il n'en fut question ni pour lui, ni pour Vandor Ileyden, ni pour Achlschel- linck ; cela résultait peut-être des dangers continuels au milieu desquels on vivait alors et qui rendaient le service mililaire de la bourgeoisie une nécessité impérieuse. Le magistrat se borna donc à l'exempter de l'assise pour 12 aimes de bière et un poinçon devin de France (1" juillet 1090) (i); mais, dans la suite, ses exemptions furent portées au taux do celles des tapissiers (29 avril 1704-).

Janssens peignit considérabkmeni de lableaux, surtout pour les églises, les métiers et les serments de Bruxelles; suivant Mariette, c'était lui qui fournissait les modèles poul- ies tentures qu'exécutaient les tapissiers De Vos et Louis {sic) Leyniers et qui représentaient presque toujours des sujets tirés de l'histoire profane ou de la fable (2). Celle qui orne la s|)lendide salle du Conseil communal, à rilôtel de Ville, il a peint aussi, au plafond, C Assemblée des dieux, son chef-d'œuvre, donne une; haute opinion de ses connais- sances et du parti qu'il savait en tirer. Janssens aurait, dit-on, gagné beaucoup d'argent s'il avait eu une femme plus économe. Quoi qu'il en soit, sa réputation s'étendit et, en 17IS, il hit nommé peintre de l'empereur Charles VL

(1) ,\7/'' rcfjister ter Tresorije gelioudoi, (" 1^27. (i) Abecedario, l. III, p. A.

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S'étant rendu à Vienne, il eut l'honneur d'y donner des leçons à l'inapéralrice Elisabeth , veuve de Joseph I"'". Il visita également Londres, il fut parfaitennent ac- cueilli.

Janssens est fort peu connu des critiques, qui, en général, passent sous silence tous les peintres de cette époque. Il mérite pourtant d'attirer l'attention et peut être considéré comme l'un des derniers maîtres de l'ancienne école fla- mande. Ses petits tableaux, dit Descamps, ont une fonte de couleur agréable et naturelle; ses airs de tète sont finis, nobles et beaux; son dessin, correct; ses grands tableaux, excellents aussi, mais la couleur en est trop crue. Janssens n'a pas laissé de continuateurs, bien que plusieurs de ses fils fussent aussi peintres. L'un d'eux, Jean, fut portraitiste; un autre, Laurent, exécuta souvent les paysages et l'archi- tecture des tableaux de son père.

Après les deux travailleurs dont nous venons d'esquisser la biographie, nous n'avons plus à citer que des hommes presque inconnus cl d'un mérite très-relatif : Goppens, Grange, Philippe De Ilondt, de Péry, Eisen, De Haese.

Augustin Goppens , dont le nom a survécu grâce surtout à la part qu'il prit à l'exécution des gravures représentant la ville de Bruxelles ruinée par le bombarde- ment, commença dès 1689 à exécuter des cartons pour tapisseries représentant des paysages, mais ce ne fut qu'en 1698-1699 qu'il fut reçu dans le métier des peintres comme maître. Plus lard, il réclama et oblinl les exemp- tions dont avaient joui d'autres artistes , comme Luc Achtschellinck, De Hondt, Van Schoor, et dont jouissaient encore l'ancien receveur Van Orley, Janssens et Rys-

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brack (i). Coppens a beaucoup gravé, notamment un plan (le Luxembourg, une suite de plans de Paris depuis César jusqu'à Louis XIV, une vue. du château et des jardins de Versailles; mais, si l'on peut encore apprécier son mérite comme graveur, je ne sais l'on apprendrait à juger le peintre; Bruxelles possédait de lui, au siècle dernier, plu- sieurs belles compositions traitées en manière de paysages, dont une, qui se trouvait à Sainte-Gudule, dans le chœur dit de Notre-Dame, a été enlevée. Quant aux dix vues de Bruxelles signalées par Heinecke , j'ignore elles se trouvent, à moins que cet auteur n'entende parler des vues gravées des ruines du bombardement (2).

Louis Grange, le peintre des portraits des rois d'Espagne (jue l'on voit dans la galerie conduisant au cabinet du bourgmestre, à l'IIôtel de Ville do Bruxelles, fut avantagé par le magistral le 23 septembre 1730, peu de temps après avoir peint pour le tapissier Jean-Baptiste Vermillion les paysages de cartons dont les figures avaient été exécutées par Philippe De Hondt. Un certificat constatant le fait lui avait été délivré, le 9 août, par Vermillion et quelques-uns de ses confrères : Urbain Leyniers, Philippe Auwercx, Jean et FrançoisVander Borcht et Pierre Van den Hecke. De plus, une visite faite à son atelier constata son application à exé- cuter des cartons (3). Orangé ou, comme on l'appelait aussi, Granger, était à Bruxelles en 1080 (i) et fut reçu maitre peintre le 21 octobre 1715.

(0 L'avis des trésoriers et (les receveurs, formulé à ce sujet, date du mai 1709.

(i) Nagler, /. c, t. m, p. 79

(s) XVII' register ter Tresorye geliouden, f" ">'t.

(i) Galesloot, Procèn de Françoix Anneessens, l. I, \>. i^Oii.

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Lorsque Philippe De HontU fui privilégié à son tour, le 14 avril 1735, on rappela que la même faveur avait été accordée à son père. Philippe était, disait-on, le plus habile de ceux qui travaillaient en ce genre, si nécessaire pour le maintien de l'industrie des tapissiers (i). Il obtint la franchise d'assise pour 1 2 aimes de double bière et, en remplacement d'une pareille franchise pour une pièce de vin, le paiement d'une somme de 12 florins par an. On ne sait rien de ce De Hondt, sinon qu'il peignit, comme son père, des paysages et des batailles (2).

De Hondt, ainsi que Goppens, dont nous avons parlé plus haut, étaient morts lorsque, le 4 avril 1745, on accorda les mêmes exemptions, outre la franchise du service de la garde bourgeoise, à Nicolas-Emmanuel De Péry, d'Alost, et François Eisen (3). Tous deux firent partie du métier des peintres, celui-ci en qualité de reconnu à partir de 1735-1734, celui-là comme maitre dès 1735-1756. Eisen, qui était à Bruxelles avant 1700, mourut postérieurement à 1778, après avoir fait partie de l'Académie à Paris, il se fixa après 1 731 . Il a aussi gravé, et ses travaux en ce genre furent continués et surpassés par ceux de son fils Charles-Dominique-Joscph, de Marie-Marguerite Gainse, à Valenciennes, il fut baptisé dans l'église Saint-Nicolas le 17 août 1720 (4). Ce fils se

(») Het wort oock waer bevonden dat den vader des supliants heeft genotcn ter selver oorsaeke eenighe vrydommen van wegens dese stadt, welckc fabricquc niet -wel en kan subsisteren sonder hervaeren schilders, tôt welcken e>nde dier- gelycke consten behoort geranimeert te worden door eenighe voordeelen...

... Ende dat in consideratie dat den suppliant is den meesten hervaren in de voorseide konste.

(2) Nagler, /. c, t. VI, p. 284.

(3) XVIII^ regisler ter Tresorye gehouden, P lo. (0 Jal, l. c, p. 329, L't non à Bruxelles, en 1722.

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rendit surtout célèbre p;ir les planches dont il enrichit la Henriade, de Voltaire ; il a passé à Paris presque toute son existence et vint mourir à Bruxelles, le 4 janvier 1778, chez un (juincaillier de la rue au Beurre, Jean-Jacques Clause. Ses mœurs licencieuses, mœurs qui se retracent dans la plupart de ses œuvres, l'empêchèrent toujours de s'élever dans le monde. Il était criblé de dettes et abandonna sa femme Anne Auberl et les enfants qu'il eut d'elle, pour vivre avec une prétendue dame de Saint-Martin, qui s'appelait en réalité Marie-Charlotte Martin. Il fut enseveli dans l'église Sainte-Gudule (i).

Eisen père et Péry habitaient encore Bruxelles, lorsqu'on accorda les mêmes privilèges que les leurs, le 19 août 1750, à Maximilien De Haese, qui travaillait alors à exécuter des modèles pour des tentures destinées à l'impératrice Marie- Thérèse (2). Cet artiste était le neveu et l'héritier de Jean Van Orley et l'élève de De Hondt; il fut reçu maître en 1726-1727. Après la mort de Van Orley, il partit pour l'Italie, il étudia pendant sept ans. De retour dans sa ville natale, il peignit un grand nombre de tableaux, dont la suppression des couvents et la fermeture temporaire des églises paroissiales ont amené la dispersion. On en voyait plusieurs aux Grands-Carmes, aux Récollets, dans la chapelle Sainte-Marie-Madeleine, etc., de Bruxelles (3), et on en conserve actuellement deux dans l'église Saint-Joseph. Ce

(i) Wekelyks nyeiiws uijt Loven, t. XI, p. -lîJT.

(2) Cette faveur lui fut octroycie jusqu'à révocation, pour aussi longtemps que le magistrat la jugerait utile. Registre cité, f" ôli.

(3) Mensaeiît, /. c, p. 57.

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sont de grandes compositions revivent encore les tradi- tions de la grande école de Rubens, niais atténuées et affaiblies; l'art n'y constitue plus qu'un reflet d'un passé glorieux, et rien n'y fait pressentir rapproche d'une ère de renaissance.

De Haese jouit de son temps d'une célébrité qui ne lui survécut pas, et l'on accompagnait d'ordinaire son nom de l'épithète de fameux. L'impératrice, il est vrai, avait fait de lui son peintre officiel, et le prince Charles lui avait accordé, le 10 novembre 1775, une pension annuelle de 500 livres de 40 gros de Flandre. Sa mort arriva en 1787. Il fut le dernier de celte longue liste de peintres de cartons qui commence par Roger VanderWeyden et figurent les noms de tant d'hommes de mérite. Succombant en quelque sorte sous le poids de son passé, l'école flamande était tombée dans une décadence que des causes multiples précipitaient. Elle entraîna dans sa chute la fabrication des tapisseries historiées, dont elle contribuait à maintenir l'éclat et la réputation.

Alphonse Wauters. (A continuer.)

ËPIGRâPIIIE romaine de la BELGIQUE

APPENDICE (i).

N" 353.

+ est.(..)on(vs). omnis. hon(or). qve. rite. s(o1)vntvr. adeptvm llicitvdo. . . .

HO ... .

+ LABOR + MEL . OFFERO

S . . . . CITVDO + ABSINTIV. (PRO)PINO

+ MYSTICVM. APOLLINJS

Liège.

{Est .. omis omnis lumor. Qiiâe rite sol\untur adeplum sollicitudo, .

//on or.

Labor : Met offero,

SoXWcitudo : Absinthium propino.

Mysticum Apollinis.)

(i) L'intérêt qui s'attache à l'inscription ici étudiée a engagé l'auteur à céder aux instances du Président du Comité du Bulletin et à anticiper sur le complé- ment à donner îi VEpigrapIiie romaine de la Belgique, en publiant dès maintenant le présent article, qui formera la fin du premier volume des tirés à pari avec pagination spéciale.

l'Appendice, d'oii ceci est détaché, comprendra les inscriptions du moyen âge qui se rattachent au paganisme par quelque lien : telle est incontestablement, par l'invocation du nom d'Apollon, la pierre de Liège.

Il a été question de prendre im moulage de ce monument pour le Musée royal d'antiquités de Bruxelles; mais ce projet, dont le jiropnéiaire, M. Bourdon, a autorisé l'exécution, n'a pas été réalisé jusqu'ici.

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557

Cette inscription est le monument le plus curieux de Liège ; elle se trouve dans les différentes parties d'un tympan de porte encastré en un mur de la cour de la maison située place Saint-Pierre, n" 15, à Liège, appartenant à M. Bourdon, ancien échevin et président du tribunal de commerce, mai- son faisant partie des biens de sa famille depuis plus d'un siècle, et où, depuis cette époque, il n'a été fait aucun chan- gement au mur de la cour.

Voici, en abrégé, la description du monument faite d'après M. Jules Helbig (i) : on a trouvé peu à y changer. Le lecteur pourra en vérifier la parfaite exactitude sur la planche ci en regard.

Le contour supérieur de la pierre décrit un demi-cercle; la partie inférieure se termine par une arcade trilobée (l'"15 de haut sur 2"52 de large).

Dans le plein-cintre sont inscrits trois médaillons de forme ronde ; l'un de ces médaillons est placé plus haut que les deux autres ; il a un diamètre de O^SS; ceux-ci, de O^oi. Le champ des médaillons a un creux d'environ O^OS de pro- fondeur; leur encadrement est simplement mouluré. Ils contiennent chacun un personnage taillé en haut-rehef pris dans l'épaisseur de la pierre.

Le personnage sculpté dans le médaillon qui se trouve à gauche du spectateur est agenouillé et tient des deux mains une large coupe de forme arrondie. Il est barbu; la

(i) Bull, de rinst. archéol. liég., X, p, 2i.

Comme la planche insérée dans cette publication est défectueuse, on donne ici un nouveau dessin du monument corrigé et complété, d'après une photographie, devant le monument même, par M. Van Mansfeld, architecte-dessinateur du Palais de Justice à Bruxelles. Ce dessin malheureusement n'a pas été bien rendu.

558

fètc est coiffée d'un cliapel ou calollc hémisphérique; le corps est revêtu d'une tunique assez serrante, descendant jusqu'aux chevilles; les pieds sont chaussés. A l'extérieur du médaillon, on lit tout autour l'inscription : + labor +

MEL . OFFERO .

Dans le médaillon opposé, on voit un personnage à peu près dans la même attitude, mais qui, malheureusement, n'est pas hien conservé. Une large fente traverse ici la pierre, et, en emportant une partie du dos, la hrisure a aussi endommagé notablement la tète : le visage et une partie de la coiffure ont disparu. Cependant les plis d'un voile ramené sous le menton, les larges manches du vête- ment qui descend jusqu'aux pieds, ne permettent pas de douter que le sculpteur n'ait représenté une femme. De chaque main elle tient une coupe, semblable quant à la forme à celle qui est dans les mains de l'autre personnage. L'inscription entourant le médaillon a aussi souffert par la fracture de la pierre. Cependant on lit encore assez distinc- tement, d'un côté du cercle, le fragment : s ... . citvdo, et de l'autre coté : + absintiv . (pro)pino («).

Enfin, dans le médaillon supérieur et central, on voit un personnage assis avec majesté sur une espèce de trône. La tète est barbue, les cheveux sont assez longs. Le corps est revêtu d'une chlamyde fermée au-dessus de l'épaule droite et d'un bliaut, au-dessous duquel on voit encore une tunique longue qui touche à la chaussure. Le bliaut est serré à la taille par

(i) Cette manière d'abréger pro par un p à queue barrée se retrouve dans l'antiquité romaine, Corpus inscript ioninn lalinarum (de l'Acad. de Berlin), VI, p. xxxiv, n" 41, l. 5, à moins que ce ne soit une abréviation d'un copiste de la Renaissance (Poggius, qui vivait au xiv" siècle).

Ô39

une ceinture ornée de quatre feuilles et les manches sont étroites, hormis au poignet. Le hord inférieur du hliaut, ainsi que la calotte hémisphérique dont la tèle du personnage est coiffée, sont ornés d'un riche galon.

Ce personnage tourne le dos à la femme qui se trouve à sa gauche, pour porter les regards vers l'homme agenouillé du côté opposé. Il tend vers lui la main droite.

Au-dessus du médaillon circulaire dans lequel est sculpté ce personnage, on lit, d'un côté, les deux lettres ho, qui, sans aucun doute, étaient complétées par des lettres de l'autre côté. La fente de la pierre devient très-large à cette place et ne permet plus d'y rien distinguer. En revanche, on lit très-clairement autour du lobe supérieur du cintre formant le contour inférieur de la pierre et qui touche au .médaillon, ces mots : + mysticvm. apollinis.

Autour du cintre formant le contour supérieur de la pierre, a existé une inscription qui, dans l'origine, accom- pagnait ce contour dans toute son étendue (i). Malheureu- sement la moitié de cette légende est aujourd'hui détruite, et la lecture de la partie qui subsiste est loin d'être sans difficultés. Ce qui peut en être rétabli est écrit de la manière suivante : + est . . on(vs) . omnis . ho?j(or) . qve. rite .

SOLVNTVR. ADEPTVM LLICITVDO . . .

Du doute subsiste sur les mots onvs et solvntvr, dont le

(i) Peut-être le fragment qui complète le cintre, et qui parait du même grain, coutient-il le complément de l'inscription sur son autre face : les dimensions du fragment intercalé autorisent cette supposition; de même, le fragment après LLICITVDO est-il peut-être retourné?

H n'a pas été donné à l'auteur du présent article de pouvoir s'en assurer : nul doute cependant que le propriétaire qui sait apprécier la valeur exceptionnelle du monument, ne se décide un jour à faire faire la vérification.

340

premier ))ourrail bien être bom's (un éclul dans la pierre se voit au commencement du mol) ; quant au second, il ne correspond à aucun des temps du verbe solvere, si ce n'est en supprimant un v consonne : sol{\)unlur.

M. Helbig, en faisant quelques comparaisons avec d'autres monuments liégeois, a déterminé presque mathématiquement l'époque de cette sculpture, et la fixe vers le milieu du XII"' siècle (i), en disant qu'à son avis on ne peut lui donner « plus d'un demi-siècle de moins » qu'aux fonts baptismaux de Sainl-Barlliélemy, datant de l'an 1112. Cependant, à l'appui de l'opinion du baron de Koehne, de Saint-Péters- bourg, qui (comme on le verra plus loin) étend les limites de l'époque recherchée jusqu'au xiii^ siècle, on peut citer l'opinion de l'abbé Texier (2), que seulement à partir de 1500 à 13G0, c'est-à-dire encore un siècle plus lard, les inscriptions, en certaines parties de la France, bannissent entièrement les caractères d'origine romaine ou romane qui se mêlent jusque-là aux lettres capitales gothiques (3).

(0 Les Bull, de la Soc. des Aiitiq. de France, série, IV (XXXIV), p. 158, font remarquer que le mélange des c carrés avec les c arrondis, comme en notre inscription, est une concession aux modes naissantes du xii« siècle.

(i) Recueil des inscriptions du Limousin, p. 168.

Voy. aussi a Tappui VHistoire littéraire de la France, XVI, p. 319, oii l'on signale l'art de la gravure consacré à la reproduction, au xiii" siècle, de ligures emblématiques et symboliques.

(î) La double barre de la lettre h du mot Ho(nor), au-dessus du médaillon principal, double barre qui existe aussi dans les a d'ADEPTVM et absintiv, a donné lieu à des observations intéressantes de l'honorable M. Chalox, dans la Revue belge de nnmismalique, série, II, p. 457; voici ce qu'il en dit : « La double n barre transversale de la lettre u n'est pas sans exemple. Dans une inscription I qui se trouve a Liège, sur un curieux monument, dit la pierre bouRooN, et qui » date de liOO à il 50, on voit le mot m{Hor) éci'it avec un h à doubles traverses, » comme sur les monnaies du llainaut. »

341

Dans le pays do Liège, la révolulion parait s'èlre accom- plie plus tôt, i)iiisque l'inscription de 1275 (cloclie do la cathédrale de Liège), citée par M. llelbig, est exclusivornont composée de toutes nicajusculos gothiques; mais le champ est encore assez étendu pour y faire place à l'opinion du savant russe.

Reste à expliquer le monument lui-même.

L

M. Helbig invoque une maxime de Cicéron (i) : « Honos alit artes et accenduntur omnes ad studia gloria <> , maxime qui était en faveur au moyen âge, car elle se trouve rappelée dans une lettre d'un correspondant d'Eginhard. Il cherche ensuite à démontrer que le personnage principal est Honor, « Y Honneur (l'honneur départi par Apollon, dont ce dieu dispose et qui par conséquent est son secret ; ce personnage accueille et récompense le Travail productif, en dédaignant la Peine qui accompagne le travail, lorsque cette peine n'offre que de l'absinthe. »

En d'autres termes, «f l'honneur est réservé au succès dans le travail. »

Il ajoute : « Si, en se reportant au siècle cette sculpture a été taillée, et tenant compte d'ailleurs de la destination à laquelle répondait la pierre, c'est-à-dire à former le lin-

II est à regretter que les dimensions restreintes de notre planche ne rendent pas cette double barre parfaitement saisissable.

Cette double barre est mieux rendue par les gravures sur bois insérées aux pp. 26 et 27 du tome X du Bull. deVlnslit. archéol. liégeois.

(i) Tuscul., I, 2, 4, d'après Platox, de lîepubl., VIII, p. ool» (commun, par M. RoERSCH, pendant l'impression).

542

Icau (l'une porte, on nous demandait à quelle salle ou à «luel bàliment celte porte pouvait donner accès pour que le bas-relief eût un sens et que sa présence pût s'expliquer, nous répondrions sans hésiter qu'il a se trouver au-des- sus de la porte de l'école, soit de la cathédrale, soit de l'une des collégiales de la ville de Liège. »

M. llelbig présente à ce sujet quelques développements sur l'état des études à Liège, au moyen âge (i), et sur les possesseurs de la maison se trouve aujourd'hui la pierre, possesseurs parmi lesquels on nomme plusieurs doyens ou chanoines de S'-Pierre qui s'y sont succédé.

L'explication de M. Helbig est certes très-ingénieuse (2) ; mais on peut y opposer l'invraisemblance suivante : comment

(«) Ou peut y ajouter les détails suivants : Au ATV* Congrès archéologique de France (Périgueux et Cambray), pp. 515 et 515, on signale, dans le xii° siècle, à Arras, à Amiens, à Naples, des écoles qui curent des sujets remarquables, et les lumières qui sortaient de l'école de Liège continuèrent à luire au siècle suivant {Histoire littéraire de la France, IX, p. 40). Auprès des écoles établies dans les églises cathédrales, on vit alors se former les collèges. Tout annonce que les prélats avaient fondé et surveillaient les écoles que possédaient plusieurs villes au xiii' siècle. On lit {Ibid., XVI, p. ,41) que plus on se rapproche de l'année 1300, plus ces écoles tendent à se rapprocher du système des universités. On cite notamment (.VA'V'° Cow^rt'.v archéologique de France, 1858, Périgueux et Cambray, p. 489,) une école attachée au chapitre des chanoinesses de Nivelles.

(î) A ce propos, il est intéressant de constater, et notre monument en donne l'occasion, que les études littéraires n'ont jamais été autant abandonnées qu'on le pense communément. Fortoul, Études d'archéologie et d'histoire, II, p. 572, s'occupe précisément, au xii' siècle, de la deuxième des trois Renaissances des lettres, dont la première fut contemporaine de Chariemagne, la troisième de Charles-Quint. Cet auteur ajoute : x Veux-je dire que les lettres antiques ont été inconnues au moyen âge? Loin de là; parce que je vois qu'elles n'y ont jamais péri, je n'ose me ranger à l'opinion qui les fait et si tôt et si souvent renaître. » Voy. en outre VUistoire littéraire déjk citée, IX« et XVI» vol., dans ses résumés de l'histoire des lettres, sciences et beaux arts.

Au surplus, notre inscription, avec le vocable d'Apollon, prouve qu'à i-ié^ie, au xir siècle, on n'avait pas attendu la Renaissance proprement dite pour cultiver lu litlérature classique.

3io

des chrétiens, et surtout des prêtres catholiques, même à une époque le profane avait (ait invasion dans le spirituel (i), auraient-ils pu songer un seul instant à aflicher le vocable d'Apollon sur le fronton d'une école religieuse? L'antithèse est par trop forte !

Ensuite les églises cathédrales, et non les collégiales, paraissent seules avoir eu des écoles (-2). Il ne faudrait donc pas songer à la collégiale Saint-Pierre.

Puis cette explication qui de la sollicitudo fait un syno- nyme de travail sans résultat, de travail qui produit non du miel, mais de l'absinthe, semble tellement métaphysique et recherchée, qu'on crut ne pas pouvoir s'en tenir à l'interpré- tation de M. Jules Helbig; une enquête scientifique fut ou- verte à l'étranger par l'auteur du présent article, aidé de plusieurs savants de notre pays, dont M. Ghalon, président du Comité du Bulletin.

La plupart des notabilités de la science consultées et parmi elles l'illustre et regretté de Caumont avouèrent

(i) Cette invasion se constate surtout par les Fêtes des fous, de l'àne, des •innocents, etc. Voy. Revue nouvelle, Bruxelles', 1852, pp. 70 et 100.

Quelle qu'ait été cette invasion, elle n'allait pas et ne pouvait pas aller jusqu'il introduire les dieux du paganisme dans une dépendance d'église chrétienne; VHistoire littéraire de la France, IX, p. 166, nous apprend, en effet, que la mythologie resta dédaignée au xir siècle, même après que Beaudouin, abbé de Fordes, depuis évêque de Worcester et archevêque de Cantorbéry, eut écrit son traité de la Mythologie.

L'Histoire littéraire de la France, l. cil., ajoute : « On ne s'aperçoit presque point par leurs écrits que nos savants eussent pris une connaissance particulière de la mythologie. Il est vrai que tous ces savants, étant clercs ou moines, pouvaient mépriser cette sorte de connaissance. »

(î) Voir le Mémoire de l'instruction publique au moyen âge en Belgique, de MM. Stallaert et Vandeshaecen (Acad. de Belg., t. XXII des Mémoires couronnés), p. 13, il n'est parlé que d'écoles cathédrales ou monastériales, conformément aux capitulaires et conciles de 787 et 815.

344

l'impossibilité elk^s élaient de pro|)oscr une explication quelque peu raisonnable.

Seuls, MM. le baron de Koeline, conseiller privé et prési- dent du bureau héraldique de Saint-Pétersbourg, et Roach Smith, l'illustre auteur des CoUectanea antiqua, donnèrent leur sentiment au sujet de l'énigmatique monument de Liège.

II.

Le premier a sans doute été conduit à son système par cette considération, qui n'a pas échappé non plus à M. Hel- big (i) : « La puissance d'Apollon s'étendait également à l'art de guérir, à la médecine, particulièrement chez les Romains. »

Et il écrit à M. Chalon : « La lecture de M. Helbig me paraît tout à fait juste. Il est à regretter que la seconde moitié de la ligne supérieure ne soit plus lisible.

» Le monument est très-curieux; pour moi, c'est le des- sus de porte de l'entrée de la maison d'un célèbre médecin du xii* siècle, ainsi que le prouvent le costume du principal personnage et les caractères de l'inscription; le monument me paraît même appartenir à la première moitié du xiii'siècle (1200 à 1250).

» Le principal personnage est le médecin qui donne ses ordres à deux aides : un homme servant un vase de miel et une femme (sœur de charité) (2), qui tient deux coupes

(i) L. cit., p. 23.

(2) Cependant il est à remarquer que s'il a existé dès le xiii' siècle des religieux hospitaliers de la Charité, institués à Châlons, par Guy de Joinville, les sœurs de charité, proprement dites, instituées par S' Vincent de Paul, datent seulcmout du xvii« siècle.

Ô45

pleines d'absinthe. Ce bas-relief est très-précieux et serait une des pièces les plus curieuses du Musée de Liège.

» Le myslicum Apollinis, continue M. de Kochnc, s'ar- range très-bien de cette explication : Apollon présidait aux sciences et à la médecine. Les biographies liégeoises ne donneraient-elles pas le nom des célèbres docteurs du xiii" siècle? »

Le Bulletin de l'Institut archéologique liégeois (III, p. 72) répond négativement à la question posée par M. de Koehne, à la fin de sa lettre, car M. Ulysse Capitaine, dans sa liste des médecins liégeois, passe directement d'Anicius, médecin de la cohorte P^ des Tungres (i" siècle) à Kédus(xv^ siècle). Rien du xiii* ni du xii".

On peut douter, du reste, qu'il y ait une relation entre l'enseigne et la célébrité du médecin supposé.

m.

Roach Smith , l'archéologue anglais si connu par les grands services qu'il a rendus à la science , se trouve par hasard combiner entre elles les opinions de MM. Helbig et de Koehne, sans les avoir connues : il est disposé à croire, écrit-il, que le tympan discuté a couronné la porte d'une école de médecine.

On peut lire des détails intéressants sur l'organisation des écoles de médecine, au \f siècle, au xif et au xiu^ : VHis- toire littéraire de la France en abonde (i).

Des écoles de médecine étaient attachées aux abbayes du

(«) VII, pp. 16, 36, 57, 78, 85; VIII, p. 49; IX, pp. 191, 195, 193; XVI, p. 95, etc.

346

Bec et de Marmoulier, à l'école épiscopale de Charlres, à l'école métropolitaine de Tours; la médecine était même étudiée dans les monastères de fdles, comme au Paraclet.

Les clercs et les moines possédant seuls la connaissance des langues anciennes, étaient les seuls à s'appliquer à la médecine qu'ont pratiquée même des abbés et des évéques. Les laïcs y étaient bien admis, mais par simple tolérance (i).

On rapporte qu'à Liège, le célèbre Wazon, alors chapelain, n'eut pas de peine à confondre un médecin juif, le plus habile docteur de sa nation, qui passait pour avoir une connaissance particulière de la médecine, et qui avait provoqué Wazon à la dispute.

Cet état de choses dura jusqu'à ce que le pape Ilono- riuslll et le concile de Latran de 1215 interdirent définiti- vement aux prêtres la pratique de la médecine, que le synode de Reims, les conciles de Tours et de Paris avaient en vain essayé de leur enlever en 1 151, 1151), HGi2, 11G5 et 1215,

Les raisons qui ont fait repousser l'opinion de M. Jules Helbig, forment obstacle à ce qu'on applique à une école reli- gieuse quelconque fût-ce de médecine le vocable païen d'Apollon. Ce serait donc à partir de 1215 seulement, c'est- à-dire après l'installation des écoles civiles de médecine, qu'on pourrait admettre notre frontispice pour une école de ce genre, ce qui nous rapprocherait de la date proposée par M. le baron de Koehne.

C'est, du reste, l'époque llorissait l'école de Salerne, se rendirent célèbres les collèges de médecins de Ferrare, de Milan, de Brescia, de Padoue et les écoles de médecine

()) Hisldirc Hlléraire de la France, IX, p. 19u.

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de Paris et de Montpellier (i), et les médecins, « mettant en pratique les recettes qu'ils tenaient des Arabes, pour la préparation des sirops, des julcps, des élcctuaires et autres médicaments composés, et appliquant, plus qu'on ne l'avait fait jusqu'alors, la chimie à la pharmacie, se livrèrent à la distillation et à d'autres opérations utiles, dans l(3urs écoles, leurs laboratoires et leurs hospices (2). »

Ne serait-ce pas précisément ce que le bas-relief de Liège voudrait indiquer?....

IV.

Mais nous n'avons encore qu'un rapprochement éloigné. Sur ces données, quelqu'un a forgé tout un système, moitié sérieux, moitié plaisant, mais pour le moins tout aussi plau- sible que les autres hypothèses jusqu'ici présentées.

Voici des extraits d'une notice inédite lue à l'une des séances de l'Institut archéologique liégeois (5) :

« Qu'on ne se récrie pas : au lieu de l'enseigne d'un mé- decin, comme le propose M. de Koehne, ne s'agirait-il pas seulement de l'enseigne d'un pharmacien, dont le nom, comme on en trouve des exemples au moyen âge, figurerait en rébus dans l'enseigne?

« Ce n'est pas ravaler la question : en effet, les person- nages les plus importants remplissaient l'office d'apothicaire : le pharmacien de Henri II, roi d'Angleterre, fut Richard qui

(4) Les bulles d'institution des facultés de Montpellier et de Paris datent du XIII* siècle. Lacroix et Seré, Le moyen âge et la Renaissance, II, ch. iv, 3" page, au verso.

(2) Histoire littéraire de la France, XVI, p. 92.

(3) Les notes du présent § IV appartiennent à la notice anonyme.

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mourut évèque de Londres en H 98. Au surplus, jusqu'au XIV' siècle, les deux professions de pharmacien et de méde- cin ont été en quelque sorte confondues (i). En outre, on le sait, les apothicaires, dans certaines circonstances, se com- plaisaient à orner leurs oflicincs de bustes de divinités du paganisme (2).

» Quant à la mode des rébus, il suffit de se rappeler les armes parlantes du blason et les calembours latins des devises qui accompagnaient les armoiries (5), pour ne pas s'étonner qu'on ait voulu faire de semblables jeux de mots sur une enseigne. Enfin, quand on se souvient que Gilles de Gorbeil, au xii* siècle, sous Philippe-Auguste, a élaboré un poëme latin de 4,562 vers pour décrire les médi- caments composés, on ne doit pas s'étonner qu'un apothi- caire lettré ait voulu avoir une enseigne en vers latins.

» Quoi de surprenant surtout à ce qu'il se soit laissé en- traîner à suivre le mauvais goût de son siècle, à la cou-

Ci) Mercuri et BoNNÂRD, Costumes des xiii", \i\' et xv« siècles, édit. de 1861, m, p. 71, pi. 178.

Voy. aussi Hisl. litt. de la France, IX, p. 196, l'on cite des vers de Guil- laume LE Breton, et l'exemple d'un legs d'AnBON, chanoine d'Auxerre, qui était k la fois médecin et apothicaire (1191), à en juger par le mobilier trouvé en sa mortuaire. Ce ne fut qu'à la fin du xii" siècle que l'art de la pharmacie, à cause de la faveur accordée à la thériaquc, se distingua de l'art de la médecine {ibid., XVI, p. 99).

(2) La Choix et Seré, /. cit., i" page : k Les apothicaires calvinistes avaient placé Mercure dans une niche, au grand scandale des catholiques romains, qui avaient au fond de leur boutique le Rédempteur, la Vierge, S'-Cûme ou S*-Christophe. »

(3) Em. i)E LA BÉnoLLiÈRE, dans l'ouvrage cité de Lacroix et Seré, IV, article relatif au blason, cite la maison à'Avesiies, en Hainaut, qui avait pour devise le centon des Bucoliques de Virgile : « tenui modulatur avcna, » les possesseurs de Pennes et Yento on Provence : « super pennas ventorum, » la famille Campi de Vérone, ces mots du Ps. 64 : « Campi tui leplebuntur ubcrlate. »

349

tumc de subtiliser sur les moindres choses (i) : Au xii" siècle, « tous ceux qui se mêlèrent de poésie laline, sans en excep- » ter même ceux qui y réussirent le moins mal, s'amusaient » à des jeux de mois, des allusions de noms, des étymologies » et autres minulies de caprice, qui auraient été capables de » gâter la meilleure versification (2). »

» Quoi de plus naturel que de lui voir imiter les nobles qui faisaient placer leurs armoiries parlantes sur les portes de leurs habitations (0).

» Les recueils d'enseignes en contiennent plusieurs en rébus, plusieurs en un distyque latin, enfin plusieurs sculptées, dont quelques-unes d'apothicaires (4).

» Mais prouvons de plus près que, sur notre enseigne, il s'agit bien des opérations pharmaceutiques :

» Quintilien, dans ses Institutions oratoires (III, 1), fai- sant allusion au mélange, déjà connu dans l'antiquité, du miel et de l'absinthe, dit : « Sed nos veremur ne parum hic » liber mellis et absinthii multum habere videalur, sitque » salubrior studiis quam dulcior. »

(i) Histoire littéraire de la France, IX, p. 205.

(2) Ibid., p. 1G7. La Poetria nova de Geoffroy de Vinisauf, xn« siècle, débute par de mauvais jeux de mots sur le nom du pape Innocent {ihid., XVI, p. dSîii.

Voir sur le xm» siècle, ibid,, XVI, p. 193 : « La plus nombreuse école de versiticatiou latine ignorait les règles de la prosodie ; elle donnait le nom de vers à des lignes incorrectes qui n'exprimaient que des idées communes ou bizarres, ignobles ou obscures. »

(3) Voy. DE LA. Bédollière, l. cit., qui dit que le xiii° siècle et le xiv* furent la plus brillante époque du blason, et qu'on y voit les armoiries aux linteaux des portes.

(♦) E. DE LA QuÉRiÈRE, Reckerchcs historiques sur les enseignes des maisons particulières, suivies de quelques inscriptions murales prises en divers lieux, Paris, 1852, pp. IS, 19, 81, 8S, 99, 120, 125; Magasin pittoresque, 1839, p. 218.

obO

» Cetic idée appelle celle de représenter comme un mys- tère, dans loqiiel Apollon, père d'EscuIape, instruit ses adeptes (i), l'art, d'après les rites (2) de la pharmacopée d'alors (rite, id quod ratum et rectum est, dit Varron, L. L., VII, p. 88), de préparer chimiquement (solvere, solutio) des potions médicales l'absinthe et le miel, utile duki, fussent mélangées dans les proportions requises; c'est l'adage vul- gaire, ici tout en situation, d'après lequel on dil : « Dorer la » pilule. »

» En s'appuyant, du reste, sur des autorités sérieuses, on peut considérer les ofïicines d'apothicaire comme s'adon- nanl au soin de mélanger le miel et l'absinthe. Les consuelu- dines Floriacenses (p. 405), citées par Ducange, au mot Ahsynthium, s'expriment à ce sujet de la manière que voici, à ])ropos d'un remède préventif, composé de ces deux élé- ments, remède qu'on donnait aux moines, à certaines époques de l'année et dans certaines intentions : « Ilic tri- bus diebus, post cymbali pulsationem, qui voluerit bibet de absynthio melle confecto, quod refectorarius ante praeparavit et posuit in scyphis singulorum. »

» A propos de cette potio monachica, comme l'appelle Ducange, cet auteur cite l'usage, dans plusieurs monastères d'Allemagne, de mêler dans du vin des aromates, du gin- gembre, des racines, avec du miel et du sucre (Maitrank, boisson do mai), et il désigne même la Belgique, une boisson analogue est encore en usage : « Belgis multum placet

(i) Ducange, Suppl., Adeptus : « Adeptus dicitur in arte chimica. (Pahacelse, Van Helmont). »

(2) DucAKCE, rite, traduit ce mol par persaepe, freqtienler, sens dont on peut se contenter ici.

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cerevisia absyntldo condita; liac ulunlur mane saepiiis, atque etiam interdum vesperc, stomachi fovendi causa (i)- »

» La boisson douce et amère {dulcamara), composée de miel et d'absinthe, a donc pu parlai tcmenl être adoptée par un apothicaire du xii' siècle ou du xm' , comme un emblème de sa profession.

» Remarquons, en outre, que le costume de notre apothi- caire ressemble assez bien à celui que décrivent Mercuri et Bonnard (2), d'après une peinture de Dominique Bartoli à l'hôpital de Sienne :

» Cet apothicaire est couvert d'un turban couleur de » laque. Le manteau est de même couleur et doublé de » fourrure blanche. Les apothicaires avaient le droit de » porter des fourrures, comme membres du corps des arts » majeurs... » (suivent des détails sur les couleurs qu'il serait intéressant de reproduire et de comparer à la pierre Bourdon, s'il restait sur celle-ci autre chose que de faibles traces de polychromie en certains endroits).

» Sur ces données, il y a sans doute lieu de chercher le sens caché des paroles par trop évidentes : Est bonus omnis honor (3)...

(i) Cette bière absinthée se débitait encore à Bruxelles il y a quelque trente ans, dans certains « estaminets » qui avaient cette spécialité. Aujourd'hui, les imitations de bières étrangères, suffisamment amères par l'écorce du bouleau (si pas pis) qu'on y laisse infuser, ont détrôné la bière absinthée, et celle-ci est devenue un fait archéologique, dont d'ici à quelque temps on chercherait en vain la trace ailleurs que dans le témoignage de Ducange.

(2) I, p. Mo, 54, édit. de 1861; !IÎ, p. 7i, pi. 178. La Croix et Seré, l. cit., II, ch. IV (Pharmacie), p. ii : « On cite un apothicaire de Munster en 1267, un apothicaire d'Augsbourg en 1283, tenant chacun boutique. »

(3) Voici comment l'auteur anonyme s'acquitte de la tâche qu'il indique (on lui laisse tout l'honneur du succès, mais aussi toute la responsabilité de la tentative

352

••■> Dans l'hypothèse ces paroles désigneraient les noms de l'apothicaire en question, il est facile de compiler les vers en comblant les lacunes.

» L'inscription présente un vers hexamètre complet, plus un mot certain à ou vers la lin d'un second vers (i). Il sufllt donc de trouver quatre pieds se liraient le verbe ayant adeptum pour complément, un second avec solUcUudo pour sujet, enfin le mot /a6or, qui, comme le pense fort judicieuse- ment M. Jules Helbig, doit avoir été répété, comme honor et soUicUudo le sont déjà dans l'inscription demi-circulaire.

» Trois mots pour quatre pieds, trois mots imposés, per-

que, malgré l'appel final, on hésite, et pour cause, k prendre au, ou dans le sérieux, comme le dit l'Académie) :

« Remarquons que « iionor », ce qui est frappant, se trouve répété au-dessus du médaillon principal. Iionor est donc le personnage mis en évidence; c'est celui à qui appartient l'ollicine.

» Or le nom de « Honneur » est très-fréquent dans tout le pays de Liège, sous la forme Llionneux, qui date de plusieurs centaines d'années.

» Les autres mots : omnis et bonvs seront vraisemblablement le prénom. Tout et hien ne nous le révèlent pas ; mais Uhonncux est une foinie wallonne. Est-il interdit de supposer qu'il y a quelque jeu de mots en patois? Tout, c'est tô; bien, c'est bin, et à l'ouest de IJége, notamment à Montegnée, on dit bt. Or Tobie est un nom de baptême dont on pourrait trouver des exemples au XII' siècle.

» Il n'y aurait rien d'étonnant à voir omnis pris ici dans le sens de tolus. Virgile a bien dit {Aen., V, v. 45) :

... Socios la coetuiti liltoro ab omni Advocat Acneas.

» L'inscription signifierait donc : Tobie Llionneux, apothicaire, aux Mystères d'Apollon...

)) Tout eut bien. ..Alt un proverbe, auquel l'auteur de l'inscription aura songé, mais dont les lecteurs sérieu.v lui refuseront peut-être le bénéfice.... »

(i) On peut cependant supposer que le mot soUicitudo commence le second liémisticbe d'un pentamètre; il y a, en elïet, une place libre sur le monument, et les lettres accolées semblent indiquer (jne le lapicide était gêné par le défaut d'espace.

355

mettent de rétablir l'inscription, par exemple, comme voici :

Est bonus omnis honor. Quae rite sol(v)untiir adeptuni Hic monstratit et complet sollieitudo laborera (1).

» Aux mystères d'Apollon ; X. est établi ici. Les remèdes » qu'on y prépare (solvntvr (2) pour solvv.ntvr), d'après » les règles de l'art, dénotent un adepte d'Esculapc, et le « soin (3) qui préside au travail complète celui-ci.

» Cette explication seule fait raison de ces trois mots significatifs : rites, adeptes, mystères, sur lesquels glissent les autres interprétations. »

V.

Ces dernières paroles de l'auteur de la notice inédite ouvrent une autre perspective. Les rites des sectes gnos- tiques (4) avaient persisté longtemps après le paganisme.

(i) Ou bien d'une manière un peu moins inélégante quant à la versification, et dans la supposition, bien entendu, qu'il n'y a plus rien eu sur la pierre après les syllabes llicitvdo :

... completque laborem soUicitudo.

(2) Les exemples de vivs pour vivvs, ivenis pour ivvenis (juvenis), etc., etc., ne sont pas rares en 6pii,'raphie ; mais on doit avouer ici que, malgré toutes les recherches, on n'a pas trouvé, en vers, d'exemple de semblable systole, avec élision du v consonne par uu v voyelle, dans le but de transformer une syllabe longue en brève.

On lésait, du reste, par VHisloire littéraire, XVI, p. 190, les irrégularités abondent dans les poèmes mcdico-pharmaceutiques de Gilles de Cohbeil, qui a sans doute servi de modèle à notre apothicaire. La négligence était le défaut des poètes de cette époque; on cite aussi les incorrections cI'Alain de Lille {ibid., p. 184).

(3) SoUicitudo, pris non plus dans son sens classique de tourment d'esprit, souci, mais dans le sens moderne de sollicitude, soin empressé. « Solli(ci)tudines et curas >>, dit un acte de 15o8, cité par Ducange, v" Sollitudo.

(i) On peut consulter à ce sujet Matter, Histoire critique du Gnosticisme et de sou iufluenoe sur les sectes religieuses et philosophiques des six premiers siècles de Vère chrétienne, Paris, 1828.

-^ 354

et une recrudescence de leurs pratiques secrètes suivit les Croisades qui introduisirent en Europe les mystères deBafo- met. Le baron de Hammer-Purgstall a publié à ce sujet un livre curieux intitulé : Myslerium Baphometis (i), il cite des figures et emblèmes gnostiques qui se trouvent les mêmes sur quelques églises des Templiers, sur les idoles baphométiques et sur les vases de la nature du Graal.

M. Fr. Lenormant (2) parle, de son côté, des sectes secrètes qui pullulèrent depuis le v' ou le vi* siècle jusqu'au supplice des Templiers au xiv* siècle, sectes qui continuèrent la tradition des Gnostiques, et qui prirent un développement tout nouveau vers l'époque des Croisades, par suite du con- tact avec les populations à demi-païennes de la Syrie, Druses, Nossaïriens, Ismaéliens, etc. « On trouve, dit-il, des » monuments de ces sectes dans toutes les grandes collections; » mais on ne les a pas encore réunis dans une étude com- » plète, et l'explication définitive en reste à donner. «

Nicolaï (3) a suivi la doctrine des Gnostiques depuis le Christianisme, presque au début de celui-ci ; après les pre- miers temps, dit-il, le nom de ces sectaires disparut, mais

(1) RzEwusKi, Vumlgruhen des Orients, -1818, VI, pp. 1 à -120 (Mysterium Baphometis revelatum , seu fratres mililiae Templi, qiia Gnostici et Ophiani apostasiae, idolaliiliae et impuritatis convicti, per ipsa eonim nionumenta). Le B"» DE Hammer-Pl'rgstall a publié un nouveau travail sur le même sujet dans les Mémoires de l'Acadi'mie impériale de Vienne, 1854.

(«) Calai, de la collectioQ Raiké (vendue à Paris, en 186"), p. io7, k propos des n"' 1481 et 1482 : « Images désignées au xii« et au xiii" siècle, sous le nom à'idoles de Bafomet. »

Cl'r. Graeff, Dus grossherzogliche Antiquarium in Mannheim, pp. ol à 54 : « Vier Baphomete der Terapelherrn. »

(ï) Essai sur les accusations intentées aux Templiers (trad. de l'allemand), pp. 127, 149, 153.

355

leurs principes n'en furent pas moins, pendant plusieurs siècles, la source de différents dogmes particuliers.

Nicolaïcile la trouvaille l'aile en Allemagne d'un talisman gnostique, dans le tombeau d'un chevalier du Temple, qui l'aura rapporté d'une captivité chez les Sarrasins, les doctrines gnostiques étaient répandues. Gel auteur présente plusieurs développements pour démontrer la confor- mité de la doctrine des Gnostiques et des Templiers, (i).

Or, quand on se rappelle qu'une idole a été trouvée chez les Templiers, et qu'on citait cette idole comme étant celle de Baphomet (2), il est permis de chercher une relation entre les mystères des Templiers et ceux auxquels il est fait allusion dans la pierre Bourdon.

Le soleil était considéré comme le générateur universel ; on retrouve Apollon la tète radiée et le fouet à la main (comme Osiris) sur les abraxas , ou amulettes des Gnos- tiques, Baphomet, de son côté, passait pour le père de toutes choses (3).

De l'idée que le fronton en question, et qui porte en toutes lettres les mots myslicum ApoUinis, pourrait bien se rapporter à une scène du culte du soleil, dont Apollon était le dieu.

.... Occupons-nous ici titre d'épisode,- mais non

(1) On doit à la vérité de ne pas dissimuler ici que les idées de Nicolaï et du B"" DE Hammer-Purgstall n'ont pas obtenu l'assentiment unanime des savants. Voy. à ce sujet, Raynouard, Journal des Savants, 1819, pp. loi et 221; note du même, dans VHistoire des croisades de Michaud, i" éJit , V, p. 57:2 ; LoiSELEUR, La doctrine secrète des Templiers, Paris, 1872, pp. 100 et suiv., qui voit dans Bafomet une simple altération de Mahomet.

(î) NicoLAi, /. cit., p. 122.

(3) Ibid., p. 159.

356

étranger au sujet) de certains vers d'Ausone; l'auteur du présent article doit la communication de ces vers à M. Courtoy, jjrofesseur de rhétorique à l'Athénée de Gand, que la vue du monument avec la mention mysticum Apol- linis avait vivement intrigué.

Ausone, qui vivait au iv" siècle (mort vers 594), écrit à un des professeurs de Bordeaux : « Vous êtes de la souche des Druides; vous vous êtes, vos ancêtres et vous, consacrés au culte d'Apollon Belenus, et de vos noms. A vous, celui de Paiera :

... Sic ministros nmicupaiil Apollinaris mijslici {\). )>

Gomme personne jusqu'à présent n'avait entendu parler d'un mysticum Apollinis (ou Apollinare), et comme on n'avait pas songé à voir dans mysticum un synonyme de myste- rium, les commentateurs se sont évertués à expliquer ce passage en prenant Apollinaris mystici, non comme un génitif, mais comme an nominatif, sujet de nuncupant.

Floridus et Souchay font remarquer qu'il y a lieu de lire Apollinares pour Apollinaris, d'après l'orthographe ar- chaïque omnis, tris, pour omnes, très, qu'on retrouve même dans les manuscrits de Salluste et de Gésar.

Ils lisent donc : « Paiera, c'est ainsi que les sectateurs mysticjues d'Apollon a|)pellent leurs ])rèlrcs(2). »

Désormais, depuis la révélation faite par le monument

(i) Hhet. profess., Kpist. IV, vers 7.

(s) DucANCE, Paiera, dit : « Dcleiii seu Apollinis saccrdoles Gallis. * DiEFENBACu, Origines europeae, p. 520.

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557

liégeois, on doit lire au contraire : « c'est ainsi (pion ap- pelle (i) les prêtres des mystères d'Apollon. »

Dans la bonne latinité on trouve déjà des exemples de mystica conmie synonyme de mtjsleria, et spécialement de ceux de Gérés. Festus, v" Religiosus, dit : « adversus mystica legem ad populum ferre (-2). »

Mais comme nous sommes au xii" siècle ou au xiii% c'est pour le moyen âge surtout qu'il s'agit de fixer le sens du mot mysticum; poussons donc plus loin nos recherches.

Il se trouve précisément qu'à une époque contemporaine de notre inscription, Agno Ugutio, de Pise, évèque de Ferrare, qui vivait au xii^ siècle et mourut vers 1212, écrivit un' glossaire qu'on a conservé en manuscrit dans plusieurs bibliothèques (à).

, '^Or, voici ce qu'on y lit : « mysticum dicitur de tempora- » libus, myslerium de spiritualibus. »

L'explication du Mysticum Apollinis de la pierre de Liège, et rétroactivement du Mysticum Apollinare d'Ausone, n'est donc plus à chercher : c'est bien des mystères du culte du Soleil qu'on a voulu parler. . . .

Si l'on admet l'opinion de Nicolaï, du baron de Hammer- Purgstall et de M. Fr. Lenormant, on aura une explication assez naturelle de la pierre Bourdon, et l'on songera plutôt

(i) Il est sans doute superflu de faire remarquer que nuncupant est très- classique dans le sens de on nomme (Cic, de Nat. deor., II, 25 : « Quod erat a deo natum, nomine ipsius dei nimcupabant. »)

(2) « Je doute fort que chez Festiis, /. cit., il faille lire •. « adversus » mystica. » Les MS. ont « adversus mijslicio. « qu'il faut corriger en « adversus » auspicia. » (Noie de M. Roersch, pendant l'impression.)

(3) Complément de celui de Papias, grammairien lombard du xi° siècle.

Ces détails sont extraits de la préface du glossaire de Ducange; voy. ibid., V' Mysticare.

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aux Templiers qu'aux ccolàtres d'une cathédrale ou collégiale calliolique, pour expliquer celte allusion aux mystères d'Apollon, répandus dans la Gaule, au iv" siècle, et conti- nués, au moins par tradition, jusqu'au xii".

Or, circonstance frappante, la maison des Templiers à Liège, existait naguère au Mont Saint-Martin, n" 9 0), à environ 200 mètres de la maison Bourdon, et une pierre provenant de la démolition de l'une a pu être remployée lors de la construction de l'autre.

Le procès dos Templiers eut lieu en 1507; la confection du monument i)our les adeptes, s'il a servi à leurs mystères, conformément à leurs rites, est nécessairement antérieure au procès, ce qui concorde avec les dates indiquées ci-dessus.

A cela, il y a néanmoins à opposer des objections qui ne manquent pas de gravité.

D'abord, si les Templiers ont adoré le Soleil, il n'est dit nulle part qu'ils l'aient adoré sous le vocable d'Apollon.

Ensuite, le pape, dans les articles de l'information contre les Templiers, spécifie les faits suivants (2) : « Que les Tem- pliers tiennent secrètement leurs assemblées au commen- cement de la nuit; que, lorsqu'on les tient, on fait sortir tous les domestiques de la maison et que toutes les portes sont tellement fermées qu'on ne peut approcher du lieu de l'as- semblée, ni entendre ce qui s'y passe ou en avoir connais- sance; que l'on pose même des sentinelles, jusque sur les toits de l'église, pour empêcher que personne n'en approche,

(0 C'est la maison est décédé, en 1876, le général Brixhe. Le Mont S'-.\lartiti est, en ligne droite, la conlinuation de la place S'-Pierre.

(î) Lebkk, Collection des meilleures dissertations, notices et traités particu- liers relatifs à l'histoire de France, XVll, p. l«o.

350

lorsqu'on s'y assemble; que l'on observe les mêmes pré- cautions et la même clandestinité à la réception des frères, ce qui a donné lieu à de grands soupçons sur ce qui se passe dans des assemblées que l'on cache avec tant de soin.»

Or, bien que le baron de Ilammer-Purgstall produise précisément les sculptures de sept églises des Templiers, comme preuve de leur paganisme gnostique, la clandestinité de leurs mystères semble tout à fait incompatible avec l'appel adressé à l'attention par le travail très-apparent et le caractère immobilier et monumental de notre haut relief; il est souverainement invraisemblable que l'on ait fait opérer semblable travail pour s'empresser de le cacher ; un fronton de porte est, du reste, un objet destiné plutôt à l'extérieur qu'à l'intérieur, l'on n'en comprend guère l'utilité, s'il s'agit uniquement d'orner la salle des mystères supposes, et, par conséquent, d'un monument devant être vu des seules personnes sortantes,... à moins de supposer que, dans les appartements secrets des Templiers, il y ait eu un apparte- ment plus secret encore, un « saint des saints, » sur le portail duquel notre fronton était placé...

Cette analyse des différentes opinions soutenues dé- montre qu'aucune ne répond complètement aux données du problème (sauf malheureusement la moins sérieuse et, dès lors, la moins acceptable) ; il faudra donc attendre la révéla- tion éventuelle des parties latentes de l'inscription ou la découverte, dans quelque recueil, des deux vers latins com- plets, si on les a reproduits plutôt que composés exprès. Des recherches vaines ont été faites à ce sujet, et ni manuscrits, ni livres imprimés, soigneusement compulsés, n'ont jus- qu'ici favorisé la solution de l'énigme.

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VI.

Le Iravail qui précède était déjà à l'iaipression, quand l'auteur eut l'idée (excellente à plusieurs égards, comme on va le voir) de demander l'avis de M. Roersch, professeur à l'Université de Liège, un de nos meilleurs latinistes. Celui-ci voulut bien se donner la peine d'examiner le problème soulevé par le monument Bourdon. Voici en quels termes il émit son avis :

« Soliintur est une faute évidente; j'y substitue secuntur, pour sequuntur, lecture que l'état de la pierre et la forme des lettres autorisent.

» Je lis donc et je traduis littéralement : Est omis omnis honor; que (quae) rite secuntur adeptum. . . .

» Tout honneur est une charge; les choses qui arrivent (suivent) d'ordinaire à celui qui l'a obtenu (i), sont....

» Les choses qui suivent l'honneur étaient spécifiées dans un second vers qui se trouvait inscrit dans l'autre moitié du demi-cercle et dont nous n'avons plus que le mot tînal sollici- tudo. On pourrait le rétablir à peu près ainsi :

Sunt labor et longe tristissinia soUicitudo

« Ou s'il faut un pentamètre :

Sunt labor et gravior solliciludo tibi.

» Mais quels qu'aient été les termes du vers, le sens n'en

(i) « Je donne à adeptum la signification active qu'il a le plus souvent; mais adeptus se rencontre aussi avec le sens passif, même dans la bonne latinité, et surtout dans les auteurs postérieurs, cuniuie, par exemple, BotcE, Cons. phil., prosa 2, on lit à quelques lignes d'intervalle boiio adcpto et adeplis hoitoribiis. On pourrait donc traduire : ce qui suit l'honneur quand il est obtenu. »

3(11

est pas (louleiix ; r.iiilciii- ;mi-;iit pu se; conleiil(M' d'ccrin; : ((uac sef/uantur adeptum sunl haec ou hic vides; car il l'a fait sculj)ter avec beaucoup d'espril.

)) Que représente.', en effet, l'image?

» L'Honneur ou le personnage honore onustus (!sl assis sur une espèce de trône ou de siège magistral. Il a sans doute vivement recherché la dignilé dont il est nivèlu; il aura l)eaucoup travaillé |)0ur l'obtenir; mais quel est maintenant son sort? Le travail n'est pas diminué, il ne s'en plaint pas; il pense peut-être avec Gicéron {pro Murena, c. 4), « quibus laboribus honores petieris, eos quum adeplus sis, deponere, esset hominis et asluti et ingrati. » Aussi notre dignitaire ne fuit pas le travail (fuga laboris desidiam coar- guit, Gic, ihid.); il y trouve même son bonheur, il lui est doux comme le rniel : labor mel offert. Getl(! idée est repré- sentée par le personnage de droite offrant une coupe de miel avec Tinscription : mi;l oi fero.

» Mais si le travail est doux, il n'en est pas de même des inquiétudes, sans cesse renaissantes, de la responsabilité qui pèse sur l'Honneur : la Solliciludo lui cause de l'amertume, fait boire de l'absinthe : absinlldum propinat. L'artiste nous le montre par la femme agenouillée à gauche et présentant à l'Honneur une coupe dans chaqu(} main, signifiant ainsi que les inquiétudes amères remportent du double sui- les peines du travail (i).

(i) A l'appui du système de M. Roersch, on pourrait invoquer le témoignage (les moralistes grecs qui « ont vu dans Vubsiiilhe et le miel, et dans Toppositiou de leur saveur, l'erablènie de la peine et du plaisir qui se disputent tour à tour le cœur de l'iionime. » (Biardot, Les ferres cuites grecques funcbres dans leur rapport avec les mijslères de Uacclius, Paris, 1875, p. iîil.)

562

» Réfléchissant ensuite sur les conséquences de l'hon- neur tant ambitionné, se demandant comment son espoir a pu so changer en regret, le dignitaire y voit quelque chose d'étrange, une sorte de problème philosophique, et il s'écrie: Myslicum Apollinis! Mystère d'Apollon!

» Cet Apollinis peut jouer ici le rôle d'un déterminatif, d'un adjectif, et avoir le sens de philosophique, ou bien il peut signifier que le mystère ou le problème est digne d'être éclairci, résolu par Apollon, le dieu qui devine ou fait deviner les énigmes. Vous vous rappelez Horace (Sat. II, ■i, GO) :

Divinare etenim m;ignus uiihi tloiiat Apollo.

» Puissé-je aussi avoir été inspiré par le dieu !

» Notre monument élait connu du célèbre Torrentius qui demeura à Liège, comme chanoine de S'-Lambert, de 1557 à 1585. Il en parle dans son commentaire sur Horace (Sat. I, 6, 97). Tout en critiquant la leçon de Lambin, onuslos pour honestos, il dit : « Gertum ab eodem fonte » duci onus et honor, ut in vetusto lapide, sed litteris Longo- » hardis, scalptum vidissememini (i). »

» L'étymologie à laquelle Torrentius fait ici allusion, et sur laquelle repose la sentence : Est honor omis, remonte à Varron. Nous lisons, en effet, dans le traité de Ungua lalina, V, 73 : « Ilonos ab honere, sive oncre, i laque honestum » dicitur quod oneratum, et dictum onus est honos, qui » suslinet rempublicam. »

(i) On peut lire ce passage à la p. 483, 2*' col., de I'Horace, ouvrage postliunic de TonRENTius, publié en l(i02, in-4" (un exemplaire de ce livre, qui n'est pa.s commun, existe k la Bibliollièquc de l'Université de Liège).

3G5

» li'orlhograplie d(^ honus pour onus adoptée ici par Varron, et qui se rencontre également VI, 77, a été peut-être suivie dans notre inscription. H semble, en effet, que devant omis une lettre ait été enlevée. De même, on trouve fréquemment l'adjectif Iwnustus pour onustus, par exemple chez Lucrèce, III, 113, et Servius (ad Virg., Aen., I, 289) prétend même que c'est la vraie orthographe de ce mot. »

Voilà l'explication très-simple et appuyée sur des autorités sérieuses que présente M. Roersch, et on se félicite ici d'avoir consulté ce savant.

Avec pareille exphcation, plus d'efforts; les mots viennent à leur place avec leur véritable sens, les idées découlent naturellement les unes des autres. Aussi, s'il s'agissait non d'une sculpture monumentale, mais de quelque tableau ou dessin énigmatique à déchiffrer, de quelque page do confidences intimes, on serait bien difficile de ne pas se contenter des ingénieuses explications de M. Roersch, qui mettent si bien en présence chez Gicéron, les mots labor, honor, adeptus, et chez Varron, les mots honor et onus, opposés l'un à l'autre comme en notre inscription.

Mais (car il y a un mais) il s'agit d'une pierre faisant partie d'un édifice, et destinée à être vue du public...

Quel est le dignitaire ecclésiastique, et, en supposant qu'au moyen âge le latin fût familier aux fonctionnaires civils, quel est le bourgmestre, le membre du tribunal des Vingt- Deux (1545), etc , qui ait pu songer un instant à placer sous le regard de tous l'objet de ses préoccupations personnelles, alors qu'elles étaient, pour lui, un mystère qu'il chargeait Apollon d'expliquer?

5(34

Il semble donc que, à défaut d'une conclusion bien nette rendant compte du motif pratique pour lequel l'énigme aurait été sculptée, il y ait lieu de considérer la solution de M. Roersch comme n'étant pas plus le dernier mot à dire sur la question que les cinq autres opinions qui y voient le portail d'une école religieuse ou d'une école de médecine, l'enseigne d'un médecin ou d'un pharmacien, ou une dépen- dance secrète de la maison des Templiers.

Mais la note du savant et obligeant professeur de Liège a fait faire plusieurs pas en avant, et elle a, en outre, le mérite de révéler ce fait des plus importants que Laevinus Torrenlius (i) a vu, au \\f siècle, la pierre du Mysticum Appllinis, et qu'à cette époque elle était déjà considérée comme une pierre antique, lapis vetustus.

Or, quoique Torrentius ne le dise pas, c'est bien à Liège, il séjourna, du reste, pendant près de trente ans, et il habita la place Saint-Michel (2), à la Ilaute-Sauvenière, à quelques pas de la place Saint-Pierre (et du Mont Saint-

(1) C'est, sans doute, lui que, dans les Bulletins de V Académie royale de Belgique, IV, p. 553, on appelle Livinaeus, en le nommant uniquement d'après son prénom, mais en estropiant ce prénom.

Il est question, en effet, dans ce passage, d'un MS. de César ; or DiiiiNER, dans Vindex codicum qui précède son édition des Commentaires, parle d'im codex Torrenlianus, qui est, sans doute, celui auquel il est fait allusion.

Si, au contraire, il s'agit du Gantois Livineius, éditeur des Panégyriques, ce n'est plus le prénom, c'est le nom même qu'on a estroprié.

(î) « Ce magnifique prélat, comme rappelle le vieux poète Pomte, en un sien sonnet, habitait place S"-Micliel, la maison occupée aujourd'hui par le général gon Wittert; il avait fait construire cette maison sur les plans de Lamh. Lombadh, et c'est qu'il avait réuni les collections d'antiquités dont l'Italie devait être jalouse, à en ci-oire Ortelrs en son Itinéraire. « (Rens. de M. Henry

HELlilG.)

365

Martin), qu'il a voir le monument. Celui-ci est trop lourd, en effet, pour avoir été transporté loin de son premier emplacement (i).

Liège, janvier 1877.

H. SCHUERMANS.

(0 Lae\inus Torrentius a laissé un recueil d'inscriptions, qui est à la

Bibliothèque royale de Bruxelles, n" 4347, section des manuscrits. Mais ce

recueil soigneusement compulsé est malheureusement muet en ce qui concerne notre inscription.

LES VITRAUX

DE

L'ANCIENNE ÉGLISE ABBATIALE DES DAMES NOBLES

DE HERCKENRODE.

Le premier fascicule du tome XIII du BuUelhi des Commis- sions royales d'art et d'archéologie a fait connaître, à la demande de M. le Ministre de l'intérieur, une série de ques- tions relatives à l'ancienne abbaye de Herckenrode et aux vitraux qui ornaient son église.

Ces questions, formulées par M. Gordon Hills, membre du British archeological Association, avaient été adressées à M. le Ministre de Belgique à Londres, qui, de son côté, les avait transmises au gouvernement belge dans l'espoir d'ob- tenir les éclaircissements demandés.

Pour répondre d'une manière plus complète au désir de M. le Ministre de l'intérieur, la Commission royale des monuments s'est adressée à M. Bamps, son membre corres- pondant à Hasselt, dont les études et la résidence dans la contrée avait existé l'ancienne abbaye garantissaient la compétence pour les reclierclies à faire. M. Bamps s'est empressé d'accepter la tâche qui lui était dévolue ; il a fait les investigations (lu'oii lui (lemandail, et, dans une lettre inté-

5G7

ressante datée du 14 janvier 1874, il communique le résultat auquel ont abouti ses éludes (i).

L'intérêt que porte l'honorable membre du British archeo- logical Association à l'ancien monastère de Ilerckenrode, est évidemment inspiré par les vitraux qui ornaient autrefois le chœur de l'ancienne abbatiale, et qui se trouvent aujourd'hui dans la cathédrale de Lichfield. L'une de ces questions est for- mulée de la manière suivante : Sait-on s'il existe une descrip- tion des vitraux peints qui appartenaient à l'ancienne abbaye?

Nous arrivons, sans doute, un peu tard pour satisfaire au désir de M. Gordon Hills. Nous ne sommes peut-être pas en mesure de répondre à sa question avec toute la précision désirable, ni surtout aussi complètement que nous le vou- drions nous-mème. Toutefois nous croyons pouvoir apporter quelques renseignements nouveaux sur une œuvre impor- tante, aujourd'hui exilée, de notre ancien art national. D'ail- leurs, si nous nous estimerions heureux d'éclaircir les doutes émis par un honorable archéologue de l'autre côté du canal, nous avouons qu'il nous importe surtout de faire connaître en Belgique des vitraux que des juges étrangers trouvent très-remarquables, ainsi qu'on le verra en lisant ces lignes, et dont l'origine appartient, sans aucun doute, à l'école liégeoise.

Voici d'abord le jugement émis à leur égard par une femme de beaucoup de science et d'une grande intelligence en matière d'art, par M'"' Jameson, dans le livre qu'elle a consacré à l'étude iconographique des légendes monastiques. Après avoir rappelé un thème mystique qui a souvent inspiré

(i) V. Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie, 15* année, p. 11.

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le pinceau des artistes postérieurs au xv' siècle, Saint Bernard nourri du lait de la sainte Vierge, l'auteur con- tinue dans les termes suivants :

» Je suppose qu'il est bien connu que les verrières peintes que l'on voit au chœur de la cathédrale de Lichfield provien- nent d'une abbaye cistercienne peu éloignée de Liège (l'an- cienne abbaye de Herckenrode, sécularisée et ruinée pendant les guerres de la Révolution française). Dans l'un de ces vitraux, le troisième du côté nord du chœur, nous trouvons cette légende mystique représentée d'une manière admirable : saint Bernard est agenouillé aux pieds de la sainte Vierge, élevant les yeux vers elle avec une dévotion enthousiaste; elle s'apprête à découvrir son sein. Derrière le saint, on voit debout sa sœur, l'abbesse sainte Humbeline.

Ce travail date des années looO à 1540, époque à laquelle les religieuses rebâtirent leur couvent et employèrent a l'orner les meilleurs artistes des Pays-Bas. J'attribue le dessin de ces vitraux à Lambert Lombard, le premier et certainement de beaucoup le meilleur des peintres de l'école ûdimande italianisée du xvi' siècle » (i).

(i) I believe it is wcll known that the fine stained glass in the choir of Lichfield cathedral was brought froni a Cistercian nuniiery near Liège (the abbey of Heriicnrode, ruincd and desecraled in the French revolulionaiy wars). On one of thèse wiudows, the third on the north side of the choir, we find this mystical legend beaulifuliy expressed. St. Bernard kneels at the feet of the Virgin, looking up with passionate dévotion; she prépares to bare her bosom. Behind him slands bis sister, the abess St. HiimbcHne.

The workmanship dates betwcen lo.ïO and lu40, when the nuns rcbuill thcir convent, and eraploycd the bcsl artists of the Low Countries to decorate it. The designs of the Windows I should refer to Lambert Lombard, the first, and by far the l)est, of the ItalianisciJ Flemish scool of the sixteenth century.

V. Legend of the monaslic Orders as represented in the fine arts, by M" Jameson, fifth édition, London, 1872, p. 146.

ÔG9

Le livre de M""' Jameson a eu un assez grand nombre d'éditions, en Angleterre il est presque populaire. Aussi bien, si nous traduisons les lignes qu'on vient de lire, ce n'est pas, rcpétons-Io, pour apporter des renseignements au pays dont ils émanent. Notre but, on le comprendra, est tout différent. C'est pour notre propre enseignement aussi que nous allons emprunter à un autre auteur anglais, à Charles Winston, des indications beaucoup plus détaillées sur les peintures sur verre qui nous occupent, et qui ont paru dans une étude imprimée successivement dans deux publications différentes, en IS^ô et en 186a.

Dans un livre paru à cette dernière date et consacré à l'étude de la peinture sur verre en général, non-seulement au point de vue historique, mais même au point de vue pra- tique, l'auteur consacre un chapitre entier aux verrières de Herckenrode. Il indique la plupart des sujets qui y sont représentés ; il les examine au point de' vue critique et esthé- tique, et il ne se contente pas de renchérir encore sur les éloges que leur accorde M""® Jameson, mais, comme nous le verrons, il semble même les mettre au premier rang des peintures sur verre connues.

Écoutons, à son tour, Charles Winston :

« Les magnifiques peintures sur verre qui, avec d'autres, occupent les sept fenêtres orientales du chœur de la cathé- drale de Lichfield, ont dans l'origine appartenu à l'abbaye de Herckenrode, dans l'ancienne principauté épiscopale de Liège. Ces peintures sont de l'école italico-flamande et, sui- vant les dates qui s'y trouvent, elles ont été exécutées entre les années 1532 à 1539. Après la destruction de l'abbaye, les verres peints passèrent entre les mains de sir Brooke

370

Boolhby, baronnet, lequel, à son tour, les céda au doyen el au chapilre de Liclifield, qui les ont placés on les voil aujourd'hui, dans l'année 1805.

» Les circonstances particulières qui ont assuré à la cathédrale de Liclifield la propriété de ces belles verrières, sont rappelées dans l'inscription suivante, dans la fenêtre orientale de l'aile sud du chœur :

» Quae in apside vicina insunt, septem fenestrae picturatae, coenobio canonicarum Herkenrodensi quod olim exornaveranl foedissime direpto alque diruto novam, et Deo volenlc, stabUio- rem sedem hâc ecdesid nactae sunt; ope et consilio viri in omni judicio elegantissimi, Dom. Drooke Boothbij, de Ashburn auld in comitatu Derb. Baronetti : anno sacro MDCCCIII. »

» Les sujets suivants y sont représentés :

» La Résurrection el, dans le lointain, le Christ appa- raissant à saint Pierre (daté de l'an 1538) ;

» Le Christ devant Pilate (daté de lo39) ;

» 3" La Descente de la croix et, dans le lointain, les trois Marie ensevelissant le corps du Seigneur et le couvrant d'aromates ;

» Le Christ portant la croix ;

» 5" L'incrédulité de saint Thomas;

» 6" La Descente du saint Esprit ou la Pentecôte (portant la date de 1534);

» Le Christ devant les juges;

» 8" Le Baiser de Judas;

» 9" L'Entrée du Seigneur à Jérusalem (portant la date de 1538);

» 10" La sainte Cène et, au second plan, le Christ lavant les pieds des apôtres ;

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» 1 r Le Souper avec les disciples d'Émaiis, avec trois petites figures dans le lointain (daté de 1537) ;

» \T L'Ascension;

» 13" L'Annonciation et, dans le lointain, la Visitation (portant la date de 1539) ;

» 14" Le Couronnement d'épines et, dans le lointain, le Christ frappé par les soldats ;

» 15° La Flagellation.

» Les quatre premières compositions ont été placées dans la fenêtre au sud du chœur ; les trois suivantes se trouvent dans la fenêtre la plus rapprochée; les n"' 8, 9 et 10 sont dans la fenêtre au midi de l'abside; les deux suivantes sont dans la baie à l'est; enfin les trois dernières sont dans la baie nord de l'abside.

» Il y a, en outre, dans le vitrail suivant, du côté oriental, six compositions plus petites représentant les bienfaiteurs du monastère, ce sont les fragments de sujets qui ont été plus considérables, et dans la verrière suivante quatre autres sujets semblables, mais de plus grandes proportions. Dans cette dernière fenêtre se trouve le portrait du cardinal de la Marck, prince-évêque de Liège de 1506-1558, et qui, tout en ayant souffert, prouve à quel degré de perfection dans l'imitation de la nature peut atteindre la peinture sur verre » (i).

Telles sont les indications données par Charles Winston sur les sujets représentés dans les verrières qui font l'objet

ii) Memoirs illustrative of the art of Clans painting hy the late Charles Winston, pp. 312 et suiv. London, John Murray, Alberniale strccl, 1863. Archeological Journal, vol. XXI, 1846.

372

de sa dissertation. Nous voyons qu'il ne mentionne même pas la seule composition légendaire qui a charmé M""' Jame- son, et qui, sans aucun doute, ne doit pas être isolée. D'autre part, il nous parle des figures des donateurs peintes dans ces verrières, et il nous fait connaitre qu'au nombre de celles-ci se trouve le portrait, si intéressant au point de vue historique, du prince Erard de la Marck, dont on trouve le nom associé à presque toutes les œuvres d'art qui, pendant son règne, furent exécutées dans la principauté de Liège.

Mais il ne nous est pas indifférent de connaître les autres donateurs représentés dans les vitraux de Herckenrode, et cette fois ce n'est pas en Angleterre que nous trouverons des éclaircissements relatifs aux questions que l'on pourrait sou- lever à leur égard. Il existe dans l'édition, peu recherchée des bibliophiles, d'an livre liégeois, Irès-prisé, au contraire, des amateurs de l'histoire et surtout des légendes de l'an- cienne principauté, dans le Miroir des Nobles de Hesbaye, par HemricourI, - relégué dans une note, un renseignement précieux sur les personnages et les armoiries représentés dans cette partie des vitraux. Nous transcrivons cette note :

« Samson Godefroid de Lexhy ou Lechy de Ramalh, seigneur de Lexhy ou Lechy et de Meldert, épousa N. de Hamale, dont la mère Bouchout; ils eurent Henri de Lexhy ou Lechy, qui se maria avec Christine, fille d'Arnoul Zelighs dit Brabant, et de N. Pickaerts. Ledit Henri et son épouse sont peints sur un vitrage au chœur des Dames Nobles à Herckenrode avec ces quartiers : Lexhy, Hamale, Zelighs, Pickaerts; l'on voit représentés les portraits de noble homme Henri de Lechy et de demoiselle Christine Zelighs, dite Brabant, son épouse. Ils eurent deux garçons et deux filles;

37,>

Gertrude, fille aînée, abbesse de l'abbaye noblo de Ilcrcken- rode, morte le 24 novembre 151 î), gît dans le chapitre. Marguerite, fille cadette, épousa Jean de Mettecoven, che- valier, fils de Herman, seigneur d'Oplewe, et d'Agnès de Betoue. On les voit dépeints sur un vitrage au chœur des Dames à Herckenrode avec ces quartiers : Mettecoven, Betoue, Lechy, Zelighs » (i).

11 est donc établi que les figures de Henri de Lexhy, de Christine Zelighs, ainsi que celles de Jean de Mettecoven et de sa femme Marguerite, se trouvaient peintes avec les armoi- ries de leurs familles respectives dans les vitraux qui, ainsi que le rappelle M. Bamps, dans sa lettre précitée, furent placés sous les auspices de l'abbesse Mechtilde de Lexhy.

Tels sont les renseignements que nous avons pu recueillir sur les sujets et les figures historiques représentés dans les vitraux qui nous occupent. Nous allons recourir de nou- veau au mémoire de Charles Winston pour apprendre comment ces vitraux ont été utilisés à la cathédrale de Lichfield, et surtout comment cet archéologue apprécie leur valeur au point de vue de l'art du peintre verrier.

« Les vides laissés dans les verrières par le tracé des me- neaux (sans doute dans les tympans des fenêtres) ont été remplis par des fragments de verres peints de la même époque que les sujets à figures, et l'on a été très-ingénieux dans le remploi des peintures et l'appropriation de leurs divisions aux meneaux qui les encadrent actuellement. Chaque composition a été dessinée dans l'origine pour rem- plir un espace semblable à celui qu'elle occupe actuellement,

(i) Miroir des Nobles de Hesbaye, édition .laiiicau, |t. 16, note c.

574

divisé en trois jiarties par les meneaux. La place prise par les montants en pierre est exclue du dessin, sur lequel les meneaux semblent passer de la même manière que les barres horizontales en fer.

« Aujourd'hui que même les rebuts qui nous arrivent du continent sont recherchés et que les imitations d'anciens vitraux trouvent des dupes qui les paient à des prix élevés, il est certain qu'une semblable acquisition n'aurait pas pro- duit une médiocre sensation en Angleterre, et la voix de la presse répandrait dans le public en général la notion du mérite supérieur de ces verrières. Cependant, au point en sont les choses actuellement, on peut dire qu'il n'existe pas dans ce pays œuvre d'égale importance aussi peu connue et moins appréciée. Les vitraux de Lichfield resteront tou- jours, au point de vue de l'étude de la peinture sur verre, et surtout pour celui qui veut se rendre compte delà marche du progrès de cet art, l'objet d'un profond intérêt, le moyen de s'assurer la possession de la méthode par laquelle ont été pro- duits des effets pittoresques d'une beauté aussi saisissante.

» La composition de la peinture est d'une extrême simpli- cité; elle consiste en un groupe au premier plan, un fond de paysage traité légèrement comme une esquisse et un ciel bleu clair. Généralement elle semble être vue à travers un encadrement d'architecture surmonté d'un dais, mis plus ou moins en rapport avec les groupes par le moyen de piliers ou de colonnes placés à l'arrière-plan. Le tout est d'une coloration harmonieuse, reposant sur le principe de l'imita- tion de la nature. Les couleurs les plus franches, celles qui ont le plus d'intensité, sont réservées pour le premier plan, dans le groujie des ligures et les détails de l'architecture.

375

Les teintes douces et fuyantes paraissent dans les fonds et le ciel. Le cadre architectonique est composé principalement de verre blanc, modelé, ombré de bistre et enrichi de nuances jaunes. Il est décoré de p;uirlandes et d'autres orne- ments, où, tout en restant harmonieux, l'accent de la colo- ration marque les objets les plus rapprochés de l'œil. »

Enfin, Charles Winston résume son appréciation de la manière suivante :

« Le résultat de ces dispositions variées et de la combi- naison des teintes a produit une série de peintures sur verre harmonieuses dans la couleur, simples et pleines de clarté dans la composition ; d'un effet puissant, précis, quoique toujours brillant et translucide. Ces peintures nous font ainsi connaître un état de l'art très-avancé dans le des- sin des figures comme dans l'agencement des groupes. Comme œuvres destinées à être vues à une distance mo- dérée, elles sont d'un mérite qui n'a pas été surpassé » (i).

Si nous avons peut-être été un peu prolixe dans les cita- tions empruntées à l'archéologue anglais, c'est qu'il nous importe de lui laisser motiver aussi complètement que pos- sible son jugement sur les vitraux de Herckenrode. Nous se- rions surpris si, rapprochant ce jugement de l'appréciation émise par M™^ Jameson, le lecteur ne se trouvait pas dans l'alternative ou bien de croire que les deux auteurs anglais sont l'un et l'autre des esprits exagérés, sans mesure dans leur admiration fantaisiste, ou bien que la série de vitraux qu'ils nous décrivent a formé autrefois une œuvre très-con- sidérable par le nombre et l'importance des sujets traités.

{i^ As Works intended to be seen froin a nwderale distance, thcij are of unsurpassed merit. Memoirs illustrative, etc., p. 519.

370 ^

et, étant admis le slyle de l'époque à laquelle ils ont été exé- cutés, un travail d'un ordre supérieur.

Nous n'avons, en ce qui nous concerne, aucune raison pour nous arrêter à la première de ces alternatives. L'auto- rité que se sont acquise les deux auteurs par leurs publica- tions, M'"" Jameson surtout, par ses excellents livres icono- grapliiques , nous permet de ne pas leur marchander notre confiance; jusqu'à preuve contraire, nous admettons donc comme le résultat d'une saine critique l'opinion des archéo- logues que nous citons.

Il reste maintenant à examiner de quels ateliers ces ver- rières ont pu sortir et dans quelle mesure est soutenable l'opinion qui en attribue les dessins à Lambert Lombard.

Nous avons dit que, selon toutes les probabilités, les vitraux de Herckenrode émanent de l'école liégeoise ; nous allons indiquer brièvement les considérations qui militent en faveur de cette attribution.

La principauté dont ressortissait l'ancienne abbaye, et notamment Liège, la capitale de cette principauté, a été le siège d'ateliers de peinture sur verre remarquables, qui, précisément sous Erard de la Marck, ce promoteur de tant de monuments et d'œuvres d'art au pays de Liège, prirent un grand essor (i). Au chœur de la cathédrale Saint-Lambert,

(0 Beaucoup plus anciennement déjà, l'on trouve dans les documents liégeois les noms de peintres verriers. Nous devons à l'obligeance de M. le docteur Alexandre, conservateur du Musée archéologique de Liège, la communication d'une charte datée du 6 juin 1359, dans laquelle figure, à titre de témoin, Henricus de Leodio, arlifex vitri. M. A. Pinchart a fait connaître le nom d'autres peintres sur verre, appartenant à la même école, mais d'une époque moins ancienne : Antoine Wypart, François Lewichs, Tilman Pisset, Guillautne Smeltj, Hubert Wijpart, Jean de liasioigne, Godefroid de la Molle, Jean Hardy. Voy. Messager des Sciences historiques, année 1858, pp. 340 à 360.

- 377

on voyait les verrières peintes par Nicolas Pironnet, Guil- laume Flémalle, Jean Nivart, Jean West et Thierry Leumont, artistes qui appartenaient à la principauté. La plupart des églises de la ville et du reste du pays possédaient des vitraux détruits aujourd'hui par le temps, le goût abâtardi des XVII* et XVIII' siècles, et surtout par les actes sauvages du vandalisme révolutionnaire. Cependant, malgré ces causes multiples de destruction, il se trouve encore, dans trois églises de Liège, un certain nombre de peintures sur verre, datées comme celles de Herckenrode, et comme celles-ci datées du second quart du xvi* siècle.

La série de beaux vitraux qui forment l'ornement du chœur de l'ancienne abbatiale de Saint-Jacques paraît avoir été exécutée par un même artiste et à peu près en même temps. L'un d'entre eux, doimé par un seigneur d'Aremberg, porte la date de 1525. Un autre, donné par les bourgmestres de Liège Richard de Mérode, seigneur de FoUogne, et Arnold Blavier, de Jemeppe, dont les armoiries occupent' les places d'honneur, est daté par le fait seul de l'association de ces deux personnages, promus ensemble trois fois à la première magistrature de la cité, l'an 1520, 1525 et 1551.

Au nombre des vitraux légendaires de la lanterne de l'église Saint-Martin, qui tous portent le cachet de la même époque, il en est deux qui sont datés, l'un de l'année 1526 et l'autre de l'année 1527. Le magnifique vitrail de la vaste fenêtre du transept sud de la cathédrale Saint- Paul, donné par Léon d'Oultres, Iréfoncier de Saint-Lambert, porte le millésime de 1550. Rappelons, enfin, que la grande ver- rière qui, faisantpendant à celle-ci, éclairait le transept nord,

r,78

et qui fut détruite parles balles françaises le 17 juillet 1794, portait la date de 1352 et était l'œuvre de deux peintres verriers liégeois, Jean Nivart et Renier Flémalle; ce dernier est, sans doute, l'ancètro de Bertholet Flémalle, l'un des meilleurs peintres de l'école liégeoise au xvii'" siècle.

Les vitraux que nous venons d'énumérer et qui existent encore dans les fenêtres j)our lesquelles ils ont été exécutés, appartiennent à la même école. Celle-ci se caractérise par des traditions communes, le style particulier du dessin incli- nant au naturalisme, une grande énergie et le charme par- ticulier de la coloration, enfin une parfaite intelligence des effets à produire par les émaux translucides et le contraste des tons. Les verrières de Saint-Jacques, malgré de regret- tables restaurations qui en ont compromis l'harmonie et le caractère, le vitrail du Tréfoncier d'OuUres, malgré les ou- trages du temps, peuvent passer pour des chefs-d'œuvre de celle période l'art du verrier élait déjà à son déclin, une imitation trop matérielle de la nature, une fantaisie plus exubérante que raisonnée, faisaient déjà dévier la peinture sur verre de ses véritables principes, en l'isolant en quelque façon, en la rendant indépendante du cadre que lui avait tracé l'architecte.

Quoi qu'il en soit, lorsqu'on lit attentivement la descrip- tion et l'étude critique des vitraux de la cathédrale de Lich- lield, cette élude semble se rapporter assez exactement aux vitraux des églises de Liège et établir une parenté com- mune. Une planche, reproduction en chromo-lithographie jointe à la dissertation de Gh. Winston, et donnant un fr;ig- nienl assez insigniliant à la vérité, une ;iJ'moirie et un dét.iil (rai'cliilecture des vitraux de Herckenrode, éveille

379

involontairement la pensée que ceux-ci sont sortis du même atelier que les verrières de Saint-Jacques.

Il n'est pas nécessaire d'insister davantage pour faire comprendre que rien ne devait porter les donateurs, dont les portraits figurent sur l'objet de leur offrande, à s'adres- ser au loin à une époque où, dans la principauté, l'art du peintre verrier était cultivé par des hommes très-capables. Un point paraîtra particulièrement concluant à cet égard : c'est le portrait, si remarquable au témoignage de Wins- ton, — du prince de Liège, le cardinal Erard de la Marck. Il n'y a aucune probabilité assurément que ce prélat, qui imprima un si vif essor aux arts dans ses états, qui se plut à les encourager si énergiquement par de grandes entreprises qui réclamaient le concours de tous les arts, eût cherché au loin les peintres verriers qu'il avait sous la main.

L'existence de l'effigie d'Erard de la Marck dans les vi- traux de Herckenrode nous porte aussi à examiner de plus près l'opinion de M"'* Jameson, qui en attribue les dessins à Lambert Lombard, la figure dominante à Liège parmi les artistes au xvi^ siècle.

M""* Jameson semble s'appuyer particulièrement, dans cette conjecture, sur le style du travail ; en réalité, rien ne s'oppose à admettre cette hypothèse. Lombard, en effet, était l'artiste favori que le prince voulait grandir encore, en lui confiant l'exécution des peintures murales de son somptueux palais. Il est historiquement établi que Lombard dessinait pour les peintres verriers (i). La lettre qu'il adresse à

(i) Quibus, et specularum c vitro foncstraruiu pictoribus sciographicis, uecnoii mediocribiis sculptoribus quo prolixius ac niiiiore ipsoriim impciidio subveniiet ; Lumherti Lombardi vlta. Bruges, II. Golziiis, 1565, p. 5i.

380

Vasari, vers la fin de sa carrière, et que Gaye a publiée, fait connaître l'intérêt d'archéologue que l'artiste portait à ce genre de peinture (i).

On pourra objecter à la vérité que, précisément entre les dates que portent les vitraux de Herckenrode, io54à 1559, vient se placer le voyage et le séjour en Italie du peintre liégeois. Gela est exact, mais l'objection perd considérable- ment de sa valeur lorsqu'on se rend compte combien le séjour de Lombard en Italie a été court, circonstance qui parait avoir échappé à la plupart de ses historiens.

Lampson, son biographe, ou plutôt son panégyriste, d'ailleurs contemporain et élève de Lombard, nous apprend que celui-ci, sur les instances d'Erard de la Marck, fut admis à faire partie de la suite du cardinal Reginald Polus, lorsque ce légat du saint Siège quitta Liège j)0urse rendre à Rome. Le même auteur nous apprend aussi qu'à la mort d'Erard de la Marck le peintre fut obligé de revenir dans sa patrie, la pension que lui avait assurée la libéralité d'Erard ayant cessé avec la vie de ce dernier.

Or, Reginald Polus, arrivé à Liège en mars 1537, quitta cette ville pour se rendre à Rome le 21 août de la même année (2). Erard de la Marck mourut l'année suivante, le 16 février 1538.

Au surplus, l'exécution des dessins a pu précéder assez notablement l'exécution des vitraux, et l'époque du voyage

(1) Per dirvi il mio gran desiderio di poter per vostra cortesia sola mi bastaria una istoria di Magaritoiie, et del Gaddi et di Giotto una paiimcnte, per confcrir

le con certc vetri che sono qui in antiqui raonasterii Lettre de Lombard

k Vasari, Carteggio, t. lil, p. 176.

(t) V. Chapeamlu;, t. IIJ, pp. 331-332.

58i

de Lombard en Italie ne suffit pas à infirmer l'opinion émise par M'"" Jameson. Toutefois celle-ci restera toujours à 1 état d'hypothèse, aussi longtemps qu'on n'aura pas retrouvé parmi les dessins de Lombard rpielque fragment, élude ou esquisse, se rapportant aux vitraux de Herckenrode. Gela ne semble pas impossible lorsqu'on se rappelle que peu d'ar- tistes du XVI* siècle ont laissé un aussi grand nombre de dessins. Il en existe en Angleterre, en Allemagne, en Bel- gique. L'Académie de Dusseldorf en conserve cinq. M"'* la vicomtesse de Clérembault en possède soixante-dix-neuf, enfin il ne s'en trouve pas moins de sept cent trente-cinq dans les collections du duc d'Aremberg (i). Voilà les recueils de dessins pourraient s'exercer les recherches, après une étude attentive faite de visu des vitraux de Lichfîeld. Mais il est temps de nous résumer :

La Belgique, comme tous les pays les arts ont eu une floraison brillante, a fait des pertes nombreuses, irrépa- rables. Pour connaître toute l'œuvre de ses artistes, il faut souvent dépasser ses frontières ; c'est chez ses voisins qu'elle peut retrouver encore le débris de son patrimoine intellec- tuel. C'est un fait qu'il faut constater souvent, sans pour cela exhaler de stériles regrets. Peut-être même y a-t-il heu, sous plus d'un rapport, de s'en féliciter.

Nos voisins, mieux avisés que nous, se sont assuré la possession des travaux de nos artistes à une époque nous ne savions plus les comprendre ; nous avons appris depuis à les estimer à leur valeur. Souvent en les aliénant, par

(0 V. Catalogue des dessins d'artistes liégeois, par J.-S. Renier, pp. 112 et suiv. V. aussi notre Histoire de la peinture au pays de Liège, pp. 158 et suiv.

382

ignorance et par cupidité, les propriétaires des œuvres d'art ont garanti en pays étranger la conservation de ce qui dans le nôtre courait grand risque de destruction. Le détenteur des vitraux de Herckenrode les a vendus au commence- ment de ce siècle, par indifférence, par inintelligence. Qui sait ce qu'il en resterait aujourd'hui s'il ne s'était trouvé un amateur anglais pour les acquérir et les replacer au chœur d'une cathédrale? Qui songeait, en 1803, dans notre pays, à attacher de l'importance aux vitraux de nos églises, aux chefs-d'œuvre de nos peintres, à nos monuments eux- mêmes? Longue serait la liste des œuvres d'art qui depuis ce temps ont suivi les vitraux de l'ancienne abhaliale

11 nous reste aujourd'hui à refaire pieusement l'histoire de notre art national; pour y parvenir, il convient de dresser, avec tout le soin possible, l'inventaire de ses œuvres qui existent en dehors de notre pays. Il faut les décrire, les revendiquer, les rapprocher par l'élude des faits que l'on peut recueillir encore, des lieux pour lesquels ces œuvres ont été faites, des artistes qui en sont les créateurs.

Quant à nous, nous ne renonçons pas à faire connailre un jour d'une manière plus complète les vitraux sur les- quels a été appelée l'attention des lecteurs de ce Bulletin.

Jules Helbig.

COMMISSION DIRECTRICE DU MUSÉE D'ARMURES ET D'ANTIQUITÉS.

EXTRAIT DES PROCES-VERBAUX DES SEANCES.

Séance du 30 Juin 1877.

M. Schuermans donne lecture d'une notice nécro- logique sur M. le général Meyers, membre de la Commis- sion. Cette notice sera envoyée au Comité-directeur du Bulletin, avec prière de l'insérer dans le plus prochain numéro.

« Matthieu-Bernard Meyers, décédé à Bruxelles le 8 juin 1877, était à Maestricht le 26 août 1811.

» Ayant achevé ses humanités à l'Athénée de cette ville, il entra à dix-sept ans à l'Université de Liège pour y suivre les cours de philosophie.

» Il fut admis en 1829, en qualité de cadet du génie, à l'Académie militaire de Breda; mais à la révolution il reçut sa démission honorable du service des Pays-Bas et alla se joindre, comme simple soldat, aux volontaires qui cernaient Maestricht.

» Peu après, il rentra dans l'armée régulière et fui adjoint au commandant du génie de la place de Venloo,

» Depuis il franchit rapidement tous les degrés de la hiérarchie militaire, et remplit successivement des fonctions importantes, comme commandant du génie à Bruxelles,

584

attaché à la construction des fortifications de Diest, chef de cabinet du Ministre de la guerre, directeur de la division du génie au Ministère, directeur des fortifications dans les trois divisions territoriales, à Gand, à Liège et à Anvers.

» Il fut officier de l'ordre Léopold, décoré de la croix commémorative, commandant de l'ordre du Lion de Zaeh- ringen, chevalier des ordres de la Tour et de l'Épée (Por- tugal), de l'Épée (Suède), des SS. Maurice et Lazare et du Medjidié.

» Il était conseiller de l'Académie d'archéologie de Bel- gique, membre correspondant de la Commission royale des monuments des Pays-Bas, membre du Corps acadé- mique d'Anvers, de la Société d'Émulation pour l'étude de l'histoire et l'antiquité des Flandres, de la Société royale de Numismatique , de la Société historique et archéologique du Duché de Limbourg, etc., etc.

» Meyers n'était pas seulement un soldat, c'était un savant et un artiste.

» L'avant- veille de sa mort, le savant corrigeait encore sur son lit de douleur, les épreuves d'une légende inédite sur la vie de S. Servais.

» En 1852, l'artiste publiait des brochures avec plans sur l'hippodrome, la place du Congrès, les bâtiments mili- taires, le palais des Beaux-Arts, etc., à Bruxelles, plans il mettait en pratique son axiome : « Une certaine quantité » de matériaux étant donnée, il n'en coûte pas davantage » de les disposer d'une manière artistique. »

» Cet axiome, transformé par lui en réalité tangible, lui avait fait i-emporter la palme au concours pour la caserne du Petit-Château.

385

» Le lauréat refusa la réuiuiiéralion pécuniaire (jui lui revenait comme architecte-constructeur. Mais au banquet d'inauguration, le Roi, au nom de la ville de Bruxelles, le pria d'accepter une magnifique pièce d'argenterie dont les dessins avaient été, par un subterfuge, obtenus de Meyers lui-même, qui avait ainsi collaboré lui-même à sa récom- pense.

» Meyers était un esprit éminemment littéraire, et un de ses collègues de 1877 a pu écrire de lui, il y a 25 ans : « M. Meyers est un homme de lettres déguisé en officier du » génie; ses goûts artistiques et littéraires percent l'enve- » loppe du mathématicien et de l'architecte. » {Revue nouvelle, 1852, II, p. 34.4.)

» Les goûts artistiques du général Meyers, ses connais- sances variées dans toutes les branches des arts du moyen âge, témoin certaines notices sur les chaussures liturgiques et sur la chapelle de Bois-Seigneur-Isaac, insérées dans le Bullelin des Commissions royales d'art el d'archéologie, YIII, p. 158, et XIV, p. 256, devaient, indépendamment de sa spécialité militaire, appeler sur lui l'attention du Gouver- nement, lorsqu'il s'agit de créer la Commission directrice du Musée d'armures d'artillerie, d'antiquités, etc. Il en avait fait partie depuis l'arrêté d'organisation du 9 mars 1 851) et il en a rempli depuis plusieurs années les fonctions de Secrétaire provisoire. »

Pour extrait conforme des procès-verbaux de la Commission directrice du Musée royal d'antiquités, etc.

Le Secrétaire,

H. SCHUERMANS, ff.

COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS.

RESUME DES PROCES-VERBAUX.

SÉANCES

des -4, 5, 12, 18, 19, 26 et 26 mai; des 2, 7, 8, U, 13, 10, 22, 23 et 30 juin 1877.

PEINTURE ET SCULPTURE.

La Commission a approuvé : e?deSalni-Rod.' ^" ^^ projcl soumis pap le conseil de fabrique de l'église \hirau": de Notre-Dame, à Laeken , d'une verrière peinte, représentant l'arbre de Jessé, à placer par M. Dobbelacre dans la grande rosace qui éclaire la chapelle royale ;

2' Les dessins, dressés par M. Capronnier, de deux vitraux destinés aux fenêtres latérales du chœur de l'église de Saint-Roch, à Laeken ; Église de Dinani. Lcs cartons dc sept vitraux peints à exécuter par

Vitrauï el aulcl. ' ' '

M. Ostenrath, d'après les dessins de M. Bethune, pour les hautes fenêtres du chœur de l'église primaire de Dinant;

A" Le projet d'un retable pour le maître-autel de la même église ; Église de 5" Le devis estimatif, dressé par M. Morissens de Matines,

Sainle-Waudru,

T!.bi'ca"ux <^cs frais à faire pour la restauration de huit tableaux appar- tenant à l'église de Sainte- Waudru, à Mons ;

387

6" L'évaluation de M. Bonnofoi, des frais à faire pour la restauration d'un tableau représentant la Gène et apparte- nant à la même église.

CONSTRUCTIONS CIVILES.

La Commission a émis des avis favorables sur les plans relatifs :

A la construction d'un orphelinat de garçons à orpi.eiinût Ninove : architecte, M. Michicis;

2' A la construction d'un hôpital à Ath : archilccle, iK.iMt,idAii.. M. Carpentier;

5" A l'agrandissement de l'hospice-orphelinat de Lobbeke no.pice

de Li>bbeke.

(Flandre orientale) : architecte, M. Bouwens; 4" A la distribution intérieure du palais de justice à Païais de jusuce

de Neufcliâloau.

ériger à Neufchàteau : architecte, M. Vandewyngaert.

ÉDIFICES RELIGIEUX.

PRESBYTÈRES.

Ont été approuvés :

a. Les travaux d'appropriation et d'agrandissement à ^ppropriaiion exécuter aux presbytères de Genv^al (Brabant), Bossuyt dM'rTbyitîes. (Flandre occidentale), Bavegem (Flandre orientale). Belle- court (Hainaut), Andenne etLisogne (Namur);

b. Les plans relatifs à la construction de presbytères à construciio..

de prt'shvlcrcs

Putte (Anvers), Roulers, paroisse de Saint-Amand (Flandre occidentale), Audenhove-Saint-Géry, Asper (Flandre orien- tale), Havrenne, commune de Humain (Luxembourg) et Houyet (Namur).

58S

ÉGLISES. CONSTRUCTIONS NOUVELLES.

La Commission a approuvé : consiruction I" Lcs pluDS Fclatifs à la conslruction d'églises : sousMaUeguora. x^ hamoaii Donck, sous Malde^hem (Flandre orientale) : ch^"x;'B::rt';n'.archilecte, M. Hosle;

ville, Caslillon

ei Merieune. ,\ Welkcnracdl (Liège), sous quelques réserves de détails dont M. l'architecte Halkin devra tenir compte dans le cours de l'exécution ;

A Grand-Jamine (Limbourg) : architecte, M. Gérard. Il y aura lieu de replacer dans la nouvelle église les pierres tumu- laires qui offrent de l'intérêt pour l'histoire de la localité ;

Au hameau de Chéoux, commune de Rendeux (Luxem- bourg) : architecte, M. Remont fils;

Au hameau de Burtonville, commune de Vielsalm (même province) : architecte, M. Vandewyngaert;

A Castillon (Namur);

A Mertenne, sous Castillon (même province).

Ces derniers projets sont dressés par M. l'architecte Bacléne ; decSeiaore. "" Le projct d'agrandlssemcnt dc l'église dc Couckelaerc

(Flandre occidentale) : architecte, M. Coppejans; Église de Mont. 50 j^g^ p|jj,-|g pf^jaiif^ y jg construcliou d'une tour à l'église

de Mont (Luxembourg) : architecte, M. Vandewyngaert; Eglise do Forzéc. /^,o Lg projct dc rcconslruirc le clocher de l'église de

Forzée, commune de Buissonville (Namur), renversé par

l'ouragan du \^2 mars 1876; Sîirci'^up^gDi". S" Le plan de deux annexes à construire aux côtés de la

tour de l'église de Doel (Flandre orientale) : architecte,

M. Gife;

589

()" Les modifications proposées au projet prirnili/ de l'église de Gérin (Namiir), en vue de parachever cet édifice, qui s'était en partie écroulé ;

7" Le projet de construire une sacristie à l'église d'Upigny (Namur) ;

Les dessins des objets d'ameublement destinés auxAmoubiemenide

diverses églises.

églises de :

Zitlaert, sous Meerhout (Anvers), ameublement complet;

Sainl-Pierre-Gappelle (Flandre occidentale), deux autels latéraux et deux stalles;

Gentinnes (Brabant), chaire à prêcher;

Volaiville, commune de Wilry (Luxembourg), chaire à prêcher et deux autels latéraux ;

Falinignoul (Namur), cuve baptismale et grillage en fer pour clôturer le baptistère.

L'église d'Opdorp (Flandre orientale) est insuffisante li^giiscdopdorp. pour la population de la commune ; elle ne peut, en effet, con- tenir que trois cents personnes environ, alors que la commune compte plus de i ,300 habitants. Afin de remédier à cet incon- vénient, on a donné au jubé des dimensions considérables, de manière que deux cents personnes peuvent s'y tenir debout.

Deux projets ont déjà été présentés, en 1873 et 1874, pour l'agrandissement de l'édifice et ont tous deux reçu l'appro- bation de la Gommission ; mais les autorités locales les ont abandonnés, parce que d'abord ils ne donnaient pas à l'église une superficie suffisante et ensuite ils avaient le grave inconvénient de réduire considérablement le cimetière. La fabrique et la commune se sont décidées, en conséquence, à ériger une église toute nouvelle, qui serait placée de façon à agrandir le cimetière.

390

Avant de se prononcer sur ce projet de reconstruction, la Commission a fait inspecter l'église existante. Les délégués ont constaté que le chœur dalc de l'époque ogivale et la nef de 1732, millésime inscrit sur la façade principale. Cet édi- fice est en assez bon état de conservation et il est possible de l'agrandir convcnablem^^nt en supprimant une partie du cimetière qui l'entoure. Mais l'église d'Opdorp n'offre pas assez d'intérêt au point de vue de l'art pour qu'on doive demander sa conservation, et la reconstruction peut être autorisée si les ressources locales le permettent.

Les plans dressés à cet effet par M. De Perre ont été approuvés après avoir été modifiés à la demande du Collège.

L'église d'Opdorp possède une statue de la Vierge, du commencement du xvi* siècle, qui porte encore des traces de polychromie, mais dont les formes sont entièrement cachées par le costume dont elle est affublée. II s'y trouve aussi un mobilier du xvm'' siècle : trois autels en marbre, deux confessionnaux et une chaire à prêcher en bois de chêne; il conviendra d'utiliser ces meubles pour la nouvelle église.

TRAVAUX DE RESTAURATION.

La Commission a émis des avis favorables : Réparaiioude Sur Ics travaux de réparation à exécuter aux églises

diverses églises.

de Bodeghem-Saint-Martin (Brabant), Avecapelle, Alverin- ghem (Flandre occidentale), Somerghem (Flandre orientale), Spiennes, Vergnies, Melles (Hainaut), Cau-Lillc (Cimbourg) Onoz et Andenelle (Namur); Resiamation dr-s Sur Ic projct dc restauratiou de l'église de Notre-Dame

églises de N.-I) du

drsriJuî^cn.u''*^^ Lac, à Tirlemont, le conseil de fabrique n'ayant pu

al.iége, df-Dinaiil i p i ' . l «

et dEiicïeiics. rcunu* les londs nécessaires pour exécuter le projet d agran-

591

dissement approuvé par le Collège le '2'2 août 1875 : arclii- tecte, M. Van Assche;

3" Sur le nouveau projet dressé par M. rarchitecle Ilalkin pour la restauration du chœur de l'église de Sainte-Croix, à Liège, sous la réserve de n'employer dans les travaux de restauration que des matériaux semblables à ceux qui ont servi à la construction ancienne et de suivre exactement l'appareil primitif. La Commission a prié ses correspondants de Liège de vouloir bien se charger de la surveillance de ce travail, qui intéresse un des monuments remarquables de la ville, et de faire parvenir des rapports périodiques sur la marche de l'entreprise ;

Sur le projet d'un nouveau pavement à placer dans le chœur de l'église primaire de Dinant;

Sur le plan, dressé par M. l'architecte Mottrie, pour la restauration de la tour de l'église d'Ellezelles (Hainaut). Ce projet a été modifié à la demande du Collège.

La Commission a été saisie d'un projet de différents j^j.gf;«|j^^j^j.j travaux à exécuter à l'église de Saint-Médard, à Wervicq. "^'"'"'■''• Ce projet, qui tend notamment à construire des tourelles d'angles et des galeries au transept, a donné lieu à des cri- tiques de la part du Comité des correspondants de la Flandre occidentale. Après avoir entendu les renseignements donnés par l'un de ses membres qui a visité le monument, le Collège est d'avis qu'il n'y a pas lieu de donner suite au projet sou- mis, concernant des ouvrages de pure ornementation qui n'ont rien d'urgent. Il serait plus rationnel d'employer les ressources dont on dispose à exécuter les travaux de répa- ration et de consolidation qui doivent assurer la conserva- tion du monument. Ces travaux consisteraient à mettre en

o92

bon étal les conlre-forts et arcs-boutants, dont plusieurs devront être reconstruits et l'on pourra remployer les vieux matériaux. Les pierres qui nianqueraient devraient être remplacées par des matériaux de même nature que ceux qui ont servi à la construction du monument. Des proposi- tions nouvelles dans le sens de ce qui précède devront être demandées à l'architecte.

Le Secrétaire Général,

J. Rousseau.

V'u en conformité de l'article 25 du règlement.

Le l'rcskleiit,

Wellens.

RENSEIGNEiAIENTS INÉDITS

SUR LES

ARTISTES QUI ONT EXECUTE LE TABERNACLE ET LA BALUSTRADE EN CUIVRE DE l'ÉGLISE DE SAINT-JACQUES, A LOUVAIN,

l'AR

Ed. VAN EVEN.

>*»—<■

L'église de Saint-Jacques, à Louvain, possède un taber- nacle qui, ainsi que l'affirme la Commission royale des monuments, « compte parmi les merveilles de l'art ogival en Belgique » (i).

On était sans renseignements sur l'origine et l'âge de cette œuvre, vrai prodige de hardiesse, d'élégance et de légèreté.

En compulsant, en 4857, certains registres de l'église de Saint-Jacques, nous eûmes la chance de rencontrer une indication qui nous permit de retrouver dans d'autres archives le contrat pour l'exécution du tabernacle. Trois années plus tard, nous publiâmes le nom de l'auteur de cette admirable production (2). Depuis lors, nous avons découvert des détails extrêmement intéressants et complètement inédits sur ce sculpteur et sur sa famille. Gomme ces renseignements se rapportent à un homme qui dota le pays d'un chef-d'œuvre,

(1) Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie, année 1874, p. 203. (â) Louvain monumental, p. :219.

39i

nous avons cni utile de les publier dans riiilérèl del'liisloire de Tari.

Le labernaclc de Saint-Jacques fut exécuté en 1558 et appartient, par conséquent, à la dernière période de l'ai't ogival. On traversait alors, ainsi (ju'on ne l'ignore pas, une époque pleine d'elTcrvescencc au |toinl de vue i-eligieux. Les esprits élaient fortement agiles par suite des commotions qui, du cœur de rAllcniagne, s'étaient fait sentir dans les Pays-Bas. A Louvain la réforme rencontra des prosélytes ardenls el archarnés. Les partisans des idées nouvelles y niaient la présence du Christ dans l'Eucliarislie. Ils alïir- maient c< que le Saint Saciement de la conmumion est » seulement un souvenir, un gage que le Sauveur nous a >> laissé de sa |)assion « (i). Ce fut indubitablement pour réagir contre cette doctrine et pour augmenter le culte du Saint Sacrement de l'Autel que le ('onseil de fabrique de Saint-Jacques décréta l'exéculion du magniljque tabernacle (pii nous occui)e.

A cette époque, la populeuse paroisse de Saint-Jacques avait pour curé un jeune ecclésiasli(iue d'une grande érudition et d'un rare dévouement. Il poitait le nom de François j)E (luii'u ou Vande Veldc et était m; au village de Soi], dans la Canqjine, ce qui lui av;iit fait obtenir le surnom de Sonnius. Premier de jibilôsophie à Louvain en 15^7, curé de Saint-Jac(jues en L'iôo, docteur en théologie en K>5'.), déjuité de rrniversité au concile de Trente en L^j?, il fut élevé par Philip|)e II à la dignité d'évèque de Bois-le-Duc,

(0 Mémoires Oc Fruiiceato de E)i:iii(is, [luiilics par ., Ch.-.\. Cami'AN, t. I,

ôd:;

en 1502. François do Campo muiu'ul cvùquc d'Aiivt'is, en 1576, à l'àgc de (>(► ans (i).

Pendanl qu'il élail curé de Saint-Jacques, de Canipo déployait contre l'hérésie une si grande ardeur (ju'il s'attira la haine et le mépris des partisans des idées nouvelles. Un jeune réformé, Francesco de Enzinas, espagnol de nais- sance, qui séjourna à Louvain en Jî)4'2, fait, dans ses mémoires, une charge à fond conirc le curé. Il en parle en ces termes : « C'est luy qui commence aujourd'huy d'entrer » en crédit, par la poursuite qu'il fait contre la vérité : et j> se mon Ire ennemy juré de l'Évangile. C'est luy qui a, » comme nous dirons puis après, prononcé la sentence ^) contre le prescheur de la Roine (12). Et si est avec cela » enyvré de telle arrogance, de tel orgueil, si plein de » fraudes, tromperies, finesses, aveuglissement et cruauté, » (pfaujourd'huy entre les gens de bien (les réformés, bien » entendu) on ne l'appelle autrement que le diable incharné » (incarné) » (5). Ces paroles, aussi acerbes que passionnées, l)rouvent que de Campo cherchait par tous les moyens à ramener aux croyances catholi({ues ceux (|ui s'en étaient détachés, et qu'il déployait dans celle tâche toute l'ardeur et tout le dévouement dont il était capable.

Ce fut, on comprend sans |)oine, ce jeune et énergique pasteur qui provoqua la décision prise j)ar le conseil de fabi'ique de Saint-Jacques de doter l'église d'un nouveau tabernacle.

(0 Fopi'ENS, Uibliothecu Uehjka, t. !, p. 5H.

(2) Savoir Pieirc Alexaiulii, caiiiie du couvent d'Arra;-, predicaleui" de la reine Marie de Hongrie, qui embrassa la religion réformée. (;s) Mémoires de Francesco de Enzinas, t. I, p. îiS.

596

La commande du tabernacle eul lieu deux années après l'installalion de François de Gampo comme curé. On en confia l'exéculion à un artiste natif de Louvain, alors fixé à Bruxelles. Mais, avant d'entretenir le lecteur du contrat relatif à cette commande, nous allons faire connaître les renseignements que nous avons recueillis sur l'auteur de l'œuvre artistique qui fait l'objet de ce petit travail.

L'artiste qui exécuta le tabernacle de l'église de Saint- Jacques portait le nom de Gabriel Van den Bruyne et était à Louvain dans le dernier quart du xv'' siècle. Son père, Rogier Van den Bruyne, exerçait la profession de mercier; sa mère se nommait Jeanne Oliviers. Elle était fille d'Etienne Oliviers, dit van Aelst, membre du Gonseil communal en 149G (i), et de Catherine Vandevelde, sa première femme. Celle-ci était fille d'Arnould Vande Velde et d'Ide Helscheviers.

Arnould Vande Velde possédait de beaux biens à Kessel, lez Louvain, ainsi qu'il résulte d'un acte de partage du 21 mars 1473 (2). Après la mort de Catherine Vande Velde,

(0 « Na dieu dut Steven Oliviers, geheeten van Aelst, oiise medegeselle in den Raide, conien is by den l'ade van der stad opdoende en te kennen glievendc dat jouffrouw wylen Johanne gclieetcn Amelen, begiiyne van den grooten begyn-

hove, te Loevenc, syn swegherine, doen sy ieel'de, want de voersc. jouffronw

afUyvich was wordden, en achtergelaten hadde een huere suster, oick syn swegherinne, geheeten Margriete Amelen, huerer sinnen niet wel mechtich synde, maer die verioren en een kynssche raenssche was, » etc. Acte du 19 mai, inscrit du iZjuin 1496, S".

« Margriete Amelen, suster heereu Jan wylen Amelen, priesters. » Acte du IZjanv. 1484, -la.

« Margriete Amelen, weduwe Servaes wilen van den Stcen, » Acte du 44 déc. 1484,2.,.

(2) « Facta parlilicatione inter Henricum et Juliannem vanden Velde, fratres, filios Arnold! quondam vanden Velde, Stephanum Oliviers et Katherinam Vanden

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Etienne Oliviers épousa en secondes noces Gertriide Amelen, sœur de mailre Jean Amelen, prèlre, noiaire apostolique, celui-là même qui reçut le testament du peintre Thierri Bouts père.

Les époux Oliviers-Vandeveldc étaient gens assez fortunés. Le 24 janvier 1 500 eut lieu, devant les échevins de Louvain, le partage de leur succession entre leurs trois enfants, savoir: 1" Michel Oliviers; 2" Catherine Oliviers, épouse de Jean Uufer-Hellicht, et 3" Jeanne Ohviers, épouse de Rogier Vanden Bruyne.

Rogier eut dans la part de sa femme une grande maison avec jardin, située à la Biest, actuellement rue de Tervueren, coin de la rue du Saint-Esprit, ainsi qu'une petite maison située derrière la première; cette petite maison était alors occupée par Gertrude Amelen , seconde femme d'Etienne Ohviers (i). Il eut, en outre, un vignoble situé au Bollaertslage

Velde, ejus uxorem, sororem dictoriim fratrum, Walterum Vandcn Driessche, Margaretam van den Velde, ejus uxorem, sororem dictorum fratrum et sororis et Egidium de Rode ac Elisabetham vau den Velde, ejus uxorem, sororem dictorum fratrum et sororum, super bonis et hereditarie trecensa subscriptis que ipsis cesserunt et remanserunt per et post mortem dicti quondam Arnoldi et Yde quondam Helscheviers, ejus uxoris, parentum dictorum fratrum et sororum. » Acte du 21 mars 1475, dans le registre de la ô» chambre échevinale de Louvain.

(i) « Een scheydinge ende deylinge gedaen ende gemaect tusschen Mychiele Oliviers, ter eerire, Katlyne Oliviers, zyner suster, met consente wille ende overstaen Jans Uuler Helicht, liaers mans, ter andere, ende Johannen Oliviers, zuster des voirsc, Miecliiels ende Kathlynen, met consente Rogiers vanden Uruyne, ter derdere zyden, van den goeden hen bleven ende verstorven nae de doot ende aflivicheyt wylen Stevens Oliviers en Kathlynen vanden Velde, zynder huysvrouwen, vader ende moeder der voirsc. broeder ende zusteren, te deylen.

» Soe zyn bleven ende gevallen den voirsc. Micbiele, in zynre dcylinghe, de goeden ende rinîen naebescreven : in den iersten vyf dachmalen eygens lants, lutte! min oft meer, gelegen aen 't Keykestraetken, bovcn den Voghelsanck. Item, noch 't derdendeel van eenen boender lants, lutte! min oft meer, gelegen

et plusiours redevances. Le père do notre artiste n'aliéna aucune de ces propriétés, les laissant toutes à ses enfants.

boveii t' Sleeiikeii, op den commer vuii lliicn sluvei'S eiflyc ilair vuytgaende. Item, een hiiysken, niptteii hove ende wyngairde, soet gelegen is inde Menne- stratc, gheheeten de Cliujse, op den commer sevcn ende halven sliivers erflyc den Groofen Gasthiiyse, te Loevenen. Item, noch de tweedeelen van eenen halven boendere boemps, lultel min oft nioer, soe alst gelegen is te Rotselair, aen 'thnys ter Heyden, op den commer van den twee derde deele van eenen moienvat evenen, ende van eenen splet vias, ertlyc daer vuytgaende. Item, eeuen Rynschegulden erllyc van dien eenen en halven Rynsclie gnldene piHyc die Jan Yden t' anderen tyden overgogeven heeft den voirsc. wylen Stevpuen Oliviirs, bueren vadere, op Wouteren ende Merten Tbielemans, met condiii''n ende vorwerden oft eenige van den voirsc. drie parlien eenigen stoot oft lasl gebuerde aengaende den drie Rynssche gnlden van Janne Ydeu ende vanden zester rocx ende niet voirder oft scade daerom hadde cm tsyne te gecrigen, het ware om de jairlycsche betalinge oft om bewyssenisse oft aflegginge van dien, dat d'andere van hen dien te gelyken coste sullen ter hant staen, ende dien coste ende schade te gelyke dragen ende betalen. Item, want de voirsc. dne partien Brueder Gabriei. Oliviers, bueren bruedere, voir zyn verstertfenisse vanden voorsc. goeden, samentlyck, voer scepenen van Loeven, bckynt bebben negeii rynsgnlden lyfpen- sioen, soe wert in desen bevorwert dat een yegelyc van lien zyn derdendeel van dien negtien Rynsscbengulden sculdich sal zyn van dese yynen goeden, soe in tyts te betalen, dat den anderen van hen dair by gheeiie schade en gebuere. Ende te dier meyninghe heeft een yengelyc van hen zyn gedeelte, met oirlove 's heeren van den gronde, daer voir belast; ende oft raen naemaels eenige andere goeden bevonde beboirende gedeylt te worden, ende die voir niet gedeylt en zyn, dat men die sal alsdan tusscben hen drien te gelyke deylen, etc.Coram Zetlelere, Caverson, januarii xxiiij^.

» Soe zyn bleven ende gevallen der voirs. Kathlynen Oliviers, in hueren deylinge, die goede ende linten nae bescreven : in den iersten 't groot liuys, rr.etten puttc, hove eenen dacbmael boomgaerts, daer aen liggende, ende aile anderen zyncn toebeholrten, gelegen op de Groefstrate, tusscben de goeden Jans Dicricx ende Jans Goeman , op den commer van twee oft zesse stuvers eerllyc dair vuytgaende, voir een jairgetyde op de Biest. Item, de helidit van 1 1/2 vic- rendeele wyngaerts, le wcten tusscben de xx ende xviij royen, lultel min oft raeer, gelegen bnyten de Wyngaertpoorte, tusscben de goeden Merfens de Hoey- niakere ende Gerarls vander Maie, op eenen denier chys daer viiytgacnde. Item, noch d'part ende gedeelte van sulker goeden als de voirsc. wylen Steven Oliviers, bueren vader, liggende hadde te Lynden, daeraf d'ander paert toe Ix'biiirt Janne Roeselere, op den commer ende last uuten selven parte gaende. Item, alsulker sester corens erflyc als van Janne Yden. Item, ende noch eenen Riiisgulilcn erflyc dien Jan Yden sculdiih i-^ l'iide grlost becfl. byMncn den ycrsten

ôî)0 Rogior Van den Bruyno élait déjà élahli comme mercier

valdage, metten voirst'. /ester coreiis alleirgende oftc bevostigen, nietten coiidi- tien onde vnrwerden oft eenigen vandeii \oirsc. drie parlien eenig stoot oft last gebuerde aengaende den dric Rinsgulden van Janne Yden, endc vander /ester roex ende niet vore of schade daerom hadde oni 'tsyne te gecrigen, bet ware ora de jairlycsche bctalinge oft oni bewissenisse ofl aflegginge van dien , dat d'andere van dieu dien te gelyker costc sulien ter hant slaen, ende dien coste ende schade te gelykc draghen ende bctalene. Item, want de voirsc. diie partien Brnoder (ialiriol Oliviers, hueren brueder, voir v.yn versterfTenisse vandcn voirsc. goedoii, sanicntlyc, voir seepenen van Loevenen, beiivnt hebben negen Rynssche gnlden iyfpcnsioen, soe wcrt in dcson bevorwert dat een yegelyc van bcn syn derdendcel van dien ix Rinsgiilden sciildich sal zyn, van desen zynen gceden, soe in lyts te betalen, dat den anderen van hen dair by gheene scbade en gcbnere. Ende te dien meyningc beeft een yegelyc van ben /yn gedeelte, met oirlove 's heeren van den gronde, daer voer beiast. Item, ende oftmen naemaels eenige andere goeden bevonde behoercnde gedeylt te worden, ende die voere niet gedeylt en zyo, dat men die alsdan tusschen hen drien te gelyke deylen sal.

» Soe zyn bieven ende gevallen den voersc. Rogieren , in zyn dcylinge, die goeden ende rinten naebescreven : inden iersten een huys ende hof, metten toebehoiiten, gelegen op die Byest, op den hoeck vander beylicli Gheeststrale ende vande Groefstrate, op den commer van eenen schellinck dair uutgaendc, met oick den cleynen huyskene daer acbtcr liggende, daer hure stiefmoedere inné woent, ende huer tocht dair inné heeft, oni dat te bewoenen oni tselve cleyn bnysken t'aenverdcn soe wanneer de selve huer sliefmoeder daer vuyt treckt, nae inhout vanden testaniente des voersc. huers vaders ende moeders. Item, een stuck wyngairts houdende xxxiij roeden, lultel min oft meer, geiegen op de Bollartslage, tusschen de goeden Michiels Oliviers ende Marien Loenkens, op eenen denier chys daer vnytgaende. Item, xsxij stuvers eerllyc op huys ende hof, metten foebehoerten, wylen Gheerts Gans, gelegen neven de Capelle van den heyligben Cruyce, over de Voere. Item, noch derticb stuvers oft een ame wyns eerllyc op sekeren wyngart, toebclioerende Laureysc Wervere, gelegen tusschen de Calcbovenestrate ende Wyngartstrate. Item, twee croone, le XXV stuvers stuck, erflyc, gecocht int jaer van Ixxiiij, op de huysen gheheten den Luyart, met aile den toebehoirten, gelegen in de Groefstrate, nae iiihoudt der bricven dair af zynde. Item, noch eenen halven Rynsgulden ertlyc van den 1 i/î rynsschen gnlden, dairaf d'ierste deel den anderen Rynsschgnlden hebben sal, dien Jan Yden wylen onsen vadere overgegeven heefi, op Wouleron ende Merten Thielraans. Item, noch eenen iialven Rynsschen gulden erllyc die de selve Jan Yden als voere overgegeven heeft, ende hadde op Wouteren Thielniaiis, met conditien ende voiwerden voirscbrevcn. » Ade du 'ii janvier, dfnis le coliime de H99, iii-2^.

400

ou cremere en 1-482 (i). Il était fils de Guillaume Vanden Bruyne, qui vivait à Louvain en 1441 (2). Sa femme, Jeanne Oliviers, lui donna huit enfants. En 1493, Rogier Vanden Bruyne demeurait rue de Matines, en face de l'im- passe appelée Werf (3), près de la maison de la famille Metsys. Il était en 1303 mayeur de la confrérie de Notre- Dame, à l'église de Sainte-Gertrude (4). Quatre années plus lard, il remplissait la charge de proviseur de la même association (3).

Notre citoyen eut sa part des misères humaines. En 1508 eut lieu une rixe entre un certain Jacques Nuyts et maître Jean Van Liere, chirurgien. Jeanne Oliviers, l'épouse de Van den Bruyne, s'étant jetée entre les deux adversaires

(i) « Jan van Cueriiighen, eledemakere, heeft ghelooft Rogiere van den Bruyne, cremere, iicgen stuvers, » etc. Acle du ô décembre 1 i82. ô».

(2) « WiLLELMUs VANDEN Bruynen, » Actc dit ]li février 1-441, 5'*.

(3) « ... Ad domum iinam, sitani in Borchstrata. ultra' ponteni piscium ibidem, in opposito vici nuncupati den Werf, intcr bona Hiiboili van der Hcrbruggen, barbitonsuiis, et Huglui van den Bkuynen... Acte du 19 juin 1495, /«-2». « ... Ad et supra domum unain cum planicic et suis pertinentiis universis pro nunc ad Rogerum vander Bruynen et ejus uxorem spectantem, prout dicta bona sita sunt in Borchstrata, ultra navaJom pontem, inter bona olim Johannis vander Hoeven, fusor pottoruni stanneoruni, nunc vero Pétri van den Ynde, ab una,et bona Mychaelis de Demeren, ab alla partibus, extendens retrorsum usque ad Diliam ibidem labenleni. Exposito, imposito est jure hereditario, predictus Rogerus vanden Bruynen, nomine et ad opus sui ipsius et ad opus Johanne Oliviers, ejus uxoris... » Acle du 22 août 1515, i«-5a.

(4) « Rogier vanuen Bruynen, cremere, nu 1er lyt Meyer, Jan vander Beken, Wouter van Ermbeghem en Gheert vander Vyinie, als provisoren en momboiren der Bruederschap van Onser Lievcr Vrouwcn, in der kercken van Sinte Geer- truyden, le Loeven. » Acte du 25 août 1505, S».

(s) (1 Rogerus vanden Bruynen, Gerardus vanden Vynne, .loannes Woutiers et Arnoldus Gordyn pionunc maijistri confralernilatis Béate Marie Virginis, in ecclesia Sancte Gertrudis Lovansensis. « Acle du IG novemlire 1510, 3a.

40i

pour empêcher l'effusion de sang, eut une main enlevée (i).

Notre Rogier Van den Bruyne était en i:\lO juré du

métier des merciers (2). II possédait en 1517 une propriété

rue Wierinx, en face du cimetière de Sainte-Barbe (-.),

(i) « Nae dien Rogier vander Bruvnen comcn es bytlen Raitle vander stadt den selven te kennen ghevende dat zyn huysvi'ouwe deerlyckcn gequetst was by eenen geheeten Jacob Nuyts, alsoe dat zy in eenen gevechtc dwelck de voirsc, Jacop tegen Meester Janne van Lyre,cyrurgyn, huer hant vcrloren hadde, ende Jacop voirsc. dacr op met rechte geroepen hadde geweest, om hem by hem selven oft yemande anders te conien verexcuseren oft by alsoe hy dat noch niemant van zynen wegen en date men soude hem houicn voer den l'eytoer. Ende Janne Nuyts voirs. seggende hem last hebbende van den voirsc. Jacoppe en voere den selven Jacoppe comparerende, heeft aldair aenhoortden voirsc. Rogier, de welcke Rogier presenteerde te bringen zyner huysvrouwen de welcke Jacoppe voirs. wilde gheven oft houden dat hy de ghene geweest was die huer de hant aff gehouden hebben, concluderende hoe verre Jacop voirs. dien cedt niet en wilde aennemen, en zy dien dede dat Jacop, in dien gevalle, huer sculdich soude zyn 'tselve te beteren hem des gedragende totten rechte. Daer op Jan Nuyts corapai'erende van des voirs. Jacobs wegen als voere volcomen last hebbende antwoerde dat Jacop nemmermeer zweren en soude dat hyt gedaen hadde oft niet gedaen, aengesien datter tvvee vechtende waren, liem zeer vervreemden "dat zy hem meer aen teech dan den anderen, maer hoepte dat zy den anderen zoe wel sculdich waren te betrecken te rechte als hem; daer op Rogier vanden Bruynen voirsc. replicerende persisteerde in synen voernemen, ende Jau Nuyts voirscreven van wegen als voere persisteerde in voernemen ter contrarie. Ende zoe es geterraiueert en vuytgfsproken dat zoe verre Rogiers huysvrouwe den eedt doet dat Jacop Nuyts huer de hant afgehouden heeft ende nyemant anders, dat hy dat in dien gevalle Jacob de selve man zyn sal, die huer dat sculdich sal zyn te beteren, naeden bekennen Jans Nuyts van Jacops wcghen bekcnt. Actum in consilio xviij junii.

» Item, Johanna Oliviers, huysvrouwe des voirsc. Rogiers Vanden [{ruynen, heeft achtervoigende der voirsc. terrainatien,ter stavinghen van Jaime Beerains, vorsters, lyfelyck ten heyligen gezworen ende byden selven ecdo geclaert dat by Jacoppe Nuyts huer de hant afgehouden es geweest ende by niemant anders. Actum in consilio xx junii. »

Acte du 20 juin 1308, ô^, ad Dnera.

(2) « RoGERUs VANDEN Bruynen ct Johanncs Peetérs, pronunc jurati niiniste- riorum mercemannorum et speciariorum in Lovanio. «

Acte du 29 iiov. IblO, 5=>.

(3) « Ad curtem unam sitam in vico dicto Wycrinck, quo itur versus capellani Sancle Barbare, in opposito atrii dicti den Dondenkerckhof \bidem, inter bona

405

Il Iransféra son domicile de la rue' de Malincs à la rue Courte et y demeurait en l-'i^O (i). En 1520, Rogier avait temporairement quitlé Louvain. Il habitait alors Tirle- mont (2), l'un de ses lils venait d'obtenir une prébende au chapitre de Saint-Germain. A celte époque, il était pro- priétaire de la maison qu'avait occupée à Louvain Mathieu de Layens, l'illustre architecte. Ainsi qu'on le sait, cette habitation était située au Kuùkoek, à la Voor (r,). En 1.'>57, lors de la passation de l'acte pour l'exécution du tabernacle, il demeurait de nouveau à Louvain.

Rogier Van den Bruync et Jeanne Oliviers dictèrent leur lestamenl le 1î) juillet i')."2, Jeanne mourut peu de temps après. Rogier testa de nouveau devant maître Jean Van Hove, notaire public, le 4 septembre 155,'). Sept ans après, il avait cessé de vivre. Le 15 décembre Joi2 eut lieu, devant les échevins de Louvain, le partage des rentes et obligations délaissées par les époux Van den Bruyne-Oliviers {/.). On

lierediiiu Antlionii qiioiulam Zodelere, ab una, d hima Rooeri \.\nden Bkuynen, ab altéra partibiis, » etc.

Acte du ôO juillet loi", .5a.

(i) « Tusschen Rogierkn vanden BituViNEN, etc., van sekeren goeden des voirsc. Rogiers, gelegen in de Corlstrale, daer hy Rogier riisnit inné woenende is, etc. »

Acte du ^H janvier 1519, 5=».

{i) Louvain nioninnoilfil, p. 108.

(3) Ibidem.

(4) « Ecne scheydiiige ende deylinge gemaici /ynde tusschen J.\nne vanden Bhcyne, sone wyicn Rogiers, ter eenrc, Heeren en Meestereii Rociehen vanden BniJYNE, canonick der kercken van Sincle Gcrmeyii (te) Tlnenen, broeder des voirsc. Jans, ter andere, Gabriei.en vanden Bruyne, brueder der voirsc. gebruederen, ten derdere; Heeren en Meesteren Lodevvvke vanden Rhuvne, canonick der kercken van Sl-Jacnps,le Loevenen, en oyck brnedere der voirsc. !,'ebruederen , ter vierdere, Katiii.ynen vanden Brivnen, znstere der voirsc, :-'pbriii'(lenMi, wciliiwe dcerl"^ wylcn v.iiidcii Vynnc, ciiin tiitorc, ter vylslcr,

40Ô

apprend, par l'un drs ados, rédigés à l'occasion de co partage, que Rogier a possédé jusqu'à sa mori les deux maisons situées à la Biesl , provenant des j)arenls de sa femme (i). Il résulte également de l'un de ces documents qu'il exerça la profession de mercier jusqu'à la fin de ses jours, car il y est parlé de marchandises vendues (2).

Par leur testament, Rogier Van don Briiync et Jeanne Oliviers laissèrent une redevance de 2 chapons et lo sols vieux gros, pour une distribution de pain, qui devait avoir lieu, chaque année, le jour de l'Annonciation de la sainte Vierge, en faveur des domestiques indigents des paroisses de Saint-Jacques et de Sainte-Gertrude, à Louvain (3).

Nous avons dit que Rogier Van dcn Bruyne et Jeanne Oliviers laissèrent huit enfants. L(Hir fille Jeanne mourut

Lysretten vanden BiiUYNEN, ovck zuster der voirsc. gebniederoii eiuie ziislerc, ciini tiitore, ter zestei'o, en Annen vanden Bruyne, insgelyck siistere der voirsc. gebruoderen ende ziisteren cwm tiitore, ter zevenster zyden, vanden gnoden ende rinten lien gebleven ende verstorven nae, derdoot ende allyviclieyt vanden voirsc. wylen Rogieren vanden Bruynen en Ziisannen wylen Oliviers, synder hiiys- vronwen, vader en moedere der selver kinderen, te deylen, by lollien, aelitervol- gende den teslaraente en viiytersten wiUe der selven bueren ouderen zoe op den xix dach jiilii a" xv^xxxij, zoe oyck byden voirsc. wylen Rogieren, op den iiijen (jacji september, a" xvcxxxv, voere Johamiese van Hove, als notaris ende zekeren getuygen vercleert en geordineert, welcke ordinantie van testaniente ende vnytersten wille zy partien elck respective zoe verre lien aengaet, hebben geratiBceert ende geapprobeert ende ratificeren ende approberen inits desen, etc. »

Acte du io décembre. 15i2, enrer/isfré au 0 Janvier libro lo42, in-i^.

(1) « 'T cleyn bnysken, op de Biest, nu toobehoereiide Alylen van Hove,

tiisschen 't groot buys wylen der voirsc. kinderen, nn l.aureys Laiireys, etc

op de Biest, un toebelioerende Laureys Lauwereys, tegen over den cioeslerken vander Annniiciatien, tusschen de goeden des voers. wylen Rogiers, nn toebe- lioerende Aleytcn van Hove... » Même acte.

(2^ Acte du 14 décembre -1042, 2".

(3) Acte du 14 décembre 1.^42, 2".

404

jeune; mais leurs aulres enfants leur survécurent, savoir : Jean, T Rofjier, 3" Gabriel, Louis, S" Calherine, Elisabeth, Anne. Le père émancipa ses enfants de- vant les échevins de Louvain, le 10 octobre 1510 (i). Dans l'acte rédigé à cette occasion, Gabriel figure le troisième. Jean Van den Bruyne était l'ainé des frères. Il exerçait la profession de mercier (2) et avait épousé Elisabeth Vander Straten (5), fille de Jean et de Marie Van Thienen, dont il eut plusieurs enfants, entre autres maître Daniel Van den Bruyne, licencié ès-droits. Jean Van den Bruyne vivait encore le :27 juillet lo59 (4); il était décédé à la date du 30 mai 1361 (5). Son fils Daniel épousa Anne Van Âssche, fille de Daniel Van Assche et de Barbe Van Schore, dont il laissa des enfants. Il vivait encore le G avril 1392 et mourut avant le 14 mai 1596 (c).

Catherine Van den Bruyne, fille de Rogier, se maria à

(j) « Item, RoGEUus vanden Bruyne, ûlius qiiondam Willelmi, commorans Lovanii, ia presentia emaiicipavit Maiiistruni Joliannem, Rogerum, Gabrielera, LudoNicuni, Katlierinam, Johannam, Elisabeth et Annam, suos liberos, a pane suo modo debito et consueto. » Acte du 10 octobre 4310, l».

(aj « Item Johaknes vanden Bruyne, mercemannus, filins Rogeri. » Acte du 20 juin 1518, 2». Allen dat Jan vakden Bruyne, sone Roiiiers, creemere, in presentia, heelt geconstitucert zyn procureurs en voorgangers Rogieren vanden Bruyne, zynen vadere, Meesteren Rogiere, Gabriel, Lodewycke vanden Bruyne, zyne broeders, Janne van Aken, etc. » Acte du \\ mars 1319, 5=".

(s) « Dat Jan vanden Bruyne, Rogiers sone, creemere, woonende te Loeven, in presentia, heeft geconstitueert xMccsteren Rociere en Gabriel vanden Bruyne... en Lvsbetten vander Straten, huysvrouwe des vocrschreven constituants. » Acte du li juillet 1526, 3^.

(<) Acte du 27 juillet 1539, 2a.

(5) Acte du 30 mai 1561, 2=>.

(c) Annotations marginales à un acte du i novembre 1586, in-2='; acte du 9 septembre 1593, \->. Daniel vanden Bruyne figure souvent dans les actes sous le nom de De Bruyne fout court.

io:)

Gérard Van tien Vinne, veuf de Dymphiic Van Zallakcn, et laissa des enfants (i); Anne et Elisabeth restèrent céliba- taires. La dernière testa, devant le notaire Jean Van Wamel, le 24 avril io70. Elle mourut le 21 août de la munie année et fut inhumée près de sa sœur Anne, à l'église de Saint- Pierre, devant l'autel de Sainte-Ursule (2). Deux des fils de Rogier Vanden Bruyne embrassèrent l'état ecclésiastique. En 1521, Rogier était curé du village de Roux-Miroir (5); en loil, il était chanoine de la collégiale de Saint-Germain, à Tirlemont; Louis était à la même époque chanoine du cha- pitre de Saint-Jacques, à Louvain (i). Celui-ci devint ensuite doyen du même chapitre. Il habitait avec sa sœur Elisa-

(i) « Condt zy allen lieden dat een deylinghe ende sceydinge gesciet ende geinaict zyn, by loote, tiisschen Lysbetten vanden Vynne, dochter wylen Geerts, huysvrouwe Franssen Anits, met consente, wille, weten en overstaen, des voirsc. Franssens, hncrs mans, Janne van Haenwyck, den voirsc. Franssen Arts en Henricke vander Weyen, als tuteurs ende momboirs van Geerde, Clase ende Jacoppe vanden Vynne, ombej lirde brueders, der voirsc. Lysbetten vanden Vynne en kinderen des voirsc. wylen Geerts vande Vynne, die hy behouden heeft van Dynopnen wylen van Zallaken, zynder ierster huysvrouwen, cm des voirsc. steet byden Raide vander stadt, specialyrk geordineert ende gedepnteert zynde, Katlynen vanden Bruynen, dochter Rogiers, weduwe des voirsc. wylen Geerts vanden Vynne, voer huerer tocht, Rogieren vasden Bruyne, Jannen vanden Bruynen en Gielen Ydeletten, als tuteurs en momboirs van Goryse, Machiele ende Susannen vanden Vynne, ombejairde kinleren des voirsc. Gheerts wylen vanden Vynne en der voirsc. Katlynen, zyner tweester huysvrouwen, totter raomboiren en oni des nae bescreven steet, by den Raide van der stadt specialyck, gcdeputeert en gcstelt zynde, ter andere zyden, vanden goedeu, rinten ende pachten hen verstorven zynde by der doot en aflyvichcyt des voirsc. wylen Gheerts vanden Vynne, vadcr der voirsc. kinderen vander Vynne, te dylen, etc. » Acte du 4 mars 1328, la.

(a) Actes du notaire Jean van Wamel de 1370, 289 v".

(ô) « Heer Rogier vanden Bruynen, priestere, prothiaen der kercken van Rouxffiiroir, heeft geconstitueert... Rogieren vanden Bruynen, zynen vadere, Janne en Gabrielen vanden Bruynen, zynen broeders, etc. t Acte du 26 avril 1321, 3a. Acte du 19 fév. 1323, ôa.

(4) Acte du 13 déc. 1342, 2a.

iO(i

bctli une iiiaisoii siluéc dciTiôrc l'anljej-ge Jippeice l'Homme Sauvage, place Marguerite. Cet ecclésiastique mourut, dans un âge très-avancé, en lo78, lorsque la peste exerçait les |)lus grands ravages ;i Louvain. Le partage de sa succession eut lieu devant nos éclievins le I!) aoul de l'année (ju'on vient de lire (i).

Gabriel Vanden Ijruvne, noli-e artiste, est mentionné

(i) « Koii sfl)L'ydingc cii lieylingo, by iotmy;e ti;ii'i'iininie gescliiedl en gcbourt syndc, tusscheii Meestereii Peetkken Waiteks, zoo in den naeiiie en van wegen Mauie v.vndkx Brlv.ne, syiie liuysYrouwe, voer twec deelen, als oyck vadcr en iiioraboii', endf met hem béer en nieester Anllionis de Man, liceiitiaet in beyde lecbten, oyck als niomboir van Pauvvelen, Susanna, Anna en Lysbelh Waulers, kinderen des voirserevcn Meester Peeters , by beni beboiiden vande voirscreve Makie de BiiuvNE, zyne voirscrevcnc buysvronwe, etc., voer een deei, naevol- gende de procuratic en acte van nioniboirye rcspectievelyck daer att'gepasseert, voir weliiouderen dcr stadl van ïbienen, in date des xij'" en xvj'" angusti, beyde lestieden, eude alhier geble'Ken en gesien, Elizaiîet vanden Bruyne, iBct consente, bysyn en overstaene van Franchols van Lare, baeren man ende inoniboir, voir twee deelen, de selve Francliois van Lare, ais vader en wetlicb momboirvan Hogier van Lare, synen sone, voir een deel, Meester Fiancbois Le Rouix en de voirscrevcn Franchois van Lare, in den naeme en van wegiien Clara vanden Vinnc, dochtere wylen Micbitls, als daer toc beboirlyck t'i^t'onstitucert synde, by de selve Clara, voir meestcre Jannen Kerssel, als openbaer notaris ende /.ekere gethnygen, den xxiij''" jannary lestieden, al naerder blyckende by deselvc procuratie, in date voirscrevcn, voir een dcel; meester Pectcr vander Hoiïstadl en Meester Wanter Remigii, als tuteurs en niomboirs van Peetercn, Silvesteren onde Susannen vander Hoirstadt, kindcrcn deszelfs meester Peelers, by beni bdiouden van Susanna vanden Vinnc, synder ierster huysvrouwe, volgens d'acte va)] moniboirye daer aiï syndc, gepasseert voir weesmeesters der sladt van Loven, ii.j' " july lestieden; onderteckcnt : H. Cloet, de voir een dcel, aile als geïnsli- tneeide erfrgenacmen wylen lleer en Meester Lodlwvcx de BnuYNE, dcken van SinlJacubs, (pp die liiest, binnen Loven, als by Icell'dcn, als blyckt by den leslaniente dessell's wylen bcei' eu Meester Loduwycx, gepasseert voir béer en Meester CoenraerdI Siivio, openbaer notaris, en zekeren getbuygens, den derden may xvlxxvij'"'', by wclcken by ondcr andcren geordinccrt en begeert beefft de nacrvolgcnde goeden en renicn tusscbeu die voirgenocmpdc persoonen in deilbien gelyckc deelen gedeylt le wordene, » etc.

Acte (lu V.) aoiil IjTf^, in libro 1578, 1" atl /iiiciii.

407

pour lu preinièj'c luis dans un acicîdu l'''(l(''ceiiil)r(> \'M)\ (\). Il (.'u( probablement jjoui- parrain le l'rère de su mère, Gabriel Oliviers, lerminuirc du couvent des Récullels, ù Berg-op- Zoon), qui ligure dans un acte du i2i janvier I jOO et qui esl, en outre, nientioinié dans une pièce du l" avril loOi (j). A la date du l''' octobre loll, le futur ai-liste demeurait chez ses parents (r.). Nous ne connaissons pas le nom de son maitre. Louvaiu comptait au commencement du xvi" siècle plusieurs sculpteurs de talent, tels que Allard de llamel, GodelVoid de Guypere, Jean Petercils , Henri Van Tunger- loo, Pierre Beyaert, Mathieu Keldermans, Henri Roose, Henri MouAve et autres. ,

H va sans dire que son père, qui nous apparaît dans les documents comme un homme qui s'intéressait vivement à l'avenii" de ses enfants, le contia à un artiste de mérite. Son oncle et ses deux frères étant des lettrés, il vécut dans un

(i) « Heni'icus de Muntcre, lilius (luoiidam Waltcri, Oordiierwerchere^hih'àw- ncs Drabbc, senior, braxator, et Johaiiiics Ruyssche, lilius quoiidam Barlliulomoi, caligator, recognoverunt se debere iiidivisum Johanni et Gabrieu vandek Bkuynen, fratribus, filiis Rogcri vander Bruyiieii, mercemanni, duos Uorenos Relieuses, .,. salva perceptione Gertriidis Amelcn, rolicle Stephaiii quondaiu de Aclst... »

Acte (lu i" déc. loOl, rapporté dans l'acte du h' cet. loi I, ôj.

(2) « Brueder GAuraEL Oliviers, priosterc, /oiie wyicii Stevens, toriiiiuarius oppidi Bergensis super Zoeinani... Rogiere vaiulen Bruynen, crcemere syneii swagere... »

Acte du 12 avril J5UÔ, 3^.

(3) X Villicus Lovaniensis adduxit Rogeruni vaud^r Bruynen tanquaui pructi- ratorem Gabrielis vander Bruynen, cjus lilii, in ejus pane existentis, et Johan- iiemvan der Bruynen, liliuni dicti Rogcri, adomniabonaUenrici deMuntere, » etc. Acte du l*'' octobre 1511, 5^ « Want ten vervnige Rogiers vander Hruyneii gelydt zynde, uut inacbt van scepenen brievei) van Loevcn, van /yiu'n en zyns /ocns Gabriel van Bruyiieii, in zyne broode wesende, weltige gebreken van twee rinsgulden lyftocbten tôt allen don goeden Jans wylen Drabbe, » etc. Acte du 17 fév l^'l, ô".

408

milieu qui dul cire favorable au développement de son talent. Il est possible qu'après avoir travaillé dans l'atelier de l'un de nos sculpteurs, il quitta la ville pour aller se per- fectionner ailleurs. Quoi qu'il en soit, il habitait Bruxelles lorsqu'il fut chargé de l'exécution du tabernacle de Saint- Jacques.

On sait qu'à cette époque nul ne pouvait placer à Louvain un travail quelconque sans être admis dans l'une de nos corporations. A la veille de traiter avec le conseil de fabrique de Saint- Jacques, Gabriel Yan den Bruyne se fit recevoir dans le métier des maçons et sculpteurs. Son admission eut lieu le 16 septembre 1556. A cette occasion, il promit aux doyens Ivan Vanden Kerkhove et Thierry Van Volxem de payer au profit de la corporation une somme de 4 cavaliers d'or, plus 8 sols comme droit d'autel et de chandelles. Son père se porta garant pour ce paiement. Dans l'acte reçu à celle occasion par les échcvins de Louvain, l'artiste est quali- fié de Cleynslekere (i).

Nous sommes malheureusement sans renseignements sur la vie de Gabriel Vanden Bruyne. Cinq années après le placement du tabernacle de Saint-Jacques, il habitait tou-

(i) « Item, Gabriel vanden Cruynen, sone Rogiers vanden Bruynen, cleyn- slekere, deselve Rogier de vader, in presentia.hebben gelooft indivisum Jweyncn vanden Kerckhove en Diericke van Volcxsem, gezwoiren nu ter tyt en lot behoetT vanden nielsserf. ambachte deser sladt, vier ryders, elcken le xxvj sluvers gerekenl, te bel&len, den eencn Ryder daer all'tsint Jansniesse naistcomende, en soe voerts aile vervolgende joren Isinljansmcsse een der selvc Ryders, lolter volder bela- linghen der voirsc. somme toe, oick mede voer 'l Keers en Altaerghell viij sluvers, ... met condilien vander clockslaghe in gewoonlycker formen... Coram Graven, Oliviers, seplerabris xvj. »

Acte du 16 septembre lo36, 3a.

/m

jours Bruxelles, ainsi (|ue nous allons le voir. En l;j4'2, quarante habitants de Louvain, hommes et femmes, furent poursuivis pour hérésie. Notre ami M. Louis Galesloot a retrouvé aux ai-chivcs générales du royaume les interroga- toires de vingt-un de ces prévenus. Ces actes ont été publiés en partie par M. Ch.-A. Campan, à la suite de son édition des Mémoires de Francesco de Enzinas, Or, dans l'une de ces pièces il est parlé incidemment de notre artiste. La mention se trouve dans l'interrogatoire du sculpteur Jean Beyaert, époux de Catherine Metsys , fille de Josse et de Christine Van Pullaer.

En interrogeant les prévenus accusés d'hérésie, le magis- trat instructeur avait soin de leur demander s'ils n'étaient pas en rapport avec des personnes habitant d'autres locali- tés, afin de découvrir ainsi de nouveaux coupables. Beyaert, qui fut décapité pour hérésie, était en relations avec Van den Bruyne. Mais, dans son premier interrogatoire, il ne le déclara point. Mis à la torture, le 23 mars 1542, on lui demanda de nouveau s'il ne connaissait personne à Bruxelles. Il répondit qu'il y connaissait un nommé Gabriel, sculpteui- (Cleynslckere) , natif de Louvain; mais il ajouta qu'il n'en connaissait pas la demeure (i). Beyaert connaissait Bruxelles et partant la rue habitée par Van den Bruyne. La précaution qu'il prit de ne pas indiquer la demeure de l'artiste, nous fait supposer que celui-ci était également partisan de la réforme. La déclaration du prisonnier était plus qu'il n'en fallait pour

(i) « ... Gevracght oft hy tôt Brucsselc egheon kennisse en heeft, seegl neen, dan cenen geheeten Gabriel, cleyiisteeckere, van Loevene geboren, sonder de strate le wcetene wacr hy woont. » Mémoires de Francesco de Emiiias, parlie, p. 414.

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rendre Fai'lisle suspeel mux yeux de la justice. Nous igno- rons s'il lui poursuivi. Beyaerl avait pi'ol)ableincnt aide Van den Bruync lors du placement du tabernacle de Sainl- Jacques.

Notre artiste était marié; mais nous n'avons |)u découvrir le nom de son épouse. 11 mourut avant le 8 mai l-Kil (i). Le sculpteur laissa une (ille, Elisabeth Van (\vn Bruyne, qui se maria à François Van Lare, orfèvre, à Louvain. Elle esl nientionnée dans un acte du 5 février 15G6 (2).

Gabriel Van den Bruync est, ainsi qu'on vient de l(! voir Tun des sculpteurs les moins connus de la ]Ȏriode (jui mai'- qua en Belgique la lin de l'art ogival.

Cet artiste, qui fournit une longue carrière, a exécuter bon nombre de travaux importants, et il serait à souhaiter que l'histoire de sa vie fût l'objet des investigations de nos archivistes. C'est dans le but d'attirer sur lui rallcnlion de nos collègues et de provofpier des recherches de hur ]»ai-l, que nous avons résolu de jiublier les renseignements (jue nous venons de communiipier à nos lecteurs.

(1) « ... Lysbetuen van den BnuYNEN, dochler wijlen Cabriels, huysvrouwe Franscn vanJen Lare... »

Acte du 8 mai 1561, 2".

(2) « Item, Lysbeth vanden Iîuuvne, dochler wyleii Gauuiels, niel consenlo, wille, veten en bysyne Franssen van Lare, huers mans, heelt opgedragen, met behoirlyke verlhydenissc, ccn huy:? geheclen den Kcmele, nieller scalgien, boire- puUc, backhuysse, achterhiiyse en slalle oft houlliuyscn en anderc /yne toebc- hoirlen, gelyck dezelvc goeden gelegen zyn in den Langen Wyrinck, tusschen die goeden Peelers Bloemaris, 1er eenre, en de goeden Peelers Helschcviers ter andere 7.yde, commende achteruyt metten voirsc. houihuyse totle in de Ratlemanspoerte, ge!ycke\vy.s zy de zclve goeden by naderschappc vercregen heefl, legcn heeren Gregorysen vander Vynnc, cum suis, opdcn acbslen dach niny xvfixij, op laslc daer van voercn vuytgaende, » enz.

.\c/e du li février loiJG, 2^

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Ce lui le '2'2 dccembro 1557, devanl les cciicviiis de Lou- vaii), que le conseil de l'abrique de Saint-Jacques contracta avec Gabriel Van den Bruyne pour l'exécution du taber- nacle (i). L'église était représentée par François de Campo, curé, Arnouid Vinck cl Corneille lluybrechis, membres du conseil de labricpie, maiire Jean Van Havescbole, maître Henri de Rycke et autres notabilités de la paroisse; l'artiste était assisté de son père et de son frère aîné. On lui indiqua comme modèle ou patron de l'œuvre à fournir le tabernacle de l'église de Saint-Pierre, à Louvain, exécuté d'après les dessins de Mathieu de Layens, l'auteur du plan de l'Hôtel de Ville. Selon le contrat, le tabernacle devait avoir la même forme et les mêmes dimensions que celui de Saint-Pien-e. Il devait être exécuté en pierre de même nature que celle du dernier édicule. Les bas-reliefs et les statuettes devaient être analogues à ceux qui décorent le tabernacle de notre église primaire. La fabrique s'engagea à faire établir les fon- dations etl'escalier du tabernacle, ainsi qu'à en faire exécuter les portes. Elle devait également fournir le fer, le plomb, la chaux et les échafaudages nécessaires au placement. Elle prit, en outre, à sa charge, la décoration picturale (Stouf- feeren) de l'œuvre. Bien que l'église se chargeât de faire établir les fondations, l'artiste était tenu de s'assurer si elles présentaient toutes les garanties désirables de solidité, car il demeurait responsable de tous les accidents qui auraient pu arriver dans l'avenir à son travail. La moitié du

(i) a Op lien xxi decembris anny xvcxxxvj, in mi.'ilia caniera, was de vocr- \\aerde gliepasseerl voer sceiienen vanden heyligen Sacrairieiilshuysc, alsoe betaclt voer onser lievcr Vrouwon gelt en registor tsanien ij 1/2 sluvers. »

V. Compte de Vcglise de St-Jacqucs de 1337, '20,

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tabernacle devait èlie placée à la kermesse de Louvain ( !"■ dimanche de septembre) 1558, l'autre moitié à la Saint-Jean 1559 ou, au plus tard, au dimanche après la fête de Saint-Jacques (^o juillet) de la même année. Le prix à payera l'artiste était de 250 florins Carolus, à 20 sols pièce, somme très-considérable pour l'époque.

Au moment de la passation du contrat, l'artiste recevait un à-compte de 50 florins. Il loucherait 100 florins lorsque la moitié de son œuvre serait placée à l'église et les 100 florins restants lorsque le travail serait complètement achevé. Rogier Van den Bruyne père et Jean Van den Bruyne fils se portèrent caution pour leur fils et frère. Nous publions en note le texte de ce contrat (i).

(i) « Item, Gabriel vanden Eruyxen, sone Rogiers, woenendc lot Bruessele, heeft genomen ea bekynt genomen te hebben, tegen heeren en meesteren Fran- cissen de Campo, van Zonne, procliiaen, Arnde Vynck en Cornelyssc Iluybrechts, fabryckmeeslers, meesteren Jannc van Ravescote, Henricke de Rycke, en oick den anderen goede mannen vander prochien der kercken van S'* Jacops, te Lovene, te maken een heylich sacramentshwjs, van alsulcken sleene en op alsulcken grootte en vvydde, breydde en hoogde en opt selve patroon als es 'theylich sacraments huys, in de kercke van S'^-Peeters, te Lovene; nyet arghere mair betere,cnde met gelycke beelden, soe en gelyck int selve heyligc sacraments huys van S**-Peeters staende zyn; nyet arghere mair betere van faitsoen; souder de selve gehouden wesen te stoufTeeren , ende dit omme en voer de somme van twee hondert en vyfflich Karolus gulden, te xx stuvers stuck; de vyfftich Karolus gulden daerafT gereel en terstont, gelyck oick de voirsc. Gabriel vanden Bruynen de selve vyfflich Karolus gulden bekynde als nu ontfangen te hebben ; noch hondert Karolus gulden dairaft', alsl halfi' gestelt sal wesen, en 't surplus alst tecnenmalc voldaen en inden voirscreven kercken, soe en gelyck dat behoirt, gestelt sal wesen ; met conditien dat de voirscreven Gabriel nyet gehouden en sal wesen in't leggen , leveren noch maken vanden trappen vanden sclven heyligen sacra- mentschuyse, mair sal de fabrycke de selve trappe moeten leveren, en metten fondamenten van den selven heyligen sacramentshuyse doen leggen, oick sonder cost oft last des voirsc. Gabriels ; dies soe sal de selvo Gabriel gehouden wesen toe te siene soe dattet 'tselve fondameni en trappen geleegt werdden, soe dat behoirt, wel verslaende soe verre by quaden toesiene totlen selven fondamenten,

415

11 résulte d'un passage du compte de l'église de Saint- Jacques que le tabernacle se trouvait en place au mois de juillet 1559 (i). Gabriel Van den Bruyne avait, par consé- quent, satisfait à ses engatçements à l'époque stipulée dans le contrat que nous venons de faire connaître.

D'après le contrat, le tabernacle devait être une reproduc- tion de celui de l'église de Saint-Pierre. L'artiste n'a pas observé celte stipulation. Tout en conservant l'ensemble de l'œuvre qu'on lui avait désignée comme modèle, il sut en

in loecomende lyden, gebreck viele dat dat gebreck de selve Gabriel gehouden sal wesen op te richtene. Ende vanden leukens op^Ye^ts incluys, soe sal de selve Gabriel 't selve heylich sacramentshuys gehouden wesen, tôt zynen coste, tôt boven toe, op te maken, des soe en sal de selve Gabriel egheenssins gehouden weseu int leveren van den calck, yser noch loot en stellingen noch doeren vanden selven heyligh sacramentshuys dwelck totten selven wercke behoeren sal, ende 't selve werck inde voirsc. kereken van S^Macops gelevert en gestelt te hebben, ter plaitssen dair dat behoirt, d'een hellicht dairaff te Lovenkermisse, naislcomende en d'ander hellicht vanden selven -svercke, van S*°-Jansraesse- Baptisla naislcomende over een jair, of ombregrepen, des sondaighs voor S'°-Jacopsdach, voldaen te zyn, op vuege nochtans dat hy Gabriel nyet gehouden en sal zyn inden trap die boven die leeuwkens staet, dair die priester op staet als men theylige sacramente vuytlangt, van de welcken de voirsc. Gabriel opde vuege voirscreven en de voirsc. Prochiaen, Arnt Vynck en Cornelys Huybrechts, vanden selver fabrycken wegen, malcanderen, na inhoudt van desen, geloelï hebben te voldoen. Ende hier voer hebben hen verbonden voir den voirschreven Gabrielen, als principale schuldeneer, iudivisura de voirsc. Rogier vanden Bniynen , vader des voirscreven Gabriels, ende Jari vanden Bniynen, oick sone desselffs Hogiers, etc. Corani Tymple, Heyden. Uecembris xxij. »

Acte du 22 décembre IS37, 2= chambre dchevinale.

(i) a Item, belaelt, in julio, anno xxxix, voer drie sack vout kolen die verbe- sight syn int setlen vanden heyligen sacramenl, vij st.

» Item, es te weten dat ick inde voergaende rekeninghe gherekent hebbe ontfanghen te hebben van Adriaen Leerbyls xiij rlnsgulden vander kerck weyden ende mits dat hl claeghde dalter schade ghescifti was vanden gruys op den kerckhoeve te breyden, dat gbecomen was alsraen het sacramentshuys fundeerde, alàoe dalhen bi ons meesler, kcrckmeesters ende goede raannen quylghescholden es 2 Rinsgulden. »

Compte de Véglise de S^-Jacques de loBO, f" 20.

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modifier la silhoiietlo et les détails d'après son inspiration et le goût de l'époque; (Ml d'antres mois, il sut ])roduire une cenvre à lui.

Celte ravissante création présente dans son ensemble une pyramide hexagonale de 12 mèlres, construite en grès d'Avesnes, dans le style ogival llimaud de la troisième période. Elle comprend trois parties : la hase, le tabernacle proprement dit et la llèchc de couronnement. La base, moulurée aux parties inférieures et supérieures, forme en plan un hexagone régulier dont les angles sont garnis, à l'intérieur comme à l'extérieur, de colonnettes engagées. Une colonnette centrale reçoit diamétralement loules les nervures des petites voûtes (pii forment plafond à l'intérieur du soubassement. Les côtés sont percés d'arcades légère- ment surhaussées etgarnies de feuilles. Sur ce soubassement, qui est d'un caractère sévère par rapport aux autres détails de l'édicule, s'élève le tabernafk; ou l'armoire poui' le saint sacrement. Cette partie continue les gracieuses projections horizontales et verticales du socle. Les angles sont à colon- nettes, qui soutenaient autrefois les statuettes des apôtres. Les arcades, qui se trouvent au-dessus des portes, renferment des groupes en liaut-relief représentant des scènes de la vie du Sauveur. Ces arcades sont couronnées de pinacles angu- laires d'un j("t vei'tical spleiididc et qui commencent à foi-mcr la llèche de couronnement. La llèche, toujours de forme hexagonale, est llanqui'c sur ses côtés età sa souche de carrés saillants, coupéssuivant une de leurs diagonales et qui forment dv<, dais supportant (]('<, pinacles. Des saillies délruissenl la sècheres.se que les grandes lignes di'oites, sans inlen-iiplion, auraient pu prixlnire, ei une "^illhincilr de^^ plus gracieuses

/ii:;

vient se découper tlaiis le vide. Cette flèelie, qui se compose de trois rangées d'arcades superposées, est la partie del'édi- cule la plus riche, la plus compliquée, l.i plus agréable. On y voit en quantité des galbes, des contre-forts, des galeries et des lleurons, le tout sculpté et placé avec un charme extraordinaire. La llèche est couronnée d'un pélican faisant couler sur des petits le sang de son coi'ps déchiré, image du Christ ((ui versa son sang pour le salut de l'Iiumanilé.

Le tabernacle de Saint-Jacques est, dans son genre, un morceau de sculpture de tout premier ordre. Il est impos- sible de décrire à l'aide de paroles tout ce qu'il y a d'origi- nalité, d'invention et de poésie dans cette pyramide aérienne qui s'élève si majestueusement dans la vieille église louvnnisie, qui présente tant d'intérêt au point de vue de l'art.

Nous avons fait remarquer que les angles de la partie la plus considérable du tabernacle sont ornés de colonettes qui soutenaient autrefois les statues des apôtres. Malheureuse- ment ces statues ont été enlevées au commencement de ce siècle et remplacées par de saints personnages se trouvant à genoux dans l'attitude de la prière. Ceux-ci ont été sup- primés'en 1H75, lors de la restauration du tabernacle. Mais le conseil de fabrique a résolu de faire rétablir dans les niches les statuettes des apôtres d'après des modèles appar- tenant au commencement du xvi'' siècle.

Les côtés du tabernacle sont garnis de portes simulées en bois, admirablement décou])ées. La porte proprement dite de l'édicule se trouve du côlé du mur de l'église. Elle est en fej-, .sans ornementation. Les arcades qui se trouvent au-dessus des portes simulées renferment des groupes en haut-relief représentant les sujets suivants : l- la Cône, H' le Christ

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au Jardin des Olives, ô° le Baiser de Judas, sainte Véro- nique venant d'essuyer le visage de Jésus montant au Calvaire, a" le Calvaire, G" la Résurrection du Sauveur.

Ces hauts-reliefs sont traités avec un sentiment profond de la gravité des livres saints. Si l'on y observe encore la roi- deur et la brisure exagérée qui caractérisent les produc- tions sculpturales de la période précédente, ils sont, par contre, d'une conception magistrale au point de vue du sen- timent. C'est l'ornementation du tabernacle qui est d'une richesse étonnante. On n'y trouve pas de pierre qui n'atteste de l'imagination, de la fécondité et de l'habileté de l'artiste. Son ciseau a répandu ses plus charmants caprices jusque sur les parties que leur élévation dérobe à la vue du specta- teur. L'édicule offre un luxe sans égal de moulures, de feuil- lages et des détails de tous genres, Gabriel Van den Bruyne va étalé tout ce que la sculpture de l'époque pouvait produire de plus compliqué, de plus piquant, de plus agréable. Et chose digne de remarque , il exécuta cette œuvre quand le style italien avait déjà exercé une certaine influence dans nos contrées. Elle prouve par sa riche et hardie décoration, par ses admirables dentelles de pierre, que l'art ogival n'était pas arrivé à sa décadence, mais qu'il était encore plein de vie et de sève.

Le tabernacle de Saint-Jacques est un chef-d'œuvre qui honore le pays et qui donne droit à son auteur d'occuper une des premières places dans l'histoire de l'art en Belgique au xvi* siècle.

En 1874, à l'occasion du jubilé du saint sacrement de Mi- racle, le conseil de fabrique a fait restaurer et repeindre le tabernacle. .M;iis ce livivail, (!xécu(('' sans l'intervention de

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l'Étal, n'obtint pas l'approbation de la Commission royale des monuments. Dans un rapport à M. le Ministre de l'intérieur, ce collège a assez vivement critiqué la restauration dont il s'agit. Le Conseil de fabrique, voulant justifier la conduite qu'il avait tenue dans cette affaire, fit observer qu'on s'est borné à enlever, avec les plus grandes précautions, quatre épaisses couches de couleur qui avaient été appliquées, à des époques diverses, surl'édicule, et à remplacer quelques cro- chets et un pinacle qui n'existaient plus. Quant à la peinture, le Conseil affirme que celle-ci a été exécutée d'après les restes de la polychromie primitive qu'on a retrouvés en net- toyant le tabernacle. Jusqu'ici le Gouvernement n'a pas statué sur cette affaire.

Le tabernacle de l'église de Saint-Jacques est entouré d'une balustrade en fonte de laiton. Cette balustrade, en style de la Renaissance, est un magnifique spécimen de l'art des fondeurs de cuivre en Belgique. Elle est remarquable par la hardiesse de sa conception, la beauté de son ensemble et la richesse de ses détails.

L'origine de cette balustrade est certaine, grâce au soin qu'a pris l'auteur d'y entailler une inscription. Il résulte de cette incription que l'œuvre fut coulée en 1508, par Jean Vel- dener, issu d'une famille de fondeurs sur laquelle nous avons également recueilli des renseignements inédits. Au moment un travailleur sérieux, notre ami M. Alexandre Pincharl, rédige une histoire de la dinanderic et de la sculpture en métal en Belgique, nous ne pouvons nous empêcher de faire connaître les détails que nous venons de découvrir sur les Veldener.

Un certain Jérôme Veldener, fondeur de cuivre ou rjeel-

il8

(jieter, se trouvait élahli à Loiivain en luOl (i). Il demeurait- rue de Mali nés, alors rue du Château, près du couvent des Bogards (2). Nous ignorons s'il tenait à la famille du typo- graphe Jean Yeldeneer, originaire de Wiirtzbourg, qui tra- vailla à T.ouvain do 1 i7o à 1478 (5). En lo07, l'Adminislra- lion communale le chargea de couler neuf canons, dits Haecbussen. Ces canons, après avoir été examinés par maitre Égide Busnere, de Bruxelles, lui furent payés 4;i livres, 0 sols (4.). En ioO!), il fui chargé d'exécuter un tabernacle en cuivre, pour èlre placé dans le baptistère de l'église de Saint-Michel, à Louvain. A l'occasion de cette commande, il eut une contesta[ion avec le Conseil de fabrique de cette église. Selon le Conseil, le prix pour la fourniture du travail avait été fixé à i8 florins les 100 livres, tandis que l'artiste prétendait que ce prix était do 20 florins les 100 livres. La cause fut portée devant le Conseil communal, qui décida, par sentence du M décembre l'JOt), ipie le fondeur aurait à fdurnir le travail à raison de 18 florins du Rhin les

(1) « ... Jeronimus Veldenere, .r//;r;f/^/(2V/(r«. » Acte du 6 (toùl loOl, in-l».

(2) « Item, belaelt Jeronimo Veldenere, gheelgktere, aen de Bogaerden, van xi nypwo haocbussen die hy de sladt gvloverl lieofl, xlv iiv. vi si. »

Compte (le la ville de Louvain de l.'iOT, f" l'26 verso.

(s) Voyez nos Renseignements inédits sur les imprimeurs de Louvain au XV' siècle, dans le Dihiiophile belge, t. I (1866).

(4) a Belaelt Meesleren Oielys Busneren, van Bruessel, die alliier byder slat onlbodon was, te comen omme te visenleren en te proeven die haecbusse die JiiEtiO.MMrs Vei.dexere hergoten en gemaect heeft, 0111 le welen ofl die passabej ende naeder ordinenlic en verdingen iiy Jheronimiim Jiengegaen, 1 dach by lieiu gevaceert, xx sLuvers, daer af hem de stadl deen liullielit hclalen nioet, xiii aii- gusti, 10 st. »

Compte lie la ville de Louvain de liid", f" .'^lii.

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100 livres (i). En \:\±i, l'arlislc Iravailla à la serrure de la porlo (lu lahernaele de l'église de Sainl-Pierre (2). Jérôme Veldencr avait épousé Jeanne VANnEii Poeute.n ou Ver- POERTEN, lafjuelle élail prohahleivienl originaire d'Aerschol, attendu qu'elle possédait quelques redevances hypothéquées sur des immeubles situés dans cette localité (0). Elle lui donna plusieurs enfants, ainsi que nous le vei-i'ons ;i l'instant.

(1) a Iiider saken hangende, vuir dcn Raidc van dor stadt, (usscdien den kercmeesters van Sincte Machiels, ie Loevencn, ter ocnre, en Jeuone den gheel- (jltielere, (er andere zyden, ter saken vanden vordingen van den tabernacule vander vunlen byden selvcn Jerone verdingl te makcn, indcr selver kercken van S'* Mychiels, in welcke comerscliap zy dillereerden, want Jeroen scyt dat vcrdingt was elck hondert oni xxj Rinsgulden en de kerckmeestcrs seyden dat verdingt was, elck hondert vanden selven tabernakel, om xviij Rinsgulden, soe dat de waerheyt dair op gehoirt, versueken partlen rechts, es by den selven raide den voirsc. partien vuytgesproken en getermineert dat de voirsc. Jeroen sculdich sal syn den tabernakel, dair questie om es, nae 'tverdingen dairaf geschiet, te volaiaken en dat de kerckmeesters geslaen sullen hem bctalende voir elek hondert ponden achtien rinsgulden, nae dat de waerheyt gedragen heeft. In consiliu oppidi prcsen- tibiis Crol , Burgemagistro, Graven , Udekeni, Zedeieere, Absoloens, Roelofs, Caverson, Lange, Leeps, Nelhenen, Colhcm. »

Acte (lu. 14 (léc. 1509, '■iK

(2) « Item, betaelt Jeroen den glieelghieler (Veldeneer) van den slotc van dcn sacramentshuysc te hermaken, en ij slotelen daertoe geniaeckt, x st. »

Compte de la Confrérie du S^ -Sacrement, à S^-Pierrej à Louvain de Vùi^j -17.

(3) « Item, in presentia Villici, etc., Johanna vander Poirten, relicta Jeroninii Veldeners, cum tutore, supportavit, cum débita effeslucatione iisufriictum suuni quem habet in medietate honoriim et censiis subscriplorum : primo videlicet unius parve claiif;ure terre site extra portam oppidi Arscholensis diclam Scaliiynpoerte.

)) Item, in mediela'e parvi nemoris, prupc Aerscbol, juxta bona Joliannis Meeus, que ((iiidem Jjona monenlur bereditarie a Domino vander Staye. Item, qualor sluferorum heredilarii census annue cedcntis, ad feslum Sancli Joliannis Baptiste, ad et supra domiim cum suis pcrlinentiis universis, in oppido ArschoUensi, in vico diclo S<aluynslralc, quorum quidom bonorum et tertia reliqua nuîdielas spécial ad Margaretam Swalen et corum liberorum, exposito, imposito Johannes Veldeners et Katherina Veldeners, liberi dicte relicte, quos retinuit a diclo quondam Jeru- nimo, suo dum vixit legitimo maritn, dnnatione inter vivos. »

Acte du 10 nov. -ISi?,, 2a.

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Le fondeur mourut avant le 6 mai 1539 (i). Sa femme vivait encore le 10 novembre lo4ô. Mais elle était décédée à la date du 25 décembre 1551.

Jérôme Veldener laissa deux enfants : Jean et Catherine.

Celte dernière épousa, avant le 24 décembre 1559, Cor- neille Vanden Calstere (2), serrurier de la ville de Louvain, fils de Mathieu Vanden Calstere. Celui-ci mourut avant le M janvier 1549, laissant plusieurs enfants en bas-âge (5). Calliei'ine Veldener vivait encore le 28 novembre 1552 (4).

Jean Veldener, fils de Jérôme, exerçait également la pro- fession de fondeur de cuivre ou fjeelgieler. Déjà en 1555, il travaillait pour son compte personnel. Pendant cette der- nière année, il fournit six chandeliers en fonte de laiton, pour l'autel de la confrérie du Saint-Sacrement, à l'église de Saint-Pierre (5). On les lui paya 8 1/2 florins du Rhin. Il

(i) « ... JoHANNA Verpoirten, relecta Jheronimi quondam Veldenere, noniine et ad opus liberorum ligilimorum Joliannis Veldenere et Cornelii vanden Calsteren, quos iam habet aut adhuc imposterum habere puterit à Katharina Veldenere, sua moderna uxore. «

Acte du 6 mai 1539, 2a.

(2) « Iiem, Cornélius vanden Calsteren, filius quondam Mathie, et Catherina Veldeners, ejus uxor, coniraoranles Lovanii, recognoverunt se debere Indivisum Johanni van Dormale, unum florenum Caroli, » etc.

Acte du 2-4 décembre 1539, in-S''.

(s) « Item, Katlyne Veldeners, dochter wylen Jeroens, wedmve Curnelis wylen van den Calsteren, woenende te Lciven, » etc.

Acte du i\ janvier 4 549, 4^.

(4) « Item, Katherina Veldeners, relicta Cornelii quondam vanden Calsteren, lumquam usufrucluaria, cum tutore, et .lacobus et Johannes vanden Calsteren et .lohannes Veldenere, lamquam mamburnis liberarom dictonnn conjugum, » etc.

Acte du 28 nov. 1552, 4a.

(5) « Item, belaclt Janne Veldeleek {sic) yheelfjhieler, voer vj nieuwe metalen kandelaers, ghelevert op den outaer van den heylighen sacramente, boven de oude slolfe de selve gedaen, viii rinsgulden ix i/s st. »

Compte de la Confrérie du S* -Sacrement de 4535.

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épousa Catherine Van Hove, fille de Jean Van llove el de Barbe Blanckaerls, comme il résulle d'un acte du o janvier 1529 (i). Après la mort de celle-ci, il convola en secondes noces avec Anne Oudenraedt ou Aldcnaert, dont il eut plusieurs enfants, entre autres un fils du prénom de Jean, qui est l'auteur de la balustrade du tabernacle de Saint- Jacques. Ce Tondeur était propriétaire d'une maison située rue de Matines, dont le jardin touchait au Petit-Béguinage de Louvain, ainsi qu'il résulle d'un acte échevinal du 29 octobre 1557 (2). Jean Veldener père vivait encore le 25 décembre 1551 (5); il est décédé le 31 janvier 1559. Sa veuve, Anne Oudenraedt, vivait encore à cette date (4).

(i) Actes des 12 fév. -1525 et 5 janv. 4529, 1».

(2) « Itéra, Berbele vander Hofslatit, dochler wylcn Francliois, cum tutore heeft opgedragen met behoirlycker verthydenisse, twee huysen neven een gelegen, metlcn hove en aile andere luiere toebehoirten, gelyck de selve huysen staende syn in de Borchstrate, tusschen de goeden Joos de Coninck, ten eenre, en de goeden Jans Veldeneers, geelghieler, ter andere zyden, steekende achterweert iotten goeden van den cleynen Beghynhove, alhier, » etc.

Acte du 29 octobre i5S7, 2.'».

(3) « Item, Jan Veldenaer, gheeUjhieter, wonende le Loeven, als tochterc Jaspar vander Heyden ende Robert Coremans, beyde als momboirs der onbejairde kinderen des voirsc. Jans Veldenaer, die hy behouden heeft van Annen Aldenaert, synder huysvrouwe, als voer d'erflicheyt, hebben, inden naem ende qualileyt vo{rscreven,bekint hen by Peteren Scalekens volcomelyck gelost ende afgequeten te zyne, mils der sommen van zcss en derlich Karolus gulden, te xx sluvers stock, als voer de hootpenningen ende twee Karolus gulden voer den pacht die vcrschynen sal, den tweeden januario naistcomende, alsulken twee Karolus gulden erffelyck als der selver kinderen gelaten ende gemaict is byden teslanicnte ende vuytersten wlUe Jobannen vander Poirten, huerer grootmooders, soe zy momboren ver- claerden, behalven hem Janne dair aen zyn tocht, ende wclcke twee Karolus gulden erfTelyck zyn, met scepenen brieven van Loeven, vanden doet 2a januarii, anno xiiij'-xcvj, hebbende ende heffende zyn op sekere goeden wylen Peters van Beets ende nu Peters Scalekens, voirsc., gelegen te Leefdale, » enz.

Acte du 25 déc. 1551, la.

(1) (( Item, Jan Veldeners, zone wylcn Jans, en Anna Oodenraedt, moeder desselfs Japs ende weduwe des voirsc. Jans wylen Veldeneers, des ouden.

~ ^±1

-Nous possédons i)eii de rcnscigncnieiils sur Jean Yeldencr jeune, Tauleur de la balustrade du labcniacle de l'église de Saint-Jacques. Ce qui est certain, c'est (ju'il épousa, le 2 décembre 1551), à l'église de Sainte-Gertrude, à Louv;iin, Jeanne Vande Vcide. Les témoins de mariage lurent Égide Van Ceulcn el Thomas lluens (i). On ne sait s'il laissa des enfants. Le 15 mai 1600 mourut à Louvain un Rombaul Veldeners, maître d'école de la paroisse de Sainte-Gertrude; il fui enterré dans l'église. Le 7 juillet de la même année iiiourui Galliei'iiic Veldeners, la S(eur de ce Rond)aut (■->).

^voonende bynnen deser stadt van Loeven, hebben, in presentla, ljy Malhyscn Vischraeeslers, hen bekent afgeleet en afgeriuelen te zyne, mits der somme van vyf en veerticli Carolus gulJen, cens, olcken Carolus gulden te xx stuvers 'Isluck, die welcke zy vander voerfC. Malliysc Ijekennen, mits desen onll'angen le iiebben, alsulckc Iwee rynsgulden en tbien sluvers erflyck, als de voersc. Jan Yeldenere vader des voorsc. Jans vercregen hecft, met scepenen briel'ven van Loeven, valider daet iij july anno xvcxl, te^n Genofveva van Tongerloo, dochlere wylen Anlhonis, vuyt alsulcke drie Carolus guldens erflyck als Antbonis wylen van Tongerloo, vader der voirscreve Genofeve, bebouden hadde, met schepenen hriefven van Loeven, vanden daet xiiij decembris anno xvcxxvj, op een stuck erfs dwukk t'anderen lyde wyngaert es gewecsl, toebehoorende den voorscreven Matbysen. grool omirent een daehmael , mate van Heverle, gelegen op den Notenbcrch, tussehen de goeden des godsbuys vander Banck, ten eenrc, ende goeden wylen tuebeboerende beercn en Meesteren Jun vanden 'Winckele, 1er ander; scheldende de voorsc. Jan en Anna en lien sterckraakende, le weteii de voersc. Jan voor zyne oudere broeders en zusters, ende voorscreven Anna,mùeder vanden voorscreven kinderon, en baer slerckHiakendc voor liaere kindcivn voorscreven, den voorscreven Matliysscn volcomen fiuyte, gclovcnde legen een icgelycken inné le slaen en goet garant, te zyn, » etc.

Acte du 31 janvier 4559, in-3a,

(i) « loatt, i novembris, allidaii sunl, per me, Johannes Veldenere et JoHAXN.i VAXDEX Velde, In presentia Egidii van (Lucien et Thoniic Iluens l'I sttlemnizavi eonini malrimunium 2a decembris. »

Ileyislre des inuriagen de Ut paroisse de S^'-Gertritdc, {■^ '■1.

(î) « Den \") may begraven Meestcr Romisaut Yki.uknehs, scboolmeesler \!tn deser parocbie, leetin dekerk. » « Den 7 july is begraven Liscken Veldeneks, de siister van Meester Rombaul Veldeners, die hier ïchoolmeester wa.-;. »

Itegislre des enterrements de la paroisse de S^'-Gertriide, P" ol et 51 verso.

i>i5

Nous ignorons si ces deux personnes tenaient à l;i Inniilk du Tondeur louvanisfe; nous ignorons également r('|)o<|iie de la mort de l'artiste.

La balustrade du tabernacle de l'église de Saint-Jacques lut coulée en 1568. Elle porte à l'intérieur riiiscrii)(ion suivante :

DIT WERCK HEEFT GEGOTEN JAN VELDENER A" l;j(i8.

(C'est-à-dire : Jean Veldencr a coulé ce travail l'an loGS).

Puis le monogramme de l'artiste : I. f V.

La balustrade du tabernacle de l'église de Saint-Jacques est «ne ravissante création dans le style qu'on est convenu d'appeler la Renaissance llamande. Elle est ornée de colon- nettes cylindriques cannelées d'une grande élégatice; les pilastres d'angles portent des cariatides en haut-relief très- remarquables. Au-dessus de ces pilastres l'on observe des statuettes en cuivre d'une belle conception et d'un beau caractère. Le couronnement de la corniche de la baluslradc consiste en une ornementation aussi élégante (pie variée, surmontée de candélabres d'une belle forme. En un mot, la balustrade de Saint-Jacques est une œuvre pleine de har- diesse, d'originalité et de fantaisie. C'est incontestablement l'une des anciennes productions en cuivre les plus intéres- santes que possède la Belgique.

On sait que le 8 août 1798 les agents de la république procédèrent à Louvain à la vente publique du mobilier des églises. La collégiale de Saint-Pierre, qui était si riche en objets en fonte de laiton, ne conserva aucun produit manu- facturé par nos anciens fondeurs : croix, colonnes, statues, chandeliers, couronnes de lumière, tout fut aliéné et fundu. Lorsqu'on 1801 on rouvrit le temple au culte, tous les objels de cuivre avaient disparu, môme les lettres de l'inscription de

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la pierre liimulaircdu prévôt du chapitre Georges d'Aulriche.

Dès que le Conseil de fabrique de Saint-Jacques apprit qu'on avait le projet de vendre le mobilier de nos églises, elle résolut d'enlever et de cacher les objets les plus précieux.

De tout temps les paroissiens de Saint-Jacques avaient envisagé le travail de Veldener comme l'un des plus beaux ornements de leur église. Dans le but d'en assurer la con- servation, le marguillier Jean-Baptiste Van Bockel, brasseur à la brasserie la Bourse, rue des Chariots, résolut de faire enlever clandestinement la balustrade et de la conduire en lieu sûr. Le 50 septembre 1797 (i), entre 9 et 10 heures du

. (i) 1797, septerabris 30, a Tussohen 9 en 40 uren, gisteren avont, waeren Donckers, meesler kopersiaeger , Janssens, pachter, woonende op de oude Brusselsche stract, en synen kneght, daer by slaende eene vrouwe met eene lanterne, om te lichlen, bezig met op eene karre te laeden de copere balustrade welke geslacn hadde rond het sanctuarium. De coramissaris der politie Maes, met twee naghtwaekers, en twee gendarraen packen deze vier menschen en brengeii deze naer het stadhuys, alwaer die opgesloten zyn geweest tôt des andcrdaeghs. »

1797, octobris 1. « Deze vier gevangene Jan Baptist Janssens, pachler, Arnoldus de Greef, synen knecbt, P.-J. Donckers, kopersiaeger, en Marie Mesmaeker, waschersche, worden voor den middag voor den juge de paix gebrachi. en ondcrvraegt. Den pachter Janssens zegt dat by eygenaer van de karre en bot peerd zynde, die daer govoert beeft, uyt order van J.-B. van Bockel, kerkmeester der selvekercke van S'-Jacobs.

» Den knecbt Arnold de Greef zegde dat hy daer gekomen was uyt order van synen mcester en dat by het peerd vastgehouden beeft, wanneer men bezig was met de karre te laedon.

0 Den kopersiaeger Donckers zeyde dat hy gerocpen geweest was door ordo van den kerckmeester van Bockel, om los te macken en te doen vervoeren de copere balustrade, welke moesle gerepareert en schoon gemaekt worden.

» De waschersche, Mi Mesmaeker, zeyde dat sy met haer lanterne daer occasioneelyk passerende, door de werklieden gevraecbl zynde om hun te lichten, dat sy dat gedaen beeft.

» Den juge de paix, in plaetsc van den kerkmeester van Bockel te onlbieden, om van de waerheyd van deze zaek onderright te zyn, doet bun als voorkomen van diverye in de gevangenisse brengen. w '( Octobris 2.

B Op beden worden nog gevangen F. van Ovcrloop, wever, H. Ackermans,

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soir, le travail l'ut dénionlù par le batteur de cuivre P.-J. Donckcrs et placé sur la charrette du fermier J.-B. Jans- sens, pour être transporté à la grange de Van Bockel. Mais au moment du départ les ouvriers furent surpris par le commissaire de police Macs, accompagné de deux gardes de nuit. Le commissaire les arrêta, les fît conduire à l'hôtel de

cuypers-gast, P. Verbelen, schrynwerkcrs gast, en Joanna Crab, als mcde daeders geweest te hebben in hct geene voorgevallen was in S*-Jacobs kercke.

» Voor den juge de paix gebracht zynde, zoo verklaert den eersten dat hy geroepen is geweest door P. Verbelen, werkraan vaa vaa Bockel, en van synent wegen verzogt is geweest om te komen helpen.

» Den tweedcn zeyde dat liy geroepen geweest was door de dochler van van Bockel,

» Den derden dat hy door orde van van Bockel, met den coperslaeger Donckers en den cuypers gast Ackerraans, daer gekoraen was.

B De vierde zegt dat sy van wegens en uyt orde van van Bockel de karre by Janssens heeft geweest commanderen,

» Al wedoren de zelve manière van doen van den juge de paix : hy laeL van Bockel niet roepen, raaer doet wederom deze vier gevangen naer het gevangen huys geleyden. » « Octobris 3.

» Van Bockel wert uyt syn huys gehaelt en voor den juge de paix gebracht, zegt aldaer dat hy, in syne hoedanigheyd van kerckmeester van S*-Jacobs, iiet tabernakel en de balustrade heeft doen afdoen om die te repareren en schoon te maecken, gelyk hy van overlang syn voornemen kenbaer gemaeckt hadde aen zyne medekerckmeesters der selve kerke, en geeft over eene schriftelyke deciaratie van de Borgers de Becker en Philippi, waer by sy verklaeren dat sy hunnen raede kerckmeester van Bockel belast hebben van de nootzaekelyke orders te geven voor ailes dat zoude bebooren gerepareert, schoongemaekt en gearrangeert te worden, in deze kerke, welkc is eene parochiale en collégiale kercke van een séculier capittel, het welk nog niet gesupprimeert is in de vereenigde departe- menten. Allen dit nogtans konden niet belettcn dat den juge de paix hem ook veroordeelde en dede hem ook geleyden naer de gevangenisse, aïs auteur, onde medepligtigen (zoo het mandat d'arrêt zegt) van eenen dlefslal. » « Octobfis o.

» Van Bockel, met aile de anderc gevangen, zit nu op de Brusselsche binne- poorl; den geheelen dag passeert als ook den dag van den vierden octobris en syne stukken van belastinge zyn van den juge de paix aen den Directeur van den jury niet overgegeven. Op den 3 octobris, naer door den Directeur der jury aengevraegt zynde, zyn by hem ter hand gestelt, naer dat den olTicier den welken

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ville et les garda jusqu'au lendemain. Ce furent le fei-niier- Janssens, son domestique Arnould De Greef, P.-J. Donekers et Marie De Mesmakere. Cette dernière avait éclairé les ouvriers pendant l'opéi^aiion. Conduits devant le juge de paix, ils déclarèrent avoir iv/i conlurmémcnl aux ordres de Yan Bockel. Le 2 octobre, le juge lit arrêter trois hommes et une femme accusés d'avoir coopéré à cet enlèvement, savoir : F. Van Overloop, tisserand, H. x\ckermans, ouvrier tonne- lier, P. Verbelen, ouvrier menuisier, et Jeanne Crah, laquelle avait commandé la charrette pour le transport de la balus- trade. Après avoir été entendus, ils furent également con- duits à la maison d'arrêt, à la fausse porte de Bruxelles. Le 5 octobre. Van Bockel fut arrêté dans sa maison. Conduit devant le juge de paix, il déclara avoir fait enlever la balus- trade non |)our la cacher, mais pour la faire nettoyer et restaurer, conformément à une résolution du conseil de fabrique de l'église de Saint-Jacques. Le juge n'admit ])oinl cette explication et lit conduire l'accusé à la maison d'arrêt.

aen van Bockel het mandat d'arrôl geinsinuert haddo, hct zelve aen den cipier van liet gevangen huys a''gngeven liadde, en van hem een recipicé onifangcn hadde.

» Dp dosen naor middagh worl van Buckel, mel dry andere van syne niedcge- vangenen, tusschen eenige gcndarmon, van de Brusselsclie poorte naer den tribunael (^uiTCCtionncl, in't Witheeren Collegie, geleyl, van waer iiytkomcnde zyn sy wedcrom naer de zelve binnen poorte gcleyt, en dan zyn de andere niede gevangene ook naert t Witheeren-Collegic geleyt, en dai'r nylkoniénde zyn die ook wederom naer de binno p(jorte geleyt gtwcest. » « Octobris 0.

» Op hcdcn zyn van Bockel en syne andere mcdegevangene, unilrunt elluivn, vaii de Brusselsclie binne pooric lusgelaeten. De lieeren kerkmeeslers van S'-Geertruyden liadden die schilderyen vvelke in de capelle van liet hoogweerdig hangden en velu andere ell'ecten uyl die kercke gevlughl, maer ziende dut van Bockel en andere gevangen vvaeroH, hebbcn ailes des nachts wederoin op hunne plaelsen geslelt. »

l'ELCKMAN'S, CrOlll/h, 1.8.

4-27

Le 0 uulolnv, ;i[)iL'.s avuir cic iiilurroiic |iar If juge d'instruc- tion, il comparai devant le Iribiiiial correctionnel, au collège des Prénionlrés. A lu lin de l'audience, les gendarmes le reconduisirent à la maison d'arrêt. Mais le (> octobre, vers 11 heures du matin, il l'ut mis en liberté. La balustrade ne fut pas immédiatement rej^lacée à Saint-Jacques.

Ce temple fut fermé le 1 i novembre 1797. A cette date, l'œuvre de Veldener était toujours absente. Au milieu des graves événements de celte époque, on oublia cette affaire, et, lors du rétablissement du culte, la fabrique recouvra la balustrade. Van Bockel en la faisant enlever la préserva du creuset et conserva aux arls l'une des plus belles produc- tions de ce genre qui existent en Belgique.

Dans le tenq-js, cette clôture a subi de regrettables dégradations par suite de nettoyages inopportuns. Ces nettoyages, qui avaient lieu à des époques déterminées de l'année, ont altéré la finesse du ciselé et affaibli le caractère des formes. Les ligures des trois évangélistes et de saint Arnould qui surmontent les piliers de la balustrade en ont étéfortendommagées. Dej)ui.s quelques années, on a renoncé à l'ancien système d'entretien, en se bornant simplemenlàen- lever la poussière au plumeau quand le besoin s'en fait sentir.

Il y a quelques lacunes dans la balustrade, et un simulacre en bois remplace la porte en cuivre qui se trouvait jadis à gauche de l'œuvre. Mais il serait très-aisé de combler ces lacunes et de remplacer la porte en bois par une i)orte en fonte, en faisant mouler celle du côté opposé et couler en cuivre un nouveau spécimen; celle restauration a été pro- posée en 1873 i)ai la Commission royale des monuments, et le département de rintericur a i)ris l'engagement d'inter-

428

venir dans les Irais à résulter de ce travail. De son côté, le conseil de fabrique a décidé en principe d'intervenir dans cette dépense. Tout porte donc à croire que cette restaura- tion sera bientôt effectuée.

Comme l'a fort bien fait observer la Commission royale des monuments, cette balustrade est un spécimen trop remar- quable de l'ancienne fonderie de Louvain pour que nous ne nous attachions pas à la rétablir dans son état primitif.

Il n'est pas sans intérêt d'annoter en passant que le Gou- vernement a résolu de faire prendre un moule de la balustrade, afin de pouvoir en tirer des exemplaires pour le Musée de l'État et pour les académies des beaux-arts. Nous ne pouvons qu'applaudir à cette mesure. Elle prouve une fois de plus que le Gouvernement a compris l'heureuse influence que doivent exercer sur le progrès des arts les chefs-d'œuvre de nos anciens artistes que le temps a épargnés. En les introduisant comme modèles dans nos écoles artistiques, il contribuera non-seulement à former le goût de la jeunesse, mais aussi à faire mieux connaître un passé dont nous avons droit d'être fiers, puisque nous lui devons en grande partie notre existence comme peuple.

Tels sont les renseignements que nous avons recueillis sur le sculpteur du tabernacle de l'église de Saint-Jacques, à Louvain, et sur le fondeur de la balustrade qui entourne le même monument. Ces deux productions existent encore et ont une haute valeur au point de vue de l'art. Nous aimons donc à croire que notre notice, quelque incomplète qu'elle soit, présentera un certain intérêt pour ceux qui s'occupent de l'histoire de la sculpture en Belgique.

BULLETIN DES COMMISSIONS ROYALES D'AKT O'AKCHEOLOGIE., i877.

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ORIGINES DU RRSOIF^

LES

'IIS ANTIQUES Dlim...u.

TRANSFORMATIONS SUCCESSIVES DU

RASOIR DEPUIS L'ANTIQUITÉ

D.-A. VAN BASTELAER

Président de la Société archéologique do CharliM'oi

INTRODUCTION.

Origine du rasoir. Les instruments d'épilation se réduisent à trois : la lame ou rasoir, les pinces et les ciseaux. Nous avons parlé ailleurs de ces deux derniers (i).

Le plus ancien est sans doute le rasoir, le seul dont nous nous occuperons ici.

- Les petits soins corporels de la chevelure et de la barbe furent toujours considérés à peu près comme du luxe et négligés par la classe inférieure, surtout chez les peuplades peu civilisées, ces soins restèrent l'apanage des grands et des chefs.

(i) Les instruments épUatoires chez les Romains et chez les peuplades germa- niques et franques. Bruxelles, 1875.

4Ô0

Ainsi quand on rencontre dans les sépultures anciennes des instruments qui servaient à ces usages de luxe, tels que rasoirs, pinces, peignes, ciseaux, etc., on estime qu'il s'agit de tombes aristocratiques. Ce l'ail parait ;icquis à la science, au moins en ce qui regarde les peuples de l'âge du bronze et des âges postérieurs.

Il ne nous sera probablement jamais donné de découvrir si les chefs des peuplades des âges de la pierre ne s'arra- chaient pas le poil au moyen de pinces en bois ou ne se cou- paient la barbe, plus ou moins nettement, avec un éclat de silex. Ce dernier procédé était, du reste, le plus naturel et le plus en rapport avec les habitudes de cette époque, tout, instrument était une lame de forme spéciale, mais dérivant toujours du type le plus simple, le couteau, nom que l'on emploie même d'une façon collective pour désigner tous les instruments de pierre éclatée.

L'homme quaternaire a donc bien pu être l'inventeur du rasoir. Cette idée devient bien plus vraisemblable encore si, suivant la méthode admise parles savants, nous procédons par comparaison avec ce qui se fait chez les peuples peu avancés dans la civilisation. « On dit (ju'à l'époque les Espagnols entrèrent à Mexico, les barbiers de cette ville étaient encore réduits à employer des lames iVohsidienne en guise de rasoirs pour faire la barbe à leurs pratiques. » (i).

Se faire la barbe au moyen d'un éclat de silex ne semble donc pas impossible.

(i) Matériaux pour servir à riiisioire primitive et unlureile de riionnne. [lar Eue. Trutot cl Em. CAnATAii.i.AC, t. VI, p. loi.

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Raaoir en métal.

Nous venons do dire qiio l'honimo quatornnire a fort bien pu être l'inventeur du rasoir, inslrumenl qui aura com- mencé, dans ce cas, par être un simple éclat de silex. Si celle supposition est vraie, il nous semble indubitable, en étu- diant les outils utilisés aux époques de la pierre, que l'éclat, la mince lame de silex employée comme rasoir, ait alïeclé une forme arrondie en arc de cercle, en croissant ou en ellipse. Nous n'attachons aucune importance à cette dé- duction, mais nous l'avons faite parce que, comme nous allons le voir, c'est précisément sous ces formes que se présentent les plus anciens rasoirs connus. Il nous semble d'ailleurs rationnel d'y voir l'indice d'une forme primitive traditionnelle, et l'on peut trouver dans la dimension naturellement restreinte des éclats de silex, l'origine de la petitesse des rasoirs primitifs en bronze.

Nous allons suivre ce type primordial à travers les temps et tâcher de retrouver les métamorphoses successives par lesquelles il a passé pour arriver à noire rasoir perfectionné du XIX' siècle.

Nous n'avons pas la prétention d'annoncer ainsi des choses inattendues, ni peut-être nouvelles ; mais ce dont nous ne doutons pas, c'est que nos remarques offriront de Tulililé pour l'étude de l'archéologie.

Nous nous servirons, pour arriver à nos fins, des décou- vertes archéologiques faites depuis quelques années sur l'élude des objets de ces époques lointaines, comparés avec des instrumenis plus modernes, d'usage bien déterminé par

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l'histoire ou la tradilion, et sur l'analogie que ces études ont permis d'établir.

Jusqu'aujourd'hui l'archéologie n'a aucune donnée relative au rasoir pour tout le temps antérieur à Y Age du bronze, ni même pour le commencement de cet âge.

Quant au Second âge du bronze, l'exploration des stations appartenant à cette époque a produit souvent des lames en bronze larges, à taillant excessivement mince, qui n'ont pu servir à couper ni le bois, ni aucune autre matière, même le cuir, mais, seulement à raser la barbe, tout comme nos rasoirs modernes, et auxquels il serait difficile d'attribuer un autre usage. Toutes ces lames en bronze étaient renfor- cées au dos, qui était fort épais, toujours à la manière de nos rasoirs.

Quant à la preuve que ces lames sont bien des rasoirs, et même à la façon dont on les maniait, plusieurs auteurs, et surtout M. Flouest, qui s'est beaucoup occupé de ces instru- ments de l'âge du bronze, ont prouvé à l'évidence leur destination. Nous ne referons pas ici tout l'échafaudage de leur argumentation fort complexe et pleine de sagacité; nous nous contenterons, pour prouver l'antiquité de l'emploi du rasoir, de leur emprunter une preuve basée sur les au- teurs, seule espèce d'arguments dont nous voulions faire usage. Les textes prouvent qu'à la fin de l'càge du bronze et au commencement de l'âge du fer, l'usage de se raser était fort commun, non-seulement chez les Gaulois, mais chez les étrusques et autres peuples voisins. Les sculptures antiques, les sarcophages, les coffrets cinéraires des Étrusques, les monnaies de la Gaule indépendante, viennent corroborer les textes >nr ce point.

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Or, pour que l'usage de se raser fût généralisé dans ces âges lointains, alors que pour cent raisons connues le pro- grès marchait et se transmettait avec une extrême lenteur, il paraît évident que le rasoir devait être usité en Europe à une époque bien antérieure déjà, c'est-à-dire pendant le véri- table ou Bel âge du bronze.

Du reste, notre but, à nous, est uniquement l'étude de la forme de l'instrument et non du maniement. Nous passerons donc légèrement sur le dernier point et nous allons nous occuper du premier.

Tous les instruments qu'ont procurés les fouilles et qui sont regardés généralement comme rasoirs antiques, doivent, à tous les points de vue, se séparer en deux catégories, eu égard à l'origine et à la forme. Cette distinction est, du reste, d'accord avec ce que nous connaissons sur la marche de la civilisation de ÏAge du bronze. On sait que cette civilisation, partie d'Orient, rayonna de l' Asie-Mineure, d'un côté, par la Hongrie, vers le nord de l'Europe, la Suède et le Dane- marck, elle prit, pendant de longs siècles, un caractère propre avec des formes artistiques spéciales ; de l'autre côté, vers le sud, par la Grèce et l'Italie, tout en conservant un cachet tout autre et engendrant des types d'objets et d'in- struments bien distincts. On sait aussi que plus tard les Celtes avaient reçu d'un courant secondaire, venant d'Italie, leur civilisation, qu'ils transmirent aux Gaulois, et que cette civilisation , émanée du Midi , fut modifiée ensuite par les mœurs des peuplades du Nord et surtout des peuplades franques, qui ne cessèrent de faire invasion dans ces contrées.

Ces quelques généralités vont nous être utiles dans l'étude

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que nous voulons faire du rasoir au point do vue do la forme.

M. Vorsaa et beaucoup d'autres savants archéologues ont démontré qu'il y a une différence très-grande dans la forme des objets de l'âge du bronze produits dans l'Europe du nord ou dans l'Europe du sud. On a étudié à ce point de vue l'épée, le glaive, la fibule et beaucoup d'autres objets, La dilïérence pour le rasoir est encore bien plus tranchée.

RASOIRS A LAME OIïBICULAlRE DL' MIDI DF l'eUROI'E.

Age de la civilisation du bronxe, groupe dit occidental.

Les palafilles et les terramarcs de Suisse, les lombelles et les nécropoles du nord de l'Italie, les tumulus de Gaule, ont fourni un grand nombre de rasoirs antiques. Ces stations représenteni un laps de temps fort long, depuis l'âge des palafilles jusqu'à celui dos derniers tumulus gaulois. Cet espace, qui nous conduit à l'Age du fer, renferme certaine- ment plus de vingt siècles.

Le savant direcleur du Musée de Sainl-Germain, M. Ber- trand, a réuni et groupé le plus grand nombre de ces rasoirs. Tous les types réunis dérivent plus ou moins direc- tement de sections circulaires analogues à des éclats de silex, de lame arrondie. Ce sont des demi-cercles (fig. i), des arcs de cercle (fig. 2), des segments de cercle (fig. ô cl 5), des croissants (fig. H, 7, 8), des ellipses plus ou moins allongées (fig. 4 et 9). Du reste, pendant toute la période de ràg(; (lu bronze et jusqu'à l'âge du fer, les types ne paraissent guère avoir changé dans le midi de l'Europe. Le seul caraclère qui semlilo marquer les rasoirs des palafilles

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suisses, rasoirs qui sont les plus anciens connus, c'est qu'ils sont à lame pleine, peu ornementéo et nullement travaillée à jour (fig-. 2, 7, 9), contrairement à ce que l'on observe pour la plupart des lames trouvées dans les tumuhis d'un ;'ige postérieur (fig. 5, 4, 5). Quant à la poignée, le dos de la lame formant la corde de l'arc de cercle, est d'ordinaire renforcé par une côte épaisse. Cette côte, souvent munie d'un bour- relet et entaillée d'une échancrure arrondie (fig. l, 2, 3), pour faciliter le maniement de l'instrument, tient lieu de manche. Parfois même, si pas toujours, ce bord était destiné à être fixé dans la rainure longitudinale d'une poignée en corne. On rencontre des spécimens qui porlenl encore les trous destinés à fixer cette poignée par des pointes rivées (fig. 2, 5) (i). Emmanché de cette façon, il devait avoir un air de racloir et ressemble un peu à certains instruments de nos tanneurs. Parfois celte poignée en corne est remplacée par quelques anneaux métalliques (fig. 4, o). Dans diverses pièces, ce système est changé en un point important : la poignée, au lieu de rester au dos de la lame, est placée au côté de celle-ci et devient un manche. Dans ce but, la lame elle-même est modifiée dans sa forme. Le croissant s'est allongé et a été plus ou moins tronqué d'un côté (fig. 7, 8). Parfois ce manche était en corne (fig. 7), parfois il consiste en un appendice métallique, terminé par un ou plusieurs

(i) On peut voir au Musée de Naples (Sctidi) un gioupe antiqui' •'n marbre représentant, deux hommes qui rasent un sanglier tué et qui se servent d'un instrument analogue et emmanché de ei-tte manière. (Voir Magasin pittoresque, 187<i, p. Gl.)

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anneaux (i) (fig. 8). Peut-être cet appendice lui-même, quand il est assez long (fig. 8), n'est-il qu'une sorte de soie et ne servait-il qu'à fixer le manche en corne. L'instrument com- plet mesure généralement 9 à 12 centimètres.

On a trouvé dans le lac de Neufchâtel et dans d'autres stations analogues une forme remarquable à un point de vue particulier (fig. 9). C'est une lame elliptique allongée qui semble fabriquée pour être montée sur un manche en bois ou en corne mobile autour du petit anneau latéral et dans lequel cette lame se repliait comme dans une gaîne, à la manière de nos rasoirs modernes, pour lesquels le manche n'est qu'une véritable garde. On avouera que de cette façon il y aurait entre les deux une ressemblance vraiment frap- pante. Or M. Desor déclare précisément dans ses ouvrages que ce système de manche était connu à l'époque de l'âge du bronze et qu'il se rencontre, quoique rarement, dans les fouilles. Gela étant, il ne peut rester le moindre doute que c'est précisément en vue de ce système qu'ont élé faites les lames elliptiques allongées dont nous venons de parler, et l'on peut se figurer l'instrument complet à peu près comme nous l'avons dessiné (fig. 10).

Nous appuyons sur ce détail, auquel nous attachons une grande importance et dont nous nous servirons plus loin, après y avoir apporté de nouvelles preuves.

(i) Les couteaux de l'époque du bronze, quel qu'en iïit l'usai^e, portaient souvent ••e manche métallique orné d'un ou plusieurs anneaux, «[ui servaient probablement à tenir l'instrument suspendu.

Dans les palafiltes de Suisse, dit M. Desor, au bel âge du bronze, les couteaux ont le manche, soit en métal fondu avec la lame, soit en corne de cerf emprunté à un andouiller.

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Les types de rasoirs doiil nous nous sommes occupés ci-devant et dont nous avons donné les dessins viennent des palafittcs des lacs de Neufcliàtel et de Bienne en Suisse, des nécropoles de Villa-Nova, Bologne et Gorncto en Italie, et des tumukis celtiques du Ghatillonnais en France. Deux de ces rasoirs sont originaires de Belgique (fig. 4 et 5). Ils ont, quant à la forme, une grande analogie et portent un cachet particulier. L'artiste y a ménagé une grande ouver- ture qui produit au dos de la lame une espèce de menotte ornée de deux trous.

La nature de ces rasoirs a été d'abord méconnue.

Le premier (tig. 4) vient d'un lumulus fouillé en J 864, à Louette-Saint-Pierre, dans la province de Namur (i). Plus tard seulement il fut reconnu comme un rasoir par les hommes spéciaux. Il repose encore au Musée provincial.

Le second (fig. S) est originaire de la commune de Ber- nissart, dans le Hainaut (2). Il a été trouvé avec de la poterie dans une tombe que l'on a crue belgo-romaine et dont l'époque a été tout à fait mal déterminée. Nous signalerons dans un travail particulier celte erreur commise relative- ment à un lumulus de l'âge du bronze et de l'époque gauloise.

Le rasoir gaulois et la novacula romaine.

Nous n'avons pas besoin de rappeler au lecteur que le fer, à son aurore, ne détrôna pas facilement le bronze et que l'usage de celui-ci se continua longtemps avec l'usage du

(1) Voir Annales de la Société archéologique de Namur, t. IX, p. 42.

(2) Voir Annales du Cercle archéologique de Mons, t. I, p. 85.

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premier. Pour heaucouj) d'olijels et iiulaintnenl pour les éj)ées, les glaives, les laines tranchantes qui devaient cei)en- dant amener le triomphe du Ter on de l'acier, les deux mé- taux furent employés concurremment. Il en l'ut de même pour les rasoirs. Cet étal de choses subsista aussi longtemps (jue le Ter ne d(n'int pas connnuii, aussi longtemps que ses propriétés et l'art de le tremper, de; le cénientei-, ne furent pas bien étudiés et bien connus, aussi longtemps enfin que riiabitude, le pi'c'jugé, les mœurs ne se modilièrcnt |)as pour se plier à l'emploi de ce métal et le génth-aliser.

Les rasoirs, aussi l)ien que les épées, se faisaient donc parfois en fer, et l'on connaît plusieurs découvertes qui le prouvent. Nous citerons, entre auti-es exemples, les faits suivants : M. de Saulcy trouva un rasoir en fer dans le tumulus gaulois n" "2 du bois de la Perousse. Ce rasoir appartient au véritable type occidental (jue nous avons décrit (lig. 8). On en a li'ouvé un aulre idenliipae au rasoir en bronze dessiné sous notre ilg. n" I. M. Desor en cite un ti'oisième dans son Pfahlbauten, ]). 115.

Enfin le rasoir que nous avons décrit et figuré sous le n" o et qui vient d'une tombe gauloise du llainaut est en fer.

Mais ])Our (piiili'c rasoirs en fer connus, conibien il y en a qui, déli'uils et défigurés, ont échappé au.\ recherches mêmes bien faites ! Le fer se consomme vite en terre, et diis lames aussi minces, sauf des circonstances e.xccptionnelle- ment favorables, deviennent entièrement méconnaissables pendant les siècles nondjreux (jui nous séparent du premier âge du fei", et les restes se conl'ondeiii inévitablement avec les débris d'aiili'cs couteaux ou d'aulres insli'umcnls Irau- ch.uils.

/iôO

Eu elTcl, iDÙMic dans k's lombes ajipurloiiant à l'époque le fer devieul d'un usage plus général, on ne retrouve pour ainsi dire pas de rasoirs; ceux quiélaienl en bronze sonl seuls parvenus jusqu'à nous. Pour les périodes suivantes, ces instruments ayant cessé de se faire en bronze, les fouilles ne fournissent |)Ilis aucune espèce de rasoir. Or, précisé- ment, nons sommes arrivés alors aux temps historiques, et l'histoire nous apprend que les peuples, à cette époque, n'avaient pas cessé de se raser. Nous avons cité ailleurs des textes à ce sujet (i) ; nous nous contenterons d'en ajouter ici quelques-uns relatifs aux Gaulois,

L'auteur le plus ancien que l'on cite à ce sujet est l'histo- rien grec Théopompe, auteur antique qui avait écrit un traité d'histoire dont on n'a conservé que des fragments. Cet historien, après avoir mentionné chez les Étrusques l'usage de se raser la barbe, ajoute que la même coutume existe chez les Samnites, chez les Messapiens et chez « ces barbares envahisseurs des riches contrées situées entre les Alpes et rOesis » (c'est-à-dire les Gaulois cisalpins), dont les mœurs étaient les mêmes que celles de leurs frères les Gaulois transalpins, avec lesquels leurs relations n'avaient jamais cessé (2).

Diodore de Sicile dit, en pai'laiit des Gaulois et des Germains :

Il Ta ii yîvcia T'.vàj jj.îv çuptov-a; t'.vîj jj.ôTpûoar 'jTio-pè'iO'jT'.v o'.

(1) Voir Les iiistrumeiUs épilatoires citez- les Romains et chez les peuplades germaniques et franqnes. Bruxelles, 187G. (4) Ed. Flolest.

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c'jyôvetff xàij |Jièv apelaa à7:oXîta'.vûu(j'., -àj o'j—rjvxa àvîtpsvaj Iwatv, waT£ aTOjj.aTa àuTwv ETT'.y.a À'jTîTîdGoti « (i).

DiD. V, XXVIII.

Nous allons maintenant citer César parlant des Bretons, peuple issu de même souche que les Gaulois, et qui, comme il le dit lui-môme quelques lignes avant le texte que nous donnons, « ne diffèrent pas beaucoup de mœurs avec ceux-ci » (2).

Il Capillo siint promisso, atque omni parte corporis rasa, prfeter. caput et labrum superius « (3).

Bello Gallico, V. 14.

Grégoire de Tours, dans son Histoire des Francs, livre VI, chapitre 24, affirme, dit Sciiayes (4), que les Saxons se rasaient les cheveux de devant et laissaient croître ceux de derrière.

Voici un autre texte qui regarde les Germains vers la même époque.

" Albet aquosa acies ac vultibus ûndique rasis : Pro barba, tenues perarantur pectine cristœ « (s).

SiP, Apollin, Paneff. Maj., V, 241, 2-i2.

(ij « Uuelques-uns se rasent la barbe, d'autres la laissent croître. Pour les nobles, ils se rasent les joues et portent la moustache longue, de sorte que leur bouche en est cachée. »

(ï) <( Kequc raultum a Gallicà dill'crunt a consueludino. »

De Bello Gallico, V. 14.

(3) « Ils ont les cheveux longs et tout le reste du corps rasé, sauf la tête et la lèvre supérieure. »

(4) La Belgique, t. I, p. 171.

(5) (! Le couteau humide a brillé et la figure est rasée de toutes paris; pour toute barbe, ils n'ont à livrer au peigne que leurs minces moustaches. >

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On peut joindre à ces textes ré(ii(I(,' des inonuiiients anciens appartenant à la sculpture, à la iily|)tiquc ou à la numisniatique. Ces monuments montrent généralement im- berbes les figures des cliefs gaulois qu'ils représentent. M. Flouest cite à ce sujet les bas-reliefs gaulois trouvés à Entremonl en Provence, décrits j)ar M. Rouaud en 18S1, et ceux de l'arc de triomphe d'Orange, décrits par 31. Caristie en I806.

Nous n'ajonterons rien. On pourra, dans les savants ouvrages de Passeri, Romagnosi et iMuller , trouver de nouvelles preuves de l'emploi du rasoir, quatoi'ze siècles avant l'ère chrétienne, par les Etrusques contemporains des premiers Gaulois, auxquels ils avaient inoculé le germe de leur belle civilisation.

A Rome et en Italie, on continua l'emploi du l'asoir orbi- culaire des types primitifs de l'âge du bronze, et l'instrument conserva sa poignée en étui de forme arquée.

Voici un texte bien explicite à ce sujet :

Il Sed fuerit curcu quum tuta uovacula tliecâ Fi'angam toiisori, crura manusque siinul » (i).

Maktial, Ep. XI. 58.

Il est, du reste, remarquable (pie, grâce à cet amour de l'immutabilité dont l'Orient a le j)rivilége, le rasoir arabe revêt encore aujourd'hui la forme en croissant du rasoir jn-i- milif orienlal (2).

(1) « Miiis aussilot h; rasoir ahrito dans sa iiaiuc l'ccoiiitn'O, jo briserais, tout à la fois, bras et jambes au barbier. » i'i) Ed. Flovest.

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La novacula romaine se faisait en fer ou en acier, comme toutes les armes, tous les couteaux, tous les instruments tranchants de cette époque. Les auteurs fourmillent de textes le mol [erramenlum est employé pour désigner toute espèce de culter destiné à tous usages : cuUer venatorius, culter popinariu.s, cuUcr coquinarius (i), etc.

Sur ces points les archéologues sont d'accord avec les textes. Quant au culter tonsorius, beaucoup d'archéologues semblent croire qu'il a continué à être fait en bronze, métal moins favorable pour obtenir un bon taillant. Des textes d'auteurs de l'époque mettent cette opinion à néant et ne laissent aucun doute sur ce point. Nous allons en citer plusieurs.

CoLUMELLE dit cu propres termes que la forme des cou- teaux auxquels on donnait le nom de novacula était arquée et que ces couteaux étaient en fer :

« Et suramam (rapse) cutem novacula decerpito : deinde, sicat consueveruut salgmarii, decussatim/(??ra>«e«^o lunato incidito " (2).

De re muticâ, XII, 56.

Varron, Columelle, Pétrone et d'autres auteurs emploient le mot ferramenlum comme synonyme de novacula.

Dans son Salyricon XCIV-CVIII., Pétrone raconte une suite de scènes comiques les novacula jouent leur rôle, et

(0 Ce couteau des cordonniers et des bourreliers, tranchet ou couteau à parer, est celui qui avait le plus de rapport avec le rasoir, et quelques auteurs ont même prétendu qu'un certain nombic de lames, au moins parmi celles trouvées dans le Nord et considérées comme rasoirs, n'étaient que des espèces de couteaux pour travailler le cuir.

(2) a Enlevez la dernière peau de la rave au moyen d'une novacula, puis, à la manière des confiseurs, coupez-la en sautoir avec ce couteau de fer en croissant. »

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nous allons voir (iii'ù diverses reprises il leur donne comme synonyme le- mot ferramenlum et emploie indifféremment les deux expressions.

" Hœc locutus, mercenario Euinolpi novaculam rapit, et semel iterumtjue cerv^ice percussâ, autc pedes collabitur iiostros. Exclarao ego attonituy, secutusque labeiitem, eodem ferramenlo ad mortem viam qucEro. Sed neque Giton uUa erat suspicione vulueiis hesus, Meque ego uUum seutiebam dolorem. Riidis eiiim novacula, et iu hoc retusa ut piieris discentibus audaciam toasoris daret , instruxerat vagiuam. Ideoque nec merceaariusad raptam/e';vflmé>«^«»< expaverat, iiec Eumolpus iuterpellaverat mortem mimicam

Il Hinc merceuarius tonsor ferraitienta sua nobis, et ipse armai us distribuit ...

Il Tum fortissimus Giton ad sua admovit novaculam infestam. . . Ssepius ego cultrum tonsorium super jugulum meum posai, non magis me occisurus quam Giton quod minabatur facturus. Audacius ille tamen tragœdiam implebat, quia sciebat se illam habere nota- cidam, quâ jam cervicem prseciderat. Stante ergo utraque acie, » (i).

(i) « Il dit, et arrachant un rasoir des mains du valet d'Emolpe, il en passe h deux reprises le tranchant sur sa gorge et tombe a nos pieds. Éperdu, je jette un cri, je me précipite sur le corps de Giton gisant, et j'use du même fer pour me donner la mort. Mais il ne s'était pas fait la moindre égratignure et moi je ne sentais aucune douleur. Il avait dépose dans l'étui un de ces rasoirs mousses et obtus destinés ii donner aux jeunes apprentis l'audace d'un barbier Uni. Aussi le valet n'avait-il ressenli aucune crainte en voyant Gitou saisir le fer, et Eumalpe n'avait pas opposé un mot à cette tragédie pour rire

» D'un côté, le valet barbier nous arme et s'arme lui-même de ses rasoirs d'acier

» Alors Giton approche bravement la novacula meurtrière et menace de se

mutiler Pulsieursfois j'appuie moi-même le /er du barbier sur ma gorge,

aussi peu disposé cependant à me tuer que Giton à exécuter sa UKiiace. àlais il jouait son rôle plus hardiment que mui, sachant que le rasoir qu'il tenait était le même dont il avait feint déjà de se couper la gorge. On reste de chaque côté le fer a. la main. »

_ 441

Quant à posséder uu c\einj)Iainî aiithenliqiie de nuvacula romaine de l'âge du fer, voici un l'ail remarquable qui prouve combien il est vrai d'aftirmer qui,' des lames de 1er aussi minces se détruisent fort facilement et ne se conservent qu'exceptionnellement depuis ces siècles éloignés. Nous avons écril ou fait écrire à dix ou douze savants archéo- logues de Belgique et surtout d'Italie, la plupart directeurs de musées d'anti(juilés. Tous, sauf un seul, nous onl répondu qu'ils ne connaissaient ni le rasoir romain ou novacula, ni le rasoir franc, et qu'ils ne les avaient vus dans aucun Musée; que, du reste, il y a toute probabililé que la novacula avait conservé la forme orbiculaire ou semi-lunaire du rasoir oriental de l'époipic du bronze, i)eut-ètre avec quelques variantes (i). C'est aussi ce que nous pensions nous-méme. Une j)ei'sonne nous a dit avoir vu en grand nombre cette novacula semi-lunaire dans les njusées d'Italie; elle nous a arfn'nié (ju'ollc élail en bronze. Mais elle a évidemmenl pi'is puur tel le rasoir de l'âge du bronze.

Nous croyons, du reste, posséder un ciiUer qui pourrait bien être une forme de caWe novacula de Vaiiuon, de Coll- MKLLE et de Pétrone, laquelle est en même temps un ferra- ihcnlnm. Il se trouve au musée de Cbarleroi el fut découverl dans la fouille de la villa bolgo-romaine de Saint-Remy, près de Cbimai. Il a souffert beaucoup du lemps. Toutefois c'est

(0 Voici un extrait de !a lettre du comte J. ( ozzadim, qui fait autorité pour le sujet dont il s'agit : « Le soussigné a eu occasion de faire des rccfierclies relatives aux rasoirs antiques, mais il n'a pas réussi à eu trouver de l'époque romaine, pas même dans le musée de Naplcs, qui est énormément riclie d'usten- siles du coniinenccmcnt de l'enipire provenant de Pompéi. Quant a la forme du rasoir {novacula) des Romains, on |»eut croire qu'elle était lunuiée, ii l'instar des rasoirs italiens de l'ài-'C du hm/x, »

u:\

à cet inslriimcnl que nous empruntons la forme Ju manclie que nous dessinons à la ligure 10, considéré par nous comme une forme de la novacula romaine, composée de la lame primitive (tig. 9), montée sur un manche en gaine courbe.

Nous devons ajouter que dans certains cas spéciaux le rasoir continua encore d'élre en bronze chez les Romains; mais l'exception confirme la règle; or nous allons ciler une exception. La loi sur les rites religieux portée par Numa Pompilius exige que le pontife suprême ( flamen Dialis ) emploie un couteau <( de bronze « pour se raser, ce qui était interdit aux autres prêtres. Ceux-ci se servaient donc du fer.

C'est un fait analogue à ce que l'on sait du couteau de silex employé encore en pleine civilisation pour cerlaines céré- monies des Juifs et certains sacrifices religieux de Rome pendant les beaux siècles de sa civilisation.

A son tour, un ancien auteur, Carminius, cité par Macrobe, dit, dans le second livre de son ouvrage sur l'Italie :

« Prius itaque et Tuscos œneo voniere uti, ciun condereutur urbes, solitos, in Tageticis eorura sacris invenio ; et iii sabinis ex xre cultros, quibus sacerdotes tonderentur » (i).

Macrou., Sainrnal. V. 19.

(i) « Ce que je sais, c'est que jadis les Toscans se servaient de charrues à soc d'airain quand il s'agissait de construire une ville, qu'ils s'en servaient aussi pour le culte qu'ils rendaient à Tagetes, et (|ue chez les Sabins pour tondre les prêtres le rasoir était fait de bronze. »

446

RASOIR A LAME RECTILIGNE DU NORD DE l'eUROPE.

Age de civilisation du bronze, groupe dit oriental.

Les nécropoles, les tumulus, les tourbières du nord de l'Europe, de la Suède, du Danemark, de l'île de Bornalm, ont fourni aussi beaucoup de rasoirs antiques que .l'on allri- buc avec raison aux diverses périodes de l'âge du bronze et qui, pour l'époque, correspondent à peu près aux rasoirs du Midi que nous venons d'étudier. Ils nous conduisent de même jusqu'à l'âge du fer. Toutefois l'on sait que dans le Nord l'âge du bronze dura beaucoup plus longtemps que dans le Midi.

Quant à la forme, ces instruments ne ressemblent en rien à ceux du groupe dit occidental. Nous avons pu juger de cette différence complète dans les musées et surtout à l'Exposi- tion universelle de Paris, en I8G7. Ils ajiparliennent tous à un type particulier et ont une forme trapézoïdale que l'on compare d'ordinaire à la moitié du dessin d'une gondole élancée. Ce dessin, avec ornements en volutes, est, du reste, caractéristique pour l'art du Nord à l'âge du bronze, et les motifs en sont reproduits en gravures sur certains rasoirs. 11 s'y joint d'autres motifs, créés entièrement dans le style et le caractère de l'art antique d'Orient, d'où venait, comme nous l'avons dit, l'art du Nord. Dans cet état, l'objet se rap- proche du rasoir moderne; il est plus long que le rasoir ita- lien et a une forme carrée.

La poignée métallique que nous avons vue, dans le Midi, s'arrondir en un ou deux anneaux, est devenue, dans le ra- soir rectilignc, une véritable soie plus ou moins enroulée en volute, ou deux, trois fois repliée sur elle-même (fig. 11), ou en col de cygne (fig. 12). Ce dessin est le plus commun;

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toutefois, il n'est pas constant, et l'on a rencontré de ces lames dont le manche représentait une tète de cheval (fig. 15), ou de canard (fig. 14), ou de cygne (fig. 15).

Pour certains instruments, la lame rectiligne se cambre (fig. 14) et se rapproche déjà du rasoir moderne. Dans d'autres types, cette tendance augmente encore; la soie au lieu d'être repliée sur elle-même, se redresse, se développe et con- duit à la soie droite et au manche fixe et raide(fig. 16), tandis que la lame s'allonge encore et se régularise, en prenant complètement la cambrure et la forme de nos rasoirs. C'est, en réalité, un instrument l'on peut reconnaître avec cer- titude le point de départ de noire rasoir (fig. 13, 16). Ce modèle estce que l'on connaît de plus parfait comme rasoir en bronze. C'est la dernière transformation qu'il ait subie. La lame représentée (fig. 1o) vient de Suède; l'autre (fig. 16) fut trouvée dans le tumulus de Hvidegaard, en Danemark (i). Cet instrument était encore enfermé dans une enveloppe de cuir lorsqu'on l'a trouvé. Ce tumulus appartenait à l'âge dit du fer, à la fin de l'âge du bronze, si longtemps prolongé, avons-nous dit, dans les pays du Nord, et, à ce point de vue, était de beaucoup postérieur à ses congénères.

Rasoir franc. N'est-il pas étonnant que l'archéologie de l'époque histo- rique, moins puissante en cela que l'archéologie préhisto- rique, semble avoir perdu la trace du rasoir au moment commencent les siècles du fer, et que, hésiladt sur la forme et la matière de la novacula romaine, elle reste complètement muette sur ce point quand il s'agit de l'époque franque,

(i) Voir le Rapport de C.-F. Herbst.

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beaucoup plus rapprochée de nous, el même quand il s'agit des siècles qui forment le moyen âge? pouvons-nous espérer de rencontrer le type du rasoir l'ranc:' Personne ne l'a démêlé au milieu du grand nombre de couteaux employés par ces hommes, qui seinblent en avoir toujours porté une collection attachée à leur ceinture. Tous les savants à qui nous nous sommes adressés et dont nous avons parlé ci- devant à l'article de la novacula romaine, ont déclaré ne pas le connaître. Nous pensons cependant l'avoir rencontré à Gerpinnes, dans la fouille de la villa d'Augette, que M. Hen- seval a dirigée avec tant de soin et tant de sagacité. Nous savons que celte fouille fut faite méthodiquement, presque sous nos yeux, et nous ne pouvons concevoir aucun doute sur l'authenticité de la trouvaille à laquelle nous faisons allusion. Le rasoir fut relevé, en effet, sur le pavement d'un appartement, sous un mètre de cendres et de décombres de la villa, vierges de tout remaniement. Il n'est certaine- ment pas moderne, or il n'a pas les caractères de la nova- cula romaine. Nous le considérons donc comme franc. En effet, ainsi que beaucoup d'autres villa romaines, la villa d'Augette a été habitée par les Francs, après la fuite des Romains; on en a trouvé les prenves. Les appartements en avaient donc été déblayés et même réparés et même re- construits avec les anciens matériaux; c'était l'habitude. Les décombres qu'on y a rencontrés s'étaient écroulés, après l'occupation frampie (i), et sur des ohjels de cette époque autant que sur des objets romains Les éboulis trouvés pen- dant la fouille i)roviennent donc de celle reconstruction de

(i) Dos tombes fr;in()ii('s tioiivécs dans la villa eu sont une preuve.

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la villa, faite par les successeurs des Romains, avec les tuiles, les briques, etc., trouvées sur place et au milieu des débris romains. Ces éboulis ont recouvert des objets et des instru- ments francs de toute espèce. On a trouvé, en elTet, avec le rasoir, divers ustensiles portant un cai'actère franc indubi- table, boucle, couteau, etc., etc.

C'est la première fois, si nous ne nous trompons, que l'on signale le rasoir franc. Celui qui nous vient de Gerpinnes est entier, taillant et soie. Il mesure une longueur totale de 8 centimètres. C'est une lame en acier presque recliligne, étroite, fort semblable à nos rasoirs, sauf les dimensions qui sont moindres. Il porte une soie de forme prismatique sans aucun trou ni entaille (tig. 17).

Les peuplades franques qui venaient du Nord en avaient apporté avec eux le rasoir trapézoïde et ils en avaient modifié un peu la forme. Ce peuple, qui utilisa d'une maiiière si remarquable l'acier pour la fabrication de ses armes, appli- qua naturellement aussi ce métal à la fabrication du rasoir, qu'il lui appartenait de perfectionner.

Le passage entre le rasoir de bronze de la fig. IG et le rasoir franc fig. 17 est bien simple, on en conviendra, et sauf la nature du métal, on pourrait les dire identiques. Le manclie ou soie est redressé, mais la lame ne dilfère guère. Du reste, pas plus pour l'un que pour l'autre, nous ne savons s'ils étaient emmanchés de corne ou de bois, ou si la soie restait nue pendant l'usage.

Chacun sera frappé au premier coup-d'œil de l'analogie de ce rasoir franc avec notre instrument moderne dont il est certainement le père. Toutefois ce n'est encore qu'une forme de transition entre le rasoir de l'âge du bronze et le

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rasoir perfcclionné du xix^ siècle. Une différence capitale existe et entraîne dans le maniement de l'instrimient une modifica- lion notable. Le rasoir franc n'avait pas, comme le nôtre, un manche mobile dans lequel se repliait la lame. En effet, la soie, qui est cependant entière dans celui que nous possédons, ne porte aucune perforation ])ùt être adaptée la rivure in- dispensable à l'emmanchure du rasoir moderne (fig. 18) pour y servir d'attache. C'était une lame fixe et non une lame mobile.

CONCLUSION.

Nous avons vu le rasoir du Midi, orbiculaire, en bronze prendre un manche métallique à un ou deux anneaux (fii^-. 8); pais ce manche se changer en un simple anneau autour duquel un manche-étui, de forme arquée, pivotait au moyen d'une rivure (fig. 9 et 10). Ce modèle se continua chez les Romains, qui le firent en acier et le transportèrent dans la Gaule, De son côté, le rasoir rectiligne du Nord, en bronze, eut d'abord une longue soie enroulée en volute ou col de cygne (fig. i\, lii, 15); puis nous avons vu la lame se rétrécir, se cambrer et la soie se redresser (fig. 14, 15, 16).

Les Francs apportèrent avec eux ce même rasoir, rendu plus étroit encore et à soie complètement droite formant un manche fixe et raide. L'instrument était fait d'acier (fig. 17).

Ces deux formes venant du Nord et du Midi se rencon- trèrent chez nous et se combinèrent pour engendrer notre rasoir moderne (fig. 18). Ce dernier est, en effet, la lame rectiligne du rasoir franc (fig. 17) montée dans l'emman- chure en gaine de la novacula romaine (fig. 10).

Charleroi, ce 20 octobre 1876.

REMPAKTS D'ARLON ET DE TO^.RES.

L'illustre de Caumont (i) a fait ressortir l'utilité de re- cherches effectuées pour retrouver les dates et autres faits qui pourraient révéler l'époque les murailles d'enceinte des villes gallo-romaines ont été construites. Le chef-lieu du Luxembourg belge nous fournit à cet égard un intéres- sant sujet, et il y a d'autant plus lieu de se livrer à cette élude, que on l'a solennellement déclaré (2) nous ne posséderions aucun document permettant de préciser l'époque de la construction des remparts d'Arlon.

Voyons si nous sommes à cet égard aussi dépourvus qu'on a bien voulu le dire.

Les anciennes fortifications d'Arlon, aujourd'hui cachées par des constructions modernes, ont été, en plusieurs endroits qui correspondent à une très-faible partie de l'en- ceinte romaine, attaquées par la pioche, en 1565 (3) et dans les années 1671, 1842, 1844 (4), 1854, 1856, 1871, etc.

(i) Congrès archéologique de France, session de 1850 (Auxerre, Cluny, Clermoiit-Feiraiid), p. 142; Congrès id., XXV« session, 1838 (Périgueux, Cam- bray), p. 532, etc.

(2) Bull. Acad. roij. de Belg., XX!, 2», p. 677.

(s) « Mansfëld fit bàtlr son palais de Ciausen aux portes de Luxembourg, en 1363; on y voyait les plus beaux monuments de l'antiquité, dont on trouve un très-grand nombre k Arlon; cette ville ayant été entièrement ruinée par les Français en 1338, Mansfëld y lit fouiller dans les ruines; il en retira de rares morceaux et les fit transporter dans son palais. » {Hist. de Mansfëld, p. 88.)

{i) Add. aux citations précédemment faites : Annales de la Société, etc., cVArlon, I, p. 62.

i5^i

Chaque fois, point trùs-digne d'attention, on y a trouvé, régnant au bas intérieur des murs, une couche de pierres mo- numentales de l'époque romaine, soigneusement placées sans mortier les unes à côté des autres, et celle couche d'autels, de tombeaux, de débris d'architecture et de sculpture, forme une sorte de base intérieure, au-dessus de laquelle la masse du renijiart, très-épaisse, est construite en ciment avec des pierres entassées dans la chaux.

Arlon est donc entouré d'une ceinture de monuments du paganisme.

Voici comment on décrit cette disposition (il est utile d'en rappeler les termes pour servir de point de comparaison) : En bas, les masses de pierres juxtaposées et jiarfaitement assises; à l'extérieur, un mur régulier de moyen appareil; de l'autre côté, un mur plus grossier; au milieu, par dessus les pierres monumentales, un bain de ciment dans lequel les moellons ont été jetés pèle-mèle, le tout ayant acquis la dureté de la roche (i).

On ne comprend ce bain de ciment suspendu en haut des pierres monumentales, dont il est séparé aujourd'hui par un vide, que par la supposition qu'il avait été établi, dans l'intervalle, des cintrages ou de charpentes, aujourd'hui anéantis, placés primitivement au-dessus des restes antiques pour les protéger.

C'est une particularité renjarquable que cette assise ré- eculièrede tombeaux et d'autels, avec cette muraille formant

ci '

voûte au-dessus, v.[ une voùle si solide qu'on peut extraire les irionum(!nls anli(jues sans faire crouler la masse supérieure

(») Prat, Histoire d'Arluii, I, pp. 1G7 et 170,

ior>

placée comme pour les protégei' (i), do (elle sorte que, de l'avis d'hommes compétents, il serait même possible d'aller, par un Iravail en tunnel, recherclicr les inscriptions sous les fondations des maisons bàlies sur les remparts, sans ébranler celles-ci (2).

Cette particularité se retrouverait-elle ailleurs?

Nous savons déjà (r^) que bien des villes antiques cacbeni dans leurs anciens remparts des monuments de même genre. Plus de cinquante villes de la Gaule, dit M. de Caumont(4), ont présenté dans leurs murailles des débris de sculpture et d'arcb i lecture païen ne .

Recherchons si les pierres v ont de même été disposées soigneusement par couches; choisissons à cet effet des localités de la Gaule assez éloignées les unes des autres, et il n'y a pas lieu certes d'écarter les localités les plus impor- tantes, déjà fortifiées vraisemblablement à l'épocpie romaine, car il en est aussi parmi celles-là dont l'enceinte a été ré- duite pour en rendre la défense plus facile et dont les nou- veaux murs ont été élablis dans des conditions analogues à ceux d'Arlon (3).

(i) lo., ibid.

(i) A Tours, des caves ont (^té pratiquées sous les murs des remparts par rcnlèvenieiit d'une partie des blocs non cimentés qui foi ment la partie basse de la construction (de Calmont, Cours d'antiquilcs monuinentdles, II, p. 5i9).

(3) Biill. (les Coiniii. roij. d'arl et d'archéol., XI, p. 572.

(4) A'A'/.V" Congrès arcliéol. de France (Saunuir, Lyon, Le Mans, Libeut, Dives), 18()2, p. 56.

(s) Le point est certain pour Cologne, puisfju'on voit clic^ Tacite, Ilisl., IV, 64, 05, les Uhiens résister aux provocations de leurs voisins qui voulaient leur faire détruire les murs de la ville, « muros coloniae, munimenta servilii. i> En outre, nous savons par Suétone, Galba, XIF, que cet empereur punit de la démolition de leurs murs quelques cités de la tiaule qui s'étaient prononcées

AU

Melz, Sens, Aulun, Bordeaux, Auxerre, Tours, etc., nous offrent à propos les points de comparaison désirés.

Les chroniques messines de Phil. de Vigneulles (i) constatent déjà que les remparts orientaux de Melz repo- saient sur des inscriptions antiques. M. Robert (2) rappelle le fait et le signale dans plusieurs autres villes de la même époque. C'est en ^< nombx"e prodigieux », dit-il, que les inscriptions et autres débris antiques existaient dans les remparts de Metz.

A Sens, les anciennes murailles de la ville sont com- posées, « dans la partie inférieure, de grosses pierres prove- » nant de somptueux édifices, et dans la partie supé- » rieure, de pierres de petit appareil avec des chaînes de » briques ; » on signale même le fait comme s'étant pro- duit aussi au Mans, à Tours, à Beauvais et dans une quan- tité d'autres villes (5).

Môme constatation pour Autun : « Des fouilles exécu- « tées sur quelques points de la muraille antique, ont fait

contre lui : « Quod quasdam eivitates Galliae murorum destructione punisset. »

Il y avait même des murs autour des villes gauloises qu'attaqua César ; le conquérant, B. G., VII, 23, dépeint ces murs d'une manière générale, et cite eu particulier les murs de Vesontio (I, 58), Bibrax (11, 6); l'oppidum Aluatucorum (M, 5-2), Noviodunum (VII, 12), .\varicum (VII, 22 à 28) ; Gergovia (VII, -46^52); Alesia (VII, 09), etc.

(i) Édit. Huguenin, p. 689. Voy. aussi Ortelius et Vivianiis, Iliiierariiim, édit. de loSi, p. 49.

(2) Épigraphie de la Moselle, p. 45.

(5) Congrès archiiol. de France (Sens, Tours, Aiigoulème, Limoges), {847, p. 53. Cfr. Congrès de 1846 (Met/, Trêves, Autun, Cliàlons, Lyon), p. 19, pour Luxeuil, elc ; Congrès de 18.")5 (Dijon et Sens), p. 171; Duru, Uibliollièque historique de l'Yonne, I, p. 56; de Cau.mont, Cours d'antiquités monumentales, II, pp. 10 i, 547, 550 il 559, pour Jul)!ains, Tours, Le Mans, Orléans, Poitiers, Saintes, Bordeaux, Angers, Auxerre, Lillcbonne, Évreux, Bayeux, Périgueux, Langres, Reims, Narbonne, lieauvais, Troyes.

» reconnaître que celle muraille repose sur un massif de » monuments antiques jetés dans les fondations. » Encore une Ibis, on fait remarquer que cette particularité s'est ren- contrée en d'autres villes (i).

Idem à Saintes (2); en démolissant une grosse tour, on trouva qu'elle était remplie de ruines antiques, de colonnes, chapiteaux, entablements et autres pierres d'architecture, sculptées et non sculptées, de statues, bas-reliefs, autels, patères et de beaucoup de pierres à inscriptions.

Idem à Évreux, des blocs appartenant à d'anciens monuments ont été extraits des remparts antiques (5).

Idem à Auxerre (4), des autels et inscriptions latines ont été trouvés dans les murs de la ville, fondés sur les débris de statues des divinités du paganisme que l'on avait fait entrer, dit-on, indifféremment et confusément dans l'ouvrage.

Idem à Toulouse, les murs de clôture contenaient aussi des débris de sculptures antiques (5).

Idem à Besançon; le Vesontio déjà fortifié avant César, dut l'être sous les Romains, parce que les bonnes positions, comme le dit M. de Gerville, sont de tous les peuples et de toutes les époques (e); mais à un moment donné, cette ville

(i) Ednie Thomas, Histoire de l'antique cité d'Autim, p. 118.

(2) La Sauvagèhe, Recueil de dissertations ou recherches historiques et critiques, pp. 21 et 25.

Id., Recueil d'antiquités de la Gaule, p. 124.

(3) XLIP Congrès archéul. de France (Châloris-sur-Mariie), p. xlvii.

(i) Lebeuf, Mémoires concernant l'histoire civile et ecclésiastique d'Auaerre et de son ancien diocèse, I, p. 5; IH, p. 5; Leblanc-Davau, Recherches historiques et statistiques sur Auxerre, ses monuments et ses envii'ons. Auxerre, 1871, pp. 73, 74, 113.

(0) DuMÉGE, Histoire des institutions de Toulouse, I, p. S8.

(1) Clerc, Essai sur l'histoire de la Franche-Comté, p. 6.

i;>6

fui anéantie dans la plaine. Ello se releva sur la nionlagne; un mur sinueux l'enveloppa; la muraille de 3 mètres d'épais- seur ne s'assit pas sur le roc, mais sur des remblais. Des débris de sculptures de colonnades, transportés sur la mon- tagne, servirent à batii- le remi)arl, car on avait laissé en deliors le forum, les tbermes, U) Capitole, le ))alais du pré- sident romain. La ville nouvelle, entourée de ce nouveau rempart, l'ut bâtie sur le roc, et les murailles romaines de l'ancienne ville cessèrent d'être habitées (i).

Qu'on rapproche de la description plus détaillée ipie voici, celle de ces divers murs avec leurs assises d'inscrip- tions et de sculptures, il y a quasi identité (piant aux parties essentielles.

Voici le mode de construction qui s'est révélé dans la j)re- miôre enceinte murale de Bordeaux ('>) :

« Jusqu'à une hauteur d'environ i mètres au-dessus du sol actuel et une profondeui' de :2 à 3 mètres au-dessous et même davantage, le mur était construit, sur une épaisseur d'environ 5 mètres, en pierres de grand appareil prove- nant de la démolition violente de monuments anciens, tels que temples, palais, arcs de triom])he, fontaines, tom- beiiux, etc., etc. Ces pierres étaient placées à sec, sans liaison de mortier, et simplement juxtaposées le plus exac- tement possible.

» Au-dessus de cette sorte de soubassement se trouvait une continuation du mur, construit en blocage, lié par d'excellriii ijii>i'ti(i', fi j);ii'ciiicnl ;i rextérieui- de moellons

0) Id., ////(/.

ii) Socii'lc arcliàihiiiiqiie tir. Bnfdcaux, II, ly. Ki et siiiv,

457

à petil appareil, allongé, régulier, orné d'espace en espace par des rangées de briques.

» On peut se faire une idée exacte de cet agencement par le dessin qu'a publié M. Léo Drouyn d'une partie de cotte muraille mise à découvert en 1800...

» La partie du mur d'enceinte construite en grand appa- reil a été, lors des démolitions qui ont eu lieu à diverses époques, une mine de monuments épigraphiques et autres, conservés en grande partie au Musée de Bordeaux ou dans diverses collections particulières.

» Feu M. Jouannet avait déjà constaté dans des notices soumises à l'Académie de Bordeaux sur les découvertes faites de son temps, et on a pu remarquer de nos jours, « que les ouvriers bordelais, en employant à la nouvelle » construction d'anciennes pierres monumentales, avaient » presque toujours évité de les mutiler inutilement et les » avaient placées avec un soin presque religieux. » Ils s'étaient bornés, en effet, k retrancher, lorsque c'était indis- pensable, les parties les plus saillantes qui auraient nui à la solidité delà construction; ils respectaient les inscriptions et autant que possible les sculptures; ils les garantissaient avec de la terre meuble, s'abstenaient d'employer le mortier pour lier les assises. Les sculptures et les inscriptions étaient tou- jours placées au-dessous, ou protégées par d'autres pierres; on semblait avoir pris à tâche de conserver ces monuments pour la postérité.

» Mais quelle qu'ait été l'espèce de vénération pour les débris de leurs monuments dont ont fait preuve les construc- teurs de l'enceinte murale, il n'en est pas moins certain que ces monuments avaient été détruits par la violence. Les murs

VOS

élaienl élevés, siirloul tlu côté sud, sur les restes de maisons incendiées; le l'euiblai eu airière d(; la muraille n'élail com- posé que de débris provenant d'anciens édilices détruits par le l'eu; plusieurs pierres de grand appareil avaient été calcinées; presque toutes portaient la trace de iiuilii.itions lu'ulales; des parties de colonnes et de cliapileaux n'avaient pas été termi- nées au moment de la destruction des édilices, de sorte qu'un désastre dont l'iiisloii-c n'a pas conservé le souvenir, avail détruit les |)rincipaux monumenls de Bordeaux avant cpi'ou songe.àt à l'entourer de murailles. Celte ville occuj)ait, au i"', au II' et même au coniuieueement du m" siècle, un espace beaucoup plus étendu que celui qui l'ut limilé (;nsuile par les murailles gallo-romaines.

« Lorsqu'on eut enlevé plusieurs rangs de grosses pierres posées comme il a été dit, on Irouva vers le milieu de la mui-aille un cippe (porlant une inscriplion en riiouneur de la Irévirienuc Domilia, éjiouse de Léo, inscriplion datée du consulat de Posthume en l'an i2o8), |)lacé sur un autre mo- nument du même genre; la l'ace ju-incipale élail fournée vers l'extérieur de la ville, de soi'le qu'on put lire el même transcrire rinscrtption, lors(pi(! le monument occupait encore la |)lace il avait éle mis depuis lanl de siècles, L'inscriplion laléi-ale )»ul de même èlre lue et Iranscrite, car elle était distante d'environ 0"''14 de la pi(M'rc qui s'en approchait le plus. Les assises de grosses pierres se conli- nuaieiil sans inlerruplion en haut, derrière, comme à côté du monunK'ul, et au-dessus de ces assises se trouvaient encore des traces du miii' ii petit appareil ipii av.iit été détruit...

» Les faits rapportés sont tie iiotoiiété à Bordeaux ; ils ont été vus (lr tout le monde |iend;!iil plusirui's jour.s...

i:i()

» Les louillcs pi'aticiiK'cs en 1(S:2() à Burdeaux (i), dorrièrc le Lycée, avaient entamé le vieux mur d'enceiiite de la ville à une profondeur de i mètres environ sur 7 mètres de long et "1 mètres de large. Ces travaux mirent ii nu un blocage sans chaux ni ciment, composé de piei'res de plusgi'aiid appareil, entremêlées de cippes, de petits tombeaux et de fragments de grands monuments. Les cippes, les inscrip- tions avaient été respectés à dessein, car le blocage qu'ils contribuaient à lormer avait été revêtu extérieurement de pierres énormes placées par assises sans ciment. Vinet, dans son Histoire de Bordeaujo, décrit, en parlant de l'an- cienne enceinte, des fondai ions composées ainsi de blocs (jue masquait un revêtement de pierre, »

O'Reilly (2) constate, de son côté, la construction des murs de Bordeaux sur des débris de l'époque romaine.

Même système de construction à Tours. Voici comnK'nl Giraudet (0) décrit les murailles de sa ville :

« En examinant la partie basse de cette muraille cyclo- péenne, qui mesure A mètres d'épaisseui", on remarque une quantité fort considérable de blocs énormes superposés, sans être reliés par du ciment ou du mortier; au-dessus com- mence un blocage, revêtu en petites pierres carrées, liées par un ciment de briques pilécs, de chaux et de sable. Le mur est divisé dans sa hauteur en six bandes, par cin(( cordons horizontaux de belles briques plaies placées à des distances à peu près égales. Sur l'un des blocs, on dislingue

(i) Sociélc archéûl. de Bordeaiur, H, p. 95. (2) Histoire complète de Burdeutix, I, p, G2. (r.) Hintdire de lu cille de Tours, I, |i. '2\.

460

un bas-relief représentant une Oréade ou une Diane chas- seresse au repos, reconnaissalDle à son arc et à son carquois; à côté d'elle, une biche la sépare d'un personnage fruste.

» Au-dessous de ce groupe, on voyait des fragments d'inscriptions, réunis sans ordre et déjà en ruine au moment l'ouvrier les employait comme matériaux,... Ces inscrip- tions, dont l'une a été trouvée dans la démolition d'un pan de mur romain, proviennent évidemment soit du temple de Vénus, soit d'un des cimetières gallo-romains, situés le long des voies publiques conduisant de Gaesarodunum à Poitiers et à Bourges.

» Les assises de ces murailles sont composées principa- lement de débris de tombeaux, de frises, de corniches et de colonnes, appartenant par leur style aux deux premiers siècles de l'ère chrétienne.

» Les enceintes gallo-romaines de Langres, de Beauvais et de Sens, etc., offrent la même conformation et remontent certainement à la même époque que Tours.... »

Idem à Narbonne : La plupart des inscriptions du Musée proviennent des remparts de la ville (i) ; plusieurs ont faire partie de stèles dont le fronton triangulaire fut mutilé à l'époque de la construction des remparts, afin que les pierres pussent ainsi faire partie plus facilement du revêtement extérieur (2).

(i) TouRNAL, Catalogue du Musée de Narbonne, p. 25, n"' 147 et 148.

(î) Id., ibid., p. 53, n" 171. Voy. aussi XXXV Congrès archéol. de France, 1868 (Carcassonne, Narbonne), p. 2o9, qui parlent de fragments sculptés et d'inscriptions que l'on aperçoit facilement encore aujourd'hui en faisant le tour des remparts.

461

II.

Des constructions aussi semblables ont être faites à la môme époque et sous l'empire d'une même pensée : com- ment, en effet, eût-on songé, à des époques diverses, à observer en tant d'endroits, si distants les uns des autres, une règle aussi absolument uniforme?

Au lieu de recourir comme explication à une simple au- torisation du pouvoir supérieur (i), n'y a-t-il pas nécessité de supposer davantage et d'admettre qu'un mot d'ordre est parti d'en haut?

Telle est l'observation de M. de Gaumont qui, déjà en 1847, se demandait si les murs d'une foule de villes qui sont d'une construction aussi parfaitement identique n'ont pas être érigés de par une mesure générale et sous l'admi- nistration d'un même prince (2).

Quelle est cette époque? Cette question est d'une solution difficile. Cependant les applications de la règle, étant mul- tiples, permettront peut-être une conclusion qui pourra être généralisée, puisque tous les faits appartiennent au même ordre, et que ce qui sera vrai pour les uns le sera nécessai- rement pour les autres.

On a bien songé à considérer la construction des murs de Bordeaux, de Luxeuil et d'Arlon, comme datant de

[i) M. DE Cadmont posait ainsi la question au J.VV» Congrès d'archéol. de France, p. 532.

Dans son Cours, II, p. 3670, gêné par les naonnaies de Gratien, dont parle La Sauvagère et dont il sera question plus loin, il pcncliait, au contraire, dans le sens de la construction successive des différents remparts des villes.

(2) Congrès archéol. de 1847 (Sens, etc.), p. ^o.

402

l'époque féodale et à on reporter riionneur soit aux ducs do Guyenne, soit aux comtes de Luxembourg, soit à l'empereur Heni-i VII. Mais, indépendamment de la difficulté d'expliquer l'idontilé du système de construction suivi par des princes dont les domaines élaieiit aussi éloignés les uns des autres, comment le moyen âge n'aurait-il mêlé aucun débris chré- tien à ces masses dont tous les éléments proviennent de monumenis païens, renversés longtemps auparavant (i). Les vieilles chroniques, les vieux polygrapbes ne disent pas un mot de travaux semblables qui auraient été effectués du x" siècle au xiv% époque il est constant que les remparts contenant les pierres monumentales en question, existaient tant à Bordeaux et à Luxeuil qu'à Arlon (2).

Autre observation due au judicieux M. Jouannet : Quand on remarque l'appareil de la construction et l'état des monu- ments que recèlent les murailles de Bordeaux, on ne saurait y reconnaitre un ouvrage du x" siècle. En effet, est-il possible d'admettre que tant de ])etits monuments funéraires, enlevés de leur place primitive seulement au moment on voulut les utiliser, aient traversé les siècles en plein air, exposés à tous les genres de destruction, dans des temps de barbarie, sans être plus dégradés qu'ils ne l'étaient lorsqu'ils ont été retrouvés. Le temps seul pùt sufli ])our effacer jusqu'au souvenii- de ces frêles monuments, laissés ainsi.

(1) On trouve cette expression dans les Bull. Acad. roi/, de lii'hj.. X\l, -2", p. 677.

(9.) Société, (irch^ol. de Uordeaiix, 11, p. 95; Coiifjrés archéol. .le l'rjnee lie l8iG (Metz, etc.), |.. I!i7; Pkat, llisl. dWrhm. I. p. iOÔ et suiv.

465

par hypothèse, à l'ahandon depuis phis de six siècles (i).

Mais fiiul-il, avec M. do Gaumont (2) et avec M. Jouannel (-.), reporter en arrière jusfiu'au v'" siècle seulement la construction de ces diverses enceintes?

M. Jouannel songea rintervalle ([ui sépare le sac de Boi-- deaux par les Vandales et l'invasion des Goths. La popula- tion était encore toute romaine, et si le christianisme dominait déjà, si le paganisme s'éteignait, du moins le respect (h; l'ancien culte suhsistait encore.

D'après lui, ni la loi chrétienne, ni les lois anciennes ne s'opposaient à ce qu'une population romaine, échappée à d'horribles désastres, menacée d'invasions nouvelles, sans cesse renaissantes, fit servir à sa défense les tomheaux de ses ancêtres.

Mais de quel événement historique s'agit-il? Certes pas

(1) M. JouANNET, Dissertation sur les inscriptions funéraires découvertes en 18-20 dans les murs de l'enceinte antique de Bordeaux, fait même remarquoi' que plusieurs iiiseriptions conservent eneore en partie cette couleur de minium dont, suivant Pmnk, on peignait quelquefois les lettres pour les rendre plus apparentes.

(•2) .VAT» Congres, etc., p. 'ô')i. Ou verra plus loin iju'au (jmiiri's de 1850, M. DE Caumont parle non du v" siècle, mais du iiT.

Au surplus, l'illustre savant a constannnent, dans cette question fort dillioile, procédé par làlounements , ce (jui éiait ini'vitable tant que des Jalons précis n'étaient pas posés.

(î) Société archéol. de Bordeaux, 11, p. 9k

C'était également l'opinion de h'Anvii.le, Éclaircissements géographiques sur l'ancienne Gaule, p. 363, il fait remarquer que si les murailles d'Auxerre sont faites, en partie, de débris de quelques temples aussi bien que de sépulcres et de maisons des ido'àtres, il en résulte pour lui que les murailles ont été construites dans l'état on les voit présentement depuis la destruction du paganisme. Il conclut de qu'il existait une grande vil'e sur l'emplacement d'Auxerre dès le commencenierit de répofpie d'Auguste.

464

des fortifications élevées parValentinien en l'an 424 : Ammien Marcellin ne parle que des rives du Rhin (i).

Il faut donc remonter encore vers les temps plus anciens.

Le fait a-t-il au moins une relation avec certaine loi chrétienne ordonnant la destruction des monuments païens? Cette loi est invoquée par Wiltheim ; d'où comme consé- quence naturelle, d'après lui, le remploi de ces monuments dans les murs élevés par les Romains contre les invasions des Rarbares (2).

La loi de ans invoquée par Wiltheim existe en effet; elle est de l'an 408. Alors que leurs prédécesseurs avaient sauve- gardé les temples (0), Honorius et Théodose-le Jeune ren- dirent une loi (4) ordonnant le renversement des autels des faux dieux ; une autre loi, antérieure de douze ans, décrétait

(4) XXVIII, 2 : i( Rhenum omnem a Raetiarum exordio, adusque fFetalem Oceanum, niagnis mo'ibus communiebat, casira extollens et castella, turrcsqiie assiduas, por habiles locos et opporttinos, qua Galliariim extenditur longitudo. »

(2) Luxeml). roman., p. 268 : « Siibstratis fundamenti loco sepulclirorum immanibus; illis tôt saxis, sacrosanctis (|uideiii olini , nec iiisi sine ingonti crimine violandis, sed tune irreligiosis, imo profanis et plane detestandis, lege de aris (qiiales inter ea saxa plurimae), subniendis lata, consuiatu Philippi et Bassi, quo eodem consuiatu Rhenum conimunivit. »

(3) L. 5, Code Thcodosien, XVI, x : « Quaniquam omnis superstitio penitus eruenda sit, volumus ut aedes templorum quae extra nuiros sunt positae, intactae incorruptaeque consistant « (ann. 546, de Constance et Constant).

(4) L. 19, ibid., XVI, x, § 1 : « Simulacra, si qua etiam nune in teniplis fanisque consistunt... suis sedibus avellantur, cum hoc repetita sciamus saepius sanctione decrelum. »

§ 2. « Aedificia ipsa templorum quae in civitatibus vel oppidis, vel extra oppida sunt, ad usum piiblicum viiidicentur, arae locis omnibus destruantur, omniaque templa in possessionijjus noatns ad usus accommodos transferantur, domini deslrucre cogantur. »

§ 3. « Non liccat omnino in hoiiorein sacrilegi ritus funestioribus locis exercera convivia vel quicquam solemnitatis agere. »

L. IG, ibid. : « Si qua in agris templa sunt, sine turba nec tumultii diniantur fann. ."599). »

465

même que les débris des monumenls du paganisme fussent employés à la reslauralion des ouvrages publics, comme ponts, chaussées, murs des villes (i). Ces lois étaient, du reste, la conséquence des lois de l'an 391 et 392, par lesquelles le paganisme fut formellement interdit (2) et le christianisme proclamé religion officielle par Théodose I (0).

Certes, pareilles lois purent être éludées sur tel ou tel point du territoire, on les aurait exécutées à regret, avec des tempéraments. Exemple curieux, s'écriait-on ici même (4), d'une loi observée de manière pourtant à respecter et à sau- ver relativement les monuments dont le législateur a prescrit la destruction...

Mais si l'on n'a pas affaire à un fait isolé; si, partout dans la vaste étendue des Gaules, à Bordeaux, à Tours, à Sens, à Auxerre, au Mans, etc., comme à Arlon, le même fait se reproduit, il ne s'agit plus, il ne peut plus s'agir d'une ex- ception ; il y a lieu de chercher le principe générateur de ces applications multiples d'une même pensée, dans un acte du pouvoir central, acte qui seul pouvait être suivi partout d'une exécution aussi uniforme.

Les lois citées ne résolvent pas la question.

(i) !.. 36, ibid., XV, i : « Quoniani vias, pontes, miiros atqiie aquaeductus, quin etiam juvari provisis suinptibiis oportere signasti, ciinctam materiam qiiae ordinata dicitur ex dcraolitione templorum, meraoratis necessitatibus deputare censemus (ann. 397). «

(î) Bei'gnot, Histoire de la destruction du paganisme en Occident, I, p. 558.

(5) L. 2, Code Théod., XVI, xi : « Edictum per diversas provincias volunius, ut omnibus jnnotcscat, Dei omnipotenîis unam et veram fidem calholicani, quam recta credulitas confiletur, esse retinendam (ann. 403) t Voy. aussi L. 5, ibid. (ann 410).

(i) Bull, des Comm. roy. d'art et d'archéol., XV, p. 113.

im

En premier lieu, elles portent elles-mêmes la preuve qu'on n'y obéissait pas, puisqu'elles se greffent les unes sur les autres et puisqu'elles font appel aux prohibitions antérieures : « Cum hoc repelita sciamus saepins sanctione docretum »

Ensuite le fait est là. Beugnot (i) nous le déclare : malgré les affirmations contraires de S. Prosper, de S. Augustin t!t autres, les lois prohibitives de Théodose I et de ses succes- seurs ne furent pas complètement exécutées en Occident; les divinités de l'Olympe étaient encore honorées à Rome même, l'on a trouvé, en effet, des autels païens établis plusieurs années après la loi qui ordonne d'appliquer les débris des temples à la restauration des murs des villes (2). En outre, il semble qu'il existait encore des païens, puisque l'autorité chrétienne chercliail à se persuader elle-même qu'il n'y en avait plus (0).

D'un autre côté, le christianisme, qui était devenu la reli- gion de l'Ëtal et qui avait, sans doute, anticipé sur les lois de Théodose II et d'IIonorius, en démolissant, de ci de là, quehpies temples, aurait certes empêché d'opérer partout à la fois le placement des monuments païens dans les rem- parts nouveaux de toutes les villes de la Gaule (i).

(1) L. cit., I, p, Ô9i. Kn sens conlraire, (JinuoN, ctiap. xwiii,

(■2) Mi'RATORi, 599, 3: Cnrpiis inscripl. Inliii., VI, ii"5l2. En voir un certain ni>nibrc d'autres, clie/ Beconot, II, pp. 12 à Ki, sans compter, jusque vers 120, une grande quantité d'inscriptions en riionneur des empereurs par des « devoli numini niajestutiqne eoruiu » [Corpus cité, n"' 118G, 1189, 1190, 1195, 1703, etc.

(î) L. 22 et 25, Code Tliéod., XVl, x : « Pagani, si (ini sii|iersunt, quamquani jnni nulles esse credannis (ann. 425). »

(i) Voy. niilamment le concile d'Arles en 314, celui d'Alii(iue en 598 (ou l'on demande il l'Empereur l'abolition de tous les restes de l'idolâtrie), le synode de Cologne de 5i0 ou 3iG, de. liF.rr.Nor. /. ri/., 1, p. 506; II. pp. ITSel 179. cle.

'ifi/

Nousdevons donc renoncera ('onsid(M-('r le f.iil comme une fraude pieuse etl'accepler comme le résultat d'ordres supé- rieurs et formels.

Par conséquent, le fait niémo, puis(iu'il a la nuance d'un acte empreint de respect religieux, a sa racine, non dans le christianisme à ses débuts, mais dans le paganisme à son déclin.

On ne s'arrêtera pas, du reste, à la considération tirée de l'architecture des remparts, ou, comme l'on a vu ))lus haut, il y avait des cordons de briques : il semble téméraire d'alïirmer que ce genre de construction avec des lignes horizontales de briques, pour couper runiformilé des murs en moellons et en régulariser les assises , date seulement du règne de Gallien ou même de Constantin (t). On le trouve dans des éditîces plus anciens (2),

Remarquons, en outre, que si parfois la construction des nouveaux remparts (0) a suivi des faits de destruction et de ravages, elle doit avoir été accomplie dans une période de calme et de tranquillité.

C'est, en effet, une erreur de croire, comme le fait M. Ro- bert (4), que l'édilicalion des remparts sur des couches

(1) Bluot dk Kersf.rs, dans le Bulletin inoniimeiilal, série, I (1873, tome \X\1X).

(2) De Caumont, Cours, II, p. i6-2, {.^) Voy. ci-dessus, p. i56.

(t) Épigrapliie de la Moselle, p. 89.

Voy. cependant dans le même sens Pkat, Hist. (VArlon, I, |i. 171 ; Ednie Thomas, Histoire de l'antique ville d'Aiiliiii, p. 118, etc. Clerc, /. cit., p. 'io; DE Cai'mont, Cours, \\, p. 5G3.

Les matériaux ?< confusément et indifféremment » jetés dans les rniidalidus des remparts d'Auxorre (voy. ci-dcssus, p. 455) paraissent être un produit de l'imagination des descripteurs, tout aussi bien que la « précipitation occasionnée par ces jours de périls et d'alarmes, » oii les remparts susdits ont été cnnsfrnils.

468

d'Inscriptions et de sculpture, s'explique par la « précipita- tion avec laquelle on releva, à l'arrivée des Barbares, des murailles qu'une longue sécurité avait rendues inutiles. » D'abord il n'est pas question de murailles relevées, ni de réparations nécessaires faites à ces murailles, comme le pense M. Jouannet (i), ce qui supposerait l'insertion faite après coup de monuments dans chaque partie réparée; mais il s'agit de fortifications construites pour la première fois, d'une fois et partout à la fois. Ensuite, comment aurait-on pu éle- ver ces assises si régulières de pierres monumentales, dont on avait mèm.e soin d'amortir les parties trop saillantes, si l'édification avait été une entreprise entourée de craintes et de dangers?.

Les pierres monumentales en question ne sont pas d'ail- leurs des matériaux à se procurer en n'ayant qu'à y mettre la main ; les villes avaient été restreintes pour être rendues plus aisées à défendre (2) ; elles occupaient avant cela un espace beaucoup plus étendu que celui que limitèrent les murailles nouvelles ; or, comme les cimetières étaient en dehors des villes (3), il a même fallu aller chercher à dessein

(1) Société archéol. de Bordeaux, II, p. 94.

(i) Congrès archéol. de France (Auxerre, Cluny, Clermont-Ferraiid), 1850, p. 20; DE Caumont, Cours, II, p. 365.

(s) « In urbe ne sepelito. » (Loi des xu Tables).

« Divus Hadrianus rescripto poenam statuit XL aureoruni in eos qui in civitale sepeliunt, et locuni pubiicari jussil et corpus transferri. » (Fr. 3, § 4, Dig., de sepiilcro vioiato, XLVil, xii).

Il est vrai que la loi prévoit le cas de décisions municipales qui seraient rendues en sens inverse, et que la répétition des lois sur le même sujet prouve que la volonté du législateur n'était pas trop bien observée en cetle matière'; mais géné- ralement les ciinctiôrcs étaient en dehors des centres habiles.

Voy. Mémoires et documents inédits pour servir ù l'histoire de la Franche- Comté, IF, p. 28 i-.

CicÉRON, De legibus, II, 24-, dit que les bûchers devaient être placés au moins

469

et laborieusement les tombeaux au delà de l'ancien périmètre pour les placer au dedans des murs nouveaux (i).

La preuve que les villes ont été restreintes, résulte du lait qu'à Lillebonne la muraille militaire nouvelle traverse les anciens bains placés près du théâtre et les divise en deux parties, dont l'extérieure aura été rasée pour éviter qu'elle ne servit de retraite ou de protection aux ennemis (2).

A Besançon, à Auxerre, l'on fortifia seulement le ma- melon rocheux qui est au centre, en laissant en dehors la partie basse, on transporta au sommet, les pierres abon- dent pourtant, des monuments pondéreux, comme des pierres tombales, des débris de sculptures et de colon- nades, etc. (3) ; à Angers, on alla jusqu'à creuser un fossé

à 60 pieds des habitations, ce qui contredit quelque peu certaine hypothèse qui voit dans les caves avec leurs niches des villas beli,'o-roniaiues, des columbaria. Ibkl., II, 25, CicÉRON déclare que les grands hommes faisaient exception et étaient parfois enterrés dans les villes; mais les exceptions étaient devenues assez nombreuses pour arracher a Prudence (contra Symmach, lib. I, v. 190) la boutade que voici :

Et lot teni|)la ileum Piomae quoi in urbe sepulcra Ileroum nuiiierare licet.

Ce qui induit plusieurs auteurs à dire que les temples de Rome étaient autant de tombeaux (Kirchmann, De funeribus., IF, -16), et à faire remarquer que d'ailleurs plusieurs tombeaux de personnages émineuts, et, en outre, des vierges vestales, étaient réellement en ville. On objecte cependant la lecture in orbe pour in urbe et, en outre, on s'appuie sur certain passage d'EuTROPE, disant que, seul de tous les empereurs, Trajan eut ses restes inhumés dans la ville (sous la colonne qui porte son nom, en une urne d'or; celle-ci y existerait encore d'après Migne, ad Prudentium, Pair. lat., LX, p. loi, qui préfère aussi la lecture in orbe).

Le christianisme abolit eu tout cas la prohibition , Novell. , l^ô , de Léon « Ut cuique, tam intra civitates quam extra, mortuos sepelire liceat. »

(i) ScHAYES, La Belgique et les Pays-Bas, etc., II, p. -435, convient que les monuments romains des remparts d'Arlon proviennent de l'extérieur de Penceinte; mais il les fait provenir des villas des environs, placées le long des routes.

(î) De Caumont, Cours, II, p. 564.

(s) Clerc, /, cit., p. oo.

470

lai-ge et pruloiicl, une (|uanlile de deln'is fui placée à sec (i), ce (jui n'a pu èlre l'ait a|)i-ès coup.

D'où la conclusion (pie toutes ces inscriptions et tous ces restes d'antiipics monumenls ont élé placés même on les a ivirouvés, et ce dans rintenlion évidente de les conserver.

Mais poussons |)lus loin la demojisti'adon e( |)rouvons (pic le lait réfuté, déjà reconnu invraisemblable i);ir ce (pii vient d'être dit, n'(_'st ]nis même possible : ce n'est ])as à la suite des lois de l'an .")!>/ cl de l'an 40<S , (jiie les lem|iles et tombeaux ont élé déliaiils, et (pie leurs débris ont élé cacbés dans les remi)arts des villes consiruils après leur renvei'semenl.

Ecartons d'abord l'opinion de M. Chanipoiseau (i), (\u\ atlribue [\ la l'ébcllion des (lauiois en ill l'érection des l'cin parts de Tours.

« Il serait diflicile de croire, dit-il, que ces murailles aient éle bâties avant le commencement du v" siècle, i)uis(pie rien ne nécessitait alors un sendjlable travail, et l'on ne peut pas penser qu'elles soient postérieures à cette épo((ue, })uisqu'en 1*28 la ville d*.' Tours fut assiégée jiai- les Visigotlis et (pi'elh; j)ut résister à leui's alUKpies. »

Celte opinion que rien jusqu'iiu v'' siècle ne motiva r('(lifi- calion de remparts, est fondée sur une ei'reur ln'stori(pie : dès l'an S'il, la Gaule avait été infestée par les Barbares (s),

(i; De Caimûnt, Cotir.i, 11, p. 3o-2.

(2) Tableaux chronologiques de ritisloire de la iouraine, uji. (iiKViuET, p. -2i, (s) ZosiME, ap. dom Bouquet, Recueil des liislorieus de la France, F, pp. cxxxvii {•[ hlli.

171

cl Cil l'an ^77 l'robiis reprit soixanlc villes duiil les (Icr- maiijs s'élaieiil emparés (i).

Il y avait donc depuis Iongt('Mii>s avant le coniinenceinenl (.lu V'' siècle, nécessité de fortifier les villes de la Gaule; on peut bien allirmer a priori (|ue les Romains y ont songe au moins depuis le troisième siècle, et que dès cette époque ils ont appliquer leur attention à empêcher le renouvelle- ment des incursions si désastreuses des Barbares.

M. Prat, à qui on a erronément prêté ci-dessus (2) ro|)i- niun contraire, n'accepte pas du tout cette date de 408 connue celle de la transformation du viens Orolaunum en forteresse,

« L'envahissement de l'empire romain par les hommes de l'Est et du Nord commença, dit-il (5), en l'an 40() et fui complété en 411. Comment les Romains auraient-ils pu songer à fortifier Arlon en 408 seulement? En auraient-ils eu le temps? Étaient-ils à cette époque encore en possession assez paisible du Luxembourg? La date de 108 nous semble donc erronée... Il était bien lard en 408 pour convertir Arlon en forteresse, afin de se défendre contre le passage des Barbares, qui avait commencé deux ans auparavant... Je fais remarquer égalementque, avani riiruj)liun définitive des

(1) VoPTSCUS, in Probo, xiii : •: A barbaris sexaginta pcr Gallias uobilissiiiias recepit civitates. »

Le môme fait eut L'iicore lieu au w" siècle, oii (]uarante-cinq villes gauloises fureut détruites par les Barbares, dom Bouqiiet, pp. cxliv et 725.

HoGET DE Belloguet, Etliiiofjéiiie f/aiiloisc (Preuves pbysioliPv;ii|ues), p. I, pense aussi que depuis l'an 277, Probus, Maximiin et Constance-Chlore lurent successivement occupés à repeupler la Gaule, en appelant même les barbares a y contribuer.

(2) Bull, (les Comiii. roij. iTarl et d'airliéol., XV, p. 1 1-2. (o) Hht. il Arlon, \, pp. 171 et 17-2.

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Barbares en 406, les frontières du Nord et du Nord-Est de l'empire romain avaient été souvent insultées par les Franks et les Germains; les empereurs devaient donc prévoir qu'il viendrait un temps ces barrières devaient être franchies ; leurs soins se portèrent naturellement à garnir notre pays de camps, de forteresses, ce qui a avoir lieu dans le cou- rant du IV* siècle, »

Ce n'est donc pas sous Honorius et sous Théodose-le Jeune seulement que les remparts de toutes les villes placées dans les mêmes conditions qu'Arlon ont pu être construits ; c'est en plein paganisme, alors que la lutte contre les Bar- bares avait commencé : l'esprit religieux qui, d'après cer- tains auteurs (i), aurait présidé à la destruction des monu- ments du paganisme, élait non celui des chrétiens renversant pour détruire, mais de païens cachant pour con- server. Ainsi se trouverait justitiée, si elle était exacte, l'allégation de certains auteurs (2), que les démolisseurs n'ont emporté ni les pièces de monnaies, ni les ustensiles en métaux précieux déposés dans les temples ou dans les tom- beaux et qu'on retrouve aujourd'hui sous les décombres de ces monuments. Mais le fait n'est pas réel ou ne peut l'être que dans une proportion très-faible, car les remparts sont remplis de trop de monuments pourque ceux-ci soient encore aujourd'hui à la place môme ils avaient été érigés : ils ont, pour la plupart, été apportés de l'extérieur.

Serrons la question d'un peu plus près encore.

(i) Leblan'c-Davac, /. cit., p. H8. [i) Id., ibid.

473

Quelques monographes (i) consentent à remonter jusque dans le paganisme, mais c'est seulement jusqu'au règne de Gratien (375 à 583) qu'ils reportent la construction des rem- parts, par exemple d'Autun et de Tours, établis pour résis- ter aux incursions toujours croissantes des Barbares.

Cette opinion, autant qu'il a été permis de le vérifier, repose uniquement sur ce fait archéologique que rap- porte la Sauvagère (2) : on aurait trouvé dans les murs de Tours, parmi des débris analogues à ceux des murs d'Arlon et de tant d'autres villes, des monnaies de l'empereur Gratien.

Le fait allégué par la Sauvagère joue le plus grand rôle dans la discussion : tous les auteurs qui en ont connaissance hésitent à faire remonter la construction des remparts avant le règne de Gratien; au moins cherchent-ils à prouver que ce qui, à leurs yeux, est vrai pour Tours, ne l'est pas pour d'autres villes, dont les remparts ont être construits bien auparavant (3).

Mais il y a lieu de faire remarquer que ce fait archéologique étant complètement isolé, est suspect, et qu'il y a lieu de le contrôler de près.

Or, la Sauvagère n'affirme pas avoir vu de ses propres

(0 Edme Thomas, /. cit., p. 118 ; Giraudet, Histoire de la ville de Tours, l, p. 23 ; etc.

Il n'y a pas de relation, du reste, entre la construction des remparts de Tours et la rectitication des divisions territoriales de la Gaule, qui lit de Tours la Uiétropolede la IIl" Lyonnaise. Ces deux laits appartiennent à des ordres distincts; ce qui a été fait au point de vne administratif est sans portée sur les constructions élevées dans un but stratégique, et Giraudet a tort d'en argumenter.

(«) Recueil d'antiquités, p. 147; Recueil de dissertations, p. 39.

(s) Tel est le cas notamment pour de Caumont, Cours, II, p. 363.

471

yeux la Irouvaille des monnaies de Gralien dans les rem- parls de Tours; il a reçu dans son cabinet deux monnaies donl il fut dépositaire et auxquelles on assignait cette source. Dès lors cet auteur a pu èlre induit en erreur et prendre pour des monnaies provenant des remparts, ce qui a été trouvé dans la ville même, ou ailleurs.

Voici ce qui démontre qu'il a réellement été trompé :

Les murs de Tours sont construits absolument de la môme manière que ceux des autres villes déjà cilées.

C'est la Sauvagère lui-même qui parle : « Dans les fouilles des remparts de Toui-s, dil-il, on a trouvé un las considé- rable de gros blocs de pierres de taille sont des mor- ceaux de colonnes... Ce vieux mur de ville que l'on vient de démolir était établi sur des matériaux arrangés et entassés les uns au-dessus des autres... Paimi ces gros blocs de pierres, sont quelques autels aiiti(jues; on y voit quelques inscrip- tions gravées. »

Ailleurs : « Les pierres étaient entassées pèle-mèle les unes sur les autres, en quantité si considérable que le nouveau palais arcbiépiscopal en a été entièrement bâti. Celle confusion souterraine de tous ces vii'ux blocs de |)ierre annonce certainement le renversement d'un édifice considérable. »

Voici qui comi)lèle, au surplus, l'analogie; comme on l'a vu plus liaut (i), les murs de Tours, tout comme ceux des autres villes cilées, contenaient des piei-i-es moimmentales; or, ces ])ierres « appartenaient par leur sli/le aux deux premiers siècles de l'ère chréliennc. »

(i) Voy. ci-dosRiis, ]i. ioO.

17.3

Qu'on explique celle absence de pieri'es monumenlales de la décadence, époque à laquelle appartenait Gralien...

On peut donc considérer la découverte prétendue des monnaies de ce prince comme un fait archéologique mal observé et il y a lieu de l'éliiniiier du débat.

Ce qui vient d'être dit autorise une conclusion qu'on trouvera ])eutèlre hardie, mais qui est commandée par la logique : un déli est porté aux découvertes archéologiques de l'avenir; aucune d'elles ne rencontrera jamais dans les remparts des villes en (|uestion aucune médaille ou aucune inscription du iv" siècle, et l'on consent ici à déclarer d'avance que, si le contraire se manifeste, toutes les déductions du présent article sont erronées, c'est la Sauvagère seul qui a raison, et Arlon, comme Tours, comme toutes les autres villes à remparts analogues, datent seulement du iv*" siècle.

Ce n'est pas seulement au règne de Gralien que d'autres auteurs (i) s'arrêtent; ils remontent un tant soit peu plus haut; les uns parlent des années 555 à 560; les autres, de la période qui s'écoula de l'an 509 à l'an 539 de notre ère. Or, pendant cette période, nous voyons précisément que les murs decpiaranle-cinq villes des Gaules ont été délruils par les Barbares (2) ; il est donc évident que ces mur.s existaient antérieurement, et les seuls travaux dont ils aient pu être

(1) Cr.ERC,/. cit. , p. 00 : Tmoi.Li-T el (Vkhcniaud'O-Homagnesi '(AXW" Conorés arché:>l. de France (CaiTassniine, Bourges, Narlioiiiie, l>erigiieux, Ueziers), 1868, p. 59.

(2) « Numerus oppidorum quoi'iiii! cianî (lit nia moeala ad quiiique el (iiiadra- .ninta pervenerat, biirgis et castellis luinoribus oinissis. » Tiad. du grec de Julien, ap. dom Bouquf.t, Recueil des historiens de la Gaule cl de la France, I, p. 723.

476

l'objet sont des travaux de restauration, comme Ammien Marcellin le dit de ceux de Sens (i).

Autun est une des villes dont les remparts auraient été établis au iv*" siècle seulement. Or on peut invoquer pour cette ville un argument tout à fait topique :

Ammien Marcellin, qui vivait au iv® siècle, parle de l'état de vétusté se trouvaient de son temps les murs de cette ville (2), état tout à fait incompatible avec l'opinion qui ferait remonter au iv' siècle seulement la construction des remparts de cette ville.

Si le passage d'Ammien Marcellin s'applique à une en- ceinte extérieure (3), il existe des textes d'Eumène (4) qui parlent formellement de la restauration d'Autun faite par Constance Cblore, après la destruction de cette ville par les Bagaudes, sous le règne de Claude (268-270). Ce collègue de Diocléticn, chargé de l'administration des Gaules, fit venir de nombreux ouvriers du fond de l'ile de Bretagne

(i) Voy. plus loin, p. 480.

(2) XV, H : (! Et moenium Augustudini magnitudo vetusta. » XVI, 2 : « Augustoduni, civitatis anliquae, niuros, spatiosi quidem ambitus, sed carie vetustatis iiivalidos. »

(3) Vambitus spatiosus dont il est question dans ce passage, semble en effet s'appliquer à autre chose qu'à la nouvelle enceinte, qui a été sans doute restreinte à Autun, comme en tant d'autres villes. Ainsi pourrait avoir raison d'Anville, qui, dans ses Éclaircissements géographiques sur l'ancienne Gaule, p. 29(5, s'appuyant sur les mots carie vetustalis, dit qu'il s'agit de murailles très- anciennes remontant au moins au siècle d'Auguste. Il s'agirait donc peut-être des débris de l'enceinte extérieure d'Autun.

(i) Panegyr. de Oonslance-Chlorc, .\xi : « Civitas Aeduoruni ex Britannicae facultate victoriae, plurimos accepit artifices, et nunc, exstiuctione veterum domorum et refectione operum publicorum et temploruni instauratione resurgit. » Id., Oralio pro reslaurandis scliolis, iv : « Qui civitatem islam, tune dcmura gravissima cladc perculsam, cum latrocimo Bagaudicae rebellionis obsessa, ... non templis modo ac locis publicis rcliciundis, sed eliam privatis. »

477

pour rpstaurer tous les ouvrages publics de la ville d'AuUin. Or les remparts d'Autan, analogues par leur construc- tion avec ceux d'Arlon, etc., contiennent précisément des inscriptions dont aucune ne descend en deçà du m' siècle.

Nous voilà donc ramenés forcément à la seconde moitié du m' siècle, celte époque que nous ont déjà indiquée les exploits de Probus. Gomment admettre, en eiïet, que les Romains, témoins de la prise de tant de villes des Gaules par les Barbares, n'aient pas songé , après leur reprise par Probus, à les garantir contre de nouveaux coups de main?

Mais avant de rechercher avec plus de précision la date les Romains, encore païens, car c'est bien définitive- ment d'eux qu'il s'agit, ont ordonné l'insertion des monu- ments de leur religion dans les remparts nouveaux des villes, examinons si cette prescription est bien compatible avec cette religion, alors dominante.

M. Jouannet se charge de l'explication, et bien qu'il l'ait proposée dans un tout autre ordre d'idées, on peut s'en prévaloir ici.

Les remparts et les murs des villes étaient choses de droit divin, res sanctae (i) ; d'un autre côté, quand l'ennemi s'était emparé d'une localité, et on a vu que tel avait été le sort d'un grand nombre de villes de la Gaule, les lieux reli- gieux cessaient de l'être; il était permis d'enlever les pierres

(i) « Sanctae res, veUiti mûri et portae, divini juris siint, et ideo niillius in bonis siint, ideo autem miiros sanctos dicimus, quia poena capitis constituta sit in eos qui aiiqu'd in miiroa deliquerint. » (Instit. de .Ii'Stinien, II, i, § 10).

478

des monuments et de les convertir à Ions nsages qnel- conquos (i).

-Mais an lieu de dénaturer complélemenl ces monuments [lieux, n'étail-il pas préférable d'en proléger les débris? En se repliiini dans les villes arrachées aux Barbares et qu'ils rorliliaicnt contre enx; en concentrant ces villes dans lenrs remparts restreints; en constrnisant, ton! antonr, des murs, res sanctae, pour cnceindre ces villes on ils étaient décidés à se renfermer désormais, les Romains, encore païens, ne pensèrent-ils pas à soustraire à de nouvelles dévastations et à enlever eux-mêmes, extra miiros, les autels et les tombeaux de leurs ancêtres, qu'ils devaient renoncer à protéger; nesau- vèrent-ils pas ces choses qui, si elles avaient cessé d'être des res relifjiosae, n'en étaient pas moins restées des souvenirs précieux, et, à cet effet, ne les placèrent-ils pas au sein même des remparts qu'ils se disposaient à défendre an |)rix de leur sang? A Bordeaux, à Autun, dans toutes les villes dcjà rava- gées, dans celles que l'invasion avait menacées ou que l'on construisait contre celle-ci, les pierres funéraires étaient peut-être tout ce qui restait de tombeaux profanés par les

(ij (i Cuin lora ab liosli!)us rapta sunt, desinuiit oninia roligiosa esse

ideoqtie lapides iiide siiblalos in qiiciiilibet iisum convertere possumiis. » Telle est la formule qu'on croii-ail l'aile pour le cas soumis, et que proposent Gutherius, De jure mnnhim, FM, 8, Gothofhkdus et autres, sur les deux lois : fr. 50, Dig. de Rel'Kj., XI, vu : « Cuni Iota capta suiil ab boslibus, oninia desinunt religiosa vcl sacra es e; » et fr. 4, Dig. de sepulcro violulo, XLVIl, xii ; « Sepuicra hostium religiosa iiobis non sunt, ideoqiie lapides inde snbîatos, in qocmlibet usuni convertere possuniiis. » (Voir de Caumont, Cottrs d'antiquités momiineiilftles, II, p. ô6'J.)

La fonnule susdite est bien peut-être un peu absolue, puisqu'elle renverse les rôles et que d'ailleurs elle ne lient pas compte du jus postliniinii qui s'opère en cas de reprise sur l'cnnciiii, et qui efface la profanation passagère infligée par les possesseurs momentanés. (Dig. XI, vu, /. cit.)

/i79

Barbares, et c'étaient ces débris que les païens avaient à cœur de soustraire à des outrages ultérieurs, en les ])laçanl à l'intérieur des murs.

C'est peut-être le seul moyen d'e.\pli(iuor les faits, des qu'on est obligé de les dater du paganisme et de ne plus les considérer comme de simples exceptions.

L'histoire générale nous a ramenés à la fin du m* siècle, pour préciser l'époque de la construction (\q<, murs en question. Recherchons maintenant, dans les écrits de l'époque, les constatations de l'existence de ces murs à des dates déterminées, en répétant ce qui a déjà été dit et en y insistant : tous ces remparts sont de la même épo(jue; ce qui est vrai pour les uns, l'est nécessairement pour tous les autres.

Le poëteAusone, qui vivait au iv' siècle (509-594), a dé- crit sa ville natale (i) : or il est certain que de son temps Bordeaux était déjà entouré de ces murs dans lesquels on retrouve aujourd'hui des monuments antiques. Il décrit éga- lement les murs de Toulouse (2) et de Trêves (.1).

Un contemporain d'Ausone ou de Sidoine Apollinaire (ij, Tetradius, sans doute l'un de ceux à qui ils adressèrent des

(1) Clarae iirbes (Biirdigala), xiv, v. 12, 15 :

Quadrua imirorum species, sic tiinibus ullis Ardua, ul aerias iulreiit fasligia mibes.

On a, en edct, constaté que les ancieni:.es foitilicalions de Cordeaux, celles précisément l'on trouve la coiahe de monuments antiques, formonl sinon un carré, du moins un véritable quadrilatère rectangle,

(2) Ihid. (Tolosa), xii, v. 2 :

Coctilibiis niiiris qiiam circuit anibilus iagciis.

(Même réllexioii pourtant que pour Autun, quant a ['ambiliis i»gc-iis.) (s) Ibhl. (Trevirae), iv, v. 2 :

l.ala por l'xlciilum iirocuriMnil mociiia coUeni.

(4) MiGKE, Patrol. Uiliuae, xix, p. 921- ivni, p. WQti.

480

lettres, écrivait (i) : « Ciir me propinquum Santonum moeni- bus déclinas? » Preuve évidente que Saintes était déjà fortifiée au iv'' (ou v'') siècle, et l'on peut invoquer comme argument h l'appui de cette déduction cet autre fait que S. Eulrope, qui vint à Saintes pour convertir au catholicisme les Santones encore idolâtres, trouva la ville complètement fortifiée : les remparts de Saintes, bourrés de monuments païens, ont donc été élevés avant les lois citées des années 59(i et 408(2).

Ammien Marcellin dit formellement, de son côté, que dès le milieu du iv" siècle. Sens était entouré de murs que l'em- pereur Julien fit seulement réparer (5) : en 555, ce prince, qui avait alors le commandement des Gaules, ayant été assailli par les Barbares sur le territoire de Sens, il avait pris ses quartiers d'hiver, se renferma dans la ville avec ses troupes, la fit clôturer, fortifia la partie faible des murs, selon les propres expressions d'Ammien Marcellin, et soutint un siège de trente jours contre une multitude d'ennemis.

Les murs de Sens, comme on l'a fait observer avec beau- coup de justesse (i), ont donc été construits, ainsi que leur

(i) L'édition d'AusoNC, in usum Delphini, p. -iTl, en note, dit de Tetradius : « De hoc Tetradio nihil alibi. » Le personnage ne figure pas, en effet, dans les tables de l'ouvrage de Migne, parmi les auteurs de lettres. On ne sait donc sur quelles données La Sauvagèke, Recueil iV antiquités, p. 13, cite de lui une Ep. XV, d'où ce passage est extrait. V. aussi Uist. litt., I, 2", pp. 118 et 419.

(î) '( Cum urbeui quae Xanctona dicitur intraret, eamque videret undique

mûris antiquis optimc septam, excelsis turribus dccoratam Acla SS. Aprilis

III, p. 735.

(s) XVI, i et 5 : « .Iulianus apud Senonas oppidum tune opportunum abscessit. Hostilis aggredilur miiltitudo, oppiiii capiundi spe in majus accensa. Clausa ergo urbe, murorumque intiila parle firmata, ipsc cum arniatis die noctuquc inter propugnacula visebatur. Post tricesinium denique dicni abicre barbari... »

{i) Congrès archéol. de France (Sens, Tours, Angoulême, l'oiliers), 1847, p. 4d; (Auxerre, Ciuny, Ciermont-Ferrand), 1850, p. 142.

481

contenu, avant l'époque Julien les fit renforcer, c'est-à- dire avant le milieu du iv*-' siècle.

On a déjà rencontré plus Fiaut un autre passage d'Ammien Marccllin sur les anciens murs d'Autun.

Les actes de S. Pèlerin (i) fournissent, de leur côté, un texte précieux comme élément pour résoudre la question chronologique. Quand le saint personnage arriva à Auxerre, vers 2G0, la ville n'était pas encore entourée de murs : « Autrici (lire Autessioduri), loco qui tune tcmporis necdum murorum munitione cingebalur , a persecutoribus inte- remptus martyrium consummavit (2). »

Cette arrivée de S. Pèlerin à Auxerre eut lieu sous le pontificat de Sixte II, Gallien et Valérien étant empereurs, Aemilius et Bassus consuls, c'est-à-dire en l'an 259 de l'ère chrétienne.

Le premier rédacteur de la vie de S, Pèlerin vivait sans doute au iv*" siècle, époque où, d'après ce passage, les murs existaient; il en résulte que les remparts d'Auxerre, où, comme on l'a vu, des monuments antiques servaient de base aux murs de l'enceinte, ont été élevés à la fin du iii^ siècle. Toujours la même date !

Chose remarquable : à l'époque même s'opérait ainsi le placement des anciens monuments sous les remparts des villes de la Gaule, à Rome aussi on construisait de la même manière certain mur fouillé en 1875 (5) et qui a révélé plus

(1) Ces actes, par leur antiquité, « méritent une certaine considération, » dit YHistohe littéraire de la France, III, p. 42. Voy. aussi Lebf.lt, Mémoires cités, III, pp. 5 et 4, 011 il défend les actes de S. Pèlerin contre les critiques de D'Anville.

(2) Acta SS. Mali, III, p. S60; Congrès archéol. de France, 1830, p. 20. (s) Corpus inscriptioniim latinnrum, VI, pp. 6o9 et 720.

Am

de cent inscriptions des XII cohortes prétoriennes. Ces inscriptions, comme celles de nos villes gallo-romaines, s'arrêtent dans la seconde moitié du m' siècle : les plus ré- centes sont de l'an 205 !...

Il y a dans l'ensemble de ces observations une concor- dance telle, (]u'il est impossible de le méconnaître, la construction de tous ces remparts si identiques doit remonter à une loi de la fin du m'' siècle.

Or si l'on remarque que précisément à cette époque les Barbares de la Germanie, déjà signalés par César comme une menace constante contre l'empire romain (i), avaient repris de plus en plus la route des invasions; que Probus avait reconquis soixante villes sur les Barbares; que Con- stance-Chlore, pendant les quatorze années de son gouver- nement (292 à 50G), s'appliqua à rétablir certaines cités dé- truites et à repeupler un grand nombre de contrées que ces premières grandes invasions avaient ravagées, il est aisé de se rendre co;iipte de la nécessité, reconnue par les Romains, de protéger par des fortifications les villes qui étaient restées jusque-là ouvertes et sans défense.

Il paraît constant, disait le regretté M. deCaumont (2),que les villes n'étaient pas fortifiées avant le m'' siècle. Ce fut à

(\) l(. G., I, ") : « Paulafim Germaiios consiiescerc Rtiemira transirc et in Galliam vciiire, [lopiilo roinano pcricu'.osum vidobat. " Yoy. aussi itud., F, m, 5J, etc.

(2) Congrès arcliéol. de I«oO, /. cil.; au ATP Congrès (1838), p. 53, M. dk Cal'mont indique le v' siècle au lieu du iir : on a déjà fait remarquer ces tâton- nements d'un esprit excellent.

Le m'' siècle est également adopté par O'Heillv, /. cit., I, p. G-2, qui croit (lue la première enceinte de Bordeaux date du m" siècle, mais qui fait étal de certaines réparation'; eflVrtuées au x*" siècle dans la partie supérieure.

/pS3

cette époque quo l'on employa les fragments les plus pré- cieux pour créer des fortificîilions destinées à résister au torrent dévasialeur des Barbnres.

Qui |)lus est, on le répèle, car l'observation a son impor- tance, tous les monuments lapidaires découverts dans les remparts en question appartiennent aux bonnes époques; aucun ne dépasse le m' siècle (i).

Celte conclusion s'applique parfaitement à Arlon, comme aux autres villes de la Gaule; aucune des inscriptions trou- vées dans les remparts, ni par la forme des caractères, ni par ses mentions, ni par un indice quelque peu sérieux (2) de christianisme, ne va au delà du règne de Maximin (233 à 238), ce qui concorde d'une manière générale avec les don- nées qui précèdent.

Il en est de môme des inscriptions de Sens; en tant qu'elles permettent d'apprécier leur date, elles ne descen- dent que jusque l'an 250 (3) ; la plus récente de celles de Bordeaux est de l'année 2o8 (1), etc.

(1) De Cacmost, Cours, II, p. 5j'2, parlant spécialement dos remparts tie Bordeaux, dit (iirauc:in des débris n'est postérieur au iir siècle, et, en général, ibid. et p. 563, il dit que tous les débris semblables appartiennent aux beaux siècles de l'art (c'est-à-dire à l'époque des Anlonins), et « que les débris de sculptures jetés dans les fondations de toutes ces villes paraissent être du l6^ du II" ou du commencement du m*' siècle. »

(2) On ne pourrait alléguer comme tels les mots hic quiesqiiit (lire quiescit) de l'inscription n" 74 {Bail, des Coinm. roij. d'art et d'archéol., VII, p. 06), eu certain personnage étendant les bras en croix, mais non crucifié, d'un des monuments s-'pulcraux d'Arlon, personnage qu'on considère, du reste, comme parlailement païen, puisqu'on l'appelle génie niiptial (Piiat, Ilisl. d'Arlon. I, p. 83, pi. 2Ta). Cela ne résisterait pas à un examen sérieux.

(3) Congrès arcliéol. de 1830, p. 20.

(i) On ne peut invoquer comme un signe du cliristiaiiisnie la dédicace MEMoniAE et le iiii: i.\cf,t d'une inscription des remparts de Bordeaux. M. Edni.

484

Avant la construction des remparts, Arlon n'était, du reste, pas fortifié : Alex, de Willlicim (i) répète en plusieurs endroits que les murs d'Arlon ne recèlent pas de monu- ments militaires. On a vu, en effet, que c'est par une erreur manifeste qu'on a attribué à Arlon une pierre d'un soldat de la VHP légion, et quant à l'inscription n" 74, il est à remar- quer qu'elle concerne non un militaire en activité, mais un vétéran congédié, qui, par conséquent, n'était plus au service à l'époque il est allé mourir à Arlon, qui était sans doute son pays natal : Arlon était donc encore à l'état de viens, sans garnison militaire, avant que les remparts ne fussent construits (2).

Quant à l'expression viens qui vient d'être rappelée, on en a, il est vrai, tiré argument pour soutenir que, se trouvant

Leblant ne considère pas ces expressions comme des indices certains de ciirislianisme.

Il en est l'e môme du corpvs exanime de la même inscription, expression qu'on retrouve pnVisL^ment avec celle de iaceï sur le tombeau parfaitement païen d'un luperque (Orelu-Henzen, n" 7418).

Voici d'ailleurs l'inscription tout récemment découverte à Bordeaux, curieuse à plus d'un titre, et concernant de plus une femme trevire :

HIC lACET II EXANI(me)n || CORPV . S DO || MITIAEC'V II TREVERAE || DEF. VKFEBR || POSTVMO II COS.

face Il ET MEMOU II DOMITIAE || CIVISTRE || VER. DFVN || XX. L. EOCON ||

IVGIKARISS II POSVIT.

C'est la seconde inscription d'une civis Trevera {Bull, ci-dessus, XV, p. 116). On tirera ailleurs les conclusions de ce fait.

(i) niill. des Comm. rorj. d'art et d'urchéoL, XV, p. 9i. On peut ajouter cet autre passage du Luxemb. roman., p. 26S : « Per tôt Orolauni effossa saxa, nulluni fere militis repertum. » Il est à remarquer que le fere de W iltheim ne se rapporte pas à des inscriptions militaires, mais h de simples épisèmes semblant faire allusion ii la vie des camps.

(a) L'inscription au dieu Mars Camuliis {Bull., XV, p. 118) peut avoir une origine semblable; elle ne mentionne pas, du reste, de condition militaire chez le dédicant, qui a pu élever Tautel pour appeler la protection de Mars sur un des siens.

4-85

dans rilinéraire d'Antonin, elle indique nécessairement qu'à l'époque ce documcnl a été confectionné, Arlon n'était |)as encore fortifié (i). Mais l'objection ne vaut guère la peine qu'on s'y arrête : les noms usuels persistent, malgré les changements d'importance des localités; Orolaunum vicus a pu continuer à être appelé de ce nom, malgré ses fortifi- cations ; il a pu notamment figurer ainsi dans l'Itinéraire d'Antonin, qu'on aura omis de tenir au courant, en ne sup- primant pas une dénomination usuelle. Or si, malgré les controverses qui existent à ce sujet, il est admis que cet Itinéraire a été dressé vers le milieu du iv* siècle (^), on com- prend parfaitement qu'on n'y ait pas tenu compte de fortifi- cations construites peu d'années auparavant (cinquante ans tout au plus), et que le nom de vicus n'ait pas été effacé. Ce nom de viens est d'ailleurs resté attaché à un certain nombre de localités qui, par les monuments découverts, révèlent une importance plus grande que leur nom de vicus ne semble l'indiquer, comme les stations de l'importante voie de Trêves à Cologne, qui toutes portent ce nom de viens : Beda vicus, Ausava vicus, Egorigium vicus, Marcomagus vicus, Bel- gica vicus, Tolbiacum vicus.

Faut-il même démontrer que tel ou tel vicus a bel et bien été une station militaire et, par conséquent, un poste fortifié? Il s'agit uniquement de se rappeler que Wyck (^vicus) était évidemment une tète de pont pour défendre la rive droite de la Meuse, à Maestrichl, ou de jeter les yeux sur Iled- dernheim, le Vicus novus des anciens, apparaissent de

(0 Bull. Acad. roy. de Belg., XXI, 2", p. G77. (î) Ibid.

486

nombreuses inscriptions militaires de la Coh XXXU volun- tariorum et des legr/. VHI Anloniniana (il XX II P. P., qui y ont campés (i). Ce Vicus vovus était Ibrlifié (^i).

Il en est de la dénomination de vkus comme de celle de burgus ou burijuin, qui, appliquée d'abord, à en croire Orose, Isidore de Séville et Luitprand (5), à la simple réu- nion de quelques liabilalions, y est restée attachée quand les habitations se sont agglomérées et ont forme de très- grandes villes.

Toutes ces observations ne seraient pas applicables, qu'en- core ne devrait-on pas absolument rajeunir ces remparts d'Arlon : il faudrait voir, au contraire, si ce ne serait pas un motif de vieillir l'Itinéraire et de le dater d'une époque antérieure au temps Arlon a été fortifié, c'est-à-dire à la lin du 111'^ siècle (i).

III.

Il faut bien i)lacer ici la ]'éfulation d'une opinion assez étrange : un auteur puise dans le fait de la construction

(1) Stkineh, Codex inscript. lihcni cl Iktnuhii, n"* 657, 059, Gi2, G49, clc.

(2) //)/(/., I, p. 504 : « ... Ein gi'osses Terrain aiif wclchen dcr zur rom. Civilas Tanui'n.sium geliorigc Oit, inschriltlich Vicus noviis genannt, lag. Mail l'and hkr Fuitdamente tjrosser UmfatigyiiKiucrn dièses eiiist befestigeii Oites... 0

(3) En réservant, bien entendu, l'indnclion à tirer de Végèce, IV, 10 : « Burgus est castelkini parvnluni » (laquelle en tout cas implique quelque chose d'exigu) et les nombreux burgs d'origine militaire incontcstabic.

(4) l»onr M. MaN. Delochk {Éludex sur la géographie de lu Gaule, etc., couronnées pur IMnstilnt, 18GJ, p. 50), ritiuéraiie dWiiloiiin dalerait soulcmeut du cunimencenieiit du iv siècle, cl même du dernier tiers du 111'=, ce qui implique la possibilité de la coiil'ection b l'époque Constance-Chlore n'aurait pas encore f'urtilié Arlon.

(re->t précisément a Coiislancc-Cb'ore que i'ou atliibue la eiinstiuition de la roule de Reims à Trêves {Annules de la Société d'Arlmi, 111, p. ".">); citle voie n'est pas mentionnée sur la carte de Pi;t tinger.

iH7

de murs clablis do la l'açon qu'on vient de dire, la preuve de la thèse que les murs d'Auxerre datent des premiers temps do l'époque des Romairis.

Leblanc-Davau (i) a pour point de (k''j)ar( une idée à la- quelle on adhère ici sans réserve : « La guei-rc étant alois un élat normal, c'est une erreur grave de donner à la con- struction première des remparts gallo-romains des villes de la Gaule et nolamment d'Auxerre, une date postérieure à la destruction des monuments do fidolàtrie. «

Mais celle idée, M. Leblanc-Davau l'élcnd beaucoiiii (ro|).

Écoutons-le d'abord dans sa description des murs antiques d'Auxerre, il consIate(2) que les tombeaux, etc., étaient placés dans les remparts en deux ou trois couches superpo- sées (ce qui fait disparaître l'assertion de l'abbé Lebeuf, que les débris antiques gisaient « indifféremment et confusément » dans les fondations de ces mêmes remparts).

« On a démoli, dit-il (5), les pierres de taille qui portaient des figures et des insci"iptions religieuses. On a retrouvé les faces taillées ou sculptées dans l'épaisseur de la maçonnei-ie, et ces monuments ont disparu complètement. Ce travail a été fait sans matériaux nouveaux, sans (aille nouvelle et en général sans mortier. De sorte que les j)ierres démolies ne font plus corps avec la maçonnerie de l'enceinle. Elles en sont séparées par un vide qui démontre que cette enceinte est antérieure à leur démolition et à la desiruction des mo- numents de l'idolâtrie romaine. Le tassement de l'une et de

(1) L. cit., p. il.

(2) Ibid., p. 76.

(?) mu., p. 115.

488

l'aufre maçonnerie ne s'étant pas fait en même temps, on y remarque une solution de continuité. »

Juste comme à Arlon, sauf, bien entendu, le prétendu tassement.

Ailleurs (i) : « La maçonnerie des murs et des tours est une maçonnerie de béton, faite avec des pierres carrées de la grosseur du poing, posées et battues dans un bain de mor- tier, de ciment et d'un parement en petits moellons. On y remarque aussi quelques assises en grosses pierres de taille, posées irrégulièrement dans les fondations, dans les portes et dans les places destinées à des monuments. Les uns for- ment un socle d'une assise; les autres composent un sou- bassement de plusieurs assises. Ces grosses pierres de taille que César appelle grandia saxa, sont tirées des carrières de Mailly-la-Ville, situées à 40 kilomètres environ d'Auxerre. Elles étaient inutiles pour la construction des murs de béton, qui sont presque indestructibles. Elles proviennent évidem- ment d'une enceinte fortifiée antérieure à l'enceinte gallo- romaine, qui était à la même place.

a On a mutilé et renversé tous les monuments de l'idolâ- trie romaine qui se trouvaient sur cette enceinte, et pour qu'il n'en restât aucune trace apparente, on a retourné dans répaisseur de la muraille antique les faces des pierres qui portaient des figures ou des inscriptions. Mais on n'a pas démoli et retourné les dates consulaires, les inscriptions po- litiques; elles n'ont pas cessé de faire partie de la maçon- nerie de béton.

» L'autel et la statue de la déesse Icauna (2) étaient dans

(0 Ibid., pp. 41 et 42. (2) W., p. 116.

180

k's nuiis (l'Auxcrre, en une espèce de groKe ou de niche. On a brisé la slalue et on a relourné dans réjiaisscur de la muraille la lace de l'aulel qui i)orlait rin.sci'i|)lion, [)uis on a rempli la grolle ou la niclie avec les débris de la statue, des colonnes et des pilastres. Dans une Icllre du 10 mars 1722, l'abbé LebeuF annonce qu'il a découvert cette inscrip- tion avec les doigts, en passant la main dans le vide existant entre l'autel et la maçonnerie du mur. Il est bien évident que ce bloc énorme, de l'"20 en tous sens, n'a pas été ap- porté dans ce lieu pour conslruire la muraille antique, qui est bâtie avec de petites pierres, qu'il a été amené à grands frais dans cette muraille pour le culte d'Auguste... »

L'auteur continue et décrit l'étal dans lequel se trouvent les inscriptions et autres pierres monumentales d'Auxerre :

« Ces grosses pierres étaient séparées de la maçonnerie de béton par un vide. On voyait sur le parement inléricur du béton les empreintes des faces non taillées, et il nous a paru constant qu'elles avaient été démolies et retournées dans la muraille antique pour cacher les ligures... »

Plus loin encore, parlant d'un bloc de dimensions consi- dérables (r"iO sur O"'70 et 0"'-iO), il dit : « Ce bloc énorme n'a pas été apporté dans ce lieu pour y construire celte- maçonnerie de béton, très-solide et forte, avec de petites pierres de la grosseur d'un poing, puisque le sol est une roche calcaire. »

Et il pense qu'il s'agit sinq:>lement d'une sépulture de jeune fille, faisant partie d'un cimetière gallo-romain, les morts étaient inhumés au pied des murs de la cité; celle sépulture aurait été adossée au rempart et aurait été retour- née dans ce rempart à ré))0(iue le monument fut détruit.

45)0

L'explication est plus CfUe conteslable, en présence de ce double fait que les cimetières étaient généralement en dehors des lieux d'habitation, à une distance déterminée (ij, et que les anciennes circonscriptions des villes ont été restreintes à l'époque on les a fortifiées; mais le fait dégagé de l'explication est certain. Auxerre possède, à la base intérieure de ses murs, des monuments antiques qu'on y a placés à dessein.

En lisant ces descriptions, il semble impossible de se ral- lier à la conclusion de l'auteur, qui distingue les monuments antiques détruits avant la construction des murs de ceux qui auraient été détruits précisément pour être insérés dans ces murailles après leur construction (2).

En effet, on ne se représente pas comme possible l'opé- ration décrite par l'auteur, étant donné un mur déjà con- struit.

Il est si vrai que les monuments sépulcraux et autels ont été placés avec intention on les retrouve aujourd'hui, qu'à Auxerre il était tout à fait superflu de recourir à ces pierres comme blocage des murs des remparts.

« Le département de l'Yonne (3) est l'un des plus riches pour ses roches calcaires, pour ses carrières de pierres. Toutes les enceintes fortifiées, tous les grands édifices de ce département, sont construits avec des matériaux provenant de ces roches. On aurait augmenté considérablement les difficultés et les dépenses de ces constructions, s'il avait fallu prendre les matériaux dans les édifices démolis. »

(1) Voy. plus haut, p. 468. (î) Leblanc-Davau, p. 415. (s) Id., p. -lis.

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Voilà, avec un simple changement du temps dans les verbes, l'aveu précieux qui échappe à un des adversaires de la thèse ici préconisée.

C'est, d'après ce passage, une intention bien déterminée qui a fait transporter les pierres monumentales en question dans les fondations des remparts des villes, puisque ce transport était inutile et qu'il a fallu le faire à grands frais.

D'ailleurs sur quoi M. Leblanc-Davau se fonde-t-il pour faire considérer les remparts romains d'Auxerre comme ayant été établis dès le temps de César?

Deux des tours des remparts d'Auxerre portaient, dit-il, les inscriptions suivantes : g. i . s . i vibio i cons, et gai vibio GOS, et I . vibio . II, qu'il traduit très-arbitrairement par : gens impensis suis Julio Vibio imperalore primum (i) consiruxit; par : Caio Vibio consuls, et par imperalore Vibio secundo (lire ilerum).

M. Leblanc-Davau, en attribuant ces inscriptions au con- sul Vibius,qui fut collègue d'Hirtius, oublie que leur consulat date de l'an 710 de Rome, c'est-à-dire de l'époque César et ses successeurs avaient réuni tous les pouvoirs. Or quelle vraisemblance peut-il y avoir à supposer que ces consuls, qui n'exercèrent aucun pouvoir spécial en Gaule, eussent osé inscrire leurs noms sur des édifices publics : la loi romaine, comme le constate formellement le Digeste (2), ne permel-

(i) Le primum ne s'exprime pas dans les inscriptions : dès que la dignité n'est pas accompagnée de la désignation ilerum, III, etc., c'est qu'elle est exercée pour la première fois.

(2) Dig., L, X, fr. 3, § 2, et fr. 4 ; a Inscribi autem nonien operi publico alterius quam principis aut ejus cujus pecunia id opus factum est, non licet. Nec praesidis qiiidem nomen licebit superscr ibère. »

_ /,i>:2

lail, (il elTel, de placer sur les édifices publies (pi<' !•' nom du prince ou de celui aux frais duquel la construction (»u la réparation était faite, en défendant formellement aux fonctionnaires inférieurs de s'interposer et de se mettre eux- mêmes en évidence, règle constamment observée dans les monuments épigraphiques, depuis les temps les plus re- culés.

Les inscriptions alléguées par M. Leblanc-Davau n'exis- tent plus aujourd'hui, et si elles ont jamais existé, la leclure en est toutàfait arbitraire : ce sont, sans doute, des fragments (pio, par une fantaisie archéologique, on aura j^lacés en évidence à l'époque de; la Renaissance, sans (pi'on soil auto- risé à en induire nne date précise pour la construction des remparts.

Mais si ces inscriptions n'ont pas de signification, eu voici une autre (ju'invoque U. Leblanc-Davau et (jui aurait, d'après lui, été trouvée dans les fondations mêmes d'une tonr des remparts en fouillant au pied de cette tour : avlvs

lIIRTiVS ET CAIVS VIBIVS COSS.

Évidemment si les Romains avaient eu riiabitudo de pla- cer, comme on en voit des exemples chez nous (i), des in-

(i) A Charlei'oi, lors de la pose de la première pierre des fortifications construites sous le régime hollandais, on a songé à graver sur cette première pierre l'inscription : pretiosa posteritati monvmenta condit, remplacée an dernier moment par la suivante, plus laconique et due à quelque savant du temps : nepotibvs 1| s(acrum); cette inscription, gravée sur la pierre, h l'intérieur de laquelle on avait déposé des médailles commératives, fut retrouvée, en 1873, dans les fondations des remparts démolis (^Documents de la Société paléoulolo- gique el archéologique de Cliarleroi, VI, pp. 38 et -il).

Mais les Romains, très-pratiques en cela comme en beaucoup d'autres choses, faisaient les inscri|)tions à l'usage immédiat du public; ils les exhibaient et ne

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scriplions dans les lundalions des édifices })our en dater la consd'uclion, celle inscriplion aurait une liaule portée ; mais il ne peut y avoir de doule à ce sujet, les Romains ne pro- cédaient pas ainsi, et, par conséquent, les remparts ont été établis postérieurement à l'inscription des consuls en ques- tion, et cette insci'iption, à l'état de débris, lait partie des matériaux (|ui ont servi à les construire.

M. Leblanc-Davau (i) l'ait encore grand étal de l'inscrip- tion suivante :

D . M . Il ET . MEMOUIAK . AVUELI [| DEMETIU . ADIVTORES || PRO . C . CIVITATIS SENONYM . || TRICASSINORVM . MELDORVM . PARISIORVM . ET . CI II VITATIS AEDVORVM . lîsGE j] ^VJMA . AVRELIA . CO.MVGI . ET . AVRELIO . UE H METRIANA . ET . AVRE- LIVS II DEMETRIVS , FIL . PATRI |l OAKISSINO . FAGIV.NDYM . || CVRAVERVNT

Auxerre (^2).

M. Leblanc-Davau estime (|ue cette inscription est anté- rieure à Auguste.

Il se fonde à cet effet sur les sigles pro . c (ou procc), qui, d'après lui, veulent dire pro consulc, et il invoque

les enterraient pas, sauf bien ciiteikiii pour les sépultures destinées à élre visitées h des épotpjes prévues, comme les columburia, etc.

Ils n'auraient pas, du reste, même dans ce cas, songé à éluder la loi citée plus haut en gravant le nom non du princeps, mais du praeses.

Entin cette inscription est suspecte en ce que, contrairement à un usage presque général, les deux prénoms des consuls sont indiqués en toutes leltres, et pas seulement par des initiales, qu'ils ne sont pas ii l'ablatif, mais au nomi- natif, etc.

(<) IbkK, pp. Iet40.

(2) D'après PrrHOEus, Opéra omniri sacra jiiridica, |i. i08; Grcter, Ô71, S, d'aprt'S Aide Maxice, écrit prokc a la 4* ligne. Autre varianle : procc.

/i94

l'opinion de Visconli et de Clarac, déclarant que procurator ne s'abrège jamais que par les sigles pr.

Cette opinion, si elle a jamais été émise par les auteurs invoqués, ne se justifie pas, car il suffit d'ouvrir les tables d'Orelli pour y voir que proc se rapporte aussi bien à procurator qu'à pi'O conside.

Or, bien que d'autres inscriptions ne nous montrent pas plus des procuralores que des pro consule civitatis, il est certain que les proconsuls avaient toujours une province entière dans leur ressort.

Mais ce qui détermine parfaitement la signification des sigles PROC dans l'inscription invoquée, c'est la qualité du fonctionnaire nommé aJjulor, lequel jamais, que l'on sache, n'est attaché à un proconsul, tandis, au contraire, qu'on a plusieurs exemples à'adjiUores des procuratores (i).

S'il ne s'agit pas d'un proconsul, il ne peut non plus être question de l'époque la Gaule n'était pas encore province impériale (2) gouvernée par un legatus Augusti, et le procurator (ou trésorier général) des Gaules résidait à Lyon; l'inscription, si elle est authentique, appartient vrai- semblablement au moins au 11' siècle, comme l'indique le g entilici uni AureVms, qui désigne le plus souvent l'époque des Antonins (3).

De cet ensemble de considérations, résultent, semble-t-il, les conclusions que voici :

\" Les pierres monumentales qui reposent à la base des

(1) Orelli, n»' 2417, 5209, 6181, 6o33.

(î) SuETON., in Aug., 47; Dio Cassius, lui, 2.

(3) Pauly, Real-Encyclop/tdie, VI2, p. 2370, note 2.

im

remparts d'Auxerre, comme do toutes les villes en question, n'y ont pas été placées pour les réparer. Cette opération eût exigé qu'on battit ceux-ci en brèche au préalable, afin d'y introduire les pierres monumentales qui régnent dans tout leur contour; ce n'aurait pas été une opération qui fût de nature à rendre ces remparts plus solides ;

Comme les remparts massifs des villes ne sont pas des maisons qu'on peut ouvrir et refermer, on n'a pu songer non plus à y introduire, après coup, des monuments antiques, et l'opération eût, du reste, été trop difficile et trop coûteuse;

o' Le vide qui sépare de la voûte le soubassement de pierres monumentales s'explique, non par un tassement particulier, mais par des charpentes ou cintrages en planches, aujourd'hui anéantis, et qui avaient été établis au-dessus de celte couche de pierres monumentales ;

4" Enfin, les remparts étant placés autour de l'enceinte réduite des villes ou sur des hauteurs d'un accès difficile, on n'a pu songer à y apporter des pierres uniquement pour les cacher à l'intérieur des murs à construire, si ce n'est dans une intention pieuse et pour obéir à une prescription de loi.

D'où il résulte, à toute évidence, et un seul auteur l'a méconnu, que le dépôt de la première assise des remparts des villes romaines est contemporain de ces remparts eux-mêmes. Or, ce dépôt date comme eux de la fin du m* siècle.

IV.

Si les conclusions à tirer de ce qui précède sont fondées, l'histoire de nos contrées a conquis une date nouvelle. Déjà nous savons que dès les premiers mouvements des

49()

Barbares, à la fin du règne de Marc-Aurèle, les habitants de notre pays avaient abandonné le mode de sépulture dans les tuniulus : pas un seul tumulus fouillé jusqu'à présent en Belgique n'a fourni une monnaie postérieure au règne des deux premiers Antonins.

De plus, cl ce devait être la conséquence du trouble apporté par ces premières invasions, toutes les villas belgo- romaines de la route de Cologne à Ravay jusqu'au delà de Tongres, route suivie notamment par les Chauques (i), ont été rasées à la même époque, et la plupart n'ont pas été rebâties. Si, aux al)ords de cette route, on en trouve de réédifiées après une première destruction, c'est déjà à une distance assez grande de Tongres vers Bavay (2). Les villas ravagées lors de la première destruction, fournissent la date de celle-ci, puisqu'elles n'ont, pas plus que les tumulus, révélé jusqu'à présent une seule monnaie postérieure au règne de Marc-Aurèle.

Le fait parait même pouvoir être généralisé jusqu'à un certain point. En France, M. de Caumont en a fait la remarque (3), jamais on n'a trouvé de débris chrétiens dans les villas romaines en ruines, qui ont été observées et fouillées dans les campagnes en beaucoup de contrées de l'ancienne Gaule. H est donc probable, ajoute cet illustre savant, qu'elles ont été détruites toutes au uf siècle au plus tard, et ce fait aui-a vu lieu lors des invasions qui onl suivi la pre-

(1) /{////. (les Cowiii. roij. d'art el d'ardu'oL, V, p. rjl3; VI, p. 500.

(2) Tel est le cas pour les villas d'Arqucniies, d'Éloiiiics, etc.. (hins lellainaul. décrites par M.M. le D' Clouikt, de Buvk, etc.

13) XXX' Congrès archéol. de Frimce (Hnle/, Albi. I.e Mans), 1865, p. 89.

407 -

mière irriiplion des Chauques, doiil niie j)artio do noire pays seule s'était ressentie. Alors les campagnes furent abandon- n«;es et les villas désertées pour les villes, qui elles-mêmes furent bientôt attaquées.

Ce sont ces invasions plus dangereuses qui auront appelé l'attention de l'aulorilé impériale; c'est alors qu'on aura prescrit aux habitants réfugiés dans les villes dévastées de diminuer l'étendue de celles-ci, de les fortifier et de renfer- mer les débris des monuments et dos tombeaux dans le corps des remparts à construire. Buhot doKersers (i), tout en attribuant au mépris des chrétiens ponr les monuments du paganisme l'emploi dans les assises de ces remparts, de débris de monuments, conséquence d'une destruction ou tout au moins d'un abandon antérieur, dépeint en excellents termes ce qui se passa alors : « Les habitants décimés, rentrant dans les villes ravagées, ont consommé la destruction de leurs monuments et ont reconstruit, à la hâte, des fortifi- cations restreintes, projwrtionnées à la condition misérable que leur faisaient ces malheurs. »

Willheim (2), quoiqu'il rapporte seulement à l'année 408 le fait dont il donne les motifs, déduit parfaitement ceux-ci : « 11 n'est pas douteux que de ce côté du Rhin on n'ait apporté le même soin à fortifier les lieux (|ui s'y prèlaiont le mieux, surtout cenx qui, placés sur les voies consulaires, offraient un passage sûr pour le transport des armemenis militaires, des vivres et des bagages. Sur ces voies, Arlon occupait un des premiers rangs. En elTet, il y avait une

(i) Bulletin mo/iuiiieulul, 1. cil., p. 6\'6. (i) Luxemli. roman., p. -268.

498

grande route qui, presque au centre de la Gaule, allait d'Arles, ville impériale, aux métropoles de Reims et de Trêves, dans la Belgique seconde et première. De Trêves, l'accès était admirablement et facilement ouvert, par eau et par terre, vers le Rhin et les principales villes de ce fleuve. En effet, par la Moselle, on gagnait à la fois Coblence, le Rhin supérieur et le Rhin inférieur, tandis que, par terre, des voies consulaires communiquaient à gauche à Cologne et à droite à Mayence. A cette époque, pour gagner le Rhin moyen, à peine restait-il une autre route sûre que celle qui passait à Arlon. Si de celte route on voulait, pour conduire des troupes, se détourner d'un côté ou de l'autre, ici, sur le Rhin inférieur et dans la seconde Germanie, on tombait sur les î'ranks comme ennemis ; là, sur le Rhin supérieur et dans la première Germanie, on rencontrait les Bourgui- gnons comme mailres du pays. C'est pourquoi je pense que Constantin (i), frappé de tant d'avantages et dans l'inten- tion de fortifier le Rhin, et plutôt forcé qu'invité ])ar les cir- constances, entoura de fortes murailles le viens Orolaunum, ancienne station sur la voie impériale, l'endroit le plus élevé de la contrée et le plus propre à recevoir des fortifications. » Que dans ce passage on substitue à Constantin, ou Constance-Chlore, ou si l'on veut Probus (2), et l'on aura la vérité historique : c'est de la reprise des villes de la Gaule sur les Barbares, c'est tout au moins de la restauration de

(1) WiLTHF.iM, viiincii par l'évidence, ne parle plus ici d'Honorius et de Théodose, mais de Constantin (306-557). Voy. sur ce point Prat, Histoire d'Arlou, I, p. 172.

(2) On peut admettre que Probus et ses successeurs immédiats avaient déjà mis la main à l'œuvre depuis l'an 277.

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ces villes par Constance-Chlore, qui évidemment n'a pas appliqué les myriades d'ouvriers venus de l'île de Bretagne à la réédifîcalion des ouvrages publics d'Aulun seul ; c'est en un mot depuis l'année 277 jusqu'en 30G que les villes de la Gaule dont Arlon ont vu leurs remparts s'élever au-dessus des débris de monuments antiques qui y avaient été établis comme soubassement. On peut, semble-t-il, consi- dérer aujourd'hui ce point comme certain.

Certain savant disait naguère : « Dans l'intervalle entre le iv^ siècle et le ix'^ siècle, ont être élevées les fortifications d' Arlon, dans lesquelles on fit entrer des débris de monu- ments romains, détruits à cette fin ou renversés longtemps auparavant; mais on ne possède aucun document qui per- mette de préciser l'époque de la construction de ces rem- parts. »

Il y a décidément mieux à faire que de s'arrêter à cette conclusion non garnie d'études suffisantes.

IV.

Dans un précédent travail (i), l'auteur du présent article, alors imbu de l'idée dont il vient d'être parlé, attribuait la confection des remparts d'Arlon au moyen âge, comme celle des remparts de Tongres, et il avait insisté sur la grande utilité qu'il y aurait de scruter soigneusement une faible partie des remparts de la petite enceinte de Tongres, alors menacée de destruction.

Les autorités de la ville de Tongres ou leurs agents ont,

(i) Bull, des Coinm. roy. d'art et d'archéoL, XI, pp. ô72 et suiv.

bOO

par snilo d'un fnalentendii regrettable (i), renversé non- seulement la ])or(e de Saint- Trond, dont il s'agissait uniquement alors, mais encore loule la parlie des murailles qui sépare celle porte de celle de Liège.

Absolument aucune inscription, aucun débris monu- nienlal de l'éjiofpie romain»^, n'a élé trouve à la base de ces murailles.

Les murs de la petite enceinte de Tongres n'ont donc pas élé établis de la même manière rpie ceux d'Arlon et ne datent pas de la mémo époque que ceux-ci, car sinon ils auraient élé construits absolument dans les mêmes condi- lions que ceux des cinquanto villes de la Gaule citées ])lus baut.

Ainsi se contrôle, de la manière la plus péremploire, la ibèse qui avait élé alors présentée, que les murs en queslion datent seulement du moyen âge (2).

Il est certain désormais (pie les réclamations élevées contre la déinolilion des murs de la pelile enceinte de Tongres (.-), n'ont absolumenl rien de fondé, en tant qu'elles considèrent ces murs comme datant de l'époque romaine : les seuls murs de Tongres de cette époijue qui subsistent encore sont ceux de l'enceinte extérieure du cùlé de Coninxiieim, cl ceux-là, l'aulorilé su|)éri<n!re n'a cessé d'en recommander inslammetil la conservation.

(1) Aussi dans la dernière séance du Comité des monuments du Linibourg, k laquelle le soussigné, depuis attaché au Comité de Liège, a assi.sté, l'avis a-t-il élé émis ([u'il n'y avait pas lieu d'eireclucr le paienionl du subsiJe pi'omis, pour inaccomplissemcnt des conditions.

(î) Bull, cité, pp. 372 cl 57(i.

(s) Voir, outre les réclamations nientinnnérs ihiiL, p. 37(3, lliitlclin de lu Société scifiiti/iiiii,' ri litli'niin' du l.inilhninj. Xlj. p. llti.

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Enllu une rcclilicatioM (i) pour leriiiiiKM".

L'auteur du présent arlicle, suivant une fausse piste, avail cherche parmi les écrivains luxembourgeois et n'y avait pas trouvé certain Braunius dont parle G. de Willheim dans ses Disquisitioncs (2).

Voici, grâce à une indication du savant vicaire llahets, président de la Société archéologique de iMaestricht, de qui il s'agit : Gcorgius Braun et Franciscus Hohenbergius ont publié, en 1o72 (privilège daté de 1570), une cosmographie très-connue, se trouvent des observations sur un grand nombre de localités. Dans le IP volume, au dos d'une carte représentant une vue de Luxembourg, de la colonne d'Igel et des jardins du comte de Mansfeld, à Glausen (3), se trou- vent les mentions suivantes :

« Porlicus an)pla(.' conspiciuntur quae ah illuslrissimo comité Mansfeldio destinalae ut in eis reponerel (piaecun- cpie nancisci possel antiquitatis monumenta , quorum magnam jam habet copiam ex diversis locis, et Arlunio inprimis petilam, cpiod Arelunuiii ab ara deae Lunae, u( Luxemburgum à Solis lumine, nonien sumpsisse vulgi opinio est, prout eliam reliquos planelas peculiares suas

(1) En son lien et place viendra une autre rectification sur une inscription de Rome concernant la Dea Ardidna on Ardo'nuui à tort contestée, et dont le vol. VI du Corpus inscriptionem hiliitanim, rcccninient publié, vient de constater Pexistcnce jusqu'au xvi« siècle, époque otj on l'a nialcncontrcnsement fait disparaître.

(4) Bull, ci-dessus, XV, p. 80.

(j) Avec la rubrique : « Illustrissi'Xi et generossissinii Doniiui D. l'ctri Eniesli Mansfeldici comitis, ad Luxemburgum palatium horti et domus magnilica adnii- randu praestantissimarum picturarum et rconumentornni antiquornni colnnia. »

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secles habuisse in hoc Ducatu, ex historia Egdberli archie- piscopi Trevirensis constat Itaque velut antiquilatis colo- niam hue decluxisse videtur, nec uUo aho in loco Arkmium illam antiquam quaerendam esse. Sunt autem maxima ex parte simulachra deorum genlihum et epilaphia, quae in crepidine fonlis ilhus pulcherrimi ac ciaritiidinis eximiae, quo dileelae quondam conjugis Mariae de Monlmorenci memoriam sancte conservât, crebro ad Mariae fontem (sic enim nuncunpavit) aventando, sic sunt pari intervallo.dis- posila, ut liber sit ab omni parte ad singulos lapides acces- sus, et inscriptiones quibus temporum injuria minus nocue- rat, commode legi possint... »

On remarquera que ce passage est presque textuellement le même que celui de Vltinerarium de Vivianus et Orte- lius, imprimé seulement en 1584; mais comme ce voyage est daté de 1575 (voir in fine), il a probablement circulé en manuscrit dans les mains des savants, car au verso du plan de Luxembourg, Braun et Hohenbergius citent for- mellement ï J linerarium bclgicum ctOrtclius.

Ce n'est pas, du reste, dans la première édition du Thea- trum orbis lerrarum, jtublié par Orlelius en 1570, que Braun et Hohenbergius auraient pu trouver les mentions répétées par eux, attendu qu'elles ne s'y trouvent pas et que la 2*^ édition dudit Thealrum est elle-même fort laco- nique à ce sujet.

Arlon, 2 avril 1877.

H, SCHUERMANS.

BIBLIOGRAPHIE.

Éléments d'archéologie chrétienne, par E. Reusens, II" vol. Louvain, 1876-1877.

Il y a déjà cinq ans que le Bulletin des Cot)imissions royales tfart et d'archéologie (XI, pp. 494 à 500) rendait compte du I"'' volume des Éléments d'archéologie chrétienne de M. Reusens.

Depuis 1872, deux nouveaux fascicules ont paru (le second volume, qui complète l'ouvrage, sera terminé par un dernier fascicule). Les deux nouvelles livraisons contiennent, parmi beaucoup d'autres, les représentations suivantes de monu- ments d'art, appartenant à la Belgique, représentations qu'il appartient au Bulletin de signaler, comme il l'a déjà fait pour le premier volume :

Ogive surhaussée de l'église Sain te-Gudule, à Bruxelles, et de la cathédrale de Tournai, p. 6;

Fenêtre de l'hôtel de ville de Louvain, p. 8 ;

Lancette géminée aux ruines de l'abbaye Saint-Bavon, à Gand, p. 14;

Lancette triple à la tour de Saint-Nieolas, à Gand, ibid.;

Plan primitif du chœur de la cathédrale de Tournai (\\\V siècle), p. 21 ;

:)0i

l^laii (Je régiiso de Siiiiît-l'icrrc , à Louvaiii i i»i'eiiiière moilié du xv'' siècle), ]). 2:2 ;

Plan de r(''glise de Sainl-Nicolas, à Dixuiude, ji. '24;

Plan (le l'église de Nieucapj3ellc, près de Dixmude, ibid. ;

Vue à vol d'oiseau de l'église de Westvlelei'cn, près de Poperinghe, p. 12o;

Plan de l'église de la Chapelle, à Bruxelles (commencenienl du XIII* siècle), p. !2G ;

Plan deNolre-Dame du Lac, à Tirleinonti^xv'' siècle), ibid. ;

Clefs de voûte, en bois, de l'église des Dominicains, à Gand, 5 grav. (1250-1200), p- ">' ;

Écoinçons des arcatures à la chapelle des (Comtes de Flandres, à Gourlrai (vers ir>7i), 5 grav., p. 08;

Chapileau-console de l'InMel de ville de Louvain (vers 1450), 2 grav., pp. 39 et ^iO;

Crochels de rampant de gable à l'église de Saint-Pierre, à Louvain (vers 1465 el 1490), 2 grav., p. 40;

Ecoinçons des arcaUires à la chapelle des Comtes de Flandres, à Gourlrai (vers 1574j, 2 grav., pp. 22 et 25;

Église de Sainl-Quentiu, à Tournai, p. 44;

Porclic latéral à l'église de Baudour (xv*" siècle), \). 46;

Redcnl ileuronné à Saint-Pierre, à Louvain, j). 48;

Porte du xv'' siècle à l'église de Saint-Jacques, à Lou- vain, p. 50;

Penture el fausse pcnlure estampées iK; la poi'te de la tré- sorerie, à l'église de Sainl-Paid, à Liège (xiii'^ siècle), p. 52 ;

Penture du xiv'- siècle i( l'église de Saint- Jean, à Iviége, p. 53;

Fausse penture plate au refuge de Tronchiennes, à Gand (xvi'- siècle), p. 54 ;

ViOo

SciTure el poignée à l'église ilc Noh'C-Domc do H;il (vers 14-00), p. 55;

Lancelles géminées du beltVoi deTournai, 2 grav., p. 5(>;

Lancello triple à la Madeleine de Tournai, ibid. ;

Lancelles Iriples à l'église de Pamele, à Audenarde, i grav., p. 57;

Fenêtre à l'église d'Hastière, p. 58;

Fenêtre à Sainte-Walburge, à Furnes, ibid.;

Fenêtre au chevet du chœur de Noli"e-Dame-au\-Donii- nicains, à Louvain, ibid.;

Fenêtre de l'église métropolilainede Malines (xiv'" siècle), j). 59.

Fenêtre du xin' siècle, à Nolre-Danie-au\-Doininicains, à Louvain, p. 00.

Fenêtre du xiv" siècle, à l'église métroj^uli laine de Malines, p. 01 ;

Fenêtres à l'église du Béguinage de Louvain (commen- cement du xiV' siècle, p. G2;

Chapiteau de colonelle hexagone, cantonnant les meneaux de fenêtre à Notre-Dame de Dinant (\m" cl xiV siècles;, p. 05;

Fenêtres de l'église de Saint-Pierre, à Louvain (milieu du XV" siècle), 4 grav., pp. C5 et 00;

Fenêtre à l'église de Saint-Servais, à Liège, ibid.;

Fenêtre à l'église du Béguinage, à Louvain, p. 08;

Fenêtre couronnée d'un gable, à l'église de Notre-Dame, à IIuy(xiv'' siècle), p. 61);

Rose à Notre-Dame., à Huy (xiv" siècle), ]•. 72;

Rose à l'abbaye de Yillers (xiv' siècle), p. 75;

Rose à l'église de Saint-Pierre, à Ypres (xv° siècle), ibid.,

506

Panneaux de vitrail incolore, autrefois à Saint-Nicolas, à Gand, p. 77;

Id. à l'église de Nieuport, ibid. ;

Id. à l'église du Béguinage, à Louvain, p. 78 ;

Grisaille de la fin du xiir siècle, à l'église de Sainte- Gudule, à Bruxelles, p. 108 ;

Serment du magistrat de Tournai. Vitrail du dernier quart du XV' siècle, à la cathédrale de Tournai, p. 118;

Pilier de l'église de Duysbourg, près de Tervueren, p. 133;

Colonne monocylindrique à arcs doubleaux et nervures naissant directement du fût, comme dans les églises de Saint-Sulpice, à Diest, de Sainte-Dimphne, à Gheel, de Saint-Quentin, à Louvain, et à la Porte de Hal, à Bruxelles, p. 154;

Élévation de la nef de l'église de Pamele, à Audenarde, p. 135;

Colonne et nervures à Saint-Pierre, à Louvain, p. 136;

Colonnettes du palais des princes-évèques, à Liège (com- mencement du XVI* siècle), 2 grav., p. 139 ;

Profils de bases à l'église de Sainte-Gudule, à Bruxelles, 2 grav., p. 14-0;

Bases de la dernière moitié du xiii' siècle, à l'église de Saint-Léonard, àLéau, 2 grav., p. 141 ;

Bases du xiv* siècle. Halles de Louvain, 2 grav., ibid ;

Base à l'église de Saint-Nicolas, à Dixmude, p. 141 ;

Bases du xv* siècle à l'église de Saint-Pierre, à Louvain, id., p. 143;

Idem à l'église de Saint- Jacques, à Liège, id., ibid.;

Chapiteau à crochets du xiii* siècle, à l'église de Pamele, à Audenarde, p. 144;

507

Chapiteau à crocliels du xir* siècle, à l'église de Sainl- Nicolas, à Dixmude, p. 144;

Chapiteau aux halles de Louvain (13!20 environ), p. U6;

Culs-de-lampe à l'ancienne abbaye de Saint-Bavon, de Gand (xv' siècle), 2 grav., p. loi ;

Cul-de-lampe de la chapelle deSaint-Eloi dite des Orfèvres, à Gand (xv' siècle), ibid.;

Cul-de-lampe à l'église de Sainle-Waudru, à Mons (XV* siècle), ibid.;

Section d'arcades et d'archivoltes, à Sainte-Gudule , à Bruxelles (milieu du \\\f siècle), pp. lo3 et 154 ;

Id., Notre-Dame-aux-Dominicains, à Louvain (12S0 envi- ron), ibid. ;

Id., Sainle-Marie-Madeleine, à Tournai (1260 environ), ibid. ;

Id., nefdeSaint-Rombaut, à Malines (1330 environ), ibid.;

Id., halles de Louvain (1520 environ), ibid. ;

Id., Notre-Dame, à II uy (1320 environ), ibid. ;

Id., Saint-Jacques, à Louvain (xv* siècle), ibid.;

Id., chœur de Saint-Rombaut , à Matines (xv' siècle), ibid.;

Id., Notre-Dame au delà de la Dyle, à Malines (xv* siècle), ibid.;

Id., Saint-Michel, à Gand (1450 environ), ibid. ;

Id., Notre-Dame, à Anvers (xv^ siècle), ibid. ;

Id., Saint-Paul, à Anvers (1530 environ), ibid. ;

Arcatures décoratives du xiii' siècle au chœur de l'église Saint-Martin, à Ypres, avec profil de la moulure de l'archi- volte, 2 grav., p. 155;

:i()8

Arcalures dccoralives du xiv'sièclcà l'église méti'Oj)oli(aiiio «le Malincs, et du \v*= siècle au chœur de la même, '2 grav., |). loG ;

Fenêtre et arcalures du w' siècle à Féglise de Saint- Pierre, à Louvain, p. 157 ;

Arcalures du xin- siècle décorées de i)eiiiture> nuirales à la cathédrale de Tournai (i), p. 159 ;

Arcade, triforium el fenêtre liante au chœui' de Feglise métropolitaine, à Malincs (xv"' siècle), p. 160;

Triforium du chceur de l'église de Pamele, à Audenarde (vers 1240), 2grav., pp. !05 à 105;

Id., cathédrale de Li(''ge Cpremière partie du xin'' siècle), djid.;

Id,, cJKeur de la catheilrale de Tournai (dermère moitié du xiii" siècle), ibid,;

Id. , transept de l'église méti-opolitaiiie, à Malincs (xiii''-xiv'' siècle), ibid.;

Id., église do Notre-Dame, à Huy (xiv' siècle), ibid.;

Id., église Saint-Pierre, à Louvain (milieu du xv"" siècle;, ibid.;

Id., église Notre-Dame au delà d<^ la Dyle, à Malincs (xv'-xvi'' siècle), ibid.;

Id., église Saint-PauL à .\nvers (xvi'' siècle), 2 grav., ibid ;

Deux corbeaux de corniche de l'église Notre-lJame, à Dinant (xn°-xiir siècle), p. 108;

Id. de l'église d'IIaslière (id.), ibid.;

(i) Voy. (l(^jk f;c dessin t-ii coiileiir iiiui.s le liull. tlex Comni. roi/, d'url cl d'archéol., IV, p. îî7i, pi. xi.

o09

Corniclio de l'éuiise Nolre-Dame-aux-Dominicains , à Louvain (milieu du xiiT' siècle), p. 468 ;

Arcatures d'ornemenl de corniclio i\o Truliso de Loo (Flandre occidenlalo), \). Mil);

Profil de corniche dans le i-enre de celles des églises Saint-Pierre el du Béguinage, à Louvain (xiii'au xv" siè- cle), ibid.;

Garde-corps couronnant autrefois la corniche du chœur de l'église Sainle-Walburge, à Furnes (xiii* siècle), p. 172;

Garde-corps du xiv" siècle de la nef de l'église métropo- litaine de Malines, ibid. ;

Deux garde-corps du xv' siècle à l'église Sainl-Pierre, h Louvain, p. 175;

Deux dessins de voûtes de l'aljbaye de Villcrs (xin' siècle), pp. 17Get 177;

Voûte en réseau de la chapelle du Saint-Sacrement, à l'église métropolitaine de Malines, p. 178;

Plan d'une travée de voûte, à l'église de Dinant, p. 179 ;

Protils d'arcs doubleaux de nervure de voûte du clianir de Sainle-Gudule, à Bruxelles (xiii"' siècle), p. 180;

Id., Notre-Dame-aux-Dominicains, à Louvain (id.), ibid. ;

Id., chœur de l'église de Winxele (Brabant), (id.), ibid. ;

Id., bas-côtés de l'église métropolitaine de Malines (2 des- sins), (xiv* siècle), ibid. ;

Id., église do Notre-Dame de Walcourt (id.), ibid. ;

Id., église Saint-Pierre, à Louvain (\\% xvi* siècle), ibid.;

Id., choHir de l'église Saint-Rombaut , à Malines (id.), ibid.;

1(1., église Notre-Dame, à Anvers (id. ), ibid, ;

Id., égli.se Saint-Jacrpies, à Liège ('xvi'' siècle), ibid.;

olO

Clef de voùleà l'église Sainle-Giidulo, à Bruxelles (xiiTsiè- clc), p. 185 ;

Deux dessins de clefs de voûte à l'église Notre-Dame, à Huy, p. 184;

Arcs-boutants et contre-fort du chœur de l'église Sainte- Gudule, à Bruxelles (xiii" siècle), p. 187;

Arc-boutant à étai double et conlrc-forl, au chœur de Sainte-Walburge, à Furnes (xiii'' siècle), p. 188;

Arc-boutant et contre-fort à l'église de Notre-Dame-aux- Dominicains, à Louvain (xiii'' siècle), p. 189;

Contre-fort à l'abbaye do Villers (xii" siècle), p. 191 ;

Id. à la nef de Saint-Bombaut, à Malincs, ibid. ;

Id. à l'église Saint-Pierre, à Louvain (xv' siècle), ibid. ;

Id. à la tour de Saint-Bombaut, à Malines (fin du xv' siècle), ibid. ;

Pinacle de contre-fort à Saint-Bombaut, à Malines, p. 192;

Contre-fort à l'église de Notre-Dame, à Huy, ibid. ;

Contre-fort à l'église de Saint-Pierre, à Louvain, ibid, ;

Plan d'une partie de travée de Notre-Dame, à Huy (xiv* siècle) ;

Deux dessins de gargouilles de l'église de Saint-Pierre, à Louvain (milieu du xv' siècle), p. 195 ;

Cuvette de corniche, ibid. (première moitié du xv" siècle), p. 197 ;

Ferme de charpente apparente à l'église de la Madelaine, à Tournai (xiii* siècle), avec 3 coupes, p. 200;

Voûte en bardeaux de l'église du Béguinage, à Louvain (xiv" siècle), avec 2 coupes, p. 202;

Crète du chœur de l'église Saint-Pierre, à Louvain (pre- mière moitié du xv" siècle), avec coupe, p. 206 ,

riii

lourde Sainte-Gertrudc, à Louvain (xv* siècle), p. 207;

Clocher d'Oudecapelle, près do Dixmiido, p. 210;

Clocher de StuiveUenskcrke, ibid., ihid.;

Clocheton de la chapelle de l'hospice Saint-Jean, àYpres, p. 215;

Campanile de la chapelle du Saint-Esprit, à Dixmude, p. 210;

Croix ahsidale de réglisc de Saint-Suipice, à Diest, p. 217;

Croix de l'église Notre-Dame au delà de la Dyle, à Ma- lines, ibid.;

Peinture d'une clef de voûte et des nervures au chœur de la cathédrale de Tournai (xiii'' siècle) (i), p. 221 ;

Clef de voûte et nervures à l'église Saint-Pierre, à Lou- vain (milieu du xv"" siècle\ ibid.;

Deux dessins de peintures décoratives de l'église Sainle- Gudule, à Bruxelles, p. 227 ;

Peintures décoratives de l'abbaye de Yillers, p. 228 ;

Croix de dédicace ou de consécration à Sainte-Gudule, à Bruxelles, p. 230;

Deux id. à la chapelle Sainte-Barbe, en la cathédrale de Bruges, ibid.;

Six dessins de carreaux en terre cuite de la chapelle dite de la Lertgeinete, à Gand, p. 234 ;

Maître-autel du xv^ siècle, tiré du manuscrit n" 9232, fol. 610, de la Bibliothèque royale, à Bruxelles, qui date de 1460 environ, p. 247 ;

(0 Ce dessin a été publié ci-dessus, IV, p. 273, pi. viii.

j12

Retable on pierre à IViiiise Sainto-Dimphne, :i dheel (xiY" siècle), p. 262;

Reîable du xv'' siècle à l'i-glise cUi Béi^uinage, à. Tongres, p. 263 ;

Retable du coniinencernenl du \\f siècle à l'église de Herenlbals, ibid.;

Retable du \vi" siècle à l'église Saint-Denis, à Liège, p. 261;

Triptyques peintes du xv- siècle et de 1500 h l'église Saint- Pierre, à Louvain, 2 grav., ibid.;

Tabernacle du xV siècle à la chapelle de Sainte-Vérone, sous Berthem, près de Louvain, p. 275;

Piscine simple à la chapelle du Saint-Esprit, à MaJin^s, p. 275;

Piscine géminée à l'église de Iluldenberg, ibid.;

Stalle du xiii" siècle à l'église d'Hastièrc, près de DinanI, p. 279;

Stalle du xfv" siècle, à l'église de Sainle-Croix, à Ijiége, p. 280 ;

Stalle du xv'' siècle, à l'église Saint-Pierre, à Louvain, p. 285.

On le voit, l'ouvrage de M. Reusens, j)ar le grand nombre d'illusd'atiuns qui rornent, continue à se montrer digne de l'attention de tous les archéologues, et tout spécialement de ceux de Belgique.

H. S.

COMiMISSION ROYALE DES MONUMENTS.

RESUME DES PROGÈS-VERBAUX.

SÉANCES

des 4, b, 1, 13, M, 20, 27 et 28 juillet; des 2, A, 10, 11, 18, 2a et 27 août 1877.

PEINTURE ET SCULPTURE.

La Commission a approuvé :

l" La proposition du conseil de fabrique de l'cdise de Église de

f ^ 1 O Lceuw-S'-Pierre.

Leeuw-Saint-Pierre (Brabant), tendante à confier au sieur tableau. Bernaerls les réparations reconnues nécessaires à un tableau de Crayer, représentant le Martyre de Sainl-Pierre ; L'évaluation, faite par M. Primen, des frais à faire Êgnse

de Monslreuv.

pour réparer un tableau de Tassaert que le conseil de Tableau. fabrique de l'église de Monstreux (Brabant) désire acquérir;

Les esquisses de dix statues destinées à orner le maître- Ameublement

de l'église

autel de l'église de Saint-Servais lez Namur; de saint-semis.

4" La maquette d'une statue à placer dans une niche au- lîgnse

do Saiiil-Sulpice,

dessus du portail principal de l'église de Sainl-Sulpice, à ^ Dicst. suiuc. Diest;

Le projet d'un Chemin de la Croix pour l'édise de Tre- Egii.c

' "* «^ ^ de Tiemeloo.

meloo (Brabant) ; d,Ç^"-ct"i,

514

Ëgiise de Celles. G" Lgs cartons des vitraux à placer dans les fenêtres de

Verrières.

l'église de Celles (Namur). Ancienoe église Par soii raDDort du 28 août 1873, la Commission

de Laekcn.

Yiiraii. jj appelé l'attention du Gouvernement sur le vitrail qui se (rouve au-dessus de la porte de l'ancienne église de Laeken et qui est attribué à Gertrude, fille d'Otto Venius.

Des délégués ont fait récemment une nouvelle inspection de cette verrière et ont constaté que l'ouragan du 12 mars 1876 a enlevé sept grands compartiments, dont les verres ont été complètement broyés. Dans la partie inférieure de la verrière figurent encore les bustes de l'archiduc Albert, age- nouillé, et de son palron, debout, et une partie de la robe de l'infante Isabelle. Tout le reste y est détruit.

Dans le tympan de la composition, est représentée la scène relative à la construction de l'église, quelques verres ont aussi été enlevés par le vent. Ce tympan est la seule parliede la verrière qui pourrait être sauvée, soit en la plaçant dans un Musée, soit en la posant dans une des fenêtres de la partie de l'église dont la conservation est décidée. Il im- porte, en tous cas, de faire enlever sans retard les restes de cette verrière et de les placer dans des caisses, en attendant qu'on ait pris une décision quant à leur destination dé- finitive. Peintures murales Dcs délégués sc sout reudus à Gand, le 25 juillet, pour

de l'Université

de Gand. e.xaminer, à la demande de M. le Mniistre de 1 intérieur, les peintures murales exécutées par M. Alfred Cluysenaer au palais (le l'Université et pour se rendre compte des condi- tions auxquelles l'achèvement de ce travail pourrait être subordonné. Les délégués sont unanimement d'avis que les panneaux terminés sont satisfaisants au double point de vue

515

de la composition et de la coloration et produisent un heu- reux effet.

La Commission, sous quelques réserves de détails, a pro- posé au Gouvernement d'accepter le travail exécuté, ainsi que les propositions soumises par l'artiste pour l'achèvement complet de cette importante décoration monumentale.

La ville de Bruxelles propose de placer le troupe duGroupeduOéinga

' ' o I jg j.^y Kcssels.

Déluge de feu Kessels au centre des serres du Jardin Bota- nique. Les délégués qui ont examiné cet emplacement sont d'avis qu'il est trop restreint et trop peu éclairé pour ce groupe important. La place qu'il occupait au Parc était à tous égards préférable, et il eût suffi de surélever le piédestal d'un mètre environ pour que l'œuvre de Kessels y fît un bon effet. Mais cet emplacement paraissant définitivement abandonné, la Commission a émis l'avis qu'on pourrait placer le groupe précité dans la cour intérieure des Musées royaux de peinture et de sculpture. On pourrait même y établir un bassin dont le groupe occuperait le centre et dont l'eau pourrait être d'un grand secours en cas d'incendie.

CONSTRUCTIONS CIVILES.

Ont été approuvés :

Le devis estimatif concernant la conlinuation des tra- priais de justice

^^ (Jq Fumes

vaux de restauration du palais de justice de Furnes (Flandre occidentale);

2' Le projet des réparations urgentes à exécuter au bef- Bcmoi

' •' ^ ^ lie Schoore.

froi monumental de Schoore (même province) ;

Le projet, dressé par M. Carpentier, pour la restaura- naiic aux Draps tion et l'appropriation de l'ancienne Bourse ou Halle aux Draps de Tournai ;

516

"dTverwër?' "^^ ^^^ plaos, drcsscs par M. Cornet, pour la construc- tion d'un hospice central à Yerviers, sous réserve de rem- placer les fenêtres-tabatières du grenier par des simples lucarnes et de diminuer l'importance de la statue qui cou- ronne le dôme de la chapelle ; Hôpital Le projet relatif à la construction d'une nouvelle salle

de Malines. , . m « i i tu ■•

de blesses a 1 hôpital de Mahnes. Orphelinat M. Ic Miulstrc dc l'intérieur a demandé l'avis du Gol-

des Kulders,

àGîud. j^igg gyj, la 'proposition d'acquérir, pour le compte de l'Etat, une partie de la crypte de l'orphelinat des Kulders, apparte- nant aux hospices civils de Gand.

Celte crypte, qui date du xiv* siècle, offre un intérêt archéologique incontestable, et il serait regrettable que, comme il en a été question, on y érigeât un mur séparant la propriété de l'État de celle des hospices ; ce rpur, en effet, dénaturerait complètement l'aspect de celte remarquable construction souterraine.

La Commission est d'avis que le meilleur parti à prendre est d'acquérir la partie de la crypte appartenant aux hos- pices, de restaurer la salle et de l'approprier au service des archives. Les travaux à exécuter dans ce but sont évalués par M. Pauli, membre correspondant, à 17,000 francs environ. Hôtel deviiic L'administration communale de Bruges a soumis au

de Bruges.

Collège la question de savoir quelle ornementation il con- vient.de placer dans les niches qui existent entre les fenêtres du rez-de-chaussée et celles de l'étage de l'hôtel de ville. Faut-il rétablir les écussons armoriés qui s'y trouvaient au siècle dernier, ou faut-il y mettre des bas-reliefs?

Après avoir mûrement étudié celle question, la Commis- sion pense qu'il serait préférable de rétablir les écussons qui

017

ont existé dans ces niches el nui, d'après Danckaerl a liol niouw brngsche herslcld stadhuys» (171 l)élaienl blasonnés aux armoiries des vingt-quatre communes soumises à la ville de Bruges. Outre TintônM historique qui s'atlaciie à ce souvenir, cette suite d'écussons, avec leurs riches colorations, formera une décoration originale et d'un ix'l elTet. Quant aux matériaux à employer, il semble que la [lierre doit être préférée au métal; il conviendra d'ailleurs, avant de mettre la main à l'œuvre, de soumettre des projets complets à l'au- torité supérieure.

Les plans dressés par MM. les arcin'tecles Pauwels et rabisd« Wi Noppius pour les travaux à exécuter à l'aile du Palais de Liège occupée par la cour d'assises comprennent :

1" La restauration de la galerie du rez-de-chaussée vers la première cour et la reconstruction de l'étage érigé au siècle dernier; '2" la restauration générale de la façade vers la deuxième cour.

Des délégués, envoyés sur place, ont demandé aux auteurs du projet, à la suite d'une minutieuse inspection du monument, quelques corrections de détails.

La Commission a fait encore, au sujet de ces travaux, les remarques suivantes :

Il in)porte de ne remplacer que les seules pierres trop délabrées pour être conservées, de n'employer pour les par- lies à refaire que des pierres ayant autant que possible la même nuance que celles qu'elles doivent remplacer, d'imiter consciencieusement la taille dc^ parements et (]o^ muidurcs et, enfin, de donner à l'appareil la hauteur exacte des assi.ses actuelles.

[.es délégui's ont remarqué que plusieurs chapiteaux de

518

la galerie vers la première cour ont été dégradés et que, notamment, des ancrages reliant les piliers au mur du fond ont fait éclater quelques fragments de sculptures. Il n'est pas nécessaire de renouveler ces chapiteaux, dont des copies, quelque parfaites qu'elles soient, n'auront jamais la valeur des originaux. On pourra se borner à faire pivoter ces cha- piteaux de façon que la face dégradée soit placée vers l'inté- rieur de la galerie et celle qui est restée intacte vers la cour. Cette combinaison aura l'avantage de conserver au monu- ment des détails de sculpture d'un grand intérêt, tout en amenant une économie relativement considérable.

M. rarchilecte Noppius, qui assistait à l'inspection, s'est complètement rallié à la manière de voir des délégués. Il a modifié ses plans d'après leurs indications, et ce dernier projeta été définitivement approuvé par la Commission.

ÉDIFICES RELIGIEUX.

PRESBYTÈRES.

Réparation Lb Commisslou a émis des avis favorables sur les travaux

et construction

de presbytères, (le rcstauratlon et d appropriation à exécuter aux presby- tères de Oirbeek (Brabant), Leugnies (Hainaut), Pael (Lim- bourg), ainsi que sur les plans relatifs à la construction de presbytères à Callenelle (Hainaut) et â Our, commune d'Opont (Luxembourg).

ÉGLISES. CONSTRUCTIONS NOUVELLES.

La Commission a approuvé :

r Les plans relatifs à la construction d'églises :

Construction r^i. »ri /r«i\ !•

dvgiiscs à Bosch- Au hameau Boschkant, sous Merclitcm (Brabant) : archi-

kant, Liegp et Villers_St..Ger. ip^lp j^j HanSOtte.

oiî)

A Liège, paroisse Sainte-Walburgc : architecte, M. Re- mont fils.

A Villers-Sainte-Gertriulc (Luxembourg) : archilecle, M. Bouvrie ;

Le projet d'agrandissement de l'église de Boort-Meer- Agrandissement beek ( Brabant), sous reserve de donner moins de hauteur aux uoon Mee.beek,

^ ^ Celles-eo-lles-

constructions nouvelles, pour que celles-ci ne masquent pas ''''■''' ''''"'"'' la face postérieure de la tour : architecte, M. Van Arenbergh ;

3" Les plans dressés par M. l'architecte Hennin pour l'agrandissement de l'église de Gelles-en-Hesbaye (Liège) ; les chapiteaux de la construction nouvelle devront être la reproduction exacte de ceux qui se trouvent dans la partie existante de l'église et le chœur nouveau ne pourra être aussi élevé que la nef ;

4" Le projet d'agrandissement de l'église de Flostoy construction (Namur) : architecte, M. Blandot; à Froi<ici.apeiie

^ / ^ ' , et Cumplicli.

5" Les plans de nouvelles sacristies à construire aux églises de Froidchapelle (Hainaut) et de Gumptich (Brabant);

6" Les dessins des objets d'ameublement destinés auxAmeubiementde

diverses églises.

églises de :

ThoUembeek (Brabant) : deux autels latéraux, tabernacle du maître-autel et banc de communion ;

Wasmes (Hainaut) et Berbroeck (Limbourg), buffet d'orgue ;

Lustin (Namur), chaire à prêcher et autels latéraux.

TRAVAUX DE RESTAURATION.

Ont été approuvés :

1" Les projets des travaux de réparation à effectuer aux Réparation de

diverses écrliscs*

églises de Veerle (Anvers), Cortenbergh (Brabant), Kemmel

:i20

(Flandre occidentale), Aulnois, Givry (rTainauf), ïonneville (Liixeniboiirg) et Meux (Naimir); .le lil^seî-Loo -" Lg projet de reconstruire la coupole et l'attiqu(3 du clocher de l'église de Kessel-Loo (Brabant), détruits pai' la foudre le 5 septembre 187(5 : architecte, M. Van Arenbergh ;

Êpiise irH.i.inut. Lcs plaus, dressés par M. l'architecte Van Assche, pour la restauration et l'agrandissement de l'église d'HannuK Liège);

Kgii>e ,1c weyei. 4'> Lcs plaus dcs travaux urgents de restauration à exécu- ter à l'église de Weyer (Limbourg) : architecte M. Martens ; Eglise 50 Lgg propositions soumises par M. l'architecte Van

fl'Alsemberg. r^ ' *

Ysendyck pour l'achèvement de la restauration de l'église de Notre-Dame, à Alsemberg (Brabant). . o ■^■^^k'' Df's délégués ont insiiecté récemment les travaux de

(le Sainl-Qiicnliii, o 1

""''"""■ restauration en voie d'exécution à l'église de Saint-Quentin, à Hassell, sous la direction de M. l'architecte Jaminé.

Pour coiilinuLT la l'cslauralion du chœur, le conseil de fabrique a l'intention d'enlever le maiire-autel, (|ui n'est pas dans le style de l'église, et de le remplacer par un autel gothique.

La Commission est d'avis qu'il n'y a pas lieu d'adopter cette proposition, l'autel actuel n'est pas dépourvu d'élé- gance, et son remplacement enirainerait inévitablement, dans un temps donné, le renouvellement des autres meubles qui apiiarliennent tous aux xvii'^ et xviii' siècles. Il est préférable d'employer les ressources doui on dispose à compléter la restauration du monument.

On conq^te s'occuper prochainement de la restauration de l;i ('haixîlle de la Sainle-Ci-oix. Les voûtes de cette cha|:)elle sont lézardées sur divers ])oints et les nervures ont être reliées, par des élriers en ïov, à la charpente des combles.

:;2i

Il sera prohablLMiieiil iiécessiiirc de l'ecoiisliiiirc celle vuùlc; dans ce cas, il conviendra d'en reproduire lidèlenienl les disposilions acluclles et de remelire en (eiivre les piei'res moulurées qui sont encore en bon élal. Des propositions complètes, accompagnées do plans et devis, devront d'ailleurs être soumises avant rexéculion aux autorilés compétentes.

Des délémiés se sont rendus, le 28 juin, à Lombeek- , ^^^^r^'' .Notre-Dame (Brabant), à la demande de M. le Ministre de la justice, pour constater le mérite arcliileclonique et archéolo- iiique de l'église de cette commune.

Cet édifice qui, dans son ensemble, ne manque [las d'une certaine élégance, date en |)ar(i(! du xm" siècle. Tout l'inté- rieur a malheureusement été modernisé par des plâtrages qui ont altéré les formes de l'architecture |)rimi(ive, spéciale- ment dans le corps principal. Le mobilier osl en style du xviii' siècle et en bon élat. Il en est de même du retable de l'autel laléral dédié à ?s'otre-Dame, et qui, par le lini de son exécution et la richesse de ses détails décoratifs, peut être considéré comme un spécimen remarquable de la sculplure du con:)meucement du xvi" siècle.

L'église de Lombeek a mieux conservé son caraclère ancien à l'extérieur : la tour avec sa lourelle cii'culaire ren- fermant l'escalier est restée inachevée; elle ne s'élève qu'à la hauteur de la grande nef et est couronnée imr un jietit clocher en bois recouvert d'ardoises. La porte, qui a été modernisée, est surmontée d'une grande fenêtre ogivale à moitié bouchée et dont l'arc est déformé. Les conlre-forts d'angle des basses-nefs sont ici-mines par des pinacles ornés de petites statuettes.

La nef principale, à corniclK! iii-ilorici.-, c.sl ('clairc-e pai-

o22

deux rangées de fenêtres ogivales. Les bas-côtés, dont la construction parait plus récente, se terminent par des murs plats dont les gables sont ornés de crochets, et à l'extérieur desquels on voit encore deux rosaces polylobées qui ont été bouchées,

La chapelle des fonts baptismaux se trouve en saillie au collatéral gauche; c'est un ancien porche du xiv* siècle, dont l'ouverture vers le cimetière a été murée. Cette chapelle est ornée à l'intérieur d'une série de niches ogivales et d'une statue de la Vierge du xvi" siècle, mais tous les détails de cette décoration ont presque entièrement disparu sous de nom- breuses couches de badigeon. Au collatéral droit se remarque une troisième porte plus ancienne que la chapelle des fonts ; elle donne accès aujourd'hui à une petite annexe servant de magasin et dont le mur extérieur est transformé en une espèce d'armoire on a rélégué, derrière un treillis en fil de fer, une collection de statuettes et de groupes en bois, provenant probablement d'un ancien retable. Il serait à désirer que ces sculptures fussent placées à l'intérieur.

Les (rois nefs sont voûtées, mais les délégués ont constaté que la nef centrale avait primitivement une charpente appa- rente; les maîtresses poutres reposent, au dessus des voûtes, sur des colonnes engagées avec chapiteaux sculptés, et des traces de bardeaux et de couvre-joints moulurés sont encore visibles.

La partie la plus ancienne et en même temps la plus inté- ressante de l'église est le chœur, construction du xiii^ siècle, divisée en six travées et à terminaison carrée. Ce chœur, moins élevé que la nef principale, est éclairé par douze fenê- tres placées sur les faces latérales ; les angles de ces fenêtres

523

soûl ornés à l'exlérieur de colonnetles dont les chapiteaux seuls existent encore; la corniche du toit repose sur des tètes sculptées alternant avec des modillons simples.

La Commission s'est ralliée à l'avis de ses délégués que, eu égard à son caractère original, à ses belles proportions et à la pureté de son style, le chœur de l'église de Lombeek- Notre-Dame peut être rangé au nombre de nos monuments de deuxième classe. Quant aux nefs, elles ne paraissent pas offrir un intérêt assez grand au point de vue de l'art pour qu'on doive engager le Gouvernement à accorder pour leur restau- ration des subsides plus élevés que ceux de la province. Les modifications qu'elles ont subies au xviu* siècle en ont com- plètement changé le caractère, et il faudrait pour les rétablir dans leur état primitif faire des dépenses considérables.

Il est à remarquer, d'ailleurs, que l'église est en assez bon état de conservation et qu'elle ne semble exiger aucun tra- vail urgent ; mais si les ressources locales permettent d'enta- mer la restauration, il conviendra de commencer ce travail par le chœur, et, dans ce cas, on doit enlever l'autel moderne, qui en occupe tout le fond, pour le remplacer par un autel nouveau, sur lequel serait placé le célèbre retable de Notre- Dame. Un projet complet, comprenant les plans et devis, et accompagné de dessins de l'état actuel, devrait être demandé à un architecte capable.

Le Secrétaire Général,

J. Rousseau. Vu en conformité de l'article 23 du règlement.

Le Vrésideiii,

Wellens.

ESSAI HISTORIQUE

sua

LES TAPISSERIES

ET

LES TAPISSIERS DE HAUTE ET DE BASSE-LICE

DE BRUXELLES.

(Suite.)

IX.

Au moment d'énumércr les fabricants de tapisseries qui mirent à profit, à Bruxelles, le talent des peintres et surtout des peintres llamands, je dois signaler une circonstance qui entoure leur histoire de difficultés et rend parfois impossible l'attribution d'œuvres importantes. Je veux parler de la dis- parition des archives du métier des tapissiers et, en particu- lier, du registre l'on devait consigner les signes ou mono- grammes adoptés par les différents maîtres. Faute de ce guide, qui ne pourrait être remplacé que par des indica- tions certaines sur la provenance des tentures, puisées dans les archives, on se trouve fréquemment devant des pro- blèmes insolubles.

Avant d'entrer dans le vif de la question, il faut d'abord poser une première règle qui pci'uict de reconnaitre, dans une certaine mesure, l'époque à laquelle une tenture bruxelloise appartient. Si elle ne porte, ni la marque légale de la ville, ni un monogramme ou un nom de fabricant, elle est antérieure à l'an 1528 et à l'ordonnance du masistraldu

:;^(j

l(i iiiiii (le erllc aiiiiir. Si on y li! un ikhm (''cril (Mi (nulcs lelUv.^, clic ihilc au plus loi de rc|)ot(uc (\c> archiducs Albert et Isabelle. C'est alors, en elTct, (|uo l'on voit S()iering', Jean Raes, Jacques Geubels, etc., inscrire sur les tapisseries leur nom, soit en enliei-, suit léuèrenicnt abrégé, usage dont il n'y a pas d'exemple dans les temj)s anléi'ieurs et (|ui, après avoir constitué une exception, devint une règle dont on ne se départit |)!us. Dans lépoque inlerinédiaire, on se sci'l de chiffres ou njonogrammes, dont les uns i)euvenl s'exphquer parce (ju'iis se composent de lettres (d'ordinaij-e les initiales des différentes |)arlies d'un nom), et dont d'autres restent indéchiffrables dans l'élat actuel de nos connaissances.

On doit ranger dans celte deuxiènic catégorie le chiffi'c coin))osé d'un cœui-, suivi de trois X, qui se voit sur l'une des ))ièces d'une lentun.' de laine et de soie ap|)artenant à M. Gavel, de Paris, et (pii i-emonte ;i la lin du \vi'' siècle. On V distingue, au milieu d'ai'abestpies composées de ligui'es humaines, d'animaux et de rinceaux, .\e|)tune tenant le Ii'idenl cl ayant |nès de lui un dauphin. Le fond est bleu et la bordure étale des arabesiiues; des enfants et des animaux se détachent sur un fond jaune; aux angles, il y a des écussons d'argeid à l'aigle de sable (i).

Sur une tenUire du Musée deiMadrid, on ivmar(pie deux X. placés sui' deux lIcs pièces de la (cnlure en laine et soie dite les Créations, sujets biùlii/ues. Cette série se compose de huit tapirîseiies, dimt la première offre un monogiaimne les deux X sont posés sous une barre autoui- de la(|uelle un S s'enloj'tille et entre un V et un 1>, el sui' le cinquième

(i) Uiiioti ci'nhvile îles .\ils, ljiliilof/iii\ \k -2iH.

yn

ils se Voient, M)ii> un II cl au-dessus d'un iliiHrL; lunnc do Icllres .V. S. E. Cclto n'uvic apicn'hcnl donc ;i l'cpoiiuc des lîacs, au conunenccnicnl du wii'' siècle.

Lu auii'c maître se servait diine nrir(|uc consislanl en un \ traversé en son niilieii j)arune barre horizontale et suivi d'un I, soit \I. Cette nun-que se voit sui- C Histoire de Marc- .\nlohic et de Clcopàlre, tenture du palais de Madrid, con- sistant en dix pièces de soie et laine.

Un X simple, avec un j)oinl dans l'intervalle supéri( ur el rintervalle inlerieur {](]> hras de la lettre, distinuue deux tapisseries à sujets liibliqucsde style ancien, également con- servées à Madrid. Pai- une exception cpic l'on ne rencontre pas ailleurs, le premier B de la mai'(pie légale de Bruxelles est remplacé par un lion rampant tourné à droite.

A qui se rapporte ce double cbil'fre de mai-chand , l'un des chiffres est, vers le bas, coupé par une petite barre s'inclinanl d'un côté? Il caractérise une belle tenture retra- çant les Travaux d'Hercule et appartenant à M. le marquis Bourbon Del Monte. On en voyait à l'exposition de l*aris, de 1870, cin(| |)ièces :

Le combat d'Hercule contre les (centaures,

Hercule étoutrant Anlée,

Diomède dévoré par ses chevaux,

L'Hydre de Lerne et

Hercule frappant Cacus de sa massue.

Ces tapisseries, hautes do 4 mètres sur une largeur va- riant de 5"'1)0 à o'";2j, c>nt une bordure composée de fleurs, de fruits et d'oiseaux (i). Les Travaux dUerculc constituent

(i) Union centrale des avis. Calaloijne. p. -lui.

:i^28

un sujel (jui a été rrt''(|ueiiiineiil exploilc dans iioln; pays. A Milan, on remarquait plusieurs pièces du xvif siècle l'on en avait représenté différents épisodes; à Paris, l'expo- sition de 1876 montrait une seconde suite de trois pièces en laine et soie et d'une provenance inconnue : Hercule luttant avec Cerbère, le Combat d'Hercule et de Cacus et Atlas plaçant le monde sur les épaules d'Hercule, propriété de M. E. Peyre. Les épisodes de la vie du héi'os grec y sont l)lacés dans des médaillons encadrés de guirlandes de Heurs et de fruits, au milieu d'un champ orné d'ara- besques ; la bordure se compose de masques, d'armes, de cuirasses, etc. (i).

Une sorte d'édicule ou petit carré, surmonté d'un pignon, se voit, en avant de la marque de Bruxelles, sur une tapis- serie de Madrid dont nous ne savons qu'une chose, c'est qu'elle date du règne de Charles-Quint. Ce que l'on appelle les Rêves de Guillaume Bosch, quatre pièces de laine et de soie, montre deux marques : sur la troisième pièce, une sorte d'A irrégulier ayant au bas de son second jambage un petit 6 ou G; sur la quatrième un cœur percé de deux trails formant une croix de Saint -André. La tenture dite les Sphères, quatre pièces de soie, de laine et d'or, nous ofï're, sur la première des tapisseries dont elle se compose, une sorte de faulx dont le manche est coupé en son milieu \)m- une couronne-, etc.

Parmi les chiflres composés de lettres, il en est également que l'on ne peut déterminer.

(i) Union cciilrale des uris. Calahujiic, p. 'ùûii.

ri29

Dans le Catalogue de la colleclion du duc de Berwick et dWlbe (i) on Iroiive un signe bizarre que je ne puis mieux comparer qu'à un H retourné ou, si l'on veut, à une chaise dont le dos serait concave et arrondi à ses deux extrémités; au milieu de la partie supérieure du trait dessinant ce dos, on voit une petite barre, et le siège même, dont le haut forme un angle, est coupé par une barre se terminant en T. Fst-ce une initiale destinée à rappeler un Vander Hecke, un Habbeke? Cette tenture, du xvir siècle, a des bordures qui présentent dans le haut un écusson fleurdelisé surmonté d'une couronne de marquis et une suite de fleurs et de fruits au milieu d'arabesques ; au bas, il y a aux angles des enfants tenant d'une main une corne d'abondance et de l'autre une guirlande, et, au milieu, un médaillon avec inscription. Les sujets principaux, parfois composés d'un très-grand nombre de personnages, sont intitulés : le Tribut de Pomone, le Printemps (deux fois), fÉté, l'Automne; ce sont des scènes de la vie des champs, pleines de vie et de mouve- ment.

Un M, dont le haut est traversé par une sorte de C et supporte une petite tige, distingue une tapisserie de la col- lection Braquenié, que l'on dit du xvf siècle, et l'on voit une composition allégorique figurant le Triomphe de iWmour.

Chez les mêmes amateurs, il en est deux qui paraissent d'une époque un peu plus récente; elles représeiWent : la pre- mière Ulysse jeune combattant un sanglier, et la seconde Ulysse obligeant la magicienne Circé à rendre à ses compa-

(1) p. 61.

(jnons la forme hunidinc. Elles ont de belles bordures avec ligures porlaiU les légendes l'.w, mars, f/a'Cx, c.vristfa,

l'.AI'TCS, UESIÎUETUS, SENETUS Ol TFMPUS. SuP lo galoil (le

droite se voit un chiffre formé de la lettre .\, dont le iireniicr jand)age est surmonté d'un poini cl sim'I à former un ]'; le liaul du second jambage, aulour du(iucl s'enroule un S, forme un ï. Nous avons donc une combinaison des lellres I. N. P. ï et S, dont il faudrait retrouver le sens.

Un nonmu' S. B., qui a signé dix pièces formant la séi-ie intitulée los Monos ou les singes, reste inconnu. Par conlr(>, je n'ai jamais rencontré le nom de Pati. Va>; .\iEr\VE>;novE, qui signe en toutes letlres cinq tapisseries bruxelloises exis- tant à Madrid et représentant la Vie de iSoé, non jjIus que celui de Nicolas Van der Sinnen, de qui on conserve des tapisseries au cbàleau de Sully, dans le département de Saône-et-Loire, est né, le l-' juin 1<S()<S, le président aciuel de la République IVançaise, le maréchal dcMac-Mabon, duc de Magenta, et (jui est encore la i)ropriété de sa nièce, la marquise de Mac-Mahon. Bâti au milieu du xvi" siècle j)ar un autre maréchal de France, Gasparde Saulx-Tavannes, ce manoir présente un beau spécimen de l'architecture de la j{enaissanc(\ et c'est à son sujel (pie de lîussy-Rabutin a écrit que la cour de Sidly est la plus belle cour de château de France. Les la|)isseries (p;e l'on y voit datent de l'an IGOO environ et sont signées : Niclaes Van der Sinjnen, noms qui sont suivis de la marque de lîruxelles; l'une {\q<< pièces représente niiilréc dey, animaux dans l'arciie de l\oi' et une nuire leur Soj'lie ( i ).

10 Rfrisi'i"iiciiiciils (lus il M. lii'-urnc. a'i-lir'()!nL.'iii' de J)i';iiiiii'.

:J5|

Oiili'o li'S Iciiliiros (l(! DK'iiio on'L>,iii(' (|ii(' je viens (rt'-nii- inérer et celles doiUjo parlerai plus loin, combien n'y en a-(-il i^ns sur lesquelles aucune drsiiinalion ne se Ironve, pivsipie loujours |)arcc que Vo]) en a changé les lisières. Cilons, nolamnienl, dans la collcclion du duc de Berwickel Alhe, un GenlUhomuie de l'épcf/ue de Louis XI 1 1 prenant une leçon (fét/uilalion el une Déesse prenant une leçon d'efjuitalion sous la surveillance de Mercure, tapisseries lissées d'argcnl, avec bordures li'ès-originales : dans le haul, un médaillon au milieu de guirlandes de fruits adacbéessur les côtés à des colonnes ; à ces dernières sont adossés des satyres et des bacclianles tenant des fruits que de petits faunes veulent saisir.

Citons en outre, mais comme désignées simplement sous l<j litre de Tapisseries des Flandres, parce que leur origine n'est pas nelleraent déterminée : dans la Collection du duc de Berwi(k cl d'Albe : Junon poursuira/it Lalone et Lalonc changeant les Lyciens en f/renouilles, tapisseries du wii" siècle, avec bordures présentant dans le baut un blason lleurdelisé, des mascarons et des fruits; sur les côtés, des ligures mythologiques, et, en bas, un mascaron, des spliynx el des fruits ; chez Mgr le duc d'Aremberg, à Bruxelles, ell(^s ont été faites très-probablement : Hercule combattant le lion de Nonce, Y Histoire de Numa Pompilius, on huit pièces hautes de 2"70 à 2'"7r> sur une largeur vai'iant i\o 5'"io à 6'"ô0, avec bordures formées de lleurs et d'armures; quatre tapisseries se voit, sur fond rouge, un écusson avec If collier de la Toison d'()i\ avec la devise n \e nur.E ; iitic autre, \'ou l'emarqiie un écusson surmonté d'iui cli.i- peau de cardinal el les mots : I'atirns rsTd, etc., à Milan,

552

une série ayant figuré à l'Exposition de 1874 et l'on avait représnnlé, d'après des carions de Rubens (?) la Géo- métrie, laMusifjue, i Astronomie, la Guerre, l'Arillimétique, la Grammaire, avec ces devises :

V GeOMETRIA COGOR ET T\BULA PICTOS EDISCERE MUNDOS;

2*^ mltigat homines temperat feras deos plaçat; 3" coelum spegulando terram et aequor arare docet;

4-° GrADIVO dominante JAGENT ARTES ;

5" ArITHMETIGA GOMMUNIS VITAE FAGIT HAE GIVILIS AD

usuM ;

()" GrAMMATICA HAEC GUPIENTI DIRGERE PRIMA EST.

N'entrevoit-on pas, dans ces indications seules, tout un monde de travaux industriels, qui inspirent cette ré- flexion : et cela est sorti d'une seule cité, c'est le produit d'une seule époque? Comment donc s'appelaienl les hommes infatigables (pii ont dignement soutenu, dans des circon- stances défavorables, la réputation de leur |)alrie, ces hommes dont l'Europe admire les œuvres, sans posséder aucune donnée sur eux? Les pages qui suivent répondront, jusqu'à un certain point, à une question dont la solution ne pouvait plus être ajournée.

L'une des plus anciennes lignées patriciennes de Bru.xelles était celle des T'Seraerts ou fils de sire Arnoul, qui descen- daient de la même souche que les ï'Serclaes ou lils de sire Nicolas. Elle avait produit au xvi" siècle Jérôme T'Seraerts, marcgrave d'Anvers , qui se distingua dans la lutte de nos provinces contre le duc d'Albe et avait commandé en /('lande, pendant plusieurs annc'cs, au nom de Guilhuime

553

le Tacilurne. Un de ses pnrenls, mais resté plébéien, Jacques T'Sera(>rts, figura dans le magistral de Bruxelles comme conseiller communal en 1578, comme receveur en 1.j80 et 1581, comme receveur du canal un 158^ et 1585, conmie échevin en 158i. Lui et sa femme Élisabelli De Rode possédaient, rue d'Anderlecht, près de la brasserie dite lu Barbe (de Baert), une maison, avec dépendances et atelier de tapissier (tapissiers ivinckel), qu'ils cédèrent au gouvernement espagnol le 12 août 1587 (i). Jacques s'était alors complètement rallié à l'autorité de Philippe II, puisqu'il était devenu tapissier de la cour; i! vendit aux archiducs Albert et Isabelle, en 1G05, des tapisseries en sayette, du genre de celles dites brolesques, semées de fleurs de soie, pour lesquelles il reçut 500 livres, et, l'année suivante, une autre tapisserie qui lui fut payée 1,498 livres 15 sous (a). Plusieurs T'Seraerts, de Bruxelles, furent peintres, notam- ment Jean T'Seraerts, qui s'allia à Marie Kips et en eut, entre autres enfants, Thierri T'Seraerts, dont une des filles, nommée Marie, épousa, le l'"' octobre 165G, un peintre bruxellois dont nous avons parlé dans notre chapitre précé- dent, Daniel Van Ileil.

Une autre famille de patriciens, celle des Sweerts ou De Weert, comptait aussi un représentant dans le même mé- tier, François Sweerts. Rupert Staes, au nom de l'archiduc Ernest d'Autriche, lui acheta, le 15 novembre 1304, au prix de 1,055 florins, six tapisseries représentant des Scènes iroyennes, que l'archiduc comptait donner au nonce, mais

(i) Registres aux charti's de Uralxiiil, \\° XIII, f" (-2) HociMiv, f.e.s tapisseries de liaiile-lisse, |i. ! iO.

fi'arda ensuite poiii* lui (i ). On le qualiliail de l'aine lorsque, en IGîô, il veiidil an\ archiducs Alhcrl. cl Isal)elle, j^our 1 1,47;) livi'os, une lenlurc inlihilée l'Histoire de .losiié, (|ui mesurait 225 aunes.

La coliéiïiale des Sainis-.Micliel el GuduNi avait perdu pendant les lroid)lt\s une uivuKh^ parli(^ de son ornemenlalion en objels d'art. Ce fut Pierre Van den (luclite, de Bruxelles, (jui refit i)our les fahriciens de ce temple, en IGOI , une tapis- serie destinée au juhéfalors placé à l'entrée du clueur), tapis- serie don! le ])ri\ s'éleva à 1S4 Horins du Rhin (■■2). Il semble que ses descendants aient émii>ré, car si, d'une pari, nous trouvons un Charles Van den Guclile exerçant à Bruxelles les fonctions de doyen en IGSG-lti'^T; d'autre part, on ren- contre à Delfl, en J(I57 et pendant les années suivantes, un ^laximilien Van der GuchI, qui orna de tentures la maison de vdic el l'hôtel que Dell't cl Gouda possédaient à La Haye (r,). Deux lils de Charles Van den Guclilc enli-èrenl dans le méliei- des peintres, des verriers el des batteurs d'or: Ilans, le '2'-2 novembre '10h2, comme apprenti de Jacques Oddaert, verrier, el Charles, le 15 février 1()17, comme apprenti de Jean de Paeyge ou de Paige, surnonuné le jeune, peinli'(>,

G(''rard Bernaerts, (|ui élail en pi-ocès avec le ducd'Au- male, en l()05, viMidit plus d'une lenlure aux archiducs, iiuianiiiicnl : en l<)()S. wuo srno do liiiil jiièces oi fnrmo tie

(1) litillethis de 1(1 Commission royale d'histoire, t" si^iie. (. XIII, p. 1 1I. Cî) lUdlelin des Commissions roijales d'arl el d'archéolooie, l, \, |i|i. Kii .-t \m.

is) Soiti:n[iam , Keuific itaiilei'liciiiiiin'n belrejJ'eiKle Delflsclie Ijinsleniiars , p. ;■.. {Seileilfiiiilsrhe Sijrrlnlor, ISTD.)

galeries, inesiir;in( 2t2*) aiiiios, [loiir 4,(KiO livres ou I*) livres l'aune; en KiOi), une aulre séi'io senihlalihî mesurant U)V) aunes, moyennani 7t'>7}{) livi-es ou IS livres l'aune, cl, on IGl i, luiil aulres pièces de llnscn'i/es el fUjures pocligiies, mesuranl 22") r>/i aunes, pour h2 livnvs l'anno. (Vesl sans (loule à ces coniposilions (prappnrliennenl (l(\s lapissoi'ies que l'un de mes an)is a eu l'occasion (k' voir i\ Madi'id el l'on remarque, perclK'S sur une baluslrade, d(\s jiaoïis el d'aulres oiseaux si h'iou imités qu'ils consliliienl de vérilaMes (rompe-l'ceil.

Callierino Vandeii Evnde , veuve) de Jacques ( el non Jean) Geubcis, fui égalemenl favorisée de plusieurs com- mandes imporlanles. \os pi-inces lui aclielèrenl : en IGOjj, l'Histoire de Josué, en treize pièces, mesuranl ÔS,') aunes, moyennani 7,515 livres ou 19 livres par aune, el lllisloire de Troie en sepl ))ièces, mesuranl IS'i aunes, moyennani 5,5-'0 livres ou 18 livres par aune, en 1607; l'Histoire de Cléopàire, en huit pièces, mesuranl ."27 aunes, pour 4-, 147 livres ou 12 livres l'aune, el, en JOir», lUisloire de Diane, mesurant 222 aunes, el l'Histoire de JS'oe, mesurant 194 aunes, moyennani 12,581 livres. Ces deux dernières tentures furent fournies à la fois |iar la veuve Geubels et Jean Raesel furent payées: la |)ren}ière il livres, laseeondi' 14 livres 10 sous l'aune. Elles exislenl encore, à C(^ (pi'il semble, au palais de Madrid, l'on conserv(> : d'une; part, une série en laine et soie, inlilulée Diane rhassorps^ir, on huit pièces, et, d'autre pari, une Histoire de A'oc', en laine, soie et or, composée de quatre pièces. C.iMn» de rnièrc, ouli-e la marque de l>riix(d!es, offre un monotiramnie composé d'un (1 suj)portaiit un I' (souvenir de l''raMcois ricubels),

o56

tandis que deux pièces de la première se distinguent par des signes bizarres cl dissemblables : l'une représentant en quelque sorte une paire de ciseaux couchés, l'autre une note de musique ou quelque chose d'approchant. En 162!), la vcuvcmIc Jacijues Geubels ne vivait plus, mais il existait un autre tapissier portant ce nom, probablement le fils et l'héritier de cette dame, qui fut doyen en 1026-1627.

Chez Mgr le prince de Chimai-Garaman, dans son hôtel, rue du Parchemin, on voit une tapisserie de l'époque de Rubens, représentant un Roi gui triomphe if un lion; au fond est un palais devant lequel a lieu un festin. De belles lisières encadrent cette scène, qui porte cette inscription un peu prétentieuse :

DIVINO PALLADIS ARTE

PIGTURAM SUPERAVIT

ACUS

C'est-à-dire : « Grâce à l'art divin de Pallas, l'aiguille a » surpassé la peinture » . Quel est le fabricant qui a osé ainsi proclamer le mérite, très-réel du reste, de ses produits? Sa marque se trouve sur le galon de C(Mé. Elle se compose d'un chiffre de marchand se terminant au bas en un A, et dont la tige porte en son milieu un G. Elle se retrouve, un peu différente, sur une pièce d'une tenture du palais de Madrid, l'Histoire de Cyrus, en six pièces de laine et soie, dont une autre pièce est signée N. L. (Nicolas Leyniers). Ici le G oc- cupe le bas de la tige et l'A se voit au haut, surmonté d'une petite barre horizontale; l'écusson de la marque de Bruxelles offre, dans le chef, deux petites lettres : I. N. Un G et un A disposés de même, sauf que la petite barre horizontale est remplacée par une sorte de croix, dessinent un angle avec

,)->/

le liaul (le la lii^c, cl le G, au-tlcssus (lii(|ucl se montre une aulrc petite hai-re, est, dans ruii dv.s cas, retourné. D'autres pièces de la même tenture oiTrent le chiiïre du célèbre tapissier Raes. Un signe analogue se remarque trois fois encore dans la collection du duc de Berwick et Albe (i) et sur le Martyre de Saint- È tienne et la Conversion de Saint-Paul faisant partie de la tenture des Acten des Apôtres, dont plusieurs autres tapisseries sont également de Raes. De ï Histoire de Troie, que la veuve Geubels vendit aux archi- ducs, il existe une répétition, au moins partiellcr dans la collection du duc de Berwick et d'Albe (2). Sur une pièce, on voit Paris blessant Ménélas à la cuisse, sur une autre les Troyens disputant aux Grecs le corps de Patrocle. Au bas, sur des banderoles fond rose, se lisent des inscriptions latines et descriptives. La première de ces tapisseries porte deux chiffres : celui de Raes (les lettres E. A. R. juxtaposées et supportant une tige à laquelle un S est accolé et se terminant en chiffre de marchand) et celui que je viens de décrire. Il me semble évident que cette tige (ou I) accompagnée d'un A et d'un G, constitue le monogramme de Jacques Geubels, que l'on sait par d'autres pièces avoir collaboré avec Raes. Nous avons déjà parlé des Tons qui se distinguèrent comme peintres au xvi" siècle. Gonmie cela arriva à bien d'autres artistes, ils eurent pour parents des tapissiers. L'un d'eux, Guillaume Toens, vendit aux archiducs, en 1G07, Yllistoire de Constantin, en huit pièces, mesurant 225 aunes, pour la somme de 4,130 livres, ou 18 livres par aune. Au nom de

(1) Catalogue, p. 56. (î) Ibidem, p. 56.

:i5cS

T lions correspond p;iiTailcincnl le inonograuiinc TH. do T placé sur la barre Iriiiisvcj-sMlc do l'Il), (jiie l'on m'a siiznalc comme se Irouvanl sur une liMitin^! vue à l'aris el purlanl liréciséiiicnl pour liti-e llisloiic de (ioiislanlin. A ce pi'opos, ajouloiis un dél;iil ijiie nous avons omis dans noire précédeni elia|)i(re. Le célèlne Huhens pciunil poiii" le l'oi de France douze esquisses pour tapisseries, ayanl au plus un pied div pouces de haul el deux pieds de large, el représeidanl les l»rincipaux épisodes de la vie de l'empereur Conslanlin. Dans une lellre dalée du iMi févriei' 10^20, il se plaint du relard ipie l'on appoi'd,' à lui payer le prix de ce li'avail(i).

iMarlin Reyndjouls l'ut plus favoi'isé encoi'e jiar Albeil et Isabelle, car il leur fournil : en 1()(M>, ïllisloire du Triomphe de Vélrarquc , en sept pièces, mesurant 4:2,') aunes, i)Our 5,05^ livres, à J6 sous l'aune; en 101 i, une llisloire de (kdcrics cl de Fujurfs de lumona, en douze pièces, mesurant 4o4 ainies, |iour ((,175 livres, à 18 livres l'aune, et deux chambres de la même llisloire, pour 4,025 livres; en 1614, huit autres ])ièces de [Histoire de (kdarias et Vomona , jmur 3,Dlli livres, et, en !(J15, huit pièces de Y Histoire de Troie, mesurant '2i2o 5 4 aunes, pour 2, i)08 livres, à 13 livres l'aune. Il se trouve à .Madrid plusieurs lenlures ipie l'on pourrait atli'i- bucr à Pieyndjouls, à cause des titres el des cbilTres qu'elles |)orlenl. Ainsi, c'est d(; ses ateliei's (pie sortit, selon loute apparence, le Triomphe de Vétrarque, en cinq pièces de laine el soie, (pii pi'ésenle un monogramme composé d'un M, su|)porlanl une lige sur la(piellc s'enroule une lellre (pu ressemble ii un •> dont le Irail Mqu'-iieui' auiail di>pai'U, el

(i) GACiir.r, lA'lIres incdiles ilc ltiil>cns. [>. i.wiii.

(|ui |)(tiirr;iil clro un S (lin;ik' du Uc_\ inhouls). I,;) M^ric iii- liluléc les IJalaillcs de l'archidar Albert, eu ^v\>[ [litro de laine, soie et ur, sont plus posiliveuieiil de lui, ear le eliilTre <|ue l'on y reiuanjue est eoniposé i\(is iniliales iM. A enlacées, sur lesquelles s'élève une lige se leniiinant en « signe de niaivliand, » et conlrihiiant eu son uiilieu à dessiniT un 11. (lelle tenture a éle pholugrapliiée. On a vendu, à Paris, il y a ({uelques années, deux pièces, qui élaienl niai'(juées de même et l'on voyait un Jugement, rendu parun roiei un Guerrier debout, tenant un lièvre. La veuve de Heyinbouls renonça au commerce et alla se lixer à Anvers; leur lils François, ayant continue'; le Iralic des tapisseries à Bruxelles, fut privilégié pai' la ville, le :29 août IG48.

xMartin Rcyni bouts, la veuve Geubels et Gérard Hernaerls, alors (jualifié l'ancien, figuraient en 1G1,"> au nomhi'e des plus imporlants fabricants ou marcbands de ta|)isseries à Bj'uxelles; ils furent alors privilégiés avec Corneille T'Se- raerls, Xicaise Aeris, Jean Uaes, Jean Maliens, i'ieri'c De Goddere et François Tons.

Aucun de ceux-ci ne j)arait avoir eu (|uel(jue nom, sauf Jean Raes, {)ui a laissé de nombreux lénmignages de son savoir faire, et (pii dut jouir d'une grande iniluence, puis- qu'il fut conseiller communal en IG17, l(j"2i, liîyi et IGô.'i, receveur en 1G18 et KilO, receveur du canal en ICdO, l()i2o, 1G5G et 1G58, et bourgmestre en IGôô et 105^.

Fn 1G20, ce fabricant exécula pour les arcbiducs une reproduclion des Actes des Apôtres, d'après Rapliaél, reproduction (jui fut donnée aux Cainiéliles déchaussés do Bruxelles et payée ir),*27:2 livres; elle se composait de quinze pièces et mesui-ait 82!) ) ^ aunes, ;i IG livi-cs l'aune.

540

Elle n'est autre, Irès-probablenient, que celle qui a été décrite par M. About et vient d'être mise en vente comncie prove- nant du duc d'Albe et Berwick (i), mais réduite à treize pièces, savoir :

La Pèche miraculeuse, en deux parties ;

Jésus-Christ remettant les clés à saint Pierre, en deux parties ;

Le Martyre de saint Etienne;

La Guérison du paralytique ;

La Mort d'Ananias;

La Conversion de saint Paul ;

Saint Paul prêchant à Athènes ;

Saint Paul et saint Barnabe, à Lystra, en deux pièces;

L'aveugle Elymas, en deux pièces.

K Toutes ces compositions, dit M. About (2), sont re- » tournées : on voit à gauche les personnages que l'on cher-

» chait à droite et réciproquement Le maitre tapissier,

» astreint sans doute à un plan de décoration, ne s'est pas y fait scrupule d'ajouter et de retrancher au modèle. Si la » Mort d'Ananias est conforme à l'original (au carton de » Raphaël), certaines compositions sont élargies, comme » la Pèche miraculeuse, la Prédication de saint Paul et VA vcugle » Elymas, le copiste llamand a ajouté, sur la droite, une » figure de Maure, Le inagnilique sujet de Saint Paul à

» Lystra est plus haut (jue le carton L'Apparition de

» Jésus à ses disciples est coupée au milieu par un gros arbre » qui sépare les disciples en deux groupes. La Guérison de

(i) Catalogue, p. 71.

(2) Tapisseries du wii" .siècle, de, pp. G-T.

« CÀvcuijlc ri i\n /^ara/i/Z/f/ja' ol, rcdiiilc à ses élt'iiKMils cs- » seiiticls par rùliiiiiiiaiion d'un uruapc liivs-filéganl, mais » inulilo l'I sacrilii' par l'ai-cliilcrlo coiiime Taisant longueur » dans la décoraliun » .

Ces belles (apisseries, dont M. Ahunl l'ail un bi-illanl éloge, ont on hauleni' de :i"' à 5"''î:i et en largeur de ô"'5o à (i"'L>0. Klles ont des bordures à rosac(;3 formées de feuilles d'aeani lie, à rubans el à ceps de vigne. Plusieurs pièces j)résenlent la signature : J.vn Uaks el la marque de Bruxelles; celte signalure est remplacée sur l'épisode d(; Lyslra par un monogramme formé des ledi'es A. E. J{. juxtaposées el combinées, supi)orlaiit une lige se terminant par un signe de mai'cband el enlacé par un S, ensendjle (|ui donne aussi le mot iiAES. J'ai déjà parlé du chiffre I. A. G. qui se lit sur deux |)ièces de celle tenlure.

11 existait une aulre copie de ces la{)isseries dans un cou- vent de Dominicaines ipie le comte d'Olivarès avait lait construire près d'AIcala. Les rois de France en possédaient une Iroisièmc, composée de dix pièces, que Goellie dil avoir vue à Slrasliourg en 1770, le jour de l'entrée de Marie-Anloineile; celle dernière avait été l'abri(]uée en An- gleleri'e el fut doniiée à Louis \IV par le ici Jac(|ues H, en remerciment de l'asile (jue le monaiMpie français lui avait accordé. Enfin, il y en a encore à Madrid, deux en laine et soie : l'une de neuf el l'autre de treize ])ièces. Dans celle dernière, trois |iièces présenl(,'iil le chilire de Haes, et deux le cliilIVc (pie nous avons signalé plus liant, comme présentant un A el un G. Dans la seconde tenture, on distingue encoi'e d'autres cIiilTrcs. (pi'il nr'a élé im|)0ssib!e d'expli(|uei'.

542

Puisque l'occasion su prûseiilo de parler de nouveau (i) des (apisseries l'on avait retracé, pour l'église abbatiale de Saint-Pierre, de Gand, la Vie de saint Pierre et de saint Paul, rappelons ici qu'elles sortaient, selon toute apparence, des ateliers de la famille de Jean Raes.

« On prétend, disent en parlant de ces tentures les deux » savants bénédictins Marlène et Durand (2), que c'est » Raphaël qui en a donné le dessin, mais quand il les auroil » tirées au pinceau, il n'auroit rien fait de plus délicat que » ce que l'ouvrier a fait à l'aiguille. Il y a dix pièces qui » sont estimées 20,000 florins, qui font 230,000 livres » argent de France. On dit qu'un gouverneur des Pays-Bas » en offrit 100,000 florins et d'en faire d'autres semblables. » Ces tentures dataient du commencement du règne de Philippe II, comme l'attestaient le millésime IoS6 et les armoiries, tant nobiliaires qu'abbatiales, que l'on y voyait et qui étaient celles de François d'Avroult, seigneur do Helfault,abbé de Saint-Pierre de 1553 à lb67. Elles ornèrent longtemps le chœur de l'église du monastère, elles étaient encadrées entre les piliers, protégées contre le contact de l'air et l'action décolorante de la chaleur par des volets à panneaux ornés de peintures. Transportées à Amsterdam à l'approche des Français, elles fiii-ent ensuite achetées par un amateur de Gand, qui les lit vendre, vers 1821, à Bruxelles, d'où on les transporta en Angleterre. A cette occasion, le peintre Odevaere publia une brochure il attribua les modèles de ces tapisseries à Raphaël : en eff'el.

(1) Voyez XV année, p. 4G3. (i) Voyage littéraire aux Pays-

'ai/s-lias.

o4ô ~

les sujets de quelques-unes d'enlre elles étaient ceux que le grand peintre peignit pour le Vatican, mais d'autres ne correspondent pas aux indications que nous avons données d'après les meilleurs auteurs. La tradition, que l'abbé Seiger De Visschere accepta lorsqu'il écrivit ses notes manuscrites sur son monastère, considérait Audenarde comme le lieu ces tapisseries avaient été fabriquées (i), mais on ne peut alléguer aucun motif pour les attribuer à cette ville, pas plus qu'à Arras ou à Malines, et Bruxelles doit d'autant plus être préféré que c'est ici, chez les Raes, que des reproduc- tions de tentures analogues furent exécutées au xvii'' siècle. Ce sont ces fabricants sans doute qui, après avoir lii'é tout le parti possible des carions de Raphaël , les auront cédés au roi Charles P^

Jean Raes vendit à l'infante Isabelle, en 1651, une « chambre » qui lui fut payée 3,000 livres et dont Isabelle fit cadeau à M. Butrieu, envoyé de France à Bruxelles. Paris, Madrid et Vienne possèdent nombre d'autres productions de cet infatigable travailleur. Dans le Catalogue de la collection du duc de Berwick et a Albe (2), on lit son nom : Jan Raes, sur une composition de 31 figures, avec bordures à médail- lons, frises etmascarons, intitulée : le Sacre de Charlemagne. On le remarque encore, dans le palais du roi d'Espagne, sur les tentures dites les Travaux de Cupidon, en sept pièces de soie et de laine, et tllisioire de Thésée, en dix ))ièces du même genre. L'Histoire d'Absalon et fllistoire de Décius,

(1) Voyez, pour ce qui précède, un travail de M. De Bcsscher, intitulé : L'abbat/e de Saint-Pierre, à Gand, dans les Annales de la Société royale des Beaux-Arts et de Littérature, t. II.

(■2) 1>. 66.

'Mi

(|(ii se coiiscrvoiil dans la inèiiic colleclioii, viciiiieiil aussi (le lui. Sur la pièce uiii(|UL' (|ui coiisliluc la prciiiiùre, on voil lin iiKMiDuiamnie dans lo goure de celui ([u'il employa luibi- luelleinenl : l'A e( ri\ accolés, une lige verticale suriiiuiUéc d'un cliiflVe de marchand cl un S s'enlaçanl sur celle lige. Enlin lUisloire de Déciiis, en liuil pièces de laine, soie et oi-, pi'ésenle sur une ])ièce ce dernier monograinnic et sur une autre la signalui'e Jag. (Ieubels.

L'œuvre dont nous venons de parler se Irouve à Vienne plus belle et plus coni))lèle que n'importe où. Les cartons oriuinaux, d'abord, v existenl dans la arande paierie du prince Jean de Lichtenslein. Ce sont sept i)ièces admii'ables, (jui ont été gravées j»ar les frères Scliumzer ;

Décius racontant son songe aux cliel's de l'armée ro- maine;

Déeiiis acceplanl le soi-tcjue le sacrificateur lui prédit;

Decius se dévouant aux dieux infernaux lui et toute raiinée romaine;

Décius congédiant les lieleurs a\an( de pénétrer au milieu des enneniis;

Décius périssant accablé par le nombre;

Obsèques de ce général el

Home Iriompiianle.

Ainsi (jue nous l'apprend une lelli'e en date du l(>/-2() mai KilS, on travaillait alors à ces tapisseries, à liinixelles (i), Cv renseignement est important : il ;issigne à la lois une date précise à l'inK* des plus belles (eiivros du fécond maître

(i) SAiN^niiiN, Orii/iiul iiiipiiblit'heil ii'iper.s i/lii^lrtilire lo ihe lifc of Hubens, |). iO.

nnversois o\ ;i l:i proniiôiv roprodiiclion dt^ ses |X'ii)lni"f"^ on lapisseries.

Les cni'tuns ornaient jadis à lîriixelles Tliolel (\r. Clèves ou Ravensleiii, aujoiii-d'hui .Maison iXeulïorge, rne Sainl- Lanrent, près de la Montagne de la Cour; k prince Charles- Adam de Lichtenstein les achela ])onr la sonjine de 72,000 llorins de change (i), et ses successeurs y ont joint (piah-e pièces de lapisseries achetées à Venise et représcnlant le (roisièine, le ([ualrièmc, le cintpn'ènie el le septième des siijels énumén's pins haiil ; la septième n'est pas signée, mais les trois autres portent la marque de Bruxelles, suivie, sur la troisième et la cinquième, des mots : Jax R\es. Deux autres pièces appartiennent à l'église Saint-Etienne, de Vienne; d'autres sont la propriété du |)rince d'Auersperg et se conservoni en son château de Step. Le prince Alhert de Solms-Braunfels conserve à Braunfels, dans la province prussienne du Rhin, une reproduction de la même tenture, qui a également été achetée à Venise, el il en existe encore une à Vienne, qui est à vendre (-i).

Jean Raes avait épouse- Marguerite Vanden Ackere, doni il eut plusieurs eni'anis, enli'c aulres François, qui épousa une Van dcr Slraetcn et en eut Pierre, qui fut oflicial du com])foir ou employé des hureaux des Élals de BrabanI ; Arnoul, qui sollicita son admission dans le lignage patricien de Sleeuws, liiéronyme, femme de Conrad-Guillaume Prince, écuyer, capitaine d'une d(\s compagnies de la garde bourgeoise, etc. A en juger piii-cc qui pri'cède, ce François

(i) De BuRTix, Trailcdes conuahaanccR nécessaire); aux amateurs de lahleanx, - I,K Maykl'r, Iji f/loire Belfiiqiie, I. I", p. iflfi. (-2) Roiiseigiiomenls de M. le L"' .1. Fai.kk. de Vioiinu.

U6

Raes laissa une belle fortune, que lui valurent ses travaux.

Je me rappelerai longtemps encore l'impression que pro- duisirent sur moi, en 1874, les splendides tapisseries repré- sentant VHistoire d'Alexandre le Grand, qui se trouvaient à l'Exposition du costume, aux Champs-Elysées, de Paris. La beauté de la composition et la conservation de celte œuvre splendide en faisaient le plus bel ornement de la vaste salle dans laquelle on l'avait suspendue. Jacquemart prétend qu'elle fut exécutée d'après des cartons sortant de l'école de Rubens ; tout légitime cette supposition , surtout l'allure fière des scènes représentées, revit la fougue du puissant maître d'Anvers. La signature : F. Raes et la marque de Bruxelles déterminent la provenance de ces superbes pièces, qui sont au nombre de douze, six grandes et six moyennes , et dont les bordures sont semblables à celles de t Histoire f Achille attribuée à Rubens. Elles appartiennent à M. Maurice Moyse. François Raes a encore signé une tapisserie représentant Alexandre le Grand combattant un lion (i). Il eut pour frères, sans doute : Jean Raes le Jeune, dont nous parlerons bientôt, et Pierre Raes, qui fut privi- légié par la ville, le 7 février I6iô, après la mort de son confrère Daniel Eggermans (-2).

Tous les tapissiers qui avaient été avantagés en KM 5 étant morts, sauf Jean Raes et Jean Mattens, les privilèges dont ils jouissaient furent attribués par la ville, le 15 mars 1629, à Bernard Van Brustegom ou Van Brustom, Jean Aerts, François Van Maelsack, Jean Raet ou Raedt, François

(t) Renseignements de M. Dautzenberg. (î) /• register ter Tresoii/e qehoiideii, P 220.

M7

Vanden Hecke, Henri Maliens, Chrétien Van Rrustom et Jean Raes le Jeune (i).

Ou ne connaît aucune production de quelques-uns de ces fabricants, sauf qu'on peut leur restituer des tentures par induction. Les deux Van Brustom ne travaillaient plus en 4640, ni Bernard, qui avait épousé la veuve de Nicaise Aerts, et qui fut nommé doyen en 1655 et conseiller com- munal en 1657; ni Chrétien, qui vivait encore en 1657. Les Brustom, comme nombre d'autres tapissiers, habi- taient rue Haute, ils avaient une propriété qui, après avoir appartenu à Antoine Aerts, fut convertie en trois habitations. Bernard Van Brustom et son fils Chrétien y occupèrent une demeure qui n'était séparée de la rue Saint-Ghislain que par une maison, et sur laquelle ils consti- tuèrent, le 28 mai 1654, une rente annuelle de 50 florins au profit de Jean, fils de Chrétien, qui allait recevoir la prêtrise. Mais, comme leur généalogie, leur histoire in- dustrielle est encore à écrire. On pourrait interpréter par le nom du dernier le chiffre composé d'un T dont la tige porte un B, unV et sert à former un E,ce dernier placé entre un C inscrivant un 0, d'une part, un N et un R, d'autre part ; il se voit sur sept tapisseries de la collection Braquenié, à grandes figures, et dont les sujets sans signification sont encadrés dans des colonnes avec frontons.

Sur Jean Aerts, qui fut nommé doyen en 1655 en place de Jean Vanden Hecke, et de nouveau en 1655, et sur François Van Maelsack , qui était mort on 1658, on ne possède aucune particularité. Les .Maliens, qui fabriquaient

(0 Hegister van der stadt van Brasnel snO de Coudé, f' ."61 ot suivants.

5>ÎH

(l(''j;t (les hiitiircs ;ii! NVi^ sièch» , liinMil un peu plus renommés, aussi bien Henri, qui fui conseiller de la villi' on IfiiO o( 1027, el ne Iravailiail plus en KJiO, que Jean, qui mourui en 1655-1 054, pendani ipi'il exereail les fonctions de doyen, dans lesquelles Daniel Leyniers le l'emplaça. On pouri'ail reuai'der comme (''lanl sorlics des mains des Maliens les pièces l'on voil im M traversé jiai* une harre horizontale. De ce nombre est rilistoire de Scipion du palais de Madrid, en douze pièces de laine, de soie el d'or, où, sur la deuxième tapisserie, un même M de ce genre sm't. une autre marque composée de la lettre M combinée avec un A (initiales, )>eut-élre, de Maelsack), tandis que la première tapisserie offre la battre R (Raes, Raet?) surnjon- tée d'un chiffre de marchand. Un M simplement barré se voit encore sur une tenture du marquis d'Alcanices, en dix tapissei'ies de laine, de soie et d'or. Un autre, combiné avec les lettres E et T et surmonté d'une barre verticale dessinant un sigma grec ou S (Mattkxs), |)articularise une pièce du commencement du xvii' siècle, ap]Kirlenant à MM. Braque- nié et représentant Hercule clou /faut Anlhée, avec uiie riche boi'dure à fruits, dessinant aux angles des pans coupés.

Le Catalogue de la coUeclion du duc de Berwich cl d'Alhe (i) nous fait coimaiire un»^ pièce signée Raet. Elle représente une (oit'/ peuplée, d^lnjrucs, de cerfs, de hirhes et (Foiseaux, avec bordure composée de petits niiMlaillons, de figures, di' IIimii's (>l de fruits. Celle tapisserie mesure (*) mètres sur i. I.Hisloirc de Sa7n.'ioj>, eu (piati-e pièces de laine el de soie, au |ialai^ de Madrid, présente, d'une jjarl,

(Il !'. TJ).

1)V.)

sur sa (leiixièmo pitre, lo cliiirrn de François Van dcn Flecke, el, d'aulre pai'l, sur la [M-eniière, uik; (iiic dont la hase alTeclo la lormc d'une étoile el don! la partie du inilicn est accostée des lellres ï. R, reliées Tune et l'aulre i);ir une harre. Cet I. H, eonternporain de Fi-ancois Van dm llcckc, c'est sans doute le Jean UntM qui lut priviléii'ié en inénK^ temps que c(!lui-ci, l'ut doyen en KiÔÔ et l()5.j, et tondra en état de faillite en IG^i (i). Le nom de ce Jean Haet se trouve sur trois tapisseries à p^rands personnages dans le genre de ceux que Rnhens aimait à dessiner. I/un de ses homonymes, lui-même peut-éln», maitre .lean De l\ael, Bruxellois d'origine, se (it admettre, le T' juin 1G17, dans le métier des peintres, elc , comme élève du verrier Jacques Boddaerl.

Les Van don Ilecke ont brillé davantage et parcouru une éclatante carrière pendant près d'un siècle et demi. L'un d'eux, nommé Jean, était doyen du nK'tier lorsqu'il mourut en l()53-16r)4 et fut remplacé par Jean Aerls. Il Inul sans doute lui attribuer le chiffre composé d'un H supportant un V, du milieu duquel jaillit un I légèrement barré, chiffre peu différent de celui de François Van den Ilecke et qui se voit sur une tnpisserie de M. Chavannes : /'/ï/?/c- vement des Sabines. Dans vme seconde pièce de la même tenture, le Coiribat des Homains et des Sabins, un ûaier-

(i) Pendant son scjoiii' ii lîiiixcllcs. le iioiire Bc:!îivo.;;lio piocuia nu ciiriliiial r!oi'£;lièso, Scipion Caffiivolli, une tapis.serio loiifïuc do. K! aunes et ropivsfiilanl rilisloirc deSnm.ton. Los carions en avaient été exéontés, disait-on, ponrHonri II, roi (le FiMiioé (peul-étre faut-il dire Philippe il, roi d'Espagne (Voyez plus haut, \V<" année, p l">l), par lui peintre raalinois, sans doute Miohel Coxie. Rhvfr tif, Saintf.-Si'zannf,, /. r., p. 0^.

350

rier porte un bouclier est inscrit un monogramme composé d'un N, dont la liaison traverse un 0 et soutient une petite lige légèrement inclinée. Quant a la troisième, les Plaisirs champêtres, elle offre, dit-on, des groupes déno- tant un goût tout à fait italien. Ces tapisseries ont des bor- dures entièrement analogues à celles de ruistoire de Diane, de Spiering, mais ornées d'armoiries italiennes. Le posses- seur prétend quelles n'ont jamais porté la marque d(> Bruxelles et les croit originaires d'au delà des Alpes fi), mais rien n'empècbe de supposer qu'elles ont été exécutées (;n Belgique pour un étranger ou sur les dessins d'un artiste étranger.

François Van den Hecke, qui était probablement fils de Jean, fut à son tour doyen en KJiO et 164-1, receveur de la ville de 1650 à 1G52, en 1659 et KiCO et de 1664 à 4665, receveur du canal de 1654 à 1657 et, enfin, tapissier de la cour. Dans ces différentes fonctions il dut exercer une in- (luence considérable, d'autant plus qu'il travailla considéra- blement.

Signalons d'abord la série de tapisseries religieuses qui figure au Catalogue de la collection de Berwick et d'Albe et dont les dessins sont dus à Rubens. Les bordures, d'aspect monumental, présentent en baut des médaillons supportés par des amours et jouant dans des guirlandes de fruits attachées à des colonnes ornées de sculptures en bas-relief. Leur largeur varie de 5"'60 à 7'"55 et leur hauteur de 4'" 10 à 4'"40. Sept pièces sont^signées F. V. H. et représentent :

r Le Triomphe de l'Église;

(i) Voyoz Jacùuemaht, Histnire du mobiHer, p. 17i).

a.Sl

l^" Le Christianisme chassant le Paganisme (hi Temple;

5" La Foi catholique ;

4" Le Triomphe de l'Eglise ;

5" La Manne clans le désert;

6" L'Église et

7" Saint Jean dans le désert (i).

On voit encore, à Madrid, chez M. le comte d'Onate, une série de 22 tapisseries, d'après Rubens et signées Frachois Van den Hecke. D'autres tapisseries, notamment celles que l'on voit dans la même ville, à l'hôpital, et qui rappellent, pour le dessin, l'époque de Rubens, portent simplement les lettres F. V. H. Enfin, il en existe encore d'autres qui ne peuvent avoir une origine différente. Elles offrent un mono- gramme formé d'une H, dont la barre porte un V, du sommet duquel s'élance un F. De ce genre est une tapisserie armo- riée qui se voit aussi à Madrid. Sur plusieurs pièces d'une grande série du palais royal de cette ville, l'Histoire de l'homme, ce monogramme reparait, mais, nouvel exemple des changements qu'un fabricant faisait subir à son chiffre, la barre de l'H supporte une tige accompagnée en son mi- lieu par un V et surmontée d'un chiffre de marchand ou d'un F. Par exception, le monogramme de la première des 24 pièces de cette série se compose : au bas, des lettres R. A. V enlacées et, dans le haut, d'un chiffre de marchand dont la tige est enlacée par un S. Nous avons dit que F. V. H (François Van den Hecke) a collaboré avec L R (Jean Raes ou Jean Raet?) à Y Histoire de Samson. Van den Hecke épousa en premières noces, le 2 août 1614

(i) Catalogue, pp. 68 et suivantes.

552 ~

ri (hiiis Trulisi' (1(^ .Xolre-DMinc de In Ghapollo, .lonnne A<'i'ls, (|ni niounil le G juin Kiô", cl fiil ciifeiTrc dniis l'église pré- citée, el, en secondes noces, Jeanne ou Anne d'Oiidesoen. De celle dernière naquirenl entre autres deux fils, Jean-Fran- çois el Antoine. Jean-François Van den HecKe était doyen du in('"lier lorsqu'il lui priviléirié par la vill(\ le -li mai 11)62 (i). Ce fabi-icant et comnfierçanl donna, à pai-lii- de l(i7() ou ](i77, ime grande extension à son négoce; non-seulement il ii-availlail lui-même avec huit métiers et son fils Pierre avec six autres, mais il fournissait encore du travail à six mnitres : Erasme De Pannemaeker, (|iii avait deux nK'liers; Léonard Wyns, (luillaume i)e Puttei'e, Guillaume Van den Sande, .Jean l*armenliers et Guillaume Pioelauls, qui n'en avaient chacun qu'un seul. 11 dirigeait donc en réalité le travail de vingt cl un mélicrs et de 05 personnes environ. Cette consi- dération lui valut une majoration d'exenii>lion d'assi.ses, le 1 1 octo])re IDSl (rj.

Ce fils Van den Hecke aida son |)ère dans l'exéculion d<' la .série du Triomphe de fE(/lise, dont plusieurs |)ièces sont signées : I. F. V. H. Ce sont celles (\n'\ l'cprcsentent :

1" Les Quatre Evangélisles ;

!2'' David et les anges ;

5" L'Espérance grandit la l'oi cl

i" La Force.

MM. Bra{pienié possèdent une tenlure apparlenaid à inic exécution diffc'rente de la même si'-imV cl |)()rlant en lout(^s Iciiivs la signalure : Jan. I'"i; ax.dis. \'an i»f,n IlrcKi:.

(i) VI" irfitster ter Tn'xori/e (lehoitden, f" "SM. {-) .\7« re.qiKtev, 1" 2r>1.

]']!!(' i'('|H'o.v('iil<' le irioinphe de lu rcli'ijiux sur l'Itéiesir cl il en cxislo uik; luitiv piccc ;i AI)hovillij, cliez M' .1. >';i\,i()ii : la lidkjion Iriumphaiit du puijanisine, pièce (|ui est d'aulaiil }>liis curieuse qu'elle porle une double signaluro : IM*. Kiiîij.ns piNxiT cl Jan Francisgus Van den Hecke fecit. Heniar(|uoiis loulelbis (|uc celle dernière exèculioii est poslèi'ieure à la mort du grand peinire.

A l'exposition de l'Union ccnlrale des Beaux-Aris (i), on renianiuait l'Histoire d'Alexandre, d'api'ès les dessins de Le Brun, avec bordure en forme de cadre et la signature : JoAxxES FiiANGiseus Vax den IIecke sur la première pièce, J. F. Vax dex IIecke sur la troisième. Elle représente :

V Le Passage du Grani(|ue : au premier plan, une rivière dans laquelle se débattent des fantassins et des cavaliers ; plus loin, une mêlée de cavalerie.

•2' Alexandre, monté sui- un ciiar (rainé [lar deux élé- pliants, l'ait son entrée dans Babylone.

.1^' Alexandi'e, à ciieval, accueille Porus, dont il a admii'é la vaillance dans un combat ; il lui offre son aniili»' et aug- mente l'étendue de ses domaines.

Une tenture retraçant aussi les exploits du conijuerant macédonien figure dans le Catalogue de la collection du duc de Berwiih et dWlùe (2). Le.-i bordures présenlent en haut les armes de Christopbe Colomb, avec cette devise : a Castiiia cl a Léon nuebo mundo dio Colon (Colond) a donné un nouveau monde à la Casiille et à Léon); sur trois

(1) CaUiUifiiii', p. '^ÔÔ. (ij l». 58.

554

côtés se délachenl de grands rinceaux el des guirlandes de Ileurs et, au bas, on voit une suite de feuilles d'acanthe. l*ai-nii ces pièces, dont la iiauteur varie de 4 mètres à i"'20 et la largeur de 1™75' à 9 mètres, la cinquième est signée JoANNEs Franciscus Van den Hecke et la douzième J. F. V. D. H. Elles représentent :

1 " Le passage du Granique ;

La bataille d'Issus;

5" Alexandre s'emparanl, à Issus, des bagages de Darius ;

4" Les soldats d'Alexandre rapportant le butin lait à Gaza;

o" La bataille d'Arbelles ;

6" Alexandre et Parménion recevant les femmes de Darius;

7" Entrée d'Alexandre dans Babylone;

8" Alexandre et Porus après la bataille de l'IIydaspe;

9" Alexandre et Roxane ;

10" Rentrée triomphante des soldats d'Alexandre ; 11° Des gardes conduisant des prisonniers; 12" Des guerriers et des enfants portant des trophées ; 13" Dessus de porte tissé d'argent, aux armes de Chris- tophe Colomb, entourées de fleurs. Hauteur l'"50, lar- geur 2"'45.

Dans le palais de Madrid, on remarque encore une tenture consacrée à retracer les exploits d'Alexandre et, d'un aspect, on doit l'avouer, peu agréable. Elle se compose de dix pièces, dont nous n'énumérerons pas les sujets, puisque rien n'en établit l'origine.

Il V a à Lille, au Musée, un panneau assez haut, mais peu

0,)0

larg-f^ Ton voit un guerrier antique coinijatlaiil ; dans la bordure, (|ui est formée de deux simples lilets, l'un jaune, l'autre rouge, on voit, outre la marque de Bruxelles, la signa- ture J. F. V. II. Celle tapisserie a conservé des couleurs très-vigoureuses el n'olï're aucune trace d'alléralion (i). A l'exposition de Munich, on remarquait une marque ana- logue sur une pièce représentant le Printemps.

Jean -François Van den Heckc se maria deux lois : d'abord à Catherine Usselincx, puis à Anne-Lucie Van der Bruggen ; il eut d'elles un grand nombre d'enfanls, entre aulres : François et Pierre, qui naquirent de Catherine. Le succès de ses entreprises est prouvé par ses nombreuses acquisitions de biens. Dans la rue Haute, il reprit, de ses en- fants du premier lit et des Usselincx, la maison paternelle, située en face des Capucins (26 octobre 1690), ses ate- liers continuèrent à exister.

Son frère Antoine fut à la fois peintre et tapissier. Du moins il fut reçu en qualité d'apprenti chez Snaeyers ou Snyders, l'animalier renommé, le 10 juillet 1649. Il avait déjà été doyen des tapissiers lorsqu'il fut privilégié, le 15 no- vembre 1669, après la mort de Guillaume Outaerl et de N. Kints; mais celte faveur lui fut accordée, non en consi- dération de ses travaux considérables, mais uniquement parce que, en qualité de doyen, il avait remboursé à ses pré- décesseurs la somme de 1,800 florins, formant le déficit de leur compte, el avait été obligé, pendanl deux ans, de laisser cette somme improductive d'intérêts (2). C'était là, évidem-

(1) Noie de M. De Manet, attaché a la Bibliothèque royale.

(2) VIII' regisler ter Tresorye gelwuden, (" 76.

liiriil. une ;ij)j'!icatioii cXMuci'cc du >\>lùin(; ih.'S LWciiiiilioiis, un alnis (|UJ lic se ivpéla }»lus uu du inuius iic se l'cpda (|ui' rarement.

Auloino Yan don llecke cpuusa l^lisabclli, lillo de Pierre Sophie el de M;u-ie roeIs])oel, Il lial)ilai{ rue Ilaule, il possédail riiahilalion siluee eu face de la rue de Nulre- Seiuueur, ([ui avait appaileuu ;i .Iran Van den ileeke (i), et il ac(|uit : l(^ ^27) l'évi'ier IG()'i, (mi l'ace de la brassei'ie dile la Demi-lunei'^e Ilalve miuic)u\] héritage avec deux riiuisuns el une maison de derrière ayant une sorlie dans la rue des Feuilles (m (/t^ Hlaere siracle, aujourd'hui i-uc des Minimes), et, le ^20 aoùl !(>()", uni; aulre maison en l'ace du couvent {\c6 Capucins e( ap[)arlenant à ses parents, (pn' uccu|)aient la maison eontiguë. Ce t'abrieanl renonça à son induslrie poui' devenir irrel'lier de la Irésorerie de la ville; il niourui le "■27 avi'il lG8i), laissant deux entants (jui enirèrent en (piel- (|uc sorte dans la noblesse : sa lille Isabelle-Charlotte, par son niariaue avec Cabriel-Fj'ançois De Fi'aye, (pii l'ut créé échevin île Bruxelles en l{)85, et son lils Antoinc-Franeuis, ))ar sa nomination aux l'onelions de lieulenanl-annnaii de la même ville, en 1701 (->).

Jean Hae^ le Jeune, ^uv Icipjcl J'ai promis de icvemr, fui pi'ivilegié en même lenips que Fi'aneois Van den llecke, en iOiH, m;iis il iiinuriil anlcrieuirmcnl à l()">7. Sa signature en ((iul<'S Iclli'es se Irouvc sur uih' Iciilurc conscrNéi; au

(i) Voyc/ un acte ila 17 uiiir.s iGoO.

(-2) L'Annuaire delà noblesse belije {^mv 11s77, p. i6~. a imblie iiiic i;(.'iii'al(ii;ic (le la famille Van den Hctho, mais sans nientionnor, il est à peine nécessaire que nous en fassions la rcmaniue, les lih-es qui leur assui'cul une place tionoralile parmi les grands imlustiicls du pays.

557

palais de Madrid, la Vie de Décim (l)uil pièces eu laine et soie), ainsi que sur deux pièces de la colieclion du duc de Berwick et d'Albc, représentant : l'une, un Roi de Suède à clicvol, et l'autre, un Cavalier (i).

Le I*' décembre 1638, l'exemption d'assise fut accordée à deux grands tapissiers : Pierre Van Sinay et Everard Ley- niers. Le premier était entré depuis 24 ans dans la corpora- tion et avait à plusieurs rei)riscs exercé les fonctions de doyen (notamment en 1657), d'arrière-conseil (achlerraet) et de maître de la caisse des pauvres du métier (arinbussemcesler). Pour donner une idée de l'importance du commerce des tapisseries à cette époque, il nous suffira de citer celait, allégué |)ar Sinay et dont l'exactitude pourrait difficilement être contestée, qu'il avait déjà confectionné ou fait confec- tionner des tentures pour plus de 200,000 florins, somme énorme et qui représenterait aujourd'hui deux millions de francs environ (a). Et cependant Pierre Van Sinay nous reste inconnu, ce document excepté. Suivant toute appa- rence, son monogramme, son chiffre, est un de ceux qu'il n'est pas possible de reconnaître.

Nous sommes mieux renseignésen ce qui concerne Everard Lcyniers, qui était alors le chef de la branche aînée d'une des principales familles de tapissiers. Son père Gaspar, fils d'un premier Everard, dont nous avons parlé, et frère du célèbre leinturier Daniel Leynicrs, fut un fabricant fameux de tajiis- series et mourut le 26 octobre 1()4U, âgé de 75 ans, laissant trois fils qui furent, comme lui, fabricants de tentures. Ils s'appelaient Everard, Pierre et Nicolas. le 16 juin 1597

(i) Catalogue, p. 65.

(») Register der sladl van Brussel stib de Coudé, ï" 17i v".

:i;)8

d'Aiim' \";tii(l('i'<-(iiil('i', M\ci';ii'i! allciiiuil, coinnu' .sijii y,vn\ un ;'iu(' liVo-uViiiicé, c;ii' il îk,' iiunii'iil (]I!l' le iiU jiuivifT l(J80, '< accablé (l(j gloire, » pour me servir tle l'expi'essioii eiiipha- li(|iie d'un de ses descendanls. Il profila lai'gemeiil, selon (ouïe îipparcncc, des aniélioralions considérables (jue son oncle a])porla dans la préparation (\c> couleui's el, api'ès avoii" été plusieurs fois doyen, nolanuneiil en 11'),')') el en 1050, il fui conseiller conimunid de \(')79. à I(i7^

l']verard, dil le nuuiusciàl coiicernanl les Leynicrs ;iu- (juel nous avons déjà fait des eniprunls, jouil de son leinps d'une Irès-gi'ando répulalion. l);ins sa jeunesse, il conlec- lioiiii;i la Copver.sion de Saini-Paul, ruue des jiièces d(^ la série de tentures comiue sous le noni lY Arles ilcs Ajjlire.s el dont l'infanle Isabelle iiralilia les i-eliuieuses carmélilcs de Bruxelles vers l'an 1GI8. Une trentaine d'années plus lai-il, l'arcliiduc Léopold-Guillauuie, gouverneur-général des Tays- Bas, eut l'idée d'ouvrir un concours enli'C ies meilleurs tabi'icanls de la capilale des Pa\s-Bas espagnols. Il leur pro- posa d'exécuter des tenlurcs rcpré^^enlanl les douze mois de l'aiMiée, d'a))rès les dessins de « rinimilable peinli-e w Teniers », el assigna un |)rix à celui doiil le travail sérail reconnu le meilleur, « au jugement des plus savanls |)cinlres » et tapissiers ». Leyniers, Gei'ard Van dei- Sli'eeken, (iuillaume Van Leeldael d Henri llydams se dispiiléreiil la j)alme, qui fut unanimement allribuée au |ireinier. Leyniei's entreprit encore d'autres travaux considérables, el surloul beaucoup de ligures principales, lelles que celles de la len- lui'(> l'abiiquee |)i»ur le princi' de N'audeiimnl I on Noyail i Histoire (C Annilnd et de ^\//>/c)??, d'après les compositions d(,' i^qdiacl (un plulnl dr Jidc.s [{oiiiain).

.M. l)i'!|tL'cli-])M\ l< ( |n»>si''(l(' iiiK.' x'ric (le l;i|nss<'ri('> ni'i l'un roMiarquL' les iiiiliiilcs !•]. L., d r(')»ivs(.'iil;iiil :

1 ' Le (lûparl ;

ii" Le bien al loi- ;

5" Le cerf (lél)us(|uc ;

'«" Le (-ei'f à l'eau ;

.")" La iiiori (lu eerf;

(>' Le relour.

On a cru reconnaître, dans i|uel<iue.s-uiie.s des ligures de cellc lenlure, des poiirails de pi-inces de la faniille de Maxi- inilien d'AiUriehe, peul-élre iiarce que ces tapisseries ont été faites d'après d'anciens carions. Les bordures se composent de lleurs ((ui s'écbappent de cornes d'abondance i)lacées dans les angles, et offrent une perruciie au milieu de clia(|ue l>ande verticale. Les pièces ont 5"'!20 de haut sur une lajgenr variant de 2'"o0 à 4 mètres (i ).

Ëverard Leyniers se maria deux Ibis : le \) octobre IO!2!2, avec Jeanne Stubbeleer; le 10 janvier IGiJT, avec Françoise (lodien. Il eut de celle-ci trois lils : Jean, Daniel et Gilles, (pii furent tous trois fabricants de tapisseries, et deux de ses frères, Piei-re et Nicolas, exercèrent la même profession que lui. Pour ce qui est de Pierre, on ne connaissait plus, ni les pei'sonnes auxquelles il avait livré (}v.^ tentures, ni les pein- Ires dont il avait utilisé les dessins, lorscju'on rédigea, au commencement {.\u xvin'' siècle, le manuscrit aucpiel nous (levons tant de détails sur sa lignée. Il habitait, en IC()8, à l'angle formé i)ar la rue dite /(fi DamkacvUlraelkcn, actuelle- ment ruelle de l'Ancre, el moui'iil en KiTO, à l'agc de Gil ans,

(,1) CataUxjiie de l' union ccnlrah' r/cv aris, p. -l'iO.

560

après avoir eu deux fils el une lille d'Anne Monkornrl, tjui appartenait à une famille de tapissiers el de graveurs (i). Quant à Nicolas Leyniers, il décéda le 20 juillet l()o8, lais- sant une nombreuse postérité, issue de son union avec Elisabeth Vander Meulen. On pourrait attribuer à la colla- boration fi'aternelle d'Éverard et de Nicolas les pièces l'on remarque un chiffre composé au bas des lettres E, N et L entrelacées, et en haut d'un ornement v.irié. Il se voit sur la deuxième pièce de Hlistoire de Cyrus (en dix pièces de laine, soie et or), dont la première pièce offre le mono- gramme formé des lettres I. A. G., initiales de Jacques Gcu- bels, et sur deux pièces, la troisième et la' septième d'une reproduction des Actes des Apôtres (neuf pièces de laine et de soie), dont les deux premières se distinguent par un mo- nogramme inexplicable. Il se compose d'une lige formant un T et autour de laquelle s'enroulent : tantôt un A et plus bas un G retourné, tantôt un N et plus bas un G également retourné. Quelque soit la signification de ce dernier, on ne peut contester la parlicipation des Leyniers à l'exécution des deux tentures dont nous venons de parler et qui se con- servent au palais de Madrid. Nicolas Leyniers avait été reçu dans le métier des teinturiers en 4G57-1G5.S.

Jean Leyniers, le fils aine d'Éverard, ne lui jtas moins renommé que son ))ère. Il travaillait depuis longtemps et commerçait surtout avec la France lorsqu'il l'ut j)rivilégié

()) On sait que les Moncornot éluient graveui's cl cous avons déjii eu occasion d'en citer un, Nicolas, qui rcnipliss;iit les fonctions d'expert du niélicr en 10:21 (voyez plus haut, XVI" année, p. 266). En janvier 162.", niaitre Jean Monckornet, tils de feu Nicaise, entra comme apprenti chez le peintre Jean de l'aeyge ou de Paige dit le Jeune.

561

par la ville le :2 août 16(il (0- Ce dernier clélail s'explique par l'engouement dont les tentures historiées étaient alors l'objet et qui était si prononcé chez le cardinal Mazaiiii, (pii avait succédé dans le gouvcrnemenl de la France au célèbre Richelieu ; il est confirmé d'ailleurs par le mémoire manus- crit sur les Leyniers, on lit ce qui suit : Jean Leyniers exécuta un très-grand nombre de tapisseries. Il fit pour Monsieur, frère unique du roi de France Louis XIV (Phi- lippe, depuis duc d'Orléans et chef de la branche de la famille de Bourbon qui existe encore sous ce nom), quatre pièces, avec les armoiries de ce prince au milieu, rehaussées d'or et d'argent, et, sur les dessins fournis par le célèbre Charles Lebrun, l'Histoire de Méleagre et dWtalante, en huit pièces. On lui doit, en outre : l'Histoire de Moïse, en six pièces; l'Histoire de Cléopdtre, également en six pièces; les Arts, en sept pièces; l'Histoire de Clovis, premier roi chré- tien, en huit pièces. Les cartons de toutes ces compositions, ajoute l'auteur du manuscrit en question , furent fournis par un peintre français dont le nom s'est perdu, et ce fut Valdor qui les fit parvenir à Bruxelles. On sait que Jean Valdor, célèbre graveur liégeois, s'était fixé à Paris, il épousa, dans l'église Saint-Merry, le 12 février 1015, une flamande, nommée Catherine Janssens. Notre auteur ajoute encore : Vander Heyden esquissa les figures et Luc Acht- schellinck les paysages ou fonds d'une autre tenture, de six pièces; ces tentures, ainsi qu'une autre, en huit pièces, inti- tulée : le Paradis terrestre, furent l'épétées plusieurs fois pour différents particuliers.

(») yi'' register ter Trésor ije gehoiiden, P fîl.'i.

:i(^2

II y avait à l'oxpositioii do TilisloiiT du costume une ten- ture de l'ilisloire de Moisc, en six |)ièces; mais comme je n'avais pas à cette épo((ne l'intention de m'occuper des tapisseries l)ruxelloises, je ne me suis pas assuré de sa pi'o- venance. Une aulre, (jui a liuiiré à rcxposition |)arisienne de 1S7(), jjorlait un monog'ramme (composé d'une lige reposant sur un G et IraversanI, dans 1(^ liaul, deux W superposés. Elle se compose de dix })ièces : le Buisson ardent, Moïse et Aaron allant trouver le roi d'Egypte, la Sortie d'Egypte, le Passage de la mer Rouge, les Réjouissances des Israélites après ce passage, ^loïse faisant jaillir l'eau du rocher. Moïse recevant les tables de la loi, l'Adoration du veau d'or, le Serpent d'airain el une Bal;iille. Elle provient du palais ('piscopal de Gènes et appartient actuellement à M. Eugène Cuau. La bordure se compos(^ d'arabesques jaunes, se déta- chant sui' lui fond l)leuàlre, cl la iiianpK' de Bruxelles est tissée dans uuo bande rouge de la |)liipart des |)ièces. La hauteur varie de ô"'(SO à '{"'ôd cl la largeur de ~)""ii à .Vt).') (i).

Quant à l'ilisloire de (lovls, nous n'en connaissons qu'une seule reproduction, c'est celle que l'on voit à riiùlel de ville de Bi-uxelles, dans les deux salles des sections el l'anli- cbambrc (|ui les sépare, enirc la s.alh^ du conseil communal cl celle du collège cclievinal. Elle a ('le cndiMiiiiiagi'C par l'ac- tion d(ï la lumière et a pci'du l'éclat de ses couleurs, mais les boi'dures ont conservé leur vigueur primitive et sont restées admirables. Elles sont oiaiées de guirlandes de fleurs et \)vv- >enli'nl ini aigle de clia(iue coU', ;iu milieu de la bande. Dt'ux

f i) l'iiioti rculnilc lies mh. C.dInJiKiiic. \\. 'IV

:i(M

(le ces l;tj)issorios sont liors tie |)roporlioii avec les l.'imhris (|u'elles décoreiil; à caiiso (l(; leur excessive largeur, elles soiil coii})Les au milieu, do la ra(;(Mi la plus disgracieuse, par Fuii des angles de la salle. Voici les sujets (k:^ huit |)ièces :

(llovis placé sur le parvis cl pi'ocdarué roi des Francs;

Halaille de Tolbiac gagn(;(? sur les Allemands;

L'envoyé de Clovis demandanl la main de Clolilde;

Celle princesse laissant londjci' une pièce iVov (pic l'ciivové ramasse;

Le mariage de Clovis ;

Le Icstin de noces;

Le baptême de ce prince;

Clovis, au lit de mort, dictant son testament.

Il est facile de reconnaître dans le dessin de celle tenture le style de Lebrun ; dessin jilein d(! correction, d'élégance et de noblesse. On jioul en conclui-e (pie la tenture est de Jean Leyniers, qui a eu tant de relations avec la France et plus d'une Ibis exécuté (\e:> tapisseries d'après le peintre dont nous venons de parler. On connaît encore de lui une lapis- sei'ie signée Jan [l'ijnicrs et l'on voit deux lioinuKS se (lis|iulaiit une tète de sanglier; peut-èlre est-ce une des pièces de lllisloire d'Alalanle citée plus haut. On |)Ourrail encore lui atlribuei' le monogramme dessinant à peu près un / et un L et(pii caractérise une lentui-e du palais de .Madrid, h'-i Ihilaillea do Scipion.

C'est vers la (\n de rannée l()<S(i(pie niouiut c(^ r;d»ric;iiil, Il i|ui ses deux femmes, Françoise Van Meulcbeeck, morte le -2^) mars K')6'2, et Susaime l)(^ .Mesmaeker. (h'cedée le 17 juin 1704, donnèrent seize enfants, denl plusieurs iiiiniriireiii en bas-àuv. De ^e^ deux frères, l'un, Daniel,

564

cessa de vivre en 1683, sans avoir persévéré dans l'exercice de sa profession; l'autre, Gilles, expira le lo mai 1703, âgé de 6^ ans; tous les deux laissèrent une nombreuse postérité. Gilles fournit au comte de Salasar deux tentures de six pièces : les Douze mois de Cannée, d"après Jérôme De Potter, eUles Chasses, et on lui dut aussi des tapisseries représentant les Chasses de Boche fort ou Doitsfort.

La réputation de la famille fut surtout maintenue par un cousin des précédents, Gaspar, le llls aîné de Nicolas Ley- niers, qui excella à la fois dans la fabrication et la teinture des tapis, «Il s'appliqua si fortement, dit le manuscrit sur les Leyniers, à l'art de la teinture et le cultiva avec tant de soin qu'il dépassa de beaucoup tous ses ancêtres dans l'emploi de toutes les nuances. A cette époque, la fabrication des tapis- series commençait à devenir plus correcte dans l'appareil- lage des nuances et approchait |)lus (|ue jamais du coloris des tableaux d'après lesquels on travaillait, principalement dans les paysages, dont les lointains réclament des moitiés et des quarts de teintes. Ce fut en ce genre que Gaspar Ley- niers s'acquit une telle réputation et si bien fondée qu'on le considéra comme le premier et le seul de tous les Pays-Bas (pii j)nt atteindre à ce haut degré de perfection. Le comte de Monterey, gouverneur-général, et grand amateur des arts, surtout de celui de la tapisserie, mit à l'œuvre, sous ses yeux et dans le palais même, quatre des plus habiles maitres de Bruxelles, alin de pouvoir juger par lui-même de leur mérite; respectif. Leurs tapisseries furent ensuite envoyées en Espagne,

» A cette occasion M. de Monterey fit venir de France plu- sieurs nuances de cramoisi, afin de les comparera celles que

o65

Gaspar Leyniers employa en sa présence et dont la qualité fui reconnue meilleure, au grand applaudissement de tous les maîtres fabricants de tapisseries, qui s'empressèrent de l'attester par écrit. » M. de Monterey prit alors une décision que notre auteur approuve sans restriction, mais (pii avait, à ce qu'il semble, le tort d'être trop absolue, de constituer en faveur de Leyniers un véritable monopole. Non -seule- ment, par acte en date du 25 octobre 1672, il l'autorisa à faire placer ses armoiries au-dessus de la porte d'entrée de sa maison, avec cette inscription : (einturier pour la fa- brique de lajtisseries de Son Excellence, mais il défendit aux tapissiers d'employer d'autres teintures que les siennes.

Gaspar avait obtenu, dès le 4 mars 1051), les avantages dont son père, Nicolas Lenniers ou Leyniers, jouissait comme maître tapissier et teinturier de fils. Le 26 mai 1C71, sa franchise fut considérablement augmentée et portée à 48 se- tiers de drèche et une aime de vin du Rhin ])ar an, en con- sidération de la perfection de ses produits, de la quantité {\o cuves, de chaudrons et de fournaises qu'il avait établir et du grand noml)re d'ouvriers occupés par lui (i). Peu de temps après (le 1 1 octobre 1672), ses franchises d'assises et l'exemption de service de la garde bourgeoise furent étendues aux ouvriers de ses ateliers, faveur qui n'avait jamais été octroyée à personne. Les concitoyens de Leyniers rélevèrent, en 1692, aux fonctions de receveur de la ville, fonctions dont il fut investi jusqu'en 1695. Il fut aussi niar- guillicr de l'église Sainte-Catherine, à laquelle il donna une tapisserie représentant les Trois liais.

(i) V* register 1er Tre.sorije gehouden, i" 362. V///' regisler, 226.

Il inoiiriil lo i2n sepleinl)!'»' 170"), à l'Aixe do OV ans, ain'ôs avoir eu de Calhorino De Mnyeio plusieurs enfants, nolani- menl Dani(l, (|ui ne laissa que des lils morls jeunes oueéli- l)alaires, et des filles, el Ui'i)ain, doni nous aurons occasion déparier. Gaspar Leyni(M's liahilail prohablemenl la niaison (]i(e/f Pelil l-((ra(iis, siUk'O jiivs du Marclié-au-Hois, dans la rue dite f/c l^ollepel (la rue Cuiller à Pol), maison (pn' fui vendue, en I7()!2, par les enlanls de son lils Daniel el d'Elisabeth Van den Daele. Hors de la ville, il possédai! à Bever, dans le village de Slromheek, une jolie riHa, décorée à rinlérieur de boiseries cl de peinlures el (pii apparhVnl acUiellemenI aux de Villegas de Clercainp. Ce l'ut son fils Kverard (pii en bérila, mais il moui'ul jeunt^ el légua ce bien à sa sœur Catherine, veuve de Gérard Van der Schuei-(Mi el l'emnie de Godefroid-Dominique Van Vcen, Tun des secré- taires de la ville, puis avocat au Conseil de l>rabanl; Cathe- rine et Godefroid vendirent leur villa en 17^21).

Afin de ne pas tronquer ce qui concei-ne les Leyniers an WM*" siècle, nous nous sommes éloignés de l'époque des archiducs Albert et Isabelle. Revenons y pour repn^ndre l'énuniération des fabricants de celle éj^otpie.

En 102^, le métier avait reçu comme maiire Conrad Van der Brutîgen, (pii fut plii.sieui's fois doyen, iiolanimcnl en 16'">7, l'ii Ki'j-l-M'tl^, en place de Henri llallliiivs, (pii \(Miail de mourir, et en KiicS. Il fut privilégié par la ville le 1:2 jinl- Ict KiôU d) l'I vivait cnciu'c o\\ \Ck)7. In anire nicnd)i'c d(> la mcnie familic. Gaspar, était doyen lors(pi"il fut |)rivil(>gié

(i) I' lyiiish'r li'r Tii'snii/r i/rli'urlni, i" .".

o()7

;i son lotir le 15 août l()i:2 (i) cl csl encore nionlionnô en 167i). Il remplil les fonctions tlo conseiller communal en 10(59, épousa Jeanne Cnuddens el lial)ilail rue Ilaule, |)rès (le l'église des Capucins. C'est à lui, sans doule, cpi'il faut altrihuer trois ])ièces qui se trouvent chez MM. lîraquenié et (pii représentent des épisodes de la Guerre de Traie, et notamment les Troyens faisant enln^- dans leurs murs le Cheval des Grecs, malgré les avertissements de Cassandre, el la Fuite d'Fnée. Ces pièces mesurent -^''^O de

hauteur sur ."'"So, :i"'."0 el Elles portent |)(iur marque :

la première I (laspar?) V. B., les deux autres 1. V. Brugghfn.

En 1021), le métier admit Ilenri Rydams. Lorsqu'il fut privilégié par la ville, le 10 février 1010, il travaillait avec dix compagnons ou ouvriers et deux ou trois api^rentis, et avait été pendant deux ans maître de la caisse de malades (sieckbusmeesler) (-2). Peut-èti'e faut-il lui attrihuei- le Feslinde Pyrrhus après la bataille d'Ascuhim, pièce de la collec'.ion du duc de Berwick et d'Alhe, sur laquelle on rcmanjue les initiales II. R. On y voit trois généraux assis devant une table et servis par une foule de serviteurs; la bordure est ornée d'amours se jouanl au milieu de Heurs et de fruits. La tapisserie mesure i"'2.') sur V'y.i. Après quarante années de labeurs continuels, Rydams abandonna ses ateliers, ses métiers, les pièces qui étaient chez lui en cours d'exécution à son llls également nommé Henri, qui fut à son tour avan- tagé par la ville, le L'> janvier 1071 (.-,).

Le duc de Médina Coeli,à Madrid, jîossède huit tapisseri(\s

(1) I" regi.slt'r ter Tresori/e (leltouden, 188.

{■1) Ibidem, 60.

(:.) VIII'' rraislcr Irr Tresori/c ficlioïKleii, f" 200.

d68

armoriées portant rinscriplion : David Teniers junior pinxif 1080 cl les signatures tics tapissiers II. Reydams et J. Borcghl. Une tenture, représentant l'Éducation du cheval, est aussi signée H. Reydams; elle appartient à la fin du xvir siècle, parce que d'autres pièces offrent le nom d'An- selme De Broc, qui vivait alors. Ce deuxième Rydams habitait au Vieux-Marché et fut élu doyen du métier le 3 janvier 1G87 en remplacement de Jean Leyniers, qui venait de mourir. Il eut un frère, nommé François, qui entra en ipialilé d'apprenti peintre chez Jean Arys, le 10 novembre IGGG. Quant à lui, il épousa Jeanne-Catherine Leyniers, dont le père, Daniel, était aussi peintre, et mourut le 26 janvier 1719, ayant eu un grand nombre d'enfants, entre autres Jacques-Ignace Rydams, qui fut privilégié après lui, le \\ mars 17:20 (i). Le second Henri Rydams était associé, pour la fabrication des tentures, avec Urbain et Daniel, fils de Gaspar Leyniers. Cette particularité nous est révélée par deux emprunts de 4,000 florins qu'il con- tracta, le IG décembre 1712 et le 2i décembre 1715, et pour lesquels il donna en gage, du consentement de ses associés, un tiers de tous les métiers et autres ustensiles de l'associa- lion, de toutes les soies ou sayettes, et de tous les patrons et tapis exécutés ou en projet (2). On s'explique ainsi pourquoi les tapisseries de la salle du conseil communal, à Bruxelles, portent la double signature Leyxiers-Rydams.

La mort d'Isabelle, arrivée en 1655, n'arrêta pas la pros- périté de l'industrie des tapisseries, à laquelle cette princesse

(t) .VVV* regisler, f 205.

(î) Refi'tstrrs aux srntenrex du Cjnn^eil de linibfnit, w" 9-4a, f°" 1 et 21!).

;>6;»

avait tanl conlribiic. L'ciilrce dans le iiiélicr de |ilusiciirs maîtres, tels que Guillaume Oulaert, Léonard Wyns, Pierre Kint ou Kindt, elc , date de l'année suivante. Ils donnèrent une certaine importance à leurs travaux, puisiju'ils furent privilégiés l'un après l'autre : Oulaert, qui était mort à la date du 15 novembre 1G69, le ^27 mai 1049 (t) ; Wyns, après avoir rempli deux fois les fonctions de doyen et qui le fut encore en 1670 et en i076, le 7 février 1651 (2); Kint, qui était également décédé en 1009, le 25 octobre I()60 (z). De concert avec sa femme, Marguerite Vanden Alboome, Wyns constitua, le 10 janvier 167i, une rente de 5 florins par an au profil de ï'armbusse ou caisse des pauvres du métier, rente qui était hypothéquée sur la maison appelée Sainle-Anne, située rue Haute, en face de la brasserie den Wayer ou l'Éventail (brasserie qui formait le coin de la rue à laquelle elle a donné son nom), entre les biens de Gaspar Valider Bruggen, vers les Capucins, et ceux de Pétronille Vanden Alboome. Sa femme, devenue veuve, céda ce bien à Jean-François Vanden Hecke octobre 168j).

Gilles Van Habbeke fut l'un de ceux qui, à celte épo(jue, luttèrent avec courage contre les difficultés dont ils étaient entourés. En neuf ou dix années, à parlir de 16ôo. il dé- pensa l'ius de 100,000 florins pour maintenir en activité les ateliers bruxellois. Éverard Leyniers, dont nous avons parlé plus haut, Gaspar Leyniers, son parent, et Henri Rydams travaillaient constamment pour lui. Outre qu'il

(i) ///« register 1er Tresorye gehouden, 93. (i) lY^ register, f 61, (3) V/* register, 93.

:)7o

rrlus;! 1rs oiïiv.s a\aiiluiii'uses qiroii lui l'aisail en IVaiicc, il .^c iiasarda à négocier on liullandc, au moyen de licenles ou paï^sc-porls, el il y vendil de belles tapisseries au prince d'Oi'ange Frédéric-Henri, Il fui privilégié par la ville, le i août l()i() (i), mais ses elTorls n'aboulii-enl «pi'a un dé- sastre, car, en \ùo9, il avait (luitté Bruxelles en fugilir.

André Van den Driessclic pi'il |)lace |)ai'mi les maiti'es en Kiô'i ou \i\~}{}, l'ut choisi pour doyen en 1010 cl Kill, l'ut privilégié le l'' avril 1()4:2 i-i) el vivait encore en '('>7I. Xe ])ourrait-on pas supposer ijuc le monogi'amme bizarre cpii consiste en une barre vei'ticale à laquelle sont accolés en «luelque sorte trois sortes de D, est celui de Dries ou André \'an Den Dricsscbe. Il s(; voit sur une tapisserie bruxelloise est retracée l'épisode si populaii'e aux \\i" et wn" siècles de Oombault et de Macé, avec les légendes rabelaisiennes (\[ù l'accompagnent d'ordinaire et qui ex|)liquenl les poses el les g'estes des personnages (ôj. Il y en a des exenqilaires (»n relrouv(; les costumes, le style de répo(|ue de I;Ouis Xll et de François 1", notamment se; voient les initiales des IVèrcs Geubc (je suppose qu'il faut dire Geu- bels) (i) et la marque de Bruxelles. Chez MM. Bratjuenié il v a une tapisserie est liguri' le même sujet avec bordure composée d'aral)es(pies en gi-isaille se délacliani sur un fond Miur doiT. Ici l(,' cbilTre consiste en un B bien loi-mé et sou>

(ij //« irgUler. {■' isi.

(i) llcyislcrdcr sKidl IliKssel su h de ConOc, I- 200. / rnjislci 1er ïnsonjc ijehoiiden, f" 181.

(5) Jacoiemai; I , ll/yliiirc ilii iiiiibUier, p. M8.

(t) l.eltredc M. Jiimnal, du "iO Icvricr IH(j3, filée par M. (.akii.i., ïaphscrics rcpnnenlunt les amours de Gombiiul cl Macé, p. 7 ((iicnnUIr, 1803, in-8").

;)7i

l<'t|ii<'I (•>( |il;!CL' iiii G (i 1. Toiil le iiioikIi' Iflln- >;iil (juc l;i li'iiliire cil (Hicslioii vsi cilcc |)ar Moliùn; chiiis son AVitic, r.iit sur IlmjucI 011 s'osi basé pour avaiit'(;r, assez graluiloiiiciil, (ju'il en |K)ssédail un exemplaire.

Un noniiné Jciui De (llerek, apiiarenlé pi.ul-cire avec le peinire de ee nom, (pii vivail alors à iinixelles, lui rcrii mailiv en KlôC) e( privilégié h; :27 juillel 1 044 (-.>). Il avait exécuté j)our les Jésuites de Rome une tapisserie représen- tant la Circoncî:iion de Noirc-Seif/neur, (jui obtint tant de succès en Italie (ju'il fui chargé d'en envoyer une repro- duction aux i)è;'es de la Coiiipagnic de Jésus, à Gènes. Il existe, dans la collection du duc de JJerwick et d'Albe, uim' pièce de tapisserie ])0ur plafond, portant la mai'ipie d»' Bruxelles el la signalui'e I (Joauncs, Jean) LECLLr.c. Sa lar- geur est de 7)"''2:'}, sa hauteur de 2"'75. Elle représente un sujet allégori(iuc. Au ceniie, on voit la \icloire, eiivii'onnée d'étendards et de liannières, el aux angles la Justice, l'Abon- dance, la Gloire el la Renommée; la boi'dure, qui simuk' un encadrement, oITrc dans les angles, en pans coupés, des guirlandes de Heurs (.-,). Après la mort de Jean IJe Glei'ck, son industrie l'ut conliiiui'e \yjv son lils Jû'ùme, <jui fut pri- vilégié à son tour, le ô avril l()77 (vj, et vivait encore en I7(iô. ()n connail des De Clerck un Triomphe roinuin, el ils ont exé- culé beaucouj) de tentures en collaboration avec les A. Castro.

(i,i (As initiales pourciiciit se lajiporlcr à Guiiiaiinie Boiiviiiaiis, qui fui lirivilt'gic cil 16-29, l'ut coiisuillor cuiiimunal un 1G-2.'J, lUi'J, lOôti, IGiO, llijj cl IGo6, et ne travaillait plus en I6i0.

(-2) /" regisler 1er Tresnnje f/efwifdcn, {" ôoj.

{-.) Cr/lalo'jiff, \). 7i).

(4) IX" regisler 1er Trexori/t'-rielio'iilcii, f" '2ii.

572

Une description de raneien couvent d(\s Mininnes y signale, comme exislante dans la nef de l'église, la sépulture de maître Henri D(; Clercc), tapissiei-, (jui fut enterré le 22 no- vembre 1727 (i).

En 1640 et dans les années qui suivirent immédiatement, factivité industrielle se maintient encore. Alors travaillait Jean De Stryckere, qui avait à lui seul près de 40 ouvriei's et l'ut privilégié le 10 février IGiO, le même jour que le |)r('n)ier des Rydams (2). En 1641, on reçoit comme maître François Van Colthem , qui Iburnissait du travail à ses confrères Van Beveren et Cordeys, lorsqu'il fut avantagé, à son tour, le 5 décembre 164G (0), et qui mourut vers î(339. A partir de l'année suivante, Charles de la Fontaine fit peindre de nouveaux cartons et employa plusieurs maîtres et un grand nombre d'ouvriers, ce (\u\ lui valut à son tour les exemptions ordinaires d'assises et de garde, le 11 sep- tembre 164G (4). Alors commence Jacques Van Zeune, alors reparaissent les De Pannemaeker, alors se montrent égale- ment les Van Leefdale.

Jacques Van Zeune ou Van Zeunen, pour qui travaillaient trois autres maîtres ayant chacun leur'dieWer (winckel) par- ticulier, fut privilégié par la ville, le 27 juillet 1644 (5;. Sa famille et son commei'ce ayant considérablement aug- menté, il aurait voulu qu'on portât à 50 seliers, tous les ans,

(ij Mnghler llenricus De Clercq, tapeliar'nts, litmiilfilii.s Î22'' iinve})il>ris 1727. .MS de la bibliothèque de Uoiiri;ogiie, intitulé : Besclinjviiige van licf cloosler der eerut. PP. Minimen, lot Urussel.

(î) /• regislcr 1er Tresonje geftnudeit, f" 1:29.

(.-.) //• register, 1" :219.

(i) II" register, 178.

(5) /• register, 334.

575

la quantité de drèclie pour laquelle il ne devait pas d'impôt; le fermier, c'est-à-dire celui (jui avait pris à forme l'assise sur la bière, s'y étant refusé, le magistrat, pris pour juge, porta la quantité réclamée par Van Zeune à 21 seliers de drèche ou 12 aimes de bière (18 décembre 1GC0) (i). Ce fabricant, qui fut plusieurs fois doyen du métier, notamment en 1G50 et ICGO, faisait alors confectionner une chambre qui devait coûter 25,000 florins. Nous en connaissons de lui une qui représente CHistoire de Jacob, dont il existe deux pièces chez MM, Braquenié, à Malines : Jacob béni par son père (hauteur 3"'Co, largeur 5'"50), et iaban cherchant ses idoles dans la tente de liachel (hauteur 3"7i>, largeur ^"'13). Dans la bordure du haut, on voit un cartouche, avec l'inscrip- tion : Hisloria Jacob, et dans le galon du bas, la marque de Bruxelles et la signature I. V. S. Un double de celte der- nière existe chez mon neveu, le peintre Emile Wauters, mais avec la signature entière/. Van Zeune (2).

Les De Pannemaeker, qui avaient produit au xvi* siècle tant d'œuvres remarquables, eurent de nouveau quelque renom cent ans plus tard. L'un d'eux, Érasme, surnommé le Jeune, commença en 164i à exercer sa profession et travail- lait encore en IG8I. Il demeurait, en 1C68, chaussée d'An- derlccht, près de la Pelile-Senne (op hct Sinncken). Je dois à mon collègue et ami i^L Génard, d'Anvers, le texte d'un contrat passé dans cette ville, par-devant le notaire Am- broise Sebille, le 2 mai 1069, et par lequel Érasme et son

(1) Vl' reglster, [" 9"j.

(2) Un Nicuhis V;iii Ziione, fils de Piene Van Ziieiie, fut reçu dans le métier (les peintres : en IG07, comme apprenti de Ferdinand berte; le 26 février 1618, comme uiailre peintre.

frère François, luihilaiils do Bruxelles, s'eiigagenl envers Henri Leiiaerls, négociant anversois, à exéculer six pièces de tapisseries représenlant /'/y/i/o/re de Cyrus, d'ajirès des carions acceptes, sauCIa bordure (jui devait être soumise à l'approbation de Lenaeris. On fixe à six aunes la liauteur à donner à ces pièces, (jui mesureraient ensemble t>50 aunes environ. Le tout devait èli-e achevé dans les six mois et con- fectionné au njoyen de deux sortes de soie de boutonnièi'e (cnoopsyile), sauf {]ue les figures {voorbceldcn) seraient de deux sortes de soie fine et les ciels d'une seule sorte. Cha- que aune serait i)ayée huit florins, un tiers en argent et deux tiers en soie de boutonnière de couleur, du prix de 24 escaliiis la livre, et Lenaeris s'obligea à livrer iinmédia- lenient, à ce prix., 21 livres de fine soie de couleur if{in co- hur icercksyde) (\).

(0 Don twecclt'ii meye -KiGO.

Compareerden Erasnuis de Pamiemaeolicr, de joiige, ciule Franchoys de Paii- iiernaecker, synen brocdcr, beyiie tapissiers vvooiiendc tôt Briisscl ende wesen'le tegenwoordelyck binncn dese stadt Anlwecpen, ter eenre, onde d'iieer Heniick Lenaeris, negotiant, woonende alliier t' Aniwerpen, ter andere syde, bekcniicnde I' saenien oviicoiiniu'ii ende vciaccordocrt te wcseii in deser vneglien, te wetene, dat de voornoemde eer^te compaiantcn aengononien ende beiolt hehben, gciyck sy acnnemen ende behiven niidts desen, te docii niaeckcn voor den vonrs. d'iieer Henrick Lena( risses slutkcn tapisseryen naer eem^n palroon van de Ilislorie van Sirus, mot eenen boorl diteracn, die sy tôt contenleincnte van den voors. d'iioer Lenaeris sidlcn doen scliiideren, ende dat op ses ellen diep, bi'ioopende t' saemen twee hondtrt ende dertich ellcn, lutte! min ofl moer, waervoore don selven d'heer Lenaeris sal betaclen voor iedcr elle aclit guidons, te wetene, een derde paert vanl' beloop dcr voors. Iwoc hondert ende dertiib ellen in golde, ende de andere twee derden dcelen in coleiir cnoopsydo, toi viercniwintich scbollingfn bol pondf, ende is gecondilionnoorl dat de voors. d'iieer Lonaoïts inde voors, twee derde paerten syde, sal nioelen levoren vyfi' nlwiutich pondon fyn eolour \vcrck>-yde, die hy niaer en sal rekcnen o[) den selven prys van vioronlwirliob scbollii gen iedcr pondt, als voore. Des sullen de vooi's. oersle ooniparanlon goliouden syu •jHc de lootilt'ii van do voors. son .sluokon laiiisscivo {'• Uiaockcn van ûc sc'.\c fyne

0 1 .)

Érasme ayaiil fait valoir ses longs travaux el ces deux eij'eonslances que depuis deux siècles ses ancêtres exer- çaient la |)rofession de tapissier et que, du tenqis du duc d'Albe, ils avaient eu la garde du palais de Bruxelles et des objets précieux qui y étaient déposés (i), obtint du magis- Iral l'exemption accordée aux principaux labricanls de ten- tures (!20 juin l()7!2j. Il jjaiait avoir terminé ses jours dans sa ville natale, tandis que son fi-ère François donnait à ses confrères l'exemple de l'émigration pour Lille, devenue depuis 1666 une ville l'rançaise. Après avoir exercé leur profession à Bruxelles et passé quelque lem])s aux Gobelins, à Paris, et fabriqué dans ces deux villes les tapisseries « les » plus fines et les plus belles, tant en ligures qu'en paysages, » ainsi, disent-ils, qu'ils en ont fait voir les effets dans la- » dite ville de Bruxelles, » lui et son fils Andi-é, se quali- iiant de maîtres tapissiers de haute-lice, proposèrent aux magistrats de Lille de s'établir dans cette ville. Leurs offres furent accueillies et on leur assigna une somme de 200 pata- cons pour leur installation, plus 50 palacons par an pendant un terme de six années et l'exemption de tout droit sur la

sydo, eiide oock de vocrbcldeii te stoll'iicicii met Iwoc Ijne sjden, ende aile de icilc vanl' scivc werck sal mooteii gesloficeit syn met twee cnoopsyden, ende bclovon de vooniocmde eerste comiiarantoii de selve seti stiicken tapisscrye te leveieii aen den voors. Lcnaerts binnen ses maeuden iiaer date doser. Ailes sonder argelist ende oiider hct veibandl, als iiaer rccblon. Actum t' .\nt\verpeii 1er preseiitien van S'' Francboîs de Sniidf ende Gaspar Verstockt als getuygeii.

Gel. Erasnuis de Panneraaecker d. j. Fransies de Panremakcr Henrico Leiiaerls As'»s Scb:lle, Nils. (t) Ende de sehe syne voor?acleii, ten tydc vanden berlocb van Alha, goliuiiden liet priiicipoel hoïï met aile ciirleusbcyl in de selve wesende, VUl'' remisier, ("iliU.

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bière qu'ils consommPi'aieiU(50 mai 1684). Les fabricants se mirent immédiatement à l'œuvre et travaillèrent considéra- blement, ce qui fit porter leur pension à 55 patacons, puis à 200 florins par an. On regrette de lire dans une de leurs pétitions qu'ils espéraient augmenter leur manufacture par la ruine de celles des villes étrangères. La principale de ces dernières n'était- elle pas le berceau de leur famille, l'asile elle avait brillé pendant des siècles, leurs ancêtres avaient vécu entourés d'une légitime considération?

André De Pannemaeker mourut vers l'an 1700, laissant une veuve « débile d'esprit )^ et plusieurs enfanis, entre autres François, qui continua ses travaux; Marie, qui s'allia avec Jacques de la Tombe, l'associé de François, et qui était mort en 1719, et Pierre, qui fut quelque temps instruit dans la profession de ses aïeux chez un autre Bruxellois fixe à Lille, Guillaume Warnier ; mais, après la mort de celui-ci, sa seconde femme, Catherine Ghuys, ne put s'entendre avec ce jeune homme, et ils se séparèrent. Pierre De Pannemae- ker essaya en vain d'obtenir de la ville de Lille une pension, bien qu'il eût exéculé, avec succès, une pièce de haute-lice représentant le roi Louis XV. Après lui, son fils Gaspar coiilinua la fabrication de tapisseries, qui languit bientôt à Lille pour les mêmes causes (jui la firent déchoir partout, et y cessa enfin vers 1780 (i).

Le doyen Jean Van Leefdaele fut privilégié le 24 dé- cembre 1044 en renq)lacement de Jean Raet, qui avait été déclare en état de faillite (j) ; il fut ensuite le tapissier du palais

(0 Pour les détails qui précèdent, consultez Holdoy, /. c, pp. 88 et suivantes, (ï) //• reyister, 1 3.

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de Bruxelles. Une histoire de Scipion, qui est signée J. V. L. , est sans doule de lui. Son fils Guillaume commença à vendre el à fabriquer des tapisseries en KîoG. Il travaillait pour le connétable de Gaslille, gouverneur général des Pays- Bas, lorsqu'il fut avantagé par la ville, le 9 novem- bre 16G8 (i). M. Michel Eufrusst possède de lui de cbar- mantes pièces dont le sujet principal consiste en une armoirie timbrée d'une couronne ducale, au-dessus de laquelle on voit le Temps enchaîné par l'Amour; le fond représente un tapis à fleurs et une guirlande que des amours soutiennent par les coins. Elle est doublement signée : d'une part, D. Tem'ers inv. fec. 1684 et, d'autre part, Guilelmus Van LeefJael fecit (^i). A Madrid est une tapis- serie signée G. Van Leefdael et l'on voit Antoine et Cléo- pàtre. Le même industriel a contribué à confectionner, avec son confrère Albert Auwercx, des épisodes de la Vie de saint Paul, dont nous parlerons plus loin. Il fut conseiller communal en 1679 et 1680.

Vers 1645, Baudouin Van Beveren dépensa des sommes considérables pour faire peindre des cartons nouveaux par deux excellents artistes : Louis De Vadder et Jacques Jor- daens. Il fut privilégié le 13 juillet 1643 (3), mais était mort à la date du 7 février 1651. Sa veuve, Jacqueline Verom, épousa en secondes noces Henri De Puttere, qui reçut également des avantages de la ville, le 26 avril I606 (i). Guillaume De Pottere fabriquait encore des tapisseries au

(1) VIII'' register ter Tresorye gehouden, f" 10.

(2) Jacquemart, Histoire du mobilier, p. 149.

(s) Itegister der stadt van Bnissel sub de Condé, C 29" (*) V register ter Tresorye gehouden, f" 115.

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commencement du xviii" siècle el habitait alors place des Wallons, à côté des Auwcrcx.

Après avoir lonalemps travaille pour d'autres maîtres, Jacques Courdys entreprit le commerce des tentures en 164o el en lit confectionner sur les dessins de .Tordaens, de De Vadder et d'un peintre nommé Vanden Plassche, qui venait de mourir lorsque Courdys fut privilégié le 7 mars 1650 (i). Le fils de celui-ci, Jacques, succéda, le 15 février 1680, aux avantages octroyés par la ville à son père (2). En avril 1654-, Cordeys et son confrère, Pierre Van den Berg, fournirent à l'électcur-archevèque de Cologne, évèque de Liège, à la demande de l'archiduc Léopold-Guillaume, gouverneur général des Pays-Bas, et de son premier minis- tre, le comte de Fuensaldagna, deux chambres de tapis- series, du prix de 10,887 florins; mais ils ne reçurent alors que la moitié de celte somme, el l'autre moitié leur était encore due à la date du 21 mars 1(172 (7,).

Jean Collart el Gilles de Glabbais faisaient également exé- cuter de belles tentures, tantôt d'après les cartons qui leur appartenaient, tantôt d'après des cartons appartenant à des tiers. Le premier avait déjà payé plus de 12,000 florins rien qu'en droits de licentes (ou de permissions pour trafiquer) vers la France, et venait de commander une chambre à GasparVander Bruggen et Pierre Van den Berghe, lorsqu'il fut privilégié, le 7 décembre 1016, ainsi que Glabbais (4).

On accorda les mêmes avantages : le ôO août 1647, à

(1) IV' retfisler fer Tresoriie (jehoinleii, P l"j.

(2) A'e regisler, f 4S.

(s) Archives du Conaeil des ftininces, aux Aivliivcs du royaume. (4) W regisler^ i2-2i.

579 - -

Gérard Vander Streckeii (g, qui imûuiuI le 11 juillet 1077 el fut enterré à Sainl-Géry, près de sa femme, Marie Van Gyssel, décédée le 5> avril IGOÔ, el, le 15 décembre UîiO, à Antoine Tauton, dont le commerce était si considérable qu'on l'évaluait par semaine à plus de 200 livres de gros (a). Il existe de Gérard deux tapisseries représenlant des épi- sodes de l' Histoire de Constantin.

Vers l'année 1050 entra dans le mélier Jac(|ues Coenof, qui, à partir de 1G79 ou 1080, exécuta pour son propre compte plusieurs chambres. Il était doyen de la corporaliori lorsqu'il fui avantagé par la ville, le 6 février 1090 (?5).

La même année, on vit se fixer à Bruxelles un Brugeois nommé Jean Van der iMeren, qui y commanda des tentures aux principaux tapissiers. Neuf ans après, le 15 mai 1659, on lui accorda les exemptions que l'on était dans l'usage d'octroyer à ceux-ci (4), mais il était déjà retourné dans sa ville natale à la date du 2 août 16G1.

Les privilèges des tapissiers furent concédés, le 16 sep- tembre 1651 , à Pierre Van den Berge ou Van Berghen (•>), de qui on connaît une tapisserie représentant une Reine assise sur son trône.

L'année suivante, on reçut comme maître Charles Dellièvre ou Le Lièvre. Après avoir couru mille dangers pour vendre des tentures en France et en Hollande, il fut privilégié le 24 mars 1051 (g), mais il renonça à sa profession en 16G1 .

(t) Register der sladl van Dnissel snb de Coudé, f" 530.

(î) ///« register, f" ÎLT6.

(3) Xll^ register. {" 100.

(1) V register, 374.

(s) IV register, 80.

(6) Ibidem, P 400.

580

Adrien Parent commença le commerce de tapisseries en i6o3 ou lGo4; il maintenait en activité huit métiers, 20 ouvriers et o à 6 jeunes apprentis, lorsque la ville le favo- risa par les privilèges ordiiiiiires, le 21 mars 1675. Non- seulement il avait fait revenir de France les meilleurs ouvriers qui y avaient émigré, mais il n'hésita pas à acheter d;ms ce pays trois des plus beaux et des plus importants cartons qu'il put trouver, et il les exécuta en tapisseries au prix de 20 et même de 24 florins l'aune. Ces tentures se vendaient jusqu'en France, au détriment, disait-il, des ma- nufactures de ce pays (»)• C'était l'époque s'élevait, chez nos voisins du Midi et grâce aux encouragements prodigués aux arts et à l'industrie parLouisXIVet son ministre Colbert, celte somptueuse fabrique des Gobelins, que la munificence du gouvernement français a soutenue au travers des plus pénibles épreuves. La fabrication bruxelloise continuait cependant à résister à la concurrence étrangère et travaillait même pour ceux qui cherchaient à imiter ses procédés et à lui enlever ses débouchés Ses chefs, comme on le voit par l'exemple de Parent, ne se décourageaient pas et soutenaient vaillamment une lutte inégale. Ils avaient pour eux, il est vrai, la vieille renommée acquise par leurs devanciers et un sen- timent d'initiative qui se révèle dans les modifications qu'ils apportaient à chaque instant dans leur manière de travailler.

(A continuer.) ALPHONSE W,4UTERS.

(0 Dot hy niet alleeiielyik die aldeiboste wcrckmans (die hun te Vranckryck liad Icn ncdert;eslacgeii) biniien dese stadt liecft gcijryi;lit, maor ooi k vuyt Vranckryck heeft becomen dry van de schooiistc en.'e principatiste patroonen, die alhier tôt Iwinti.uh j-ie \ier en Iwinticii guldens voor d'elle worden opge- inaeckt, uni daer nacr in Vrjncktyck toi ecn notabcl achlerdecl van de Fransche maiiufjclmen gedubitcert le worden (IX* n'fjister, f 28)

DU

RETABLE DE 1493 DU MUSÉE DE LA PORTE DE IIAL,

A BRUXELLES,

par Ed. VA N E V E N .

A Louvain, rue de Tirlemont, non loin de la porte urbaine, s'élevait autrefois une chapelle, qui, par son aspect monu- mental et ses vastes proportions, ressemblait plutôt à une église paroissiale qu'à un simple oratoire. Elle était consa- crée à Notre-Dame des Douleurs et appartenait au Grand- Serment des arbalétriers de Saint-Georges, de Louvain (i). Bâtie en 13G9, à l'extérieur de la première enceinte, on la désignait sous la qualification de Notre-Dame du Dehors ou Onze-Lieve-Vrouwe Ginlerbuylen. On l'appelait également NoTRE-D\ME DE LA RUE Greuse, OU Onze-Lieve-Vrouiue in de Hoelslrate, par le motif que la rue actuelle de Tirlemont portait primitivement cette qualification.

En 1494, on érigea à cette chapelle une confrérie en l'honneur de Notre-Dame des Douleurs, dont tout ce qu'il y avait de distingué dans le Brabant faisait partie. Au XVI® siècle, on comptait parmi les membres de cette con- frérie : don Juan d'Autriche, le vainqueur de Lepante, le

(i) De groote Gilde van den oiiden Kruysboog, genoemd de Zestigen.

582

prince d'Orange, Henri de Nassau, le comte de Horne, le t'omle d'Egniont, Berlaynionl, e(c. L'église de Sainl-Pierre, àLouvain, possède encore un des anciens registres de cette association religieuse. On y remarque les noms et les ar- moiries des familles d'Aronberg, d'Espinoy, Montmorency, La Tour et Taxis, de Ligne, de Priego, de Campo, de Cor- doue, de Guasto, de Gavre, Mansfelt, de Mérode, de Ru- bempré, de Lannoy, Monlfort,'! Serclaes-Tilly, Maldegliem, Vander ÎNool, de Maurice de Saxe, d'Alphonse de Berghes, archevêque de Malines, de Maximilicn de Berghes, évèque de Tournai, des abbés de Sainte-Gerlrude, Parc, Vlierbeek, Saint-Trond, Ninove, etc. On y trouve aussi les noms de familles louvanistes : Vandcn Calstere, Uyten-Lieminghe, d'Udekem, de Quaderebbe, Van Schore, de Ilerckenrode, Van Wilre, de Vroey, de Crabbé, Scholte, etc.

La dévotion envers la mère du Sauveur avait engagé nos familles patriciennes à contribuer à la décoration de la cha- pelle en y faisant placer des œuvres artistiques. L'oratoire élail> rempli de productions remarquables. Rogier Vander Weyden exécuta pour celle chapelle son célèbre tableau représentant la Descente de Croix, qui orne actuellement le Musée royal de Madrid. Don Juan d'.Vulriche y fil placer quatre belles verrières. Cet exemple fut suivi par Charles Vander Linden, abbé de Parc, cl par plusieurs patriciens de Louvain.

Malheureusement la chapelle de Notre-Dame du Dehors fut démolie pendant la révolution française. Sa destruction est une perle regrettable au point de vue de l'histoire artis- tique du pays. Par les œuvres de toute espèce qu'elle renfer- mait, retables, tableaux , statues, bui^ories, couronnes de

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lumière, argenteries, tlinaiideries, elle formait une sorte de musée local. Si l'on n'eût point détruit ou dispersé ces œuvres et abattu le monument lui-même qui les abritait, on pourrait étudier actuellement sous ses voûtes une série de productions remarqubles de nos anciens maîtres flamands.

En J4i).", on plaça dans l'oratoire de Saint-Georges, h la chapelle de Notre-Dame du Dehors, un retable sculpté d'une grande beauté. Ce retable est parvenu jusqu'à nous. 11 orne actuellement le Musée de l'Élat, à la porte de Hal, à Bruxelles.

Dans le catalogue de ce Musée, l'on trouve sur le susdit retable la mention suivante :

« Retable en bois de chêne d'un travail admirable. Il re- présente, en six compartiments, le martyre des Machabées.

» Dans des endroits presque imperceptibles se lisent le nom du sculpteur Jean Davianus et la date de la confection de ce chef-d'œuvre. Il provient de la chapelle, aujourd'hui démolie, de Notre-Dame, appelée Notre-Dame hors des murs, qui se trouvait dans la rue de Tirlemonf, à Louvain (i). »

Ce passage contient deux inexactitudes qu'il importe de rectifier tout d'abord. Le retable ne représente nullement le martyre des Machabées, mais le supplice de saint Georges; le nom Daciauus, non Davianus, qu'on y lit, n'est pas non plus celui du sculpteur, mais celui du proconsul romain qui fit supplicier saint Georges, ainsi que nous le verrons dans la suite.

En compulsant un manuscrit des archives de Louvain

(i) Catalogue des cnllecliotis composant le Musée roijal d'antiquités de Druxelles, 1864, p. S^i.

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contenant des extraits d'anciens comptes et registres du Grand-Serment des arl)alijtriers, nous avons découvert le nom de l'artisle qui exécuta le retable qui nous occupe. La haute importance de cette œuvre au point de vue de l'art nous impose l'obligation de la restituer à son véritable auteur.

Le passage concernant le retable de Notre-Dame du Dehors, dans le manuscrit dont nous venons de parler, est de la teneur suivante :

« De tafelment van Sint-Jooris, in Ons-Lieve-Vrouwe cap- pelle Ginderbuyten, gemaekt door meester Jan Borreman , lot Brussel, met dobbel deuren, gesnedcn uyt goeden gekeurden houle, volgens fiel model daeraf icesende, zrjn aenbesleedl ende bi'laelt : oO guldens conlanl, honderl goude S( hellingen (schiiden) als het werck volmaekt was, volgens quillanlie gegeven in t jaer 1495 » (i).

Ce passage peut se traduire à peu près de la manière sui- vante :

« Le retable de Saint-Georges, à la chapelle de Notre- Dame du Dehors, avec doubles volets, fut sculpté d'après un modèle existant, par maitre Jean Borrema.n, à Bruxelles, qui y employa un bois de bonne qualité et approuvé. Selon la quittance, délivrée en 1493, ce travail fut payé comme suit : 50 florins comptant et 100 écus d'or lors de son achè- vement. »

(i) PrivUegien van de Gronte Guide, vol. in-i" (écriture de la fin du xviii« sièck), f" 21. A la fin du volume, on lit : DU si/n copijcn in '/ cort vyt de onde rekeningen en onde boecken van de Croate Guide binnen Loven, daer het in 'l lanck in beschreven.

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Il résullu tlii passage que nous venons de transcrire que le retable fut exécuté par Jean Borreman, qui habitait la ville de Bruxelles.

Avant de nous occuper du travail lui-même, nous allons faire connaître les renseignements que nous connaissons sur l'auteur de ce chef-d'œuvre.

Malgré les recherches considérables qui ont été faites pen- dant les dernières années, la vie de Jean Borreman ou BoRREMANS cst rcstéc enveloppée de ténèbres. Les pièces qui le mentionnent, n'indiquent pas le lieu de sa naissance et nous laissent également ignorer l'époque il vint au monde. En 1490, il résidait à Bruxelles et ne parait avoir jamais quitté cette ville. Déjà à cette époque, notre tailleur d'images jouissait d'une certaine réputation. Ce qui le prouve, c'est que les archives du temps le mentionnent souvent.

Au xv'^ siècle, l'église de Saint-Jacques, à Loiivain, ren- fermait un autel en pierre d'Avesnes, dédié au saint Sacre- ment, qui se trouvait en mauvais état. Plusieurs parties y manquaient, entre autres une slalue. Henri Van Everghem, alors maître ouvrier des maçonneries de la ville, fut chargé, en 1491, de la restauration de cet autel. L'artiste se borna à rétablir les parties architectoniques qui y faisaient défaut, confiant à maître Jean Borremans la restauration des par- ties sculpturales. Borremans exécuta pour cet autel une statue de Saint-Jean l'Évangéliste et raccommoda une statue deSaint-Jean-Baptisle. On lui paya ce travail 34 sols d'argent. L'autel fut polycromé par Henri Van Schooneviiet, également de Bruxelles, auquel on paya de ce chef 0 florins du Rhin (i).

(i) LoKvain monumental, p. 219.

o8(;

Coinuic Borremans avait place une œuvre artistique à Louvain, les doyens du métier des maçons et sculpicurs le lirenl assigner devant l'autorité communale, à FelTet de se voir astreint à entrci* dans leur corporation. Bien (pi'il eût été reru dans la corporation des menuisiers de Louvain, les doyens curent gain de cause, ainsi (pi'il j-ésulte d'un acte du 12 avril 1509 0).

A cette époque, Louvain comptait un menuisier l'orl habile dans l'cxéculion d'objets d'ameublement destinés aux églises. Gel ouvrier, (jui eut souvent recours au ciseau de Bor- remans, portait le nom de Jean Petercels ou Pelerccels. Il était fils de Godefroid Petercels, également menuisier à Louvain, et d'une femme qui portail le prénom d'Anne. Nous le trouvons qualifié de menuisier dans un acte du 29 avril 1481). En 149G, il était juré de sa corporation. Il épousa, avant le ':'3 décembre 111)0, Marie Ilessels, fille de Gisl)ert, laquelle élail veuve de Gautier Ilaveloos. Après la mort de celle-ci, il convola en secondes noces avecIdeVanden lioogenhuys, qui trépassa avant le 1 1 septembre 1500. Il en eut un fils également a])pelé Jean, qui exerçait aussi la )irot'ession de menuisier et qui éj)ousa Catherine Scribaens. La Iroisième femme de Jean l'elercels père fut Gei'trude Yasont, hupielle vivait encore à la date du 15 juillet 1514. L'habile menuisier avait deux frères : Laurent Petercels, prêtre, et 2' Corneille Petercels, menuisier, (pii s'établit à Anvers, avant le 24 mars 14'J4 (i>). C'est ce Corneille

(i) Acte des Échmns de Loiwuin du 1-2 avril 1509, /«-la, ad fiiiein.

(2j Tous CCS ren!<eigii('intiits sont puisés dans les prolocolos des éclicviiis de

I.iiiivaiii.

:i87

Pcterct'ls ([ui (i;-ïurc, dans un acle du.s cclicvins d'Anvers du la mars 1.S08, coninie liilcnr, à (ilrc de i)aient, des enfants de Quentin Melsys et d'Adélaïde Van Tuyit.

Jean Petercels vivait eneore le I.") lévrier l')2l . Nous igno- rons l'époque de sa mort.

En lo07. Jean Pelercels eonlraela avec la eori)uratiun des brasseurs de Louvain, pour l'exécution d'un aulel destiné à l'oratoire que cette puissante association possédait à la col- légiale de Saint-Pierre. Pour ce (ravaii il avait besoin du concours d'un sculpteur. H en conlia la partie artistique à notre Jean Borremans, ainsi qu'il résulte d'uu acte du 19 avril 1508 (i). Dans celte pièce est mentionné un certain Guillaume Borremans, frère de Jean.

Deux ans après, Jean Petei'cels fut chargé de l'exécution d'un autre travail pour ieqtiel il invoqua le concours du ciseau de notre artiste. Il s'agissait alors d'un retable que la confré- rie ou gilde du Saint-Sacrement, de Turnhout, avait résolu de placer dans l'eglisc de Saint-Pierre de ladite ville. Ce travail devait avoir une hauteur de 10 pieds, sur 9 pieds de largeur, et être orné de huit groupes en haut-relief. Au milieu du retable devait être placé un groupe représentant la Gène. Les six autres saints Sacrements devaient y être figurés dans autant d'autres groupes. La partie supérieure devait contenir un groupe représentant l'adoi'alion de l'Eucharistie. Au bas du travail, on devait observer deux enfants age- nouillés agilant des encensoirs. Au-dessus (\es groupes on devait placer six ou supt statuettes lîguranl des personnages de l'ancien testament. Le retable devait être pourvu de dou-

(i) Ac/e des èclievins de Louvain du 19 (irril IS08, iit-7v^

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bles vantaux, très-bien exécutés et propres à recevoir plus tard des peintures. On stipula dans le contratque les groupes devaient cire exécutés par Jean Borremans, de Bruxelles, ou par son fils Pasquier, qui nous occupera tout à l'heure. On en fixa le prix à 100 florins du Rhin. Le contrat fut reçu parles échevins de Louvain, le 27 juillet 1510. Nous en publions le texte au bas de cette page (i).

(i) « Item,JA.N Petekcels, scrynmakcre, hceft t;eioeft en toegoseel Hi'iiricken lîartholo'iiei, als gemuchlichle van de Guide oft Uraed/rscap van den UeyligcQ Sacrainente, in der kercken van Tournli Mit, le makenun en te stellcne eenen tal'ele van den heyligen Sacramente, en die volniaict en jjestelt te hebben ten lyde en op de condicien en vorwerden begrepen in twee cyrograven, dairaf ekk partie een heeft, tamqnam asseritur, cnde ter andere zylen, heeft geloeft die voirsc. Henricns Harthoioniei, renuncians, den sehen Janne Pctercels betalinge van den voirsc. tatele le doene ten lyde, en nae inhoude van den voirsc. cyiograve, tamqnam asseritur, van welken cyrograve de tennere hier nae volgbt : Dit ?yn de vorwerden die welcke hoiiwen sullen de Guldebrners vanden heyligen Sacramente, in Sinte-Peters kercke van Turiihout, aen deen zyde, ende meostere Jan Petercels aen dandere zyde, om te m.iken een tufel, op condicien en vorwerden naevoi- gende : in den yersten soe sal meesler Jan voirsc. niakcn die Sfive tafel x vocten hoeghe en ix voeten wyt, sonder den voet daerop zy staen sal. Item, die selve tafel sa! syn booven int ronde. Item, binnen der tafel sal die sclvc wercken ierst in acht groole personagicn, te wetene : in mi Iden het avoniniael; voir die ordi- nencien van di n zessen anderen Sacrumente:i nair inlorniatie iliemcn liein dairaf geven sal, ryckely^k oic vnyt te sleken. Item, die achsie personage sal comen boven in die criiyne en sal zyn eenen oulair al gechicrt dair voir knylende twee priesters, met cappen, tegen malcanderen, presenterende in e-n siborie dat heylich Sarrament, de welke man en vmuwe op haïr knyen sittende ('a/c^... en indt bcsien sullen hangen vier yngelen, d'een booven den anderen oft neven nia'can- deren, soe lien dat int werck hest scliikken sal, en die Iwie met eenc wieroeckvat in die haut, en die andere met toerissen. Item, bein'den op dm voet des cnlaers sullen knye'en twee kinderkens elck wiroeck wcrpiune tcgen tbcyiich Sacrament. Ilem, inde crnyene vande zessc persoiiagieii oil zeveiien, naer dat die plaelse es, sal hy makcn zeven cleyn personagicn die men hem doen sal, het zy figiieren van den ondcn tes'amenle oft mirakclen. Iieni, die dieple van den backe sal zyn onder halven voet diep Item, het es oick \oirwerde da'. dcze tafel sal zyn met dobbil doertn slutcnde vast werck en sterck, om in toecomcnden tyde te iaton scilden met potoratnren. Item, het es oick vorwerde dat dese pcrscnaigen gesiieden su lenworddtn byjANNEN Bokman oit PAEssuiER.synen sone, te Brussel woenende, /underlinge en wel reyn, met aenmertkcn dat mcnse morgen oft ovemorgen sal

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Jean Borremans produisit beaucoup. En îoOO, il exécuta les modèles en bois de plusieurs statues destinées à être cou- lées en bronze pour rornementation de la Cour des bailles au palais de Bruxelles (i). Il plaça, en 1511, un lion en pierre sur la façade de la salle du même palais. On le lui paya 4 livres 6 gros (2).

Jean Borremans vivait encore en 1512. Nous ignorons jusqu'ici l'époque de sa mort.

Nous venons de voir que notre tailleur d'images comptait un fils qui était également sculpteur. Celui-ci portait le nom

doen stoefferen. Ilein, met eenen merckel biiyten opdie doeien. Item, soe es oick vorwerde dat hy dit werck Icveren sal lot onse kerckwyinghe sonder fiiulte naistcoraende, op syiien last, oft onbegrepeii te vastelavoiide, daer nacvolgende. Item, hier vocreri hebben de guldebroeders hem geloeft le betalen honderl rins- gulden, met payen, soe zy met hem overcomcn zyn, te wetene : tusschtn dit en vastelavond xxv rinsgulden, en 't surplus, te wctciie lxxv rinsgulden, ten tyde als 't \'oirsc. werck voHevert en volmaict sal zyn. Item, het es oick vorwerde dat hct hout van den back sal van geheelen honte zyn Ij iji dnymen dick, en die doeren nae advenant ryckelyck kanten. Item, hct is oick vorwerde dat Meester Jan Oem.s zinden sal, opter guldcn en zyncn cost,hairen lialf, een patroen om te besyen hoe ons genoegen die personagien ende die misterien dair hy in ordineren sal profeten, yngelkens en andere belikens, naer den eysch des werckx. Hier hebben by geweest en hen verbonden meester Jan Loen, meester Arnt Meesens, nieesler Peler die Barbier, meester Arabrosius van Loen. Item, het es oick vorwerden dat soe wanneer dat werck gelevert sal zyn, dat sal staen te waranderen van meesters Tan kynnesse en in dieu dat men bcvindt dat het werck alsoe goet niet en es gelevert als bchoirt,nair het gelt dal hen dat corlten sal aen zyn penningcn. Item, het es oick vorwerde dat meester Jan den voet sal doen stotreren op ter Gulden cost. Item, hoe wel dat niet vutgesproken en es van die doeren le brcken noclittan ombeters\viile,willenwy dat by de doeren brekcn sal.Coram cisdem. »(Z(delere, Bericx.)

En marge :

« Item, Jan reteiscis hcctt bokint \an Hcndiick Bartholomci ontl'aiigcn le hebben, op dese somme, xxv rinsgulden, Jnlii xxvu a" xv thiene. »

Acte du 21 juillet lolO, iii-l".

(1) MM. Henné et Walters, Histoire de Bruxelles, t. III, p. 522.

(•2) M. AKx. PiNCHART, Archivcs des arts, t. I", p. 49.

o9()

dePASouiKH ou 1'.\m:al Mou hem. an s <•! lia\;iill;iit ii Bi'ii.xcites PU 150'.>. <,)ii l'a coiJsitlérc (aiitol couinic un tVùi'c, lanlnl comme un lils (lu Jean. Un docuintMil (jue nous avons décou- vert dans les archives de Louvaiii nous permel d'élablii' son degré de parenté avec l'auleur du relable du Musiie de la Porte de liai. Il n-sullede d'Ile )(i("'c(' (|u"ii in «'l.iil le |iroj)re lils (i).

PasijuiiT Borreuian.", parait avoir ('léun artiste très-occupé. En loIO, il travailla avec son père (2). PendanI la rn<'ni<' aimée, il exécuta trois bas-i'eliefs j)Our èlre jilacés dans le re- table de la chapelle de la conliérie de Saint-Eloy, à Bruxelles. Il plaça, en Iî> 17, quatre bas-reliel"s dans le soubassement de l'autel de l'église de llmpilal de Saint-Pierr<' de la même ville. Cinq ans après, il y plaça une niche garnie d'une statue de la sainte Vierge. En l'-rl^K il exécula, pour l'i-glise du même hôpital, un tabernacle, dont un |)eintre de Bruxelles, Philibert Beeckman, avait Iburni le modèle. C'était un travail d'une certaine importance. On le lui paya (iO (lorins du Bhin,

L'arli:5le travailla encore |iuur II- même cdilice de loôO à 1536(3).

Le temps nous a conservé une j)roduclion lïr Pasquier Borremans dans l'autel de ranciemic corporation des tan- neurs à l'église de Sainte-Waudru, à Herenthals. Ce njagni- fique retable en bois de chêne représente en sejit groupes le njarlyre de saint Crépin et saint Cicjiinicn. On y observe en lettres de relief les mots : Passiei; Ijmiihe, La svllabe qui devait com)»l<'-ler le imm ne fut |>as îijouice, b' pli d un vçfc-

0) Voir plus liuuJ, p. 58S, noie I.

(i) M. ScHAYts, Analectes,\K 252.

(s) M. G.-J. Doiii», Hepiff (lliiaiiiire el il'iirrlifoloiiii . 1. | ', ]i\i. i-H-^n.

- ;i9i

int'iil (le riiiH" (les >(;ilu('lli'.s y iiii;[(aii( olislacle. Ce travail a un aspecl t'omplùk'ineiil iil('nli(iii(' à celui tic Juau Hon» iiKms,quL' nous allons l'aire coniiaili-e. Il prouvoque l'asquier iiKircliait digncnieiil sur les Iraccs do son père. Le retable de llerenllials a été dfjcril avec soin pai- uulie ami feu M. P.-D. Kuyl, curé de Saint-André, à Anvers, don! la niorl prématurée est une perte pour l'archéologie nationale (i).

Tels sont les i)articularités qu'on a retrouvées jus(iu'ici sur les Borrcmans. Nous espérons qu'on tirera un jour de la poussière des archives des renseignements qui permettront de rétablir l'histoire de ces artistes si dignes d'occuper une place dans l'histoire de l'arl.

Nous allons enlrctemr nos lecteurs du retable provenant de la cha|K'llo de Noire-Dame du Dehors, à Louvain. Mais avant de décrire les sujets de celte œuvre remarquable, il importe de l'aire connailre, aussi brièvement que possible, la légeude de saint Georges,

Pendant le moyen âge, saint Georges élail considéré comme le type du soldat chrétien, et bon nondjre de nos gildes d'arbalétriers s'étaient placées sous son invocation. On le ligu- rait ordinairement à cheval, foulant aux pieds un dragon, pour marquer qu'il a combatUi le démon, (|ui, dans l'Apoca- lypse , est représenté sous cette l'orme, el qu'il l'a vaincu par sa foi.

D'après les Hollaudisles, l'hisloire de saint Georges no repose pas sur des faits certains. liutler parlage cet avis. Mais les hagiographes sont d'accord puui- admettre qu'il fut

(») Voyez sa notice dans ks Annales de V Académie d'arcluhilonie de Hehiinne. I. XXVI, 1^ s/'iit'; t. V[, ;ivoc um- praviin' sur \^\>'\-\'<\ \s.\y M. K. T'Fvlt.

o9â

iiiarlyrisc pendant la dixième persécution, cVst-à-dire sous le règne deDiocIétien.

Selon la légende, saint Georges était issu d'une des plus illustres familles de Cappodoce. Il était encore très-jeune lors(ju'il perdit son père. Il se retira en Palestine avec sa mère, qui possédait dans ce pays de vastes domaines. Ayant embrassé la carrière des armes, il ne tarda pas à se signaler par sa bravoure. Diocléticn , (pii sut apprécier son mérite, l'éleva aux premiers grades dans son armée. Mais, lorsqu'il apprit que l'empereur avait résolu de com- battre les chrétiens, il déposa l'épée, alla trouver son sou- verain et ne craignit point de lui reprocher la cruauté de ses décrets. Le fonctionnaire qui déployait alors le plus de zèle dans la perséculion des chrétiens était le proconsul Dacicn. Georges alla le trouver et lui déclara qu'il avait tout abandonné pour servir plus librement le Dieu du Ciel. Vive- ment irrité de ce discours, Dacien fit arrêter l'ancien oflicier el ordonna de le jeter en prison. Remarquant qu'il ne put rien gagner |)ar la persuasion, il ordonna de l'attacher à une croix j3t de le déchirer avec des ongles de fer. Il lui lit également appliquer sur le corps des torches ardentes, de manière à lui faire sortir les entrailles. Ensuite il le fit laver et frotter avec de l'eau salée. Comme il surmonta courageusement ces horribles tourments, Dacicn le lit at- tacher sur une roue garnie de lames tranchantes de deux côtés ; mais la roue se brisa et il sortit sain et sauf de cette épreuve. Alors le proconsul le fit jeter dans une chaudière remplie de plomb fondu. Mais Georges, ayant fait le signe de la croix, y entra et s'y trouva comme dans un bain bien- faisant. Alexandra, la femme de Dacien, frappée de la foi du

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martyr, se convertit au christianisme et fut baptisée, dit la légende, dans son propre sang. En effet, le proconsul ayant fait ari'èter sa femme, la lit pendre par les cheveux et battre cruellement avec des verges. Pondant qu'on la battait, elle s'adressa à Georges el lui dit : « Lumière de vérité, crois-tu que j'aille, moi qui n'ai point reçu le baptême?» Georges lui répondit : « Femme, ne crains rien, le sang que tu verseras remplacera ton baptême et te méritera la cou- ronne que tu auras au Ciel. »

Le lendemain Georges fut condamné à être traîné par la ville et décapité. Il fut exécuté l'an 287 de notre ère, en même temps que la femme de Dacien.

Telle est en substance la légende de saint Georges, repré- sentée par Jean Borremans dans le retable du Musée de la porte de Hal.

Pour la composition de son œuvre, Borremans puisa lar- gement dans la légende de Jacques de Voragine (^i); mais il est hors de doute qu'il eut également recours à un autre texte. De cette manière, on s'explique le bas-relief il a figuré Dacien faisant scier la tête du martyr, fait dont on ne trouve nulle trace dans de Voragine, ni dans les ou- vrages imprimés que nous avons consultés

Dacien, dont quelques auteurs font un empereur de Perse, était un proconsul romain, comme Bectus Varus, qui pré- sida au martyre de saint Quentin. Son nom figure sur l'œuvre de Borremans, ainsi que nous le constaterons plus bas.

(i) La légende doréeparîkCQVEs deVorac.ine, Iraduitedu lutin par y\. G. linu- SET, Paris, 1843, t. II, pp. 73-81.

.")<)4

On comprendra sans peine (pic la léuendo do saint Georges était , |)oni' ainsi diro , une décoration oliligatoire dans une chapelle appartcnan! à une associalion placée sous son invocation.

Le travail dont nous allons nous occuper révèle le talent de Borremans de la manière la plus avantageuse. Il donne lieu de croire (pie loi'S(iu'il y init l;i main, il était dans tonte la force de son talent .

Le retable du Musée de la porte de Hal a la forme d'un rectangie, tlivisé en sept compartiments. Les (rois compar- timents du milieu sont plus larges que les compartiments latéraux. L'œuvre représente, dans une suitede groupes sculptés, le martyre de saint Georges. Chaque groupe se trouve dans une niche couronnée d'un dais à découpures à jour, dont le travail, aussi riche que délicat, peut être com- paré aux liligranes d'orfèvrerie. L'ordre des groupes a été dérangé dans les nond^reux déplacements qu'a subis cette production artistique. C'est ainsi que le groupe qui occupe actuellement le n" 1 doit , selon l'ordre des événements, prendre le n" 7, comme figurant la décapitation de saint Georges.

Nous allons faire connaili'e les sujets (]es groupes en sui- vant l'ordre chronologique.

L Dacien fait scier en deux la tète de saint Georoes. Il est accompagné d'un juge, d'un personnage portant une llèche, d'un soldat, etc. Ce groupe se conqwse de sept per- sonnages.

II. Dacien fait procéder à la combustion de saint Georges dans un ImMif d'iiirain Le m.irlvi' est assis dans le creux du

5î)5

Imi'uI", sous leqiu'l un leu esl allumé. Un soldiii, qui se trouve sur le premier plan, porte un alaive, sur le fourreau duquel on lit le mol, Dagiamjs. Son ceinluron porle le millésime de M.cGCC.xeii.i, année de l'aclièvement de l'œuvre. Ce groupe se compose de onze personnages.

m. SaintGeorges, complètemenl déshabillé, est suspendu par les pieds à une potence. Dacien a lait allumer un l'eu sous la tète du martyr. Déjà les tlammes consument sa chevelure. Le proconsul est accompagné d'un juge et de plusieurs bourreaux. Le Fourreau du glaive d'un soldat, qui .se trouve au premier plan, porlo lo prénom de Jan. Ce groupe se compose de onze p(u*sonnages.

IV. Saint Georges esl lié au moyen de cordes. Dacien le l'ait flageller. Sur li^ ceinturon d'un soldat, on remarque la lettre m. Ce groupe se compose de dix personnages.

\. Saint Georges git sur un buisson ardent. Un bourreau attise le feu, en présence de Dacien, d'un juge et d'autres spectateurs. Ce groupe se compose de huit personnages,

VU Sainl Georges est attaché, par les bras et les jambes, à deux roues. Des bourreaux font tourner ces roues en sens inverse.

Vil. Dacien a l'ail décapiter .saint Georges. Alexandra, la femme du proconsul, est sur le point de subir le même sort. Elle est agenouillée et a les yeux bandés. Près d'elle se trouve une de ses dames d'honneur. Ce groupe se compose de sept personnages.

Dans les ornements du dais du compartiinenl central, on observe deux petits groupes : I" sainl Georges , attaché

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sur une table, est l)attu de verges; 2" saint Georges se trouvant dans une fournaise bouillante. Ces groupes sont d'une belle conception et d'un beau travail.

Le retable est très-mal éclairé à l'endroit il se trouve ac- tuellement. Impossible d'en examiner convenablement les détails.

Nous avons constaté qu'on y observe le prénom Jan, ainsi que la lettre m, initiale du mot mans, dernière syllabe du nom du sculpteur. Si l'on était à même d'examiner le travail au grand jour, on y découvrirait probablement la majuscule B, initiale de la première syllabe du nom de l'artiste, et on serait ainsi en mesure de confirmer le passage du manuscrit que nous avons transcrit plus haut. Le millésime de 1493, qu'on y remarque, ne laisse d'ailleurs aucun doute à cet égard.

Dans le principe, le retable était surmonté d'une orne- mentation en style ogival et pourvu de volets. Cette orne- mentation et ces volets n'existent plus. 11 nous semble que les sculptures de ce retable n'ont jamais été couvertes de couleur.

Au milieu du xvir siècle, l'on remplaça, à la chapelle de Notre-Dame du Dehors , le retable de Borremans par un grand autel à colonnes et à plusieurs ordres superposés. Mais on n'aliéna point le travail du vieil artiste. On le plaça sous le jubé et on l'y conserva avec soin. Il se trouvait à cet endroit en 1797, lorsque la chapelle fut démolie. Alors on déposa provisoirement le retable au local de l'Université. En 1815, il fut transporté à Bruxelles et placé au Musée de cette ville.

L'dnivrc de Jean Borremans est une pi'oduction pleine

597

de hardiesse et d'originalité. C'est une de ces créations ex- ceptionnelles qui caractérisent pour ainsi dire une époque dans l'art. Ce qui frappe dans les figures, qui s'y étagent el s'y pressent avec une abondance extraordinaire, c'est le goût qui a présidé à leur arrangement. On y constate que l'artiste était un homme qui devançait son temps. La forme le préoccupait autant que la pensée. Il visait à exprimer un sentiment vrai dans une forme correcte. Ses personnages n'ont plus cette dureté, celte raideur qu'on observe dans beaucoup de productions de l'époque. Il les drape avec élégance et leur donne des attitudes faciles et bien équili- brées. Plusieurs têtes sont remarquables au point de vue de l'expression. Les femmes, dans le groupe représentant la décapitation de saint Georges, ont une tournure char- mante. Dans l'exécution de ces figures, l'artiste montre une véritable supériorité sur ses contemporains. On y voit poindre le sentiment des formes élégantes de la renaissance.

Dans rornementation de son œuvre, Borremans a utilisé tout ce que l'art de l'époque pouvait produire de plus com- pliqué et de plus agréable. Rien n'en surpasse l'abondance et la variété. Les dais, revêtus d'une profusion de branches et de feuillages qui s'entrelacent el serpentent jusqu'au sommet, produisent un ensemble d'ombres et de lumières d'un effet admirable. D'autre part, le travail est achevé avec le soin, la patience et l'amour d'un homme qui recherche la perfection.

Bref, le retable de Jean Borremans doit être considéré comme l'une des productions les plus sérieuses et les plus intéressantes de la sculpture flamande de la fin du xv' siècle.

508

On ignorait If uoin de r.'uileur, aiij>i ([uv le siijul. de ce chef-d'œuvre. Nous venons de faire connaître l'un et l'autre, en nous appuyant sur des renseignements d'une incontes- table authenticité. Nous espérons que celle petite conimuni- cation sera accueillie avec faveur par ceux qui s'inl(''resscnt à l'histoire de l'art en Belgique.

Louvain, le II octobre 1877.

COMMISSION ROYALE DKS MONUMENTS.

RESUMi: DES PROCÈS-VERBAUX.

SÉANCES

des 1", 8, J5, 11, Ib, 21, 22 et 29 septembre; ries 5, H, 11, 15, 20, 23, 27 et 31 octobre 1877.

ACTIFS OFFICIELS.

Par arrêté royal du 25 novembre 1877, M. Reusens, j>ro- fesseur d'archéologie, est nonimé membre correspondant de la Commission royale des monumenis dans la province de BrabanI, en remplacement de M. De Brou, décédé.

Par arrêté de M. le Ministre de l'intérieur en date du 31 mai 1877, M. Rultiens (J.), commis rédacteur, est nommé secrétaire-adjoint de la Commission royale des monuments.

PEINTURE ET SCULPTURE.

La Gommi.s.sion a émis do avis favorables :

r Sur le projet modifié des peintures décoratives à exé- F.(?ii-H

il'Aiidpnhove

cuter dans le chœur de l'édise (rAudenhove-Sainle-Marie saint-M^ie.

<~ Peintures.

(Flandre orientale);

600

Eglises oo §up les cartons d'un vitrail peint à placer dans la

de lloboken, ' '

DfX-"vèr'ioo' fenêtre du transept nord de régli.«,e d'IIoboken (Anvers), N'é'urîieim', qux fVais dc M. De Bie : peintres-verriers, MM. Stalins et

N.-D., a N imur. '

'■"""• Janssens;

5" Sur les dessins de trois verrières a placer dans les fenêtres du chœur de l'église de Saint-Sulpice, à Diest. Ces verrières seront exécutées par M. Pluys, d'après les carions de M. Dujardin ;

A" Sur les cartons de quatre verrières à exécuter par MM. Stalins et Janssens pour l'église de Beverloo (Lim- bourg) ;

î)" Sur le projet relatif à la restauration d'une ancienne verrière et au placement de six vitraux neufs dans l'église de Cortessem (Limbourg) : peintre-verrier, M. Van der Poorlen ; 6" Sur les cartons de treize verrières à placer par M. Van der Poorten dans l'église nouvellement construite à Neder- heim (même province) ;

7" Sur les dessins de deux vitraux à placer dans l'église de Notre-Dame, à Namur, par M, Capronnier; Monument 8' Sur Ic modèlc du monument que M. Courroit est ^*wŒ.' chargé d'exécuter en marbre pour être érigé dans le cime- tière de la commune de Wilsele (Brabant), à la mémoire du peintre P.-.T. Verhaegen; Moniimmi Sur le devis estimatif des travaux supplémentaires à à vër^oi'es. exécuter au monument érigé à Vergnies (Hainaut), à la mé- moire de Gossec ; E lise 10° Sur les maquettes de deux statues à exécuter par

■^'smuel"""' M. Laumans, pour l'église de Hranchon (Namur). L'ensemble des deux figures représentant le Sacré Cœur et saint Joseph, est satisfaisant;

mi

M" Sur le projet d'un inoiiuuicul lunéi-iiR' qu'on se pro- d-A^fseiaor.

d,. . . ,., , 1 \ 1 ' Monument

ériger au cimeliere d Aerlselaer (Anvers), a la me- hmerairc.

moire de la famille Van Havre.

Des délégués ont examiné, à la demande de M. le Mi- saSwp,,, nistre de l'intérieur, les esquisses de deux stations du Che- "a.ëmiu'

lie la Croix.

min de la Croix que M. Ilendrix est chargé d'exécuter dans l'église de Saint- Joseph, à Anvers. Ces deux tableaux se distinguent par les mêmes qualités de style et de composi- tion que les panneaux déjà exécutés. Le Collège a émis l'avis, en conséquence, qu'il y a lieu d'autoriser la conliiiualion de ce travail de décoration, dont le projet d'ensemble a été approuvé.

Le Colléee a fait examiner, dans l'atelier de M. le ""«"ment

c \an r.ycK.

sculpteur Pickery, à Bruges, le nouveau modèle du piédestal " ^'"'^'"'' proposé pour la statue de Jean Van Eyck à ériger dans cette ville. Ce piédestal est orné de quatre figures allégoriques : le Dessin, la Sculpture, l Architecture et la Chimie. M. le bourgmestre de Bruges , qui assistait à l'inspection avec M l'échevin Ronsse, préférerait que ces statues allégoriques représentassent des idées plus générales, telles que : la lieli- gion, la Patrie, l'Art et la Science.

La Commission, se ralliant à l'opinion de ses délégués, a émis l'avis qu'il conviendrait de renoncer complètement à ces figures accessoires, qui ont le double défaut d'être trop importantes relativement à la statue principale et de donner au piédestal un aspect lourd qui nuit à l'elïet d'ensemble du monument. On doit ajouter que la modification proposée au contrat primitif augmenterait de 00,000 francs la dé- pense, qui ne devait être que de 40,000 francs. Eu égard à ces diverses considérations, la Commission a émis l'avis qu'il

fat préférable de doiiiiei- à l;i ^l;ilue ue Van Eyek un j»ie- deslal simple. Eglise l>es déléiiué suiil iiispeclé, le 15 uctubre, le laberiiacle de

de Léiu.

Tabernacif. régiisG deLéou ,dojil les pai'ties arcliiteclurales OH ( été réparées et consolidées sous la direction de M. rarcliilecle Van Assclie.

Ce (ravail,(jui a été exécuté avec soin, consiste principale- iiient dans le nettoyage et la restauration des colonnelles, bases, chapiteaux, corniches, culs-de-lampe, etc. Les parties nouvelles ont été lixées au moyen de ciment el d'agrafes en cuivre. Quant aux groupes et ligures qui décoi'ent le taber- nacle et se remarquent ça et quelques lacunes, les dé- légués sont d'avis (|u'il n'y a pas lieu de les comph'ler. On devrai! se bornei' à i-eculler les membres détacliés de quel- ques statuettes, à remplacer les socles qui ont disjiaru el qui ont été provisoirement renq^lacés i)ar des briques, el à lixer au moyen de ciment ou de |)lalre les slalueltes (pii sont sim- plement posées sur leurs socles et que le moindre choc pourrait faire tomber.

Ces ditïérents travaux sei-aienl jteu couleux et j)our- raient être contiés, de même que le nettoyage du monumeni, aux ouvriers (|ui on! restauré la partie archileclurale.

Il a été conslalé (jue toutes les parties du tabernacle ont été anciennement recouvei'tes d'une couche très-légère de couleur grisa li'e. Les restaurations exécutées en j)ierre i)lanche forment conséqucmment des taches; il importera de remédiera cet inconvénient en aiijdiiiuant sui' res parties nouvelles un léger lavis sans épai>seur, afin lU' donnei- une leinle uniforme au tabernacle. (;i,a|,eiie L'aduil ulst raliou communale de llassclt ;i proposé de ■'tbK'' JiMnpIarer le l;d)|i'au ancien, représ*'nl;inl la /{('surreclion

cor, _

du Chrial, <|iii tlt'coiv l'autel de la cIiîi|>(;1Il' du ciiin'tiérc. par une œuvre nouvelle de M. (lei'aels. La CumiiiisMoii, après examen de la peinlure, est d'avis qu'il n'y a pas lieu d'ado|)- (er eelle proposition. Le tableau semble a))partenir, en elTuI, à l'ccole de Van Orley, et il y aurait lieu de le taire nettoyer et reveniir, et de le rétablir ensuilc à la place qu'il occupait sur l'autel de la cba|>elle.

CONSTRUCTIONS CIVILES.

Ont été approuvés :

I" Les plans dressés par M. l'ai-cliilecte Blomme pour lapaïais jcj..«iice

' ' . . ''" Malin, s.

restauration et l'appropriation, à l'usage de palais de justice, des bâtiments occupés par le tribunal civil de Malines et qui étaient anciennement les locaux du Grand Conseil. Ce projet est bien conçu et son exécution rendra à cette con- struction son caractère primitif de la Renaissance llamande ;

i2" Le projet des travaux de consolidation à elî'ectuer Haiiesdvpres. d'urgence à la partie su|)<''rieure de la tour (Uis Halles d'Ypres;

."" Les |»!ans d'un liospice-iiopilal à ériger à Saint-Amand Ji'nfljiï^uj (Anvers): arcliitecte, .M. Blomme; ' ci.i^dî^S

4" Les plans dresses par AI. Buyck pour la construction eiTonpr.,. d'un hôpital à (iliistelics (Flandre occidentale);

"»'• Le projetd'liospice-liôpifal àérii^er à Nazareth (Flandre orientale) : arcliitecte, M. De Noyelte;

(3° Les plans d'agrandissement de l'hôpital de Tirlemonl : architecte, M. Drossaert ;

7" Le projet d'une glacière à construire à l'hôpilal de Tonare^ : archifer-le, M. CasIennaïK.

604 ÉDIFICES RFJJGIEUX.

PRESBYTÈRES. '

Réparation La Commission a émis des avis favorables sur les projets

de divers

presbytères. ^^, j'éparatjon et d'appropriation à exécuter aux presbytères de Peissant, Ghlin, Harvengt (Ilainaut), Alden-Eyck , Engsberg sous Tessenderloo , Meeswyck (Limbourg) , Stockem sous Heinsch (Luxembourg), Jeneffe, Coujoux , commune de Gonneux, Niverlée (Namur) et sur le plan d'un presbytère à construire à Hives (Luxembourg).

ÉGLISES. CONSTRUCTIONS NOUVELLES.

Ont été approuvés : (,uu5tr.iciion Les plans relatifs à la construction d'églises :

d églises a Mon- 1 'J

sièreciVombes. A Monccau, commune d'Élouges (Ilainaut) : architecte, M. Mahieu. Ce projet est bien étudié et mérite des éloges.

A La Buissière (même province), sous la réserve que les colonnes, dont les dimensions sont petites, seront construites en pierre : architecte, M. Danis.

Au hameau de Tombes, commune de Mozet(Nanmr). Ce

projet d'église romane est l'œuvre de M. l'architecte

Beyaert, et est bien étudié dans son ensemble comme dans

ses détails ;

AgraDdissement Lcs plaHS drcssés par M. l'architecte Van Assche, pour

de l'église

<*«''«"'-=*'""> l'agrandissement de l'église de Petit-Sinay (Flandre orien- tale) ; Église de 3" La modilicalion ijroposée à la crypte et au périmètre

non-Secours, ' ' "^ '

aPeruweir j^ j^ Houvollc égUsc dc Notrc-DamB de Bon-Secours, à

605

Peruweiz, en vue de rcstei^dans les limilcs du (crnin ;ip- partenaul au conseil de fabrique ;

i- Les emplacements proposés pour les nouvelles églises ^^ Bo^geH,.,,,!. à érigera Borgerhout (Anvers), La Hestre et Saint-Sauveur eisaini-s:^.n'cur. (Hainaut) ;

Les dessins dedivers objets d'ameublement destinés aux Amcubicmct

de flivcrscs

églises de : Oelegbem (Anvers), bulïet d'orgue; ^''"'*'-

Anderlecht (Brabant), buffet d'orgue. L'exécution de ce projet permettra de dégager la grande fenêtre de la façade.

Bosch, sous Ileelenbosch (même province), chaire à prêcher.

Lombeek-Nolre-Dame (même province), deux confes- sionnaux.

iMelckwezer (même province), maitre-aulel, deux autels latéraux, chaire à prêcher et deux confessionnaux.

Opwyck (même province), agrandissement du jubé et placement de nouvelles orgues.

Linden (même province), maitre-autel, deux autels laté- raux et banc de communion.

Kerckhove (Flandre occidentale), maitre-autel, deux autels latéraux, jubé et fonts baptismaux.

Melden (Flandre orientale), deux autels latéraux.

Lambermont, commune de Muno (Luxembourg), deux autels latéraux.

Bossière, commune de Saint-Gérard (Namur), deux con- fessionnaux.

Les autorités locales d'Eecloo avaient décidé]de faire re- Ëghse.ri..Liuo. construire l'église paroissiale. Elles se fondaient sur Tinsuf- h'sancc du temple eu égard à la"] population, sur le peu d'élévation desesvoùtes et, enfin, sui- rhum idilé qui y régne.

C()6

le pavement se Irouvaiit en cerUiins cndroils à oO centi- mètres plus bas que le sol de la place publique.

Quelques habitants d'Eeclou contestent l'utilité de cette reconstruction; ils soutiennent (pie l'église otîre un grand intérêt archéologicjue, qu'elle est assez vaste et qu'on de- vrait se borner à y faire quelques restaurations.

Des délégués de la Commission, accompagnés de M. Du- gniolle, directeur des cultes au département de la justice, ont procédé, le 23 août, à une enquête contradictoire sur les questions soulevées.

Un examen détaillé de l'édifice a |)ermis de constater que les nefs ont été en quelque sorte complètement modernisées, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur; le chœur a été reconstruit à la fin du siècle dernier. La seule partie de l'église qui offre quelque intérêt est la tour, construite en briques au XIII' siècle et que la Gomniission a elle-même signalée, dans ses rapports antérieurs, comme ayant une certaine valeur archéologique.

Il résulte des renseignements donnés aux délégués par les membres du conseil communal et de la fabrique que l'église est trop petite pour contenir la ))opulation qui assiste; aux offices. Dès 18G4 celle situation était signalée déjà et un projet d'agrandissement fut même dressé à cette époque ; on dut renoncer à ce projet parce que fagrandissement ne pouvait se faire que dans le sens de la largeur de l'édifice, ce qui entraînait forcément le rétrécissement des rues envi- ronnantes.

Dans cette occurence, les délégués uni cru devoir exa- miner la question de savoir si la tour de l'église d'Eecloo conslitut^ un monument assez important au point de vue de

G07

l'art pour que sa conservation soit déclarée (rintérèl public et doive mettre obstacle à la reconstruction de l'église.

Les délégués ont répondu négativement à cette question et le Collège s'est rallié à leur appréciation. Il est à re- marquer d'ailleurs que, si même les questions de voirie ne mettaient obstacle à un agrandissement avec maintien de la tour, ce projet rencontrerait encore des diflicultés sérieuses.

En effet, l'agrandissement de l'église entraînerait l'ex- haussement du pavement et des voûtes, travail indispensable pour rendre l'église salubre. Cette double modification aux dispositions actuelles exigerait forcément la démolition de la tour, car, d'une part, sa base serait en contre-bas du sol environnant, tandis que les nefs exhaussées masqueraient presque complètement sa partie supérieure.

Les plans de la reconstruction ont été approuvés par la Commission ; la dépense est évaluée à 409,000 francs et le conseil provincial de la Flandre orientale a voté, dans sa dernière session, un subside de 20,000 francs; une pareille allocation est demandée au Gouvernement. L'église proj(tée est agrandie vers le parvis, dont la largeur est actuellement de 20 mètres, et un parvis d'égale «limension sera créé devant la façade nouvelle par la démolition des maisons qui font face à l'église et qui ont été données dans ce but à la fabrique.

Des délégués se sont rendus à Framej-ies (llainautj, Egiuo

do Framerips.

le 20 septembre, pour exammer les questions qui se rat- tachent à la reconstruction projetée do l'église paroissiale et à l'emplacement qu'il conviendrait d'assigner au nouveau temple.

A l'égard de l'église actuelle, les délégués ont constaté

(i()(S

qu'elle n'offre aucun intérêt au point de vue de l'art, qu'elle paniit humide et insalubre, que sa superficie est tout à fait insuHisanlo pour la population qui assiste aux offices et qu'il serait difficile de l'agrandir suffisamment.

Quant aux emplacements désignés pour la nouvelle, les délégués estiment que le terrain choisi par le conseil de fabriqua doit être préféré. Cet emplacement présente l'avan- tage d'être situé contre l'ancienne église, sur un terrain qui, d'après les affirmations des officiers des mines, ne sera jamais exploité par des charbonnages et qui pourra être acquis à un prix notablement inférieur à celui des deux autres terrains proposés.

A.ne.,bkn„„t Nous publlotts, avoc la présente livraison, les dessins du riotr,,'' maitre-autel, des autels latéraux et de la chaire à prêcher exécutés pour l'église d'Offus, commune de Ramillies (Bra- bant), d'après les projets de M. l'architecte Garpentier. Le rapport sur l'inspection de cet ameublement a été inséré au liulletin de 1H7(), page 411, et la Commission a pensé qu'il serait utile de publier ces dessins comme d'excellents spé- cimens de meubles religieux ayant un caractère d'art, tout en étant traités cependant dans des données à la fois simples et économiques.

TRAVAUX DE RESTAURATION.

Le Collège a approuvé : 1" Les projets de dive] ;lises de Thisselt, Oolen (. Rat-l flirabcint). Arc, conmiuiie d'Arc-Ainières, WattriponI

Rj^paraiioD de i" Lcs projcts dc dlvcrses réparations à effectuer aux églises de Thisselt, Oolen (Anvers), Berchem-Saint-Laurent,

^ DES COMMISSIONS EOYALES D^ART & D'ARCHÉOLOGIE. 1877..

ilVTEL DEDIE AU BON-PïïSTEVR DE L'EgLISE DE S.FeVILLEN,

A #FFVS (F(HM.ILLIES) , BRKBHKT ._

pcti._den

A Igeiris Se""

BULLETIN DES COMM^ ROYALES DART L D 'ARCHEOLOGIE, 1877

ï

.ttewa.'ic'

PETITS HVTELSde L'ESLISE D'OFFVS, f\HMlLLIES.(BI^BRNT.)

U\)h .H WeM\S »Ç\»n4.

ARCHEOLOGIE- 1877.

3

CHRIE^E DE LECLISE DOFFVS (F^KMILLIES) BF^HBHNT.

609

Maulde, Hainc-Saint-Pi(M're, llarvengt (llaiiiaut), Overpclt, Montc-naekcn, Corlessom (Limbourg), Slockem sous Heinsclî, Saint-Martin à Arlon (Luxembourg) et Saint-Gérard (Namur) ;

2" Les plans dressés |)ar M. l'architecte Mahieu pour la uestauraii..,.

<trs ^glisps de

restauration de l'église de Mellet (Hainaut); "'^i''"'- îrM"""

5' Le projet d'agrandissement et de restauralion de l'église d'Erpion (même province) : architecte M. ïirou;

4" Les propositions relatives à la restauration des toi- tures de l'église de Saint-Pierre, à Louvain.

Des délégués ont examiné, le 17 octobre, à la demande ÈKiis^de

Saiiil-Marlin.

de M. le Ministre de la justice, les travaux exécutés à la tour acourtrai. de l'église de Saint-Martin, à Courirai, incendiée par la foudre en 18G2, Los travaux de restauration de la tour et de recon- struction du campanile touchent à leur fin et sont exécutés d'une manière satisfaisante. Il reste à établir la balustrade qui doit surmonter le portail principal et qui comprend au centre une niche dans laquelle sera placée la statue du patron de l'église. D'après les renseignements donnés aux délégués, on aurait l'intention de renouveler aussi tous les dais sculptés qui ornent les voussures du grand porche. La Commission est d'avis que la plupart de ces dais sont assez bien conservés pour être maintenus.

Le vaisseau du même monument est envoie de restau- ration d'après les plans dressés par M. l'architecte Garpentier et approuvés par la Commission le 6 juin 1877. Ces travaux s'exécutent avec soin ; les délégués estiment que le conseil de fabrique devrait faire faire une étude des mesures à prendre pour remédier à l'effet produit par la rencontre de la grande nef avec le chœur nouveau, érigé il y a quelques années

610

sûiis la direction de M. l'architecte Croquison et dont la voûte est beaucoup plus élevée que celle de la nef cen- trale.

On a placé récemment, dans quelques fenêtres du chœur, des verrières exécutées par M. Dobbelaere et qui, sous le double rapport de la composition et de la coloration, sont très-satisfaisants.

Les délégués ont remarqué aussi dans la chapelle dédiée à sainte Anne un tableau intéressant, dont le sujet principal, représentant un épisode de la vie de saint Martin, est en- touré de quatre médaillons. Il résulte des renseignements donnés par M. le chanoine Vande Putle, membre corres- pondant, que ce tableau a été peint par Jean de Conynck en 1650 et qu'il représentait d'abord le seigneur d'Espierres empêchant un passage de servitude. Ce tableau fut pendu dans la chambre de réception à rhôtel de ville et, en 1632, le sujet fut changé pour une cause inconnue, et représente depuis celle date un fait se rapportant à la vie de saint Martin. F.giis*- Des délégués ont inspecté, le 51 août, l'église deNotre-

de Noire-Dame i ^ i < i i i t i i i

de lamH... Oamc ilc Pamcle, aAudenarde. Les murs, les colonnes et les voûtes du chœur ont été débarrassés de l'enduit qui les cou- vrait et qui d(''nalurail l'aspect de cette belle construction. On peut aujourd'hui se rendre compte de l'importance des travaux à exécuter à cette partie de l'édifice. Les seuils des fenêtres, les cordons, les bases des colonnes, leurs tailloirs et leurs chapiteaux, enfin presque tous les ornements en saillie sont brisés.

M. l'archilecte Van Assche se proposait de rétablir en pierre les IVagmeiits disparus; il cntriiil nolammenl dans

611

ses intentions d'incruster clans les chnpiteaux clos crochets nouveaux qui seraient fixes par des agrafes en cuivre et de renouveler toutes les parties saillantes qui sont détruites. La Commission est d'avis avec ses délégués que ce travail doit être conduit avec une grande prudence et qu'il convient notamment d'éviter autant que possible d'entailler les pierres anciennes de qualité médiocre et déjà en partie délabrées, ce qui exposerait inévitablement à les faire éclater. Les dé- légués ont appelé l'attention de M. Van Assche sur la possi- bilité d'éviter de plus grandes dégradations en remplaçant certains détails décoratifs par des moulages au ciment Porlland, système déjà employé avec succès dans ))lusieurs restaurations importantes et notamment à l'église romane de Lobbes, et à la collégiale de Sainte-Gudule à Bruxelles. Ils pensent que le même procédé pourrait être utilement appliqué à l'intérieur de l'église pour la réparation des cordons, seuils, bases de colonnes, etc.

Il ne sera pas nécessaire non plus de reconstruire, comme fe propose M. Van Assche, les deux premières travées du chœur, dont les murs se sont lézardés par suite d'un affais- sement qui s'est produit anciennement dans les piliers de la tour. 11 suffira de gratter soigneusement les joints de la ma- çonnerie et d'y couler ensuite du ciment. Après cette opéra- tion, qui aura pour but de consolider la construction, on pourra redresser les arcalures et les colonnettes du trifo- rium.

La seule reconstruction qui devra être autorisée est celle d'une travée de voûte en briques sans nervures, et qu'il con- viendra de rétablir conformément h celles qui existent aux autres travées du chœur. .

Gli2

Quant aux piliers qui supporlenl la tour et qui se sont afTaissés en se détachant d'une partie de la consiruction vers le chœur, il n'est pas possible de se rendre actuellement un compte exact de leur situation. Ces piliers, en effet, sont en- tièrement entourés d'un massif de maçonnerie ; il serait utile que M. Van Assche fit des sondages dans ces enveloppes pour examiner l'état des piliers primitifs, qu'il s'assurât aussi de la situation sur ce point du Iriforium et rendit comptedecct examen. Mais, en attendant qu'on prenne une décision sur celte question, rien n'empêche qu'on entame la restauration du chœur et de son pourtour.

Le conseil de fabrique demande l'autorisation d'exécuter les travaux par voie de régie; l'administration dos ponts et chaussées est d'avis qu'il serait préférable d'en faire l'objet d'une adjudication sur bordereau de prix. Tout en recon- naissant les avantages de ce dernier système, la Commission pense cependant que la restauration de l'église de Noire- Dame de Pamele est un travail trop délicat et présentera trop de difficultés et d'imprévus pour qu'il soit possible d'employer ce mode d'exécution dans le cas actuel. Il im- porte que ces ouvrages soient effectués par voie de régie, sous la conduite d'employés intelligents et sous la surveil- lance constante du conseil de fabrique.

On a l'intention de faire disparaître la petite chapelle érigée il y a quelques années à l'extrémité du chœur. Il con- viendra de faire à cette occasion ihs recherches pour s'assuicr s'il n'existait pas anciennement une chapelle absi- dalc i)lus petite que celle qu'il s'agit de démolir.

Des traces nombreuses de peinlures décoratives ont été découvertes dans toutes les parties du chœur. Des copies

613

exactes, qui en ont été prises par M. Van Assche, pourront servir à rétablir plus tard cotio décoration peinte.

Le Secrétaire Général,

.T. Rousseau. Vu en conformité de l'article 25 du règlement.

Le Président.

Wellens.

) I

QUENTIN METSYS ET SON PORTRAIT D'ÉRASME.

Si le Iccleur veut se faire une idée de la façon dont les vieux maîtres étaient appréciés en Belgique il y a quelque trente ans, il lui suffira de lire cette phrase d'un organe exclu- sivement artistique, organe très-bien rédigé d'ailleurs, et qui date de 1853 (i) : « Si l'on excepte le fini aussi froid que sec des tableaux de Messis, ces tableaux n'ont d'autre mérite que d'être des premiers de ceux peints à l'huile. »

Une telle appréciation explique assez qu'on se préoccupait médiocrement d'étudier la vie ou les œuvres d'un peintre si justement classé désormais parmi les plus grands de notre école.

D'autre part, on ne peut méconnaître que si nous en sa- vons davantage qu'il y a trente ans sur le peintre-forgeron d'Anvers, la chance a peu secondé les efforts de ceux qui ont travaillé à substituer l'histoire vraie à la poétique légende des Van Mander (2), des Fikaert (â) et des Van Fornen- berg (4). La date et le lieu de la naissance de Metsys, l'or- thographe même de son nom, les travaux des élèves qu'on

(i) L'Artiste, revue des arts et de la littérature. Bruxelles, I853j p. 16'2,

(2) Karel Van Mander, Het Schilder Boek. Harlem, 1604,

(î) Metamorphoris ofte ivonderbare veranderingh ende leven van deu ver-

maerden Mr. Quinten Malsys. Antwerpen, 1648. (4) Ben antwerpschen Protheus, etc., door A. V(an) F{ornetibergh).

Antwerpen, 1658.

G16

lui connaît, la dale de sa mort, tous ces points restent à dé- terminer (i).

Ou invoque, sans doute, en faveur d'Anvers comme patrie du peintre des présomptions de quelque valeur; mais il faut prouver que Guichardin eut tort d'en faire un Louvaniste. I']n attendant, le maître est encore privé d'un monument digne de sa gloire, peut-être par l'impossibilité l'on serait de préciser le lieu de sa naissance (t>).

Qu'importe, dira-ton, l'artiste se juge par ses œuvres, et c'est, en effet, ce qu'il faut faire. Mais à peine s'occupe- t-on de dresser l'inventaire de ces œuvres que le doute se glisse dans l'esprit des experts, et bientôt il ne subsiste plus qu'un très-petit nombre de travaux incontestés, parmi les- quels Waagen hésite même à comprendre le fameux ta- bleau du château de Windsor, les Avares « the Misers », pourtant d'une si haute valeur artistique.

Lorsque Stanley, dans sa nouvelle édition du Dictionnaire de Bryan (5), fournit une liste de soixante-neuf tableaux de Metsys (en y comprenant les volets de ses triptyques), il se

(i) On nous permettra, a l'exemple de MM. Fétis et Van Even, de conserver au peintre le nom qu'il a lui-niênie inscrit sur son oeuvre de l'église Saint-Pierre, à Louvain.

(2) Il va de soi que nous attachons une très-réelle valeur au consciencieux travail de M. Van Even sur VAticieiuie école de Louvain et aux documents précieux qu'il met au jour sur Quentin Metsys. C'est presque exclusivement à MM. Van Even et GÉNARD que l'on doit les renseignements positifs que nous possédons jusqu'ici sur la carrière du maître.

Khamm, Levens en werken der Hollandsche en Vlaamsche kunstschilders, l. IV, p. 1074, a essayé sans succès de faire du Quentin de Louvain, cité par Guichardin et de Quentin Metsys deux personnages distincts.

(3) A liiogniphical and Crilical Dktionanj of Painters and Engravers, London, 1875.

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contente de citer des œuvres souvent douteuses indiquées par des écrivains antérieurs.

A tout prendre, il reste à Metsys de quoi fonder une gloire durable, et, n'acceptantcomme seules authentiques que l'Ensevelissement du Christ d'Xm ers, terminé en loH, la Descendance apostolique de Sainte-Anne (1509) (i), le Peseur d'or du Louvre, daté de 1518 ou 1519, et les portraits de Florence, dontl'un, du moins, porte la date de 1520, le vail- lant ferronnier d'Anvers est bien digne d'entrer en parallèle avec les plus nobles représentants des écoles étrangères de son temps.

La valeur artistique des œuvres de Metsys, le caractère si nettement tranché de celles que nous avons de sa main, pa- raîtraient devoir écarter jusqu'à la possibilité d'une confusion de ses travaux avec ceux d'aucun autre maître. Il n'en est pas moins évident qu'il eut des imitateurs et que dans le nombre on en trouve qui tirent preuve d'une adresse con- sommée.

Le Musée de Leipzig, galerie les œuvres anciennes ne figurent encore qu'à titre d'exception, nous montre une répétition admirable du tableau de la collection royale d'Angleterre et dont le titre, les Avares, devra nécessaire- ment être abandonné, car un papier fixé au mur porte cette inscription: Hier ontfanme DENExcYS,suiviedela date 1551, qui nous donne la preuve qu'il s'agit bien ici d'une copie postérieure au maître. Nos « Avares » sont bel et bien, on

(i) Voir, au sujet de cette œuvre capitale, l'étude de M. E. Fétis, la descendance apostolique de sainte Anne, etc.. Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie, t. V (1866), p. 86, et E. Van Even, l'Ancienne école de peinture de Louvain.

618

le voit, des agents du fisc, comptables soigneux comme doivent l'être de bons receveurs.

Au Musée d'Anvers, le tableau de la collection Van Ertborn, n" 244 du catalogue (édition de 1874), représente de même un receveur dont les livres sont parfaitement tenus et renseignent pour l'année de la peinture le produit exact de l'accise sur la bière, le vin, les céréales, etc.

A la Pinacothèque de Munich, dès l'entrée, on trouve

deux œuvres capitales que le sujet, l'aspect et la manière

feraient ranger d'emblée dans l'œuvre de Quentin Metsys,

si l'une nu ^îU^it cette inscription Roymers\vale:< Marimts

me fecit a" 38 et l'autre '^,^i"? ^'^^- f''^*^ ^" ^''^'^'^•

La première est une répétition^ P^'"^ "^^^'^^^^ ^" ^'''"'' d'or du Louvre, répétition superbe'efe^ ^^f ^"'''^^^ '^"^ d'aulant moins douteuses que le tableau gspcellemment placé.

Marin de Romerswael est cité par Van Mander sous^ "^"^ de Mnrinus de Seeu : le Zélandais (non pas Secu, ainsi^"^ l'écrivent Van der Aa et d'autres auteurs), comme peign'J!* largejnent « à la nouvelle mode, d'une manière plus rude qu'agréable, » meer rouw ah net (i). Il reconnaît cependant avoir vu de lui un receveur, eenen iollenaer, assis à son comptoir et qui était une œuvre remarquable. C'est évidem- ment le tableau de Munich, placé immédiatement à côté des grandioses figures d'apôtres d'Albert Durer et portant le 4. Le catalogue dit : « un homme et une femme occupés à compter et à peser des monnaies d'or et d'argent ». Van

(i) Karel Van Mandek, Ilet Schilder Boeck. Amsterdam, 1G18, p. 17

8(j.

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Mander ignorait la date précise de la naissance et de la mort du peintre. Il le disait contemporain de Frans Floris, ce qui concorde avec les dates inscrites sur les tableaux de Munich.

Il est enfin avéré que Jean Metsys, que la corporation de Saint-Luc d'Anvers reçut comme franc-maitre en l-iôl, s'appliquait avec un soin particulier à rendre la manière de son père, suivie encore avec assez de bonheur par Jean Van Hemessen (plutôt Van Hemixom), mentionné avec éloge par Guichardin et Van Mander, et que les Musées de Vienne, de Munich et d'Anvers nous font connaître comme un artiste de valeur.

A côté de ces tableaux d'école, il en est un assez bon nombre que l'absence de toute indication d'origine, de date et de signature, fait classer dans l'œuvre de divers artistes, à la faveur de certaines analogies d'aspect et de manière ou même au gré de la fantaisie du possesseur. Le Louvre pos- sède, par exemple, une Descente de croix donnée par M. Villot à Quentin Metsys, et qui a longtemps passé pour un Lucas deLeyde(i).

Nous nous gardons de jeter la pierre aux auteurs de ces attributions conlrouvées. S'il est possible de répartir avec quelque chance d'exactitude les œuvres des maîtres primitifs par époques et par écoles, l'assignation de ces œuvres à tel ou tel auteur déterminé soulève d'extrêmes difficultés, et la tradition elle-même ne doit être admise que comme un très-faible moyen de preuve, lorsque les documents authen- tiques font défaut.

Un jour viendra nos principaux maîtres auront des

()) Catalogue des tableaux du Louvre, édition de 18G9, n" 280.

620 -^

monographies, beaucoup trop rares encore pour les flamands. Peu d'artistes seraient plus dignes d'une étude approfondie que le grand peintre auquel nous consacrons ces pages.

Quentin Metsys ne nous apparaît comme peintre que dans les premières années du \\f siècle et âgé déjà de plus quarante ans (i). S'il préluda réellement à la peinture par des travaux de ferronnerie : le puits d'Anvers ou le tombeau d'Edouard IV, œuvres d'art positives, mais d'un style assez différent des travaux du maître, il est pourtant hors de doute qu'il s'est préparé à la peinture par des études métho- diques et sévèrement dirigées.

Le tableau de Louvain, si magistralement conçu et d'une exécution que Descamps lui-même compare à celle de Raphaël (-i), suggère un monde de réflexions sur les com- mencements de cette carrière d'artiste, entourée encore de tant de mystère.

L'école flamande avait compté, sans doute, depuis les Van Eyck, de nobles représentants. Mais la pléiade anversoise, encore si obscure dans ses origines, ne montre pas avant Rubens de maître plus illustre que ce peintre « par amour » , qui précède et souvent égale, par la puissance de l'expres- sion et la perfection du travail matériel, les Diirer, les Hol- bein et les Lucas de Leyde, ses contemporains.

Franc-maître en 1491 , dix-huit années, même postérieures à cette émancipation officielle, doivent s'écouler encore avant l'apparition de sa page glorieuse de Saint-Pierre de

(<) Van Eves, l'Ancienne école de peinture de Louvain, p, 315 et siiiv. (*) Ed. Fétis, La descendance apostolique de sainte Anne, Bulletins des Commissions royales d'art et d'archéologie, t, V, p. 89.

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Louvain, bientôt suivie d'une œuvre non moins parfaite, et, de toute cette carrière qui ne prend fin qu'en l.'i.li, pour ces quarante années actives, consacrées, sans nul doute, aux plus nobles travaux de l'art, il n'est pas jusqu'à douze ta- bleaux qui puissent appartenir, sans conteste, à leur légi- time auteur !

Alors que tant d'autres sont honorés des faveurs royales, comme le fait observer M. Van Even, son existence à lui s'écoule en apparence obscure et l'oubli gagne son nom au point qu'il ne se rattache qu'à des œuvres déjà lointaines, lorsque Durer inscrit à son journal de voyage qu'il a rendu visite au maître.

La rencontre eut lieu en quelque sorte au lendemain de l'arrivée du grand peintre à Anvers, et Metsys occupait depuis peu de mois sa nouvelle maison de la rue des Tan- neurs (i). II travaillait avec d'autres peintres anversois aux arcs de triomphe qui devaient décorer la ville pour l'entrée de Charles-Quint. On se réunissait à l'arsenal, et Diirer y trouva les peintres très-occupés des apprêts de la fête (■■/).

Dès longtemps les tableaux de Louvain et d'Anvers étaient exposés à l'admiration de la foule et leur auteur s'était acquis fortune et renom. Marié en secondes noces et père d'une nombreuse famille.

(i) Cette maison est ai)jourd'luii démolie. Un peintre bien connu, M. Knhnen, amateur très-éclairé d'objets d'art, possédait la serrure qui fermait la porto de cette maison. C'est un très-remarquable travail de ferronnerie.

L'acquéreur de la porte de la maison de Metsys lors de la démolition fut M. Seghers, le calligraphe anversois, le père du calligraplie actuel du roi et du peintre Corneille Seghers, aujourd'hui décédé. M. Kuhnen, lié avec cet artiste, obtint de lui la serrure dont il s'agit.

(2) Niederlundische Reise, publ. par M. ïhausing. Vienne, 1872, p. 85.

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il avait, l'année môme de l'arrivée de Diirer à Anvers, donné une preuve de la vitalité de son talent : le portrait de Ca- therine Heyns, sa seconde fenrime.

Ce portrait, daté de ir)20 et que conserve le Musée des Offices, sert de pendant à l'effigie du maître lui-même, et les deux œuvres sont données comme contemporaines. Metsys était âgé de 54 ans.

En rap])rochant ce portrait de la planche gravée par Wiericx pour le livre de Lampsonius, on ne trouvera plus qu'une ressemhlance assez lointaine avec le romanesque for- iîeron des jeunes années. Nous avons devant nous l'ami d'Erasme, d'yEgidius et de Durer.

M. Van Even définit le personnage représenté dans ce portrait comme doué d'un esprit fécond et facile, enclin à la joie et disposé à bien prendre la vie.

Si, en effet, la figure bienveillante et calme du maître ne fait pas songer d'abord à l'auteur des œuvres de Louvain et d'Anvers, on retrouve pourtant dans le regard la profon- deur et le sérieux que les maîtres du xvi'' siècle ont inva- riablement donnés à leurs personnages.

A part cela, le costume et la physionomie générale font plutôt songer à un bourgeois aisé qu'à un artiste.

A l'époque fut peint ce portrait, Quentin Metsys, qui avait franchi la cinquantaine, ne semble pas avoir abordé des pages de l'importance de celles qui illustrèrent sa jeunesse. Les auteurs n'en consignent pas le souvenir, et si quelque jour il est permis de lui restituer avec certitude des œuvres attribuées injustement à d'autres maîtres, il est très- douteux que Ton puisse mettre en regard des tableaux de Louvain et d'Anvers des travaux d'égale importance.

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Il n'existe pas d'œuvres de sa main portant une date pos- térieure à 1520 et quant au portrait du Musée de Francfort, dont il est question plus bas, autrefois mentionné comme représentant Knipperdolling, l'année 1534 inscrite sur le cadre s'est naturellement trouvée être apocryphe.

Remontons d'un an dans la carrière du peintre, nous trouvons le tableau du Louvre, le Peseur d'or et le médaillon d'Erasme, daté de 1510, œuvre indiscutable, puisque le phi- losophe la mentionne dans une lettre datée de Bàlc, en 1528, ajoutant que son portrait a été peint par Albert Durer, mais avec moins de bonheur, sous le rapport de la ressemblance que l'œuvre qu'on lui communique et pour l'exécution de laquelle « le statuaire » non désigné ne disposait que de l'effigie « coulée autrefois en métal par Quentin d'An- vers. *'

On a vainement cherché jusqu'ici un autre portrait d'Érasme par Diirer que l'estampe (B. n" 107) de son œuvre, et il est remarquable que l'illustre savant ne rappelle pas son portrait peint par Quentin Metsys, alors qu'il parle de sa médaille. M. Picqué a récemment trouvé pour le cabinet de Bruxelles un superbe exemplaire de la pièce décrite par Van Mieris, et l'on ne se lasse point d'admirer la finesse du modelé et l'expression singulièrement vivante de ce profil, si connu d'ailleurs, et que Holbein n'a pas mieux rendu dans les célèbres portraits de Bàle et de Paris.

Quelques auteurs ont pensé que l'éloge en vers que Thomas Morus fit de Metsys était inspire par la vue de cette médaille, œuvre en quelque sorte publique. Il est à peine besoin de faire ressortir l'erreur, car la lettre du chancelier d'Angleterre et son poëme ont été plusieurs fois publiés et

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se rapporlent au portrait peint expressément par Metsys pour être offert à Morus.

M. Van Even (i) rapporte à quelles circonstances cette œuvre dut le jour. Elle serait l'hommage spontané de la sympathie du peintre pour l'auteur de l'Utopie. « Il (Metsys) résolut de reproduire sur un seul et même panneau les por- trait d'Érasme et de Gillis (2) pour les offrir au chancelier. »

Les tableaux car ils constituaient un diptyque furent portés en Angleterre, ils provoquèrent chez Morus autant de joie que d'admiration, comme le prouvent des vers éga- lement laudatifs pour le peintre et pour ses modèles. Après avoir appartenu à Charles I"'', les portraits auraient été égarés, ajoutait M. Van Even. Égarés, non, mais confon- dus cette fois encore dans l'œuvre d'autres maîtres et attri- bués tout simplement à Holbein.

Plusieurs écrivains spéciaux se sont occupés de la re- cherche de l'œuvre de Metsys, non pas tant pour le maitre lui-même que pour mieux prouver l'inexactitude d'une attri- bution à Holbein. Le D"" Alfred Woltmann, l'auteur de la belle monographie du grand portraitiste (0), fournit sur l'Érasme et l'/Egidius de Metsys des données extrêmement intéressantes (4).

Sans prétendre que Metsys ne fut point, comme le dit M. Van Even, un ami personnel de Morus, il n'en est pas

(i) Loc. cit., p. 3i9.

(2) Pierre Gillis f/Egidius), secrétaire de la ville d'Anvers, jurisconsulte et philologue, ami intime d'Krasme et de Thomas Morus.

(j) Holbein tind seine Zeil, von D"' Alfred Woltmann. Leipzig, 1868; 2 vol., avec suppl. ; 2"= édition revue, 1876.

{i) M. Van Even s'est a son tour occupé du portrait d'.Egidius dans une lettre adressée au recueil Vlaitmsclte school (187.1), p. 11)9.

62.-)

moins certain que l'hommage que lui rend dans ses vers le chancelier d'Henri VIII n'établit pas absolument cette liaison intime, l'épitre étant à l'adresse d'Érasme et d'.Egidius.

Dans tous les cas, les portraits peints par Metsys lui étaient payés et non pas offerts par lui à Thomas Morus. M. Woltmann a publié pour la première fois la correspon- dance relative à ces œuvres (i).

Érasme avait fait au printemps de 1517 un court séjour en Angleterre. Dans une lettre adressée à Morus à son re- four, lettre datée de mai, il lui rend compte de sa traversée et ajoute : « Pierre vEgidius et moi, nous nous faisons peindre sur un même tableau, et nous te ferons prochaine- ment hommage de nos efligies. Malheureusement, en reve- nant ici, j'ai trouvé Pierre sérieusement incommodé d'un mal dont il n'est pas entièrement rétabli. Pour moi, j'étais assez bien portant, mais mon médecin, je ne sais trop pour- quoi, m'ordonna une couple de pilules purgatives, et ce qu'il fut assez sot pour me prescrire, je fus encore plus sot de le prendre. Mon portrait était commencé, mais lorsque après avoir pris médecine je vins chez le peintre, il dit que je n'avais plus le même visage. Il a donc fallu remettre de quelques jours le portrait jusqu'à ce que je sois un peu mieux portant. »

Le 16 juillet Morus répond : « Tu ne saurais croire avec quelle impatience j'attends le tableau qui doit me porter ton portrait et celui de notre Pierre. Que je maudis ce mal cause de tant de retard ! »

0) T. II, p. 132 et siiiv.

()26

De son côlé, Érasme, écrivant à i^^^gidius, lui dit : « Presse donc Quentin pour qu'il achève, et lorsqu'il aura fini, j'irai m'entondre avec toi sur le moyen le plus sur d'expédier le portrait en Angleterre et en même temps m'acquitter envers Quentin. »

Cette lettre, datée de 1518, est nécessairement de 1517, comme l'indique le contexte. 11 y a d'ailleurs dans la corres- pondance d'Erasme plus d'une erreur de l'espèce.

Enfin, le 8 septembre, Érasme est en état d'adresser à Morus une joyeuse missive dans laquelle il lui mande l'ex- pédition des portraits. « Je t'envoie, dit-il, les tableaux, afin que nous soyons toujours près de toi, même lorsque nous aurons disparu. Les frais ont été supportés collectivement par Pierre et par moi, non que chacun de nous n'eût volon- tiers payé l'œuvre entière, mais afin que ce fût véritable- ment un cadeau de nous deux. »

Huit jours plus tard, il annonce : « Je t'ai envoyé le por- trait par P. Godes (le borgne), qui, à cet effet, a pris la voie de Calais. 11 n'est pas nécessaire de lui donner une gratifi- cation, si ce n'est une dizaine de gros pour ses menus frais (i). Nous avons pourvu à tout. »

Le 27, Érasme mande à /Egidius que « le borgne » s'est embarqué sous d'heureux auspices, et que si Morus est encore à Calais, nul doute qu'il ne soit déjà en possession des effigies.

Elïecliveiiienl, le G octobre, Morus écrit à /Egidius la

(i) Morus était alors U Calais, qui appartenait encore a l'Angleterre. Coclcs était un serviteur d'Érasme.

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lettre déjà donnée par M. Van Even (i) et qui accompagne le poëme. Voici celte lettre :

« Mon cher Pierre, salut,

» Je désire ardemment apprendre que tu te remets; la santé m'est chère autant que n'importe quelle affaire per- sonnelle. Aussi, dans mon inquiétude, j'interroge tout le monde, et j'écoute avidement tous les rapports.

» On m'a donné de meilleures espérances, qu elles soient réelles, ce que je souhaite, ou que l'on ait voulu satis- faire à mes désirs. J'écris à Érasme et t'envoie la lettre ouverte, tu la cacheteras. Il n'est pas nécessaire que ce que je lui écris soit celé pour toi. Je te transcris quelques vers que j'ai faits sur ce tableau ; ils sont aussi médiocres que celui-ci est bon. S'ils t'en paraissent dignes, montre-les à Érasme ; sinon, jette-les au feu. Porte-toi bien.

» De Calais, ce G octobre 1517. »

Les vers portent pour entête :

Vers écrits sur un diptyque (in tabulam duplicem) dans lequel Erasme et Pierre jEgidius sont représentés par l'excel- lent peintre Quentin. Le premier commence sa paraphrase de l'Epître aux Romains. Près de lui sont des livres montrant leurs titres; l'autre tient une lettre dont l'adresse est de la m,ain de Monts et que le peintre a également reproduite.

Viennent alors les vers dans lesquels le peintre est si

hautement loué et que M. Van Even a également traduits.

ft . . . Quentin, ô rénovateur d'un art antique qui ne le cèdes

(i) Toute la correspondance qui précède est empruntée k M. Woltmann.

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point au grand Apelle ; toi qui excelles à prêter la vie à des

traits immobiles par le merveilleux artifice des couleurs

Si les siècles futurs conservent le moindre goût des beaux- arts, si l'horrible Mars ne triomphe pas de Minerve, quel ne sera pas pour la postérité le prix d'un pareil tableau? »

Morus ajoute enfin en post scriptum. « Notre Quentin a vraiment rendu tout à la perfection, mais il me paraît surtout un prodigieux faussaire, car il a imité la suscriplion de ma lettre à toi avec une telle adresse que ne je saurais moi-même la refaire ainsi. C'est pourquoi je te prie de me renvoyer la lettre si Quentin et toi n'en faites pas usage. Placée à côté du tableau, elle doublera le prodige. Si elle n'existe plus ou si elle peut vous être utile, je lâcherai à mon tour de contrefaire le contrefacteur. »

L'on s'étonnera, certes, de ce que deux tableaux honorés d'une description si minutieuse et illustres à des titres si divers aient pu s'égarer pendant des siècles, comme s'il se fût agi de la plus obscure des effigies par le plus obscur des peintres.

Il a fallu aussi un ensemble de circonstances vraiment extraordinaires pour dérouter les investigations des critiques, et la notoriété de plusieurs portraits d'Érasme dus au pin- ceau de Holbein n'a pas peu contribué à créer ce que nous appellerons cette fausse ])iste.

Il se trouve, par exemple, qu'à peu d'années d'intervalle Érasme offre trois fois son portrait à de hauts personnages d'Angleterre, comme il résulte d'une lettre adressée à Pirck- licimer, en 1524 (i), et Morus, qui fut peut-être favorisé pour

(i) Les ciitonstaiices de ces envois sont relatées par M. Woltmann, t. H, up. lu et 133.

629

la seconde fois d'un tel envoi, parle avec admiration de la nouvelle peinture que, dans tous les cas, il eut l'occasion de voir avant de connaître Ilolbein, qui ne vint en Angleterre qu'en 1520.

Lors donc qu'apparaît un portrait d'Érasme signé Holbein et portant le millésime 1523, nul doute que cette œuvre ne soit celle qui précéda l'arrivée en Angleterre du maître d'Augsbourg et devint en quelque sorte le point de départ de sa fortune dans ce pays.

Le portrait est, du reste, célèbre, et a été de tout temps cité comme une des œuvres les plus nobles de Holbein. Il fait partie de la galerie du comte de Radnor, au château de Longford, et parut à Londres, en 1873, à une exposition d'œuvres anciennes organisée par l'Académie royale.

Le tableau y figurait accompagné d'un autre portrait donné au même maître et le cadre orné de deux vers latins Holbein était mentionné comme auteur. C'était le portrait de Pierre J^^gidius.

Le rapprochement naturel de deux personnages si étroite- ment liés l'était-il encore pour le peintre?

M. Waagen l'avait cru en admettant les deux portraits comme émanant d'un même auteur (i). Il avait même poussé la confiance jusqu'à assurer que Holbein avait fait à Anvers un long séjour avant de se rendre en Angleterre, séjour pendant lequel le portrait d'^Egidius, à l'en croire, était exécuté (2).

(1) Waagen, Galleries and Cabinets of Art in Great-Urilnin, t. IV(18;i7), p. 357. (î) Waagen, /. c, III, 139.

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Le catalogue du Musée d'Anvers (i) accepte l'assertion : « L'arliste (Holbein) s'arrêta longtemps à Anvers, Érasme l'avait adressé à Massys et à Pierre ^gidius; il fit de ce dernier un portrait qui est aujourd'hui en Angleterre. »

Lorsque iM. Wornum fil paraître, en 1867, son bel ouvrage sur Holbein (2), étudiant l'œuvre capitale du Château de Longford, œuvre qui à elle seule vaut le voyage, disait Waagen, il s'occupa assez longuement des deux por- traits, dont le rapprochement le frappa, et il émit alors l'opinion que bien réellement le diptyque de Morus était retrouvé.

Érasme, représenté assis, coiffé de son bonnet et velu de deux robes fourrées, repose ses mains sur un volume riche- ment relié et sur la tranche duquel on lit une inscription moitié grecque, moitié latine : IIPAKAEIOI HONOI Érasmf RoTERO... , les travaux d'Hercule d'Érasme de Rotterdam. Derrière le personnage, un rideau vert, glissant sur une tringle, un riche pilastre en style de la Renaissance et une armoire l'on voit un flacon et trois volumes. Sur l'un d'eux on peut lire distinctement la date indiquée plus haut, M. D. XXIII, et sur la tranche du mémo volume une légende latine paraît le nom de Holbein.

Passant au portrait d'yEgidius, l'auteur nous dit que le personnage est représenté en habit fourré, tenant de la main gauche une lettre adressée à lui-même et de la droite touchant un livre sur lequel on peut lire le mot AXTIBAPBAPOI

(i) Catalogue du Musée d'Anvers, 3" édition, 1874, p. 20'/ (î) Some account oflhe Hfe and ivorks of Hans Holbein.

G51

en capitales grecques. Le coude gauche repose sur ce vo- lume. Dans le fond, sur des rayons, une coupe d'or et plu- sieurs livres : Plutarque, Senèque, Suétone, etc. Devant le personnage, un sablier. L'adresse de la lettre a beaucoup souffert. On peut cependant y lire : Vùo literalissimo Pelro Eyidio, amico carissimo Anverpiœ (?)

Les deux panneaux étant de même grandeur et fort de la description de Thomas Morus, le savant rédacteur du cata- logue de la Galerie nationale crut avoir retrouvé le tableau double de Quentin Metsys.

Le lecteur se sera aperçu que la description donnée plus haut ne concorde pas avec celle de Morus, du moins en ce qui concerne le portrait d'Érasme. M. Wornum le voyait bien, mais, à la rigueur, la date pouvait avoir été altérée. De M.D.XVIII, on ferait facilement M. D. XXIII, et quant au nom de Holbein, il pouvait avoir été ajouté, d'autant plus qu'une signature complète n'est pas habituelle au maître. Il y avait ensuite des analogies d'aspect, bien que le portrait d'Érasme fût incontestablement supérieur à son pendant et de pro- portions un peu plus fortes, et qu'enfin les deux personnages regardaient du même côté.

« Au résumé, disait M. Wornum, je ne puis affirmer qu'une chose, c'est que nous avons un admirable Erasme; je dirais bien aussi que c'est un admirable Holbein, n'étaient les indications que l'on possède et qui me font pencher en faveur de Metsys. »

M. Wornum faisait un pas évident dans la bonne voie. Son opinion concordait, du reste, avec celle d'autres écrivains. M. Woltmann lui-même, guidé par son jugement personnel non moins que par les vues de M. Otto Mûndler, n'hésitait pas

632

à se prononcer dans le même sens dans une étude insérée au Zeitschrift fur Bildende Kunst (i).

Voici donc notre forgeron d'Anvers, si souvent dépossédé de ses œuvres, gratifié d'un splendide travail de Holbein. Date et signature ne sauraient prévaloir contre l'attribution!

Pourtant, dans l'intervalle de son article à la publication du deuxième volume de son grand travail, M. Woltmann apprit à connaître les études de Holbein conservées au Musée du Louvre, notamment le dessin exécuté pour la tète du portrait de Longford et les mains du même portrait. Son premier jugement se modifia. Le portrait d'Érasme redevenait une œuvre authentique de Holbein.

Chose singulière cependant, alors qu'à la page 145 de son livre (2) M. Wornum émettait ses conjectures touchant le portrait de Longford Gastle et rappelait la correspondance de Morus et d'/Egidius, il n'avait pas été frappé de l'analogie de la description qu'il donnait lui-même, à la page 142, d'un autre portrait d'Érasme, avec l'œuvre célébrée par Morus dans son poëme, et cependant la peinture, il le déclarait, faisait songer à Quentin Melsys.

Voici comment s'exprimait l'auteur :

« L'Érasme écrivant, à Hamplon Court, n" 531 du cata- logue, peut être également considéré comme un beau por- trait authentique, bien qu'il soit tant assombri et sali que l'expression du regard s'en trouve considérablement atté- nuée. Le philosophe est assis ou debout, vêtu de la robe et coiffé du bonnet connus. Il écrit dans un livre et porte

(1) Leipzig, 1866, p. 198, Holbein und Quentin Massys in Longford Castle. (î) Some account of llie life and worli.s of flans tlotbeiu. Lorition, 1867.

H court)

655

une bague à l'index de la main droite. Celle main esl bien conservée et constitue un beau spécimen de la manière dont Holbein traitait les mains à cette époque. Le fond nous montre une armoire pourvue de rayons sont placés six volumes. Sur la tranche du livre qui occupe le rang supé- rieur, on lit HoR, pour Horace, sur le dernier volume; Novum Testament.; sur un troisième, le nom de Lucien A0YKL4N02; sur un quatrième, Hieronymus. A côté des livres pend une paire de ciseaux de forme toute moderne. L'ensemble rappelle beaucoup Quentin Melsys.

» Tout dans ce tableau est nettement précisé et les linéa- ments du dessin sont encore visibles sous le glacis brun qui les recouvre. On voit même dans les ombres des hachures qui semblent faites à la plume, et l'on croirait voir un dessin sur papier ou plutôt sur parchemin appliqué sur panneau et recouvert d'un simple vernis. Au revers du panneau, la marque de Charles P^C. R., surmontée d'une couronne (i).»

Un écrivain allemand, M. Hermann Grimm, dans des notes sur Holbein publiées en 1867 (2) fil ressortir combien cette description faisait songer au portrait de Metsys, bien qu'il ne connaissait personnellement ni le tableau de Longford ni celui de Hampton-Court. M.Woltmann, de son côté, avait consigné dans ses notes que le [)ortrait ne lui semblait en aucune façon émaner de Holbein, mais trahissait un pinceau

(i) Nous devons à l'obligeante intervention de sir William Stirling Maxwell Bart, d'avoir pu obtenir une photographie de ce portrait. On verra que l'œuvre na rien de commun avec les portraits de Holbiiii et d'Alb. Dtirer, oi) Éi'asrce est éga- lement représenté écrivant. lia été impossible d'obtenir de cette œuvre une reproduction satisfaisante, malgré de nombreux essais.

(i) Voy. WOLTMANN, p. 142.

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flamand, el il rectifiait le litre du volume supérieur. Ce n'est point HoR qu'il faut lire, mais bien },{0R.,d'Enco7muru Moriœ, l'éloge de la folie, qui avait vu le jour en 15 H et complétait, avec la traduction de Lucien, parue en 1514, celle du Nou- veau Testament et de Saint-Jérôme, publiées l'une et l'autre en 1516, la série des œuvres d'Érasme à l'époque Metsys peignit le portrait du philosophe.

Bien que nous ayons personnellement un souvenir assez précis de l'œuvre , nous ne l'avions jamais considérée que comme un Holbein d'authenticité douteuse, et la galerie du palais d'Hanipton-Court,bien que très-intéressante, renferme beaucoup de tableaux de qualité inférieure auxquels cepen- dant sont conservés des noms illustres.

Le portrait d'Érasme est, du reste, placé à une certaine hauteur, et ce n'est que récemment qu'un écrivain anglais, M. John Gough Nichols(i),a ])u, en déchiffrant les inscrip- tions, prouver indiscutablement qu'il s'agit ici de l'œuvre de Metsys, tout au moins d'une copie de celle-ci.

« Erasme, dit M. Nichols, est vu presque de profil el tourné vers la gauche (2). A sa ceinture est suspendue une escar- celle. Il écrit, et nous savons par sir Thomas More ce qu'il écrit : il commence sa paraphrase de l'Épitre aux Romains. Sur le volume placé devant lui le peintre transcrit les mots que vient de tracer sa plume : In Epislolam Pauli ad Bomanos Paraplirasis Erasmi Itoterodami. Paulits ego ille e Saulo factus, e turbulento pacificus, nuper obnoxius Legi Mosaicœ, nunc Mosi libertus Servus autem factus Jesu Ckrisli. »

()) Archœologia, t. XLIV, p. i3b', 28.

(2) C'est vers lu droite qu'il faut lire; /Ejiidius est tourné vers la gauche.

P yEoiDius PAR Q TAetsys

^MUdEE DANVEkS.J

(355

Ces mots occupent dix lignes, quatre de majuscules pour l'entêlc, six de minuscules pour le texte.

L'inscription renferme des fautes nombreuses qui prou- vent qu'il ne s'agit pas ici de l'œuvre originale. Sa disposi- tion est la suivante :

. . . HAREPriRASIS ERASMI MOTERO

. . . . A

tulus ego illc a Gau

factus a turbulcm

pacificus

liber .... scrvus . . factus ....

Sur l'autre page du livre on lit le mol VRATIA encore inexpliqué.

Voilà donc bien le portrait décrit par Morus, portrait qui a malheureusement subi de graves altérations et même, d'après M. Wornum, l'adjonction d'un encadrement destiné à le mettre en rapport avec le Frobenius de Holbein, auquel il sert de pendant.

Le portrait d'yEgidius n'étant pas contesté, il est, sans doute, inutile d'en refaire la description. Notre reproduction est exécutée d'après la copie réduite qui, au Musée d'Anvers (i), est classée dans l'œuvre de Holbein.

M. Woltmann, qui vit l'œuvre originale très-peu de temps

(i) Catalogue, \%%.

~ (>,■)()

après avoir visité le Musée d'Anvers, signala le fait, et si la Jjelle galerie anversoise perd un Holbein douteux, elle obtient en échange une répétition ancienne d'une œuvre extrême- ment intéressante d'un des plus grands peintres de l'école d'Anvers. La ville gagne pour sa part l'effigie d'un de ses enfants les plus hautement loués pour leur savoir.

Si le rédacteur de la notice insérée au catalogue du Musée d'Anvers s'est trompé en donnant pour Érasme le person- nage que l'on croit désormais être iEgidius, on ne peut méconnaître qu'il y a entre les deux personnages de si nom- breux traits de ressemblance, que les accessoires eux-mêmes suggèrent si naturellement le rapport, que l'erreur était en quelque sorte inévitable (i).

Une circonstance très-intéressante, c'est que le portrait d'Érasme de Quentin Metsys est, sans doute, la plus ancienne effigie que l'on ait faite de ce savant. Elle précède de six années l'œuvre de Hulbein envoyée en Angleterre.

Si le portrait d'/Egidius est l'œuvre de Quentin Metsys peinte en 1517, l'assertion (2) de Waagen que Holbein aurait fait à Anvers un long séjour repose sur des bases assez fra- giles. Holbein peut avoir, à la vérité, traversé la Belgique, mais M. Woltmann pense qu'il s'embarqua à Calais et envi- sage le séjour à Anvers comme problématique. Il est certain pourtant que le jeune peintre d'Augsbourg était porteur d'une

(i) M. Van Even n'admet pas cette ressemblance. La lettre adressée a la Ylaatnsche school par Tlionorable archiviste de Louvain, en octobre 1873, relevait, pour la première fois en Belgique, l'erreur du Catalogue du Musée d'Anvers en ce qui concernait l'indication du personnage. M. Van Even n'ayant pas vu les tableaux de lord Radnor, ne se prononçait pas sur leur attribution à Holbein.

(î) Celte assertion se retrouve dans le Catalogue du Musée d'Anvers (p. 207).

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letlre d'Érasme pour ^.gidius, et celle lcUre,daléc du 29 août 1526, prouve qu'il songeait à se rendre à Anvers.

« Le porteur de la présente est l'auteur de mon portrait, écrivait Érasme à .Egidius.Jenevcux pas l'importuner de son éloge; pourtant c'est un excellent artiste. S'il désire rendre visite à Quentin et que tu ne puisses l'y conduire toi-même, aie la bonté de lui faire montrer la maison par un servi- teur. »

Il est peu probable cependant que Holbein eût projeté de faire à Anvers un séjour de longue durée; car, dans ce cas, Erasmeeùtécritdirectement à Metsys et n'eût, sans doute, pas ajouté à sa lettre ce passage qu'.Egidius pouvait charger Ni peintre d'emporter en Angleterre tout ce ({u'il voudrait (i).

Nous ne pensons pas qu'il soit généralement connu que Holbein fît, au mois de mars 1558, un séjour assez prolongé à la cour de Bruxelles, comme peintre d'Henri VHI chargé par ce monarque de retracer les traits de la duchesse Christine de Milan, fille du roi de Danemark Christian YIU et nièce de l'empereur.

Cette jeune princesse était alors recherchée en mariage par le roi d'Angleterre et, selon la coutume, il y eut un échange de portraits.

L'envoyé du roi était chargé de trouver à la brillante cour de Bruxelles une princesse qui méritât l'honneur de por- ter la couronne d'Angleterre, comme quatrième femme d'Henri VHL

Le portrait de Holbein aurait, paraît-il été exécuté en trois heures. H appartient aujourd'hui au duc de Norfolk.

(l) WOLTMANN, p. 130, t. II.

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M. Woltmann qui l'envisage comme le chef-d'œuvre du maître, n'admet comme exécuté en trois heures qu'un dessin de la princesse de Milan actuellement conservé à Windsor.

Les Musées ne possèdent point d'oeuvres de Quentin Metsys portant une date postérieure à 1320. Un portrait de Knipperdolling, œuvre admirable qui figure au Musée Staedel, à Francfort, était autrefois indiqué comme da- tant de 1554, et M. Passavant, dans son catalogue de 1858, a fait ressortir la double erreur admise par les anciens livrets sur la foi d'une inscription appliquée sur le cadre : Knipver- dollmr/x, Prophef, Burçiermaister und Konirj tho Munster. Quint Metsiis efpgiabat Mens Jul. 21. Anno dr)54. Metsys était mori à cette époque depuis trois ans au moins , et si l'on se rappelle le magistral portrait de Knipperdolling d'Aldegrever, il n'y a pas la moindre relation entre le placide vieillard du Musée de Francfort et le farouche adhérent du Prophèle,

Pourtant le portrait de Francfort a tous les caractères de l'authenticité en ce qui concerne le peintre, et le fond du paysage lui-même rappelle, par le caractère et le site les belles perspectives entrevues par les baies du portique de Louvain (i).

Le personnage, vu à mi-corps et presque de face, a la tète couverte du chapeau que l'on portait à cette époque dans les Pays-Bas. C'est à proprement parler une large barette, dont les côtés sont soutenus par un ruban (jui se rattache à la

(0 Le Messager des Sciences et des Arts de la Belgique, t. VI (1838), p. 1, publie sur ce portrait une notice avec une irravure au trait, bien exécutée, mais qui ne donne de l'original qu'une idée imparfaite.

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partie supérieure du chapeau. Bernard Van Uricy, Metsys lui-même, nous apparaissent ainsi coilTés. Nous avons de- vant nous un vieillard d'une soixantaine d'années, aux che- veux grisonnants. Le nez est court et fort; une grande distance le sépare de la bouche; la lèvre inférieure est pen- dante; le menton est massif.

Le personnage, qui est vêtu d'une pelisse et porte un vête- ment de dessous fourré, a devant lui un livre sur lequel repose sa main gauche qui tient des besicles, et lève la main droite, comme pour appuyer du geste une démonstration. Une double arcade portant sur une colonette centrale que dissimule le personnage, laisse voir par ses baies le plus merveilleux paysage. A droite, sur un rocher, un vaste donjon (est-ce celui de Windsor? diront les partisans de la version d'un séjour de Quentin en Angleterre) ; à gauche, un fleuve bordé de collines boisées. Le ciel est d'une admirable profondeur et une fois encore l'on s'écrie : «où donc est pris ce paysage? » car, ainsi que le fait observer M. Fctis (i), en parlant des fonds de paysages du tableau de Louvain, « on n'invente pas une pareille nature, » et l'on se rallie difficilement à la tradition, qui veut que Metsys ait fait en Belgique un séjour ininterrompu.

Mais le portrait de Francfort a peut-être à côté de sa valeur artistique cet autre intérêt de nous donner un portrait de Metsys au déclin de sa carrière.

Aucun document écrit n'appuie celte conjecture; elle se fonde sur la ressemblance du personnage représenté, avec les deux effigies authentiques du peintre, l'une conservée

()) Loc. cit., p. 402.

(340

à Florence, l'autre donnée par Lampsonius, dans son recueil des peintres des Pays-Bas. Le personnage a vieilli, mais en étudiant chacun des (rails du visage, on retrouve dans les trois portraits les mêmes caractères.

Le nez fort, assez court et nettement accusé aux narines ; la bouche bien faite, la lèvre inférieure grosse, légèrement pendante, le menton court et droit, l'œil petit et profondé- ment enchâssé, l'arcade sourcilière enfin, d'un contour iden- tique dans chacune des images.

Des personnes qui ont eu sous les yeux la photographie du portrait (i) ont été frappées, comme l'auteur lui-même, de la nîssemblancc du personnage représenté avec l'original du portrait de Florence.

Bien que la valeur artistique du portrait de Francfort suffise à lui assurer une place importante dans l'œuvre de Metsys, le fait de représenter, en outre, le grand peintre, et dans les dernières années de sa carrière, en augmenterait singulièrement le prix.

On a vu avec quelle minutie et quelle rare adresse Metsys savait rendre à l'occasion les textes écrits et imprimés que la nécessité des sujets introduisait dans ses œuvres. Le livre ouvert sur lequel repose la main du personnage représenté dans le portrait de Francfort nous faisait espérer une révéla- tion du genre de celle qui a permis la détermination de l'Érasme et de l'^gidius.

M. Malss, inspecteur du Musée Sta3del, nous écritàce sujet: « .l'ai prié un savant de lire ces lettres et il n'a pu rien dé-

[0 M. NùiiRiNG, de Liibeck, a fait, du portrait de Francfort une excellente reproduction.

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chiffrer. Go sont de pelits coups de pinceau, ces miajuscules el. minuscules. «

Si nous fondons sur des trails de ressemblance assez nombreux une attribution au moins permise en ce qui con- cerne le portrait de Francfort, nous nous croyons autorisé à fonder sur des dissemblances absolument frappantes une rectification d'ailleurs facile en ce qui concerne un portrait de la galerie de Turin.

Il s'agit d'un portrait d'homme le personnage, un vieil- lard vu de face, enveloppé d'une pelisse et coiffé d'une barrette, tient de la main gauche une lettre qu'il semble commenter. La main droite fait un geste qui n'est pas sans analogie avec le mouvement général du portrait de Franc- fort. Le visage, absolument imberbe, est particulièrement frappant. Les yeux sont petits et clignotants; un léger sourire vient rider les joues. Le menton osseux est d'un contour singulièrement bien étudié. Les cheveux grisonnants sont assez longs et cachent complètement l'oreille. L'habit ne laisse rien visible du vêtement de dessous.

L'œuvre donnée à Holbein serait, d'après le catalogue, un portrait de Calvin.

Bien que les deux personnages fussent contemporains, l'attribution est à peine admissible. Lorsque Holbein mourut, Calvin avait à peine 54 ans, et le tableau de Turin nous montre un homme déjà avancé en âge et dont les traits n'ont aucun rapport avec ceux donnés au réformateur sur ses médailles et ses portraits bien connus.

Le démenti le plus énergique émanerait au besoin de la planche même de F. MûUer, donnée comme reproduisant une peinture de Holbein.

C42

M. d'Azeglio (i) exprime, du reste, l'avis que si ce portrait compte parmi les œuvres les plus belles de la galerie, il ne saurait l'admettre comme représentant Calvin. On ne pour- rait attribuer qu'à la maladie une altération si sensible des traits, dit l'auteur.

Il faut donc, ajoute M. d'Azeglio, se borner à admirer les qualités de l'œuvre que des connaisseurs attribuent à Holbein « et qui peut être de lui, non-seulemenl à cause de la valeur de la peinture, mais parce que le mailre a consacré son pin- ceau à la reproduction des traits des hommes les plus célèbres de son temps. »

Ces raisons sont, à coiq") sûr, bien faibles pour rendi'e une attribution irrécusable, cl certainement le portrait dont il s'agit ici fait bien plus songer à Quentin Metsys qu'à Holbein. Il importe d'ajouter que M. Woltmann, qui a fait un cata- logue raisonné des plus complets de l'œuvre de Holbein, s'abstient d'y faire figurer le portrait de Turin, et que M. Wornum, de son côté, ne fait aucune mention de ce soi- disant Calvin,

Bien qu'il puisse y avoir quelque témérité à fonder l'attri- bution des œuvres d'art sur de simples analogies. Cette ma- nière de procéder devra cependant entrer en ligne de compte lorsqu'il s'agira de remettre au jour des œuvres injustement enlevées à Metsys.

Il existe du grand peintre assez d'œuvres indiscutables pour guider l'historien (jui dans l'avenir se donnera pour mission de compléter les travaux actuellement existants par

(i) La Ileate (julleria Torino illuatrala, 1838, t. Il, p. 129.

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une monographie comparable à celle que M. Vosmacr a l'aile pour Rembrandt, M. Thausing pour Diirer, ou M. Wolt- mann pour Holbein. On nous dira un jour peul-ùlre, en procédant de la sorte, qui est l'auteur de l'admirable por- trait de famille attribué à Holbein au Musée de Gassel et que tous les connaisseurs disent flamand. On finira par sa- voir où sont les peintures de Pierre Goeck d'Alost, peintre de l'empereur Charles-Quint, de l'incomparable portraitiste, son élève. Colin de Nieuwcasteel (Nicolas de Neuchatel ou Lucidel, dont la galerie de Pesth montre des œuvres qui égalent en splendeur les plus beaux Holbein et les plus beaux Moro.

Quant à Metsys, évidemment son œuvre ne peut se borner aux quelques tableaux cités dans les catalogues.

Que sont devenus, par exemple, l'original du portrait d'Erasme, dont la copie figure à Hampton-Court, et le Saint Luc peignant la Vierge, dont x4nloine Wiericx (i) a fait une gravure portant le nom du peintre : Quintin Mazys, invenlor.

Dans un livre récent, M. Alfred Michiels (i) vient con- firmer l'attribution déjà ancienne à Quentin Metsys de quinze tapisseries conservées à Aix. « Quelques minutes d'examen, dit l'auteur, me font reconnaître lestyle dcQucnlin Metsys (3).

(i) L. Alvin, Catalogue raisonné de l'œuvre des trois frères Wiericx. Bruxelles, 186G, II' 484.

(2) L'art flamand dans Vest et dans le midi de la France. Paris, 1877, p. 489 et suiv.

(3) M. Achille Jubinal, dans ses Anciennes tapisseries historiées,\^AY\^,\^à%, avait reproduit déjà plusieurs de ces tapisseries d'Aix, en accompagnant ses planches d'un texte de M. Fauris de Saint-Vincens (1812), Metsys est mentionné comme auteur probable de plusieurs des tapisseries de la cathédrale.

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Une des tapisseries d'Aix porte la date de 1511. Le nom de l'auteur a malheureusement été enlevé. M. Fauris signale la présence des armoiries d'Angleterre et de Warham, l'ar- chevêque de Cantorbery et chancelier d'Angleterre sous Henri VIII.

M. Michiels fait ressortir la place importante que de telles œuvres doivent occuper dans la carrière de Metsys, et si l'on songe que la date de 1511 est précisément celle de l'achè- vement de son tableau d'Anvers, on pourrait expliquer en partie déjà l'emploi des longues années qui s'écoulent avant l'apparition de ses premiers tableaux positifs.

Pour le surplus, rien ne prouve que les cartons des tapis- series en question aient été exécutés en Angleterre, bien que plusieurs flamands aient travaillé à la cour d'Henri VIII, no- tamment un Jean d'Anvers, orfèvre, dont Holbein a laissé le portrait et qui fut son collaborateur dans de fréquents tra- vaux (i).

H. Hymans.

(i) Voir il ce sujet les livres de MM. Woi-tmann et Wornum.

BULLETIN DES COMMISSIONS ROYALES D'ART ET D'ARCHEOLOGIE.

A.Rems . Se

STATION BELCO-ROMAINE près di- BONNE ( Coiidros ) .

\À^V.

PL. I.

2S0.

's '7 fi y

Atteins , Se.

LUK.NHews.Gani-

STATION BELGO-ROMAINE

PRÈS DE BONNE (GONDROZ).

Parmi toutes les parties de notre Belgique moderne, le Condroz fut certes une des contrées de prédilection des Romains.

Il suffît, pour s'en convaincre, de jeter un coup d'œil sur le remarquable travail de M. Hauzeur (Voir les Annales de la Société archéologique de Namur, IV, p. 345 ; V, p. 15, et Vfl, p. 232), dans lequel il donne la nomenclature des antiquités romaines et autres découvertes faites dans le Condroz namurois.

Bien peu de localités qui n'y renferment pas quelques vestiges de l'occupation romaine.

Les environs de Bonne (commune deVierset-Barse) , localité devenue célèbre par son camp de l'époque anté-historique, sont surtout riches en antiquités gallo-romaines.

Des sépultures frankes ont, en outre, été découvertes sur plusieurs plateaux des environs, notamment au levant du camp, à un endroit nommé « Chaseille», dénomination donnée par les gens du pays et dont nous avons en vain cherché la signification. Dans ces sépultures, on trouva des squelettes, souvent placés à deux dans la même tombe, la tète au couchant et les yeux dirigés ainsi vers l'orient. A côté d'eux étaient déposés des vases, des armes en fer fortement

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rouillées et plusieurs monnaies, dont quelques-unes d'or, au dire des ouvriers terrassiers qui firent cette découverte en ouvrant une carrière. Ces sépultures étaient fermées à l'aide de pierres superposées et non reliées entre elles par du ciment; la couverture consistait en grandes dalles de grès brut. Une partie des objets exhumés a été remise à M. Lamarche, bourgmestre de Modave; malheureusement, quand nous nous sommes adressé à lui, il en avait déjà fait don à un amateur, ce qui nous empêche d'en donner la description.

Bien que la plus grande partie du plateau ait été enlevée pour l'ouverture de la carrière, il ne serait pas impossible d'y rencontrer encore quelques tombes. C'est ce que des fouilles ultérieures nous apprendront.

Sans qu'on doive attacher une trop grande importance aux légendes et aux traditions, si communes dans nos campagnes, on est cependant forcé, par l'observation des faits, de con- venir que presque toutes ont un fond de vérité, témoin la légende « des Nutons », qui avaient pour habitation des cavernes, et qui passaient pour être des êtres tantôt malfai- sants, tantôt rendant service aux habitants des localités avoi- sinantes : l'homme anté-historique est probablement, jusqu'à un certain point, l'explication à donner à cette légende, d'aucuns nous semblent avoir vu à tort les premiers mis- sionnaires chrétiens.

A la villa dont nous allons entretenir nos lecteurs, est attachée une légende d'un autre genre, se rapportant aux Sarrasins, nom sous lequel on j)cut comprendre les Bar- bares en général.

Il est communément reconnu que les paysans donnent le

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nom de « Tige» à de très-anciens chemins qui sont presque toujours d'origine romaine.

Poussé par le désir d'étudier de près et avec soin une de ces anciennes routes, le prolongement du « Tige deVyle », dont parle M. Gaumarlin dans le Bulletin de l'inslitul archéo- logique liégeois , t. VI, l'« liv. de 1863, nous fûmes amené à la découverte de notre villa. En interrogeant les habitants du pays sur le grand nombre de fragments positivement romains, tels que lessons de poterie samienne, tuileaux, etc., qui se trouvaient épars dans un champ, sur la gauche du Tige, en allant vers Ramelot, on nous dit qu'il ne fallait nulle- ment nous étonner de cette abondance de débris, car sur ce plateau avait existé du temps des Sarrasins une ville im- portante; de plus, nous dit-on, on avait découvert, il y a quelques années, en défrichant le versant nord, qui était à cette époque boisé, d'anciens fossés, une vieille roule passant à côté des constructions dont on voit encore quelques restes au milieu de la campagne, et des armes en fer, telles qu'épéés et un casque??, le tout, il est inutile de le dire, très-rouillé, ainsi que quelques monnaies.

Avec rinsouciance qui caractérise les campagnards et qui fait si souvent perdre à la science des documents précieux, on avait dispersé tous ces débris.

Telle est la tradition qu'on nous rapporta et les rensei- gnements qu'on nous fournit.

L'étude des substructions belgo-romaines donne souvent, hélas ! lieu à de grands désappointements, car les objets dé- combres sont rares, ou le plus souvent brisés. Cela se com- prend aisément à raison de la précipitation du départ des habitants à l'approche des envahisseurs; il était na-

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turci, pour eux, d'emporter ce qu'ils avaient de plus pré- cieux et de ne laisser en proie au vainqueur que leurs habitations et ce qu'ils avaient de moins important, ou qui pouvait embarrasser leur fuite. A cela qu'on ajoute le pillage, l'incendie eux-mêmes.... Telles sont, croyons-nous, les causes du peu de succès que l'on obtient dans ces re- cherches, pour enrichir les tablettes des Musées ; mais elles sont toujours, au moins, utiles à l'histoire, à l'étude des mœurs et des usages des anciens habitants, et, à ce point de vue, elles sont aussi intéressantes qu'utiles.

Objets découverts.

PI. II, fig. 1 . On pourrait penser à une fibule, mais ce qui nous empêche d'admettre cette hypothèse est la circonstance qu'un des côtés est parfaitement bien travaillé et poli pour être en évidence, tandis que l'autre est brut et d'un travail grossier, ce qui nous fait supposer qu'il était fixé soit sur du cuir, soit sur une autre matière.

Ce qui nous décide à y voir une agrafe de ceinturon est la représentation d'un objet presque semblable donné par Rich, dans son Diclionnairedes antiquités romaines et grecques, p. 158.

M. de Meester de Ravestein, dans son Catalogue du Musée de Ravestein, t. I, p. 405, donne la description d'un cein- turon dont les crochets qui servirent à y suspendre l'épée, offrent assez d'analogie avec l'objet dont nous nous occupons.

PI. II, fig. 2. Rondelle en bronze, percée d'un trou au milieu. Peut-être une partie de l'ornementation d'un coffret.

(;4î)

PI. II, fig. 5. Style à écrire en fer.

Il n'est pas douteux que cet objet ne soit un style à écrire. Un des côtés est pointu et parfaitement |)ropre à tracer des caractères sur des tablettes enduites de cire ; l'autre est aplati et disposé de façon à pouvoir aplanir la cire.

PI. II, fig. 5 et 6. Crochets en fer, qui étaient proba- blement fixés à la muraille.

PI. II, fig. 7, 8 et 9. —Objets en fer, qui paraissent avoir appartenu à une porte.

PI. II, fig. 10. Épingle à cheveux en os. Dans presque toutes les fouilles des villas on trouve de ces sortes d'épingles. Elles abondent également dans les cavernes de nos environs, nous en avons trouvé un grand nombre. Nous pensons qu'en général elles sont de fabri- cation plutôt franke que romaine; cependant, c'est une origine qui ne peut leur être attribuée ici, vu le carac- tère parfaitement romain de notre villa.

Substructîons .

Les substruclions découvertes sont assez nombreuses el se prolongent probablement dans les parcelles 44 et 47 du cadastre indiquées sur le plan.

Les murs découverts sont en général de petit appareil et formés à l'aide de moellons soigneusement équarris et reliés les uns aux autres par un ciment d'une exiréme dureté.

Nous avons retrouvé dans les déblais un grand nombre de morceaux de tuf calcaire, taillés d'une manière régulière.

Il est à supposer qu'on a employé ce tuf soit au pavage

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de certaines salles, soit pour former les écoinçons des lucarnes, etc., soil pour recouvrir les murailles en guise d'ornement, comme cela se pratique encore de nos jours dans certaines pièces de nos habitations. Il est probable, dans tous les cas, que les habitants de la villa devaient en l'aire un usage assez recherché, car on ne trouve cette for- mation que hien bas dans la vallée du Hoyoux, à environ deux lieues de la villa, et pour transporter ces matériaux à une aussi grande distance, dans un temps les communi- cations étaient difficiles, il fallait qu'on y attachât un certain prix.

Les substructions se composaient de deux caves avec niches, de cinq salles en partie pavées en tuileaux, de plu- sieurs murs dont quelques-uns plus ou moins détruits par la culture, et d'un canal fort bien conservé.

A. Pièce dont le pavé est constitué d'un lit de moellons de 0'"10 d'épaisseur, recouvert d'une couche de béton de O^OS d'épaisseur, qui est composé d'un mortier de chaux, dans lequel on a introduit de menus fragments de tuileaux.

Ces petits fragments ainsi disposés figuraient une sorte de carrelage en petits losanges. Ce carrelage est d'une telle dureté qu'il est très-dilïïcile à entamer, même avec la pioche.

Dans cette pièce, et faisant face à l'entrée à l'ouest, se trouvaient iiuit colonnes d'hypocausle de O^oO de hauteur, formées de tablettes en terre cuite rouge et de forme circu- laire de 0"'20 de diamètre.

La disposition de ces colonnes est assez remarquable. Leur adhérence au pavage de la place prouve cependant qu'ils sont bien en place el n'ont pas été dérangés (Voir

651

pi. I). Les murs de celle salle n'onl plus guère d'élévation, mais sont assez bien conservés et de petit appareil. On remarque encore en certaines places, sur les parois inté- rieures, des fragments de ciment rosaire dont la surface polie semble avoir servi de crépi.

Nous supposons que cette pièce était affectée au service de la villa. Elle avait une sortie à l'ouest , fort visible encore au point 1 sur le plan. Celte sortie n'était pas large, ce qui semblerait indiquer que la pièce A était exclusivement employée à y faire du feu. Une entrée était également réservée, désignée sur le plan en d, donnant accès dans la salle B.

H. Gaves avec niches.

Les faces intérieures de ces caves sont en belle maçon- nerie, en moellons d'appareil ayant O'"lo de largeur sur O^âS de longueur de face environ. Il y existe trois niches : a, 6, d. Elles mesurent 0"'GO de hauteur sur (r4.5 de largeur. Leur profondeur est seulement de 0™30. Elles étaient cin- trées et enduites de mortier à l'intérieur. Ces niches étaient de 1"'20 au-dessus du niveau des caves.

Ces caves mesuraient environ S^'oO de profondeur. Il ne s'y trouvait pas de pavement ou dallage, ce dernier consis- tait en grès tendre taillé ou plutôt simplement dégrossi, cette roche étant la formation qui constitue le fond du plateau sur lequel la villa est élevée.

Aucun vestige d'escalier ne se trouvait dans ces caves; leur entrée était au sud , et on y descendait peut-être à l'aide d'une rampe douce. Elle est figurée sur le plan à la lettre I. Les murailles cessent brusquement là, démolies qu'elles ont été par les agriculteurs.

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Ce qui combat l'opinion des archéologues qui voient dans les souterrains maçonnés dépendant des habitations, non pas des caves, mais des columbaria, ou locaux disposés pour recevoir dans leurs niches des urnes funéraires, c'est le texte formel de la loi des XII Tables qui défendait d'inhu- mer dans les villes (m urbe ne sepelito) ; c'est ensuite et surtout le passage cfe Legibus de Gicéron, il cite la loi qui défend de placer les tombeaux à moins de 60 pieds des habitations : propius sexaginta pedes.

D'ailleurs, l'absence totale d'urnes funéraires dans ces caves indique également qu'elles n'ont jamais servi decolum- haria, comme l'absence de statuettes de divim'tés s'oppose à ce qu'on prenne ces locaux pour des laraires : les Lares, que l'on sache, n'étaient point des divinités dont le culte devait se cacher dans les profondeurs de la terre.

D. Petit réduit pavé en tuileaux ; les murs du côté du canal ont presque complètement disparu. La pièce commu- niquait probablement avec la salle C, à côté, qui est entièrement dépavée.

B. Cette pièce est une des seules qui soient encore en assez bon état. Son dallage consiste en grandes tablettes en terre cuite rouge. Elles reposaient sur un lit de béton semblable à celui de la salle A , auquel elles étaient fixées.

Nous n'avons malheureusement pas pu en trouver l'entrée; mais, suivant la configuration des murs, une communication devait donner accès à la salle voisine C.

C. Grande pièce, dont le dallage a entièrement disparu. Les pointillés indiquent des murailles qui on! exister et dont nous avons retrouvé quelques vestiges.

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E. Salle également pavée partiellement de briquettes rouges en mauvais état de conservation.

G. Grande place, qui semble avoir été une cour inté- rieure.

F. Masse en pierres amoncelées irrégulièrement et cimentées entre elles. Son usage contre la villa est inexpli- cable. Était-ce peut-être l'intérieur d'un diamicton? Un grand et long canal K K' se trouve en contre-bas de cette masse.

Il est à environ 0'"60 sous le niveau du sol, ayant une section de 0"'25 de largeur sur O^'SO de profondeur. II (;st construit en moellons bruts et recouvert de petites dalles en grès, également brutes. Son niveau a sa naissance au point ^2 est d'environ O^oO en contre-bas du sol de la pièce 0 et à environ 2 mètres au-dessus du sol de la cave. Ce canal a probablement servi à l'écoulement des eaux de la villa, car il cesse brusquement au point K\

Les murs xx, xx sont édifiés en pierres sèches.

Les murs \jy de la cave sont construits en moellons d'appareil et au mortier.

Il est probable que notre villa n'avait qu'un étage, ou plutôt qu'un rez-de-chaussée, à en juger par le peu de débris que l'on découvre.

Nous lisons dans les discussions du X'XXV^//'' Congrès archéologique de France (Lisieux, 1870), p. 39 : « Les constructions, sous les Romains, étaient probablement en bois et en torchis, comme elles étaient au siècle dernier, et comme elles sont encore aujourd'hui (dans le diocèse de Lisieux) ; ceci provient sans doute de l'absence de pierres à bâtir et de la difficulté du transport. »

65i

M. le comte de Glymes est d'avis qu'il est impossible de construire seulement en torchis pour soutenir les pondé- reuses tuiles dont les villas étaient recouvertes. Nous ne nous rangeons pas à l'opinion de cet archéologue, qui n'a pas fait attention aux charpentes dont les remplissages seuls étaient en clayonnage ou en torchis; or ces charpentes, qu'on pouvait faire aussi fortes qu'il le fallait, devaient être en effet fort épaisses, vu l'immense quantité de clouteries et de ferrailles découvertes dans notre villa, abondance qui nous a vivement frappé et que nous avons été à même d'observer également en d'autres localités. Or, puisque l'on retrouve dans nos villas des pierres, des bas-murs, et les tuiles des toits, et que les briques font complètement défaut, sauf pour les pavements, il faut bien que les murs aient été des charpentes et de simples torchis pour remplir les vides de l'entre-croisement des solives. M. Schuermans a, du reste, trouvé des fragments de ce clayonnage (Bull, des Comm. roy. d'art et d'anhéoL, VI, p. 12:2. Voy. aussi Arm-. delà Soc. archéol.de Namur, II, p. 191).

On lit dans le compte rendu du Congrès archéologique de France tenu en 1847, p. 27 : « A l'époque gallo-romaine, les maisons de campagne, dit M. Victor Simon, occupaient un vaste emplacement, d'où l'on peut conclure qu'elles étaient peu élevées. Il est probable que la base seule était construite en pierres, et la partie supérieure en torchis : il le croit d'après la grande quantité de clous d'assemblage trouvés dans les déblais et la petite quantité de pierres qu'on y rencontre. » P. 28, M. de Gaumont appuie la remarque qui vient d'être faite, et la discussion porto, à con- clure que les maisons des particuliers étaient construites

()o:i

on bois, usage qui s'esl conlinuc pendaiil lo moyen âge. Ce qui appuie encore noire opinion sur la conslruclion des villas est le passage suivant de M. de Gaumont, dans son Abécédaire ou rudimenl d'archéologie, ère gallo-romaine, a^ édit., p. 570 : « li parait que les plus belles villas n'avaient qu'un étage, » et p. 40G : « Tout porte à croire que la plupart des villas, même les i)lus opulentes, avaient une élé- vation peu considérable, qu'elles ne se composaient guère que d'un rez-de-chaussée...... L'examen attentif des ves- tiges de nos villas gallo-romaines porte à croire que beau- coup d'entre elles n'ont été construites en pierre que jusqu'à une certaine hauteur au-dessus du pavé des appar- tements , et que le reste des murs étaient en clayon- nage. »

CONCLUSION.

Certes, si nous nous bornions à une simple description de la villa et des objets découverts, notre tâche serait im- parfaitement accomplie. Le but de l'archéologie n'est pas seulement de rechercher et de décrire les antiquités qui se trouvent éparses sur notre sol, mais surtout et principale- ment d'observer les faits constatés par les recherches et d'en déduire les conclusions les plus certaines ou au moins les plus vraisemblables.

Les substructions de Vierset-Barse, quoique placées entiè- rement hors de la ligne des voies tracées par l'Itinéraire d'Antonin et la carte de Peutinger, n'en offrent cependant pas moins un intérêt très-grand, car, nous l'avons dit plus haut, elle n'est pas isolée, et la proximité du cainj) du Pont

656

de Bonne a influer sur le choix decetemplacemenl pour l'élablissement d'une colonie.

Nous sommes ici en présence de la question suivante : Les établissements romains établis sur ce plateau (nous par- lons au pluriel, car nous sommes certain qu'il en existe beaucoup d'autres dans les environs), formaient-ils une sta- lioii importante, mansio, ou bien une simple mutatio sur une route secondaire, ou un castrum stativum, pour sur- veiller et proléger des exploitations agricoles, etc.?

Le plateau dans lequel s'étendent les substructions, est élevé au-dessus des vallées environnantes et les domine entièrement. Son accès au nord peut être facilement dé- fendu; delà, probablement, les tranchées et circonvallations qu'on nous a rapportées, la présence d'armes aux abords de ces fossés, etc. Au sud, il est plus accessible. Il se prolonge à l'est et aboutit en pentes douces à la voie romaine de Strée. A l'ouest il était protégé par le canq) de Bonne.

Le Tige de Vyle coupe le i)lateau dans toute sa lon- gueur, passant h côté du camp et s'y rattachant à l'aide d'un petit diveriiculum, puis aboutit à l'ouest, dans le village de Ramelot même, à la voie romaine de Strée.

Les environs sont riches en antiquités gallo-romaines et indiquent dans ces contrées un séjour prolongé de la popu- lation romaine ou romanisée.

Il est tout naturel que des colons aient établi leur rési- dence de préférence sous la protection immédiate de la force armée, et non en pays ouvert et loin de tout secours, surtout dans une contrée aussi peu pacifiée (pi<' 1»; l'ut notre Belgique, avec de très-courtes intermittences, depuis la lin du règne de Marc-Aurèle jusqu'à la fin do la domination romaine.

657

C'est une raison pour voir dans ces établissements, non pas seulement une simple mansio, etc., mais, au contraire, une station plus importante : Placée aux abords d'une voie (Tige de Vyle), à proximité d'un camp retranché qui la com- mandait et sous la protection duquel elle se trouvait, il est vraisemblable qu'elle a pris beaucoup de développement; en outre, les vestiges de moyens de défense sur le versant nord, indiquent qu'il y avait une protection sérieuse à exercer; enfin, la légende qui s'est perpétuée d'âge en âge jusqu'à nous, sur l'existence d'une vieille ville en cet emplacement, démontre pour ainsi dire par elle-même l'établissement d'une station importante?

Tout donc nous porte à y voir une colonie défendue par un camp retranché. Les fouilles qu'on y effectuera sans doute ultérieurement, éclairciront l'idée que voici, et que nous émettons à titre de simple hypothèse : quand le séjour des villas isolées et la culture des champs furent devenus impossibles, à raison des invasions des Barbares d'Outre- Rhin que M. Schuermans a mises en relief, et en même temps qu'on fortifiait partout les villes elles-mêmes, c'est-à-dire à partir de la fin du ii' siècle, ne fut-il pas nécessaire d'éta- blir dans les campagnes des postes de surveillance et de protection pour les colons agricoles transplantés de l'étranger sur notre sol par les empereurs?

M. de Caumont (Congrès de Bourges, 1849) a prononcé les paroles suivantes : « Les savants ont déterminé avec une grande sagacité l'emplacement des villes et des sta- tions énumérées par l'Itinéraire d'Antonin et la carte de Peutinger, mais les localités non mentionnées dans ces tableaux géographiques, et dont le nom est inconnu, n'ont

658

jx)in[ été décrites ni indiquées sur les caries. On n'a pas non plus recherché la position des villas et des édifices pu- blics ou privés qui existaient çà et dans les campagnes; on a négligé le plus souvent de noter les découvertes qui peuvent fournir des renseignements pour ce dénombrement. Bref, la géographie des localités d'origine romaine, que les itinéraires anciens qui nous sont parvenus n'ont pas citées, est encore à faire.

» C'est cette étude des localités, dont le nom est complète- ment ignoré, mais dont les vestiges sont plus ou moins im- portants, que je voudrais recommander, et que, pour ma part, j'ai commencée partoutoù j'ai pu explorer le sol français, ou me mettre en rapport avec ceux qui l'avaient étudié dans leurs contrées respectives.

» Mais on dira peut-être ; à quoi bon replacer sur la carte ancienne ces vestiges sans nom, ces villas que de riches colons avaient élevées, et qui ont péri comme les possesseurs, sans que l'histoire ait eu à s'en occuper? Cette statistique, qui sera toujours incomplète, est-elle donc digne d'occuper des esprits sérieux?

» A cette objection, je réponds que les recherches dont je viens d'indiquer l'objet, sans avoir une importance com- parable à celles des savants commentateurs des itinéraires et de la table théodosienne , s'y rattachent pourtant d'une ma- nière directe en indiquant sur quels points des Gaules la po- pulation a laissé le plus de traces de richesses et d'intensité, en procurant de nouveaux renseignements, etc. Peut-être même rectifieront-elles quelques idées sur la position de certaines localités mentionnées i)ar les documents anciens, et (jiii n':i ('té fixée, on croit les recoiinaitre, que

650

faute de renseignements plus complets ou d'indices plus concluants.

« D'ailleurs, en fait d'études, il ne faut pas toujours se poser la question d'utilité; il faut s'efforcer de connaître le plus possible, ne fût-ce même que pour satisfaire la curiosité ; les résultats utiles viendront certainement, qu'ils aient été prévus ou non . »

Plus que jamais, nous sommes convaincu de la vérité des paroles prononcées par l'honorable M. de Gaumont, car, trop souvent, on se livre aux recherches de ce genre plutôt comme passe-temps que comme étude sérieuse. Tel fouillera un tumulus, parce qu'il est plus certain d'y découvrir des objets intacts, qui abandonnera les substructions dignes cependant d'attirer l'attention au point de vue historique.

M. de Gaumont, à l'autorité duquel nous faisons volontiers appel, dit encore : « Les explorateurs manquent. Quoiqu'il y ait plus d'antiquaires aujourd'hui qu'autrefois, il y en a moins qui aient le courage d'explorer nos campagnes et surtout de s'établir près des ouvriers terrassiers pour les diri- ger; on est accoutumé à voyager commodément en voiture ou en chemin de fer, et l'on ne peut plus se décidera aller à pied ou à loger, ne fût-ce que pour quelques jours, dans un mo- deste cabaret, à proximité des fouilles à entreprendre. Voilà pourquoi on ne fait plus de découvertes d'antiquités ro- maines, et pourquoi aussi on trouve difficilement remi)loi de sommes destinées aux explorations de ce genre. »

Terminons en ajoutant que M. Bonnin, ?6i(/., 32, ne connaît qu'un seul moyen de préserver de tout outrage les vestiges des monuments romains : c'est de les rendre de nouveau à la terre.

6G0

C'est ainsi que nous avons agi pour les substruclions dont nous venons de nous occuper; de celle façon, les mains profanes n'iront pas détruire ces restes qu'on aura peut-être intérêt à examiner plus tard, dans leurs relations avec ce que le sol prolecteur recèle encore, et que les âges futurs mettront au jour.

P*"* Camille de Looz.

COMMISSION ROYALE DES MONUMENTS.

RESUME DES PROCÈS-VERBAUX.

SÉANCES

des 3, 8, 9, 10, 17, 23 et 2i novembre; des 1", 7, 8, Ifi, 21, 22 et 29 décembre ■1877.

PEINTURE ET SCULPTURE.

La Commission a approuvé :

i" Le carton d'un vitrail à pla(3er dans l'édise de Saint- .^f^'<'<i«.

I o Saint-Germain,

Germain , à Tirlemon t ; _ ' vS "'"

2" Les dessins de pierres tumulaires à placer dans les Églises auccie

i I fit de Vilvorde.

églises de Vilvorde et d'Uccle (Rrabant) ; lumuiaires.

5^ Le projet modifié du piédestal du monument à ériger Mon.nn.nt

^ •' ^ ^ Wicrtz,:. Dinaiit.

à Dinant, à la mémoire d'An t. Wiertz.

M. le Ministre de l'intérieur a communiqué, pour avis, Eglise

lie Notre-Dame,

un article de journal qui signale une modification apportée ■'^'^l;- au groupe de Michel-Ange : La Vierge et l' Enfant Jésus, "" "^"^ '^"k- appartenant ta l'église de Notre-Dame, à Bruges.

Il résulte des renseignements donnés par M. le Gouver- neur de la Flandre occidentale que le lait signalé est exact.

662

Pour couvrir la nudité de renfani, on a fait sculpter par M. Pickery un voile en albâtre qui s'adapte à la statue.

Évidemment, l'autorité ecclésiastique est absolument juge des mesures qu'il convient de prendre, dans les églises, pour sauvegarder la décence du culte. Mais, à côté de cet intérêt, il en est un autre qui mérite incontestablement toute la protection du Gouvernement : c'est la dignité de l'art et le respect des chefs-d'œuvre.

A ce dernier point de vue, il est sans doute profondé- ment regrettable de voir apporter la moindre altération à l'une des conceptions les plus célèbres d'un des plus grands génies artistiques dont s'honore l'humanité.

Il semble qu'il y aurait un moyen facile de tout concilier : ce serait de retirer l'œuvre de Michel-Ange de l'église de Notre-Dame, sauf à en restituer la valeur vénale, et de placer le groupe dans un Musée, il pourrait être exhibé dans son état primitif sans alarmer aucune suscepti- bilité.

On peut aisément calculer le prix relatif de ce chef- d'œuvre pour la fabrique, d'après les profits annuels que l'exhibition en rapporte; on pourrait en même temps, pour perpétuer le souvenir du beau legs artistique fait jadis à l'église de Notre-Dame, lui faire don d'une copie, soit en marbre, soit en bronze, à laquelle elle pourrait apporter des modifications qui laisseraient du moins l'original intact.

La Commission se plaît d'autant plus à espérer que le conseil de fabrique de Notre-Dame voudra bien se prêter à cette mesure de conciliation, qu'on a vu, il y a quelques années, l'église de Saint-Bavon, à Gand , souscrire à une transaction analogue. Les deux panneaux Adam et Eve, fai-

665

sant partie du célèbre tableau de Van Eyck : V Agneau mystique, choquaient les yeux de quelques fidèles par leur nudité. Les originaux de ces deux panneaux ont été déposés au Musée royal de peinture et des copies modifiées selon le vœu du clergé ont été remises au conseil de fabrique. Cette transaction a sauvé toutes les convenances et ménagé tous les intérêts.

Un rapport dans le sens de ce qui précède a été adressé à M, le Ministre de l'intérieur.

CONSTRUCTIONS CIVILES.

Le Collège a approuvé le projet dressé par M. l'architecte Hospue-i,ôpiiai Croquison, pour l'agrandissement de l'hospice-hôpital de Staden (Flandre occidentale).

ÉDIFICES RELIGIEUX.

PRESBYTÈRES.

La Commission a donné des avis favorables :

1" Sur les travaux de réparation et d'appropriation à exè- néparatio,. cuter aux presbytères de : Oeleghem (Anvers), Malaise sous de^îî'esilyu.r"" Overyssche, Langdorp, Ransberg sous Neerlinler (Brabanl), Blaugies, Nimy, Vaulx lez Tournai (Hainaul), Bourg- Léopold (Limbourg), Maison, Vodecée, Fagnolles (Namur);

Sur le projet d'exhaussement du presbytère de la paroisse de Notre-Dame, à Poperinghe (Flandre occidentale);

Sur les plans de presbytères à construire au hameau de Heykant, à Berlaer (Anvers), à Carlsbourg sous Pali- seul (Luxembourg) et à Hemplinne (Namur).

66/p

ÉGLISES. CONSTRUCTIONS NOUVELLES.

Ont été approuvés : cinsir.uiion {" Lcs plaiis FelaUfs à la conslrucUon d'églises :

d'églisps

V^KeS!" A Weveighem (Flandre occidentale), sous quelques ré- '''"ÀVèmn^."' ' serves qui ont été communiquées dans une conférence à M. l'architecte Croquison, et dont il a promis de tenir compte dans le cours de l'exécution ;

A La Neuville, commune de Montigny-sur-Sambre (Hainaul), sous réserve de diverses modifications à apporter aux façades dans le cours de l'exécution : architecte, M. Quinet;

A Saint-Jean-Sart (Liège). L'auteur de ces plans. M, l'ar- chitecte Castermans, s'est engagé à renforcer les colonnes intérieures, qui sont projetées en briques, par des tambours en pierre de taille;

A Awenne (Luxembourg) : architecte, M. Bouvrie; Églises 2" Les projets d'agrandissement des églises de : Staden

lie Slailen, Dion

.1 cuen.e. (Flaudrc occidcnfaie) : architecte, jM. Croquison, et Dion (Namur) : architecte, M. Luffin;

o" Les plans dressés par M. l'architecte Croquison, pour la reconstruction de la tour et du chœur de l'église de Cuerne (Flandre occidentale); Amonbiemonis. -^" Lcs dcssius dcs oljjcts d'ameublemcnt destinés aux églises de :

Molenbcek-Saint-Jean (Brabant), chaire à prêcher;

Mendonck (Flandre orientale), autel, chaire à prêcher et buffet d'orgue ;

Heure-le-Romain (Liège), buffet d'orgue.

005

TRAVAUX DE RESTAURATION.

Le Collège a émis des avis favorables :

1" Sur les projels de travaux de réparation à exécuter aux 'j''.^gi7s^'s"" églises de Notre-Dame, à Vilvorde, Langdorp, Malaise, sous Overyssche (Brabant), Nimy, Harmignies, Vaulx lez Gliimay (Hainaut), Bourg-Léopold(Limbourg) et Mohiville(Namur);

2' Sur le projet dressé par M. l'architecte Taeymans, i^^.i^t;!!;^;;^,^^^ pour la restauration de la tour de l'église de Norderwyck (Anvers);

Sur le plan relatif à la restauration de la tour de . Égiiso

' (le liiilauamp.

l'église de Buiscamp (Flandre occidentale) : architecte, M. Buyck. De même que le Comité de ses membres corres- pondants, la Commission a émis l'avis qu'il n'y a pas lieu de reconstruire les quatre tourelles d'angles et qu'il convient de restaurer purement et simplement la tour et la flèche, en conservant leur silhouette actuelle ;

4." Sur la proposition de restaurer la façade de la basse- M=i«

' ' " de N)tie-Dami!

nef sud de l'église de Notre-Dame du Sablon, à Bruxelles, à'ïii^u^dîëi. vers le portail principal : architecte, M. Schoy.

Des délégués se sont rendus à Hastière-par-delà, le Rguse

' d'IIaslièie-par-

128 novembre, avec M. le comte A. deBeauffort, gouverneur '""^• de la province deNamur, M. Dugniolle, directeur des cultes au département de la justice, et M. Dclmarmol, membre cor- respondant, pour inspecter l'église paroissiale, dont on pro- pose de confier la restauration à M. l'architecte Van Assche. Cette église, reste d'une ancienne abbaye incendiée par les Calvinistes en 15G8, date presque entièrement de l'époque romane et offre un intérêt archéologique incontestable. Le

G6C

cIhi'ui-, ravanl-cliœur cl la partie cenlrale du transept, sont seuls affectés aujourd'hui au culte. Le reste de l'église sert de grange et de remise, et dans la tour on avait établi, il y a peu d'années, un atelier de maréchal (errant.

Cette tour a presque la largeur de la nef centrale; elle est accompagnée d'une tourelle circulaire (\m renfermait l'es- calier, et il n'en existe plus que la partie inférieure. Les trois nefs forment avec la tour la partie la plus ancienne de l'édi- fice. Deux rangées de piliers carrés surmontées d'arcs plein cintre séparent la nef cenlrale des bas-côtés. Les murs présentent à l'extérieur une série d'arcades reposant sur des pilastres peu saillants. Des fenêtres hautes et étroites, éva- sées à l'intérieur, éclairent la nef centrale. Celles des col- latéraux onl été transformées et garnies de meneaux.

La porte romane j)ercée dans la première travée de la basse-nef de gauche est fermée par deux vantaux de largeur inégale et garnis de ferrures d'un beau travail.

On a démoli à une époque récente les bras du transept et les bas-côtés qui accompagnaient l'avant-chœur ; une partie seulement du bas-côté droit a été conservée. Le chœur, qui date du xiii* siècle, est séparé du reste de l'église par un escalier de plusieurs marches. Ce chœur est à cinq pans, et dans chaque face est percée une fenêtre ogivale subdivisée en deux lancettes surmontées d'un oculus ; c'est la seule partie de l'église qui soit voûtée, tout le reste est couvert d'un plafond plat moderne, mais des tracés de moulures retrouvées sur quelques poutres font sujjposer que tout l'édi- fice avait autrefois un plafond à panneaux en bois.

Il reste, pour compléter la description sommaire de l'église d'Hastière-jjar-delà, à signaler (|ucl(|ues objets intéressants

(iG7

qui y sont conservés : V une pierre tumulaire est repré- sentée gravée au trait l'image d'Alard de Ilierges, 22' abbé deWaulsort, mort en 1264, et auquel, d'après l'inscription, on doit la construction du chœur; 2" deux rangées de stalles du XV' siècle ; ces stalles, au nombre de 52, d'une grande simplicité, sont remarquables par la variété des sculptures qui ornent les miséricordes; 5" une cuve baptismale en pierre bleue, ornée de quatre tètes humaines et datant du XIV' siècle ; 4" le Christ en croix entre la Vierge et saint Jean; ces figures, placées au-dessus de l'arcade qui sépare le chœur de la nef, paraissent dater du xvi' siècle et sont poly- chromées; 5*' des fragments d'une pierre tumulaire contem- poraine de celle de l'abbé Alard et qui servent de base aux deux piliers supportant le jubé. On doit enfin signaler le pavement du sanctuaire, composé d'un curieux assemblage de pierres découpées.

Dès 1863, la Commission était saisie d'une proposition tendante à restaurer cette église intéressante. Les communes d'Hastière-Lavaux et d'Hastière-par-delà semblaient d'accord à cette époque pour affecter l'édifice aux services reli- gieux de ces deux localités, à la condition que le pont projeté sur la Meuse, et qui devait faciliter les communica- tions entre les communes, fût construit. L'église moderne d'Hastière-Lavaux devait dans ce cas être vendue et le pro- duit de cette aliénation employé à la restauration de l'ancien édifice monastique.

Aujourd'hui que le pont est établi, on ne parait plus dis- posé à adopter cette combinaison. La commune d'Hastière- Lavaux, qui compte une population de 500 habitants, entend conserver son église. Hastière-par-delà, qui n'a que

668

222 habilanls, ne peut songer à faire restaurer dans son ensemble ia grande église romane, beaucoup trop vaste pour les besoins de la paroisse. Ses ressources, d'ailleurs, sont trop restreintes pour entreprendre une restauration qui occasionnera une dépense considérable et qui est évaluée approximativement par M. l'architecte Van Assche à 80,000 francs.

Dans celte occurrence, la Commission est d'avis avec ses délégués qu'on doit renoncer à l'idée de rétablir l'église abbatiale dans son état primif et qu'on devrait se borner :

V A acquérir la partie de l'édifice appartenant à des par- ticuliers, moyennant la somme de 4,000 francs demandée l)ar les propriétaires. Il serait prudent de créer une servi- tude sur une certaine zone, afin d'empêcher qu'on élève contre ou à peu de dislance de l'église des constructions qui constitueraient un danger;

2" A restaurer seulement le chœur et l'avant-chœur qui servent aujourd'hui au culte, en les complétant par les bas- côtés et les bras du transept qui ont été démolis.

La partie antérieure de l'église serait simplement mise à l'abri des intempéries et conservée dans son état actuel, à tilre de souvenir archéologique. On pourrait examiner d'ailleurs si elle ne saurait être affectée à l'un ou l'autre service communal.

La dépense du chef des travaux indiqués ci-dessus n'at- teindrait probablement pas 25,000 francs. RgHse.ie DinaM Lcs mèmcs délégués ont inspecté les travaux en cours d'exécution à l'église primaire deDinant. La reslauralion de cet édifice suit une marche régulière. On a (erniiné depuis la dernière visite la tourelle d'angle de la lour de droite et

A.Heins , sculp':

L'ABDICATIO

TAPISSERIE DE LA SAUl

A iieln.s , sculp

L'EMPEREUR CHARLES V]

[ TAPISSERIE DE LA SALLE DJ

o

ri .

•JOtilU'tin iif'3 l'tiiiunigiriion'j ri^^mir!? lïuit ctPnnljroliuiif 1877.

W ^

Lid-L.H.heins.

LAMÉ DUC DE BRARANT

L COMMUNAL DE BRU^CELLES 1

IBuUftinbcs iommiggiong royalco Dartfl-ti'arfbci'ioAif 1B77.

Lîch KBsins.

CHARLES QUINT.

mi- COMMUNAl DE BRUXELLES^

0(59

l'on s'occupe actuellement de la construction du nouveau jubé à l'angle du transept, d'après les plans approuvés.

Il conviendra que les autorités locales soumettent pro- chainement des propositions détaillées concernant les tra- vaux à exécuter en 1878. Il y aurajieu de comprendre dans cette série la réparation des toitures, atin démettre l'église à l'abri des infiltrations. On devra également procéder, dans un délai aussi rapproché que possible, à la démolition des deux petites maisons accolées à la façade latérale vers la place publique.

Un nouveau banc de communion a été placé récemment à l'entrée du chœur. Ce meuble, qui a été exécuté aux frais de M. le curé-doyen, ne représente qu'un découpé d'arca- tures dans une planche en bois de chêne de médiocre qualité; il est d'une extrême maigreur et contraste fâcheu- sement avec l'ampleur des lignes architecturales de l'église.

Lorsque le dessin de ce banc de communion lui fut soumis, la Commission refusa de l'approuver. Elle fit remarquer que le dessin conviendrait mieux pour une balus- trade, et, se ralliant à l'avis du Comité de ses membres cor- respondants deNamur, elle exprima le regret qu'on n'exécute pas ce meuble en cuivre afin de rappeler le souvenir d'une ancienne industrie locale dont il existe encore des spécimens très-intéressants.

Le banc de communion actuel, sous le double rapport de la conception et de l'exécution, n'est pas digne de figurer dans un monument aussi remarquable que l'égHse de Dinant. La Commission a émis l'avis, en conséquence, qu'il y aurait lieu d'enlever le meuble, de le céder à l'une ou l'autre église de village et de charger M. Van Assche, qui dirige

670

la restauration de l'église, de l'étude d'un projet plus artistique, mieux en rapport avec l'importance du monument et dans l'exécution duquel entreraient les deux principaux objets de l'ancienne industrie dinantaise : le marbre noir et le cuivre.

Le Secrétaire Général,

J. Rousseau.

Vu en conformité de l'article 25 du règlement.

Le Président,

Wellens.

TABLl^: DES MATIÈRES.

Pages,

Commission royale des inoimmeiits. Ilésumé des procès-ver- baux des séances des mois de janvier et de février 1877. . 5

Le baron F. de Roisin, par M. J. Ruttiens . . . .15

La sculpture flamande et wallonne du xf au xix'^ siècle (Suite), par M Jean Rousseau 1!»

Épigraphie romaine de la Belgique (Suite). Inscriptions romaines de Metz et de Bavay, par M. H. Schuermans . 08

Les grandes armoiries du duc Charles de Bourgogne. Réplique à la réponse de M. le Conservateur en chef de la Bibliothèque royale de Bruxelles, par M. Cn. De Br^ou. . , . 1:21

L'établissement belgo-romain de Rumpst, par M. Camille Van Dessel IH

Albert Durer et Lucas de Leyde. Leur rencontre à Anvers, par M. H. Hymans 17-2

Étude sommaire sur la construction de Téglise de Notre-Dame, au Sablon, à Bruxelles, par un archéophile .... 182

Essai historique sur les tapisseries et les tapissiers de haute et de basse-lice de Bruxelles (Stiite), par M. Alphonse Wauters. 19i

Commission royale des monuments. Résumé des procès-ver- baux des séances des mois de mars et d'avril 1877 . . 234

Ad. Van Soust de Borkenfeldt, par M. Jean Rousseau . . 241

Essai historique sur les tapisseries et les tapissiers de haute et de basse-lice de Bruxelles (Suite), par M. Alphonse Wauters. 233

Épigraphie romaine de la Belgique, par M. H. Schuermans . 556

Les vitraux de l'ancienne église abbatiale des Dames Nobles de Herckenrode, par M. Jules Helbig 566

Commission directrice du Musée d'armures et d'antiquités. Extrait des procès-verbaux des séances .... 585

Commission royale des monuments. Résumé des procès-ver- baux des séances des mois de mai et de juin 1877 . . 586

Renseignements inédits sur les artistes qui ont exécuté le tabernacle et la balustrade en cuivre de l'église de Saint- Jacques, à Louvain, par M. Ed. Van Even .... 595

Les origines antiques du rasoir moderne. Transformations successives du rasoir depuis l'antiquité, par M. D.-A. Van Bastelaer, Président de la Société archéologique de Charleroi. 429

II

Pages

Remparts d'Arlon et de Tongres, par M. H. Schuermans . . 451 Bibliographie, par M. H. S 503

Commission royale des monuments. Résumé des procès-ver- baux des séances des mois de juillet et d'août 1877 . . 515

Essai historique sur les tapisseries et les tapissiers de haute et de basse-lice de Bruxelles (Suite), par M. Alphonse Wauters. 525

L'auteur du retable de 1493 du Musée de la Porte de liai, à Bruxelles, par M. Ed. Van Even . . . . 581

Commission royale des monuments. Résumé des procès-ver- baux des séances des mois de septembre et d'octobre 1877. 599

Quentin Metsys et son portrait d'Érasme, par M. H. Hymans . G15

Station belgo-romaine près de Bonne (Condroz), par M. le Prince Camille de Looz. ........ G45

Commission royale des monuments. Résumé des procès-ver- baux des séances des mois de novembre et de décembre 1877. GGl

PLANCHES.

Tètes-consoles de la salle échevinale d'Ypres . Statue de Sainte-Catherine, à Courtrai .

Tabernacle de liai

Portail de la cathédrale de Tournai. Figures du tombeau de Philippe le Mardi. Antiquités trouvées à Rumpst . . . Marque de Jean Van der Roost Monument Bourdon, à Liège ....

Origiiu'S du rasoir

Maître-autel, autels latéraux et chaire à prêcher

d'Oflus (Brabant), pi. 1, II cl 111 . Portrait d'Érasme, par Quentin Metsys . Portrait de Piern; Egidius, par Quentin Metsys •Statiuii belgu-romaine près de Bunne (Condroz), {)1.

Pages.

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